| 16/03/2005  CROATIE-UNION 
                EUROPÉENNE Report du lancement des négociations
 Les 25 ont adopté le cadre de négociation 
                d'adhésion avec Zagreb en attendant de constater une pleine 
                coopération avec le TPIY
  
                 "En 
                l'absence d'un commun accord", le Conseil des 
                ministres de l'Union européenne réuni 
                à Bruxelles le 16 mars 2005, a décidé 
                de reporter l'ouverture des négociations 
                d'adhésion avec la Croatie, qui devaient 
                commencer le lendemain. Cette décision intervient 
                en dépit des efforts entrepris, jusqu'ici sans 
                succès, par le gouvernement croate pour localiser 
                le général Gotovina, 
                recherché par le Tribunal pénal de La 
                Haye (TPIY) et en fuite depuis 2001. L'échec 
                à répondre à cette exigence du 
                Tribunal, la seule sur 626 à n'avoir pas été 
                honorée, a conduit le Conseil à décider 
                que les négociations débuteront dès 
                qu'il "aura constaté que la Croatie coopère 
                pleinement avec le TPIY". Le Conseil a néanmoins 
                souhaité adresser un signal positif en adoptant 
                le cadre de négociation avec la Croatie, selon 
                lequel l'acquis communautaire est désormais 
                divisé en 35 chapitres. 
                 
                  | CONCLUSION 
                    DU CONSEIL CONCERNANT LA CROATIE, 16 mars 2005 |   
                  | BRUXELLES 
                      - Le Conseil a rappelé les conclusions du Conseil européen 
                      de juin 2004 suivant lesquelles la Croatie est un pays candidat 
                      à l'adhésion et qu'une conférence intergouvernementale bilatérale 
                      devrait être convoquée afin d'entamer les négociations. 
                      Il réaffirme l'engagement de l'Union européenne en faveur 
                      de l'adhésion de la Croatie.  Le 
                      Conseil s'est félicité que les travaux concernant le cadre 
                      de négociation présenté par la Commission aient été menés 
                      à bien et a adopté ce cadre.  Le 
                      Conseil a rappelé l'importance d'une coopération pleine 
                      de tous les pays des Balkans occidentaux avec le TPIY ; 
                      il s'agit d'une exigence essentielle pour la poursuite de 
                      leur rapprochement de l'UE. Le Conseil a également rappelé 
                      les conclusions du Conseil européen de décembre 2004.  A 
                      cet titre, après délibération du Conseil et en l'absence 
                      d'un commun accord, l'ouverture des négociations d'adhésion 
                      est reportée.  La 
                      conférence intergouvernementale bilatérale sera convoquée 
                      d'un commun accord dès que le Conseil aura constaté que 
                      la Croatie coopère pleinement avec le TPIY.   |  La 
                Croatie "va de l'avant et il n'y a aucune raison 
                de se montrer triste ou déçu", a déclaré 
                le premier ministre croate Ivo Sanader en réaction à 
                la décision de l'Union européenne de repousser l'ouverture 
                des négociations d'adhésion avec Zagreb. Réagissant 
                à la décision des ministres des affaires étrangères 
                de l'UE de reporter la date d'ouverture des négociations 
                avec Zagreb, le premier ministre croate Ivo 
                Sanader a déclaré que, même s'il "ne 
                pouvait pas être heureux" d'une telle issue, il se 
                satisfaisait néanmoins du fait que l'Union ait adopté 
                un "cadre de négociation" devant servir de base 
                à de futures discussions. Selon M. Sanader, les ministres 
                européens des affaires étrangères n'ont pas 
                conclu que "la Croatie n'a pas fait tout son possible [pour 
                capturer le général Ante Gotovina, accusé 
                de crimes de guerre par le TPI de La Haye]", et seuls quatre 
                ou cinq Etats membres se sont opposés à une ouverture 
                immédiate des négociations (sept Etats y étant 
                favorables, le reste demeurant neutre). Le 
                ministre croate des affaires étrangères et de l'intégration 
                européenne, Mme Kolinda 
                Grabar-Kitarovic, a également indiqué que les 
                autorités de Zagreb n'entendaient pas intensifier leur 
                efforts en vue de la capture de Gotovina, pour la simple raison 
                qu'elles "coopéraient déjà pleinement 
                avec le tribunal de La Haye". 
                 
                  | LIENS |   
                  |  La 
                      Croatie, près du but? ("Cause 
                      commune", France Culture, 17/03/2005), avec 
                      avec Georges-Marie 
                      Chenu, ancien ambassadeur de France à 
                      Zagreb, Marc Gjidara, juriste, Doris Pack, député 
                      européenne, Louise 
                      L. Lambrichs (Nous ne verrons jamais 
                      Vukovar - ed. Philippe Rey - janvier 2005), 
                      Jean-Arnaud Dérens, rédacteur en 
                      chef du Courrier des Balkans, Joseph Krulic, 
                      historien - écouter 
                      l'émission.
  Gotovina 
                      arrêté en Espagne
 |  Le 
                président croate, Stjepan Mesic, 
                a estimé que son pays ne devait "pas se désespérer, 
                mais plutôt faire en sorte de remplir les critères 
                requis". Démocrates 
                pro-européens Les 
                dirigeants des deux principales formations politiques du pays 
                ont déclaré que Zagreb devait continuer ses préparatifs 
                en vue de sa future entrée dans l'UE. "Ce n'est pas 
                parce que Bruxelles se trompe au sujet de la Croatie que la Croatie 
                doit se tromper à propos d'elle-même", a ainsi 
                affirmé Ivica Racan, chef de file du Parti social-démocrate 
                (opposition).  
                 
                  | LA 
                      COOPÉRATION 
                      AVEC LE TRIBUNAL PÉNAL 
                      INTERNATIONAL POUR L'EX-YOUGOSLAVIE (TPIY) |   
                  | En 
                      proie à une agression militaire meurtrière 
                      en 1991, la Croatie fut le premier pays d'Europe a être 
                      confronté aux violations massives du droit humanitaire 
                      et des droits de l'homme après la Seconde Guerre 
                      mondiale. L'expulsion de centaines de milliers de Croates 
                      de chez eux et le meurtre massif de 13 000 personnes, 
                      a conduit la Croatie à être la première 
                      à réclamer, dès l'automne 1991, l'instauration 
                      d'un tribunal international pour juger les nombreux crimes 
                      de guerre commis sur son territoire par l'armée yougoslave 
                      et les milices serbes.  Le 
                      tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie 
                      (TPIY) a finalement instauré le 22 février 
                      1993, par la résolution 808 du Conseil de sécurité 
                      de l'ONU, et la Croatie compte parmi ses pays fondateurs. 
                      Celle-ci est aussi, à ce jour, le seul pays à 
                      avoir promulgué, dès le 19 avril 1996, 
                      une Loi constitutionnelle de collaboration avec le TPIY. 
                      Par plusieurs fois, le Parlement croate a réaffirmé 
                      son attachement à la pleine coopération avec 
                      le TPIY, notamment dans ses résolutions et déclarations 
                      adoptées en 1999, 2000, 2001 et en 2002. La Croatie 
                      a par ailleurs ratifié le statut de Rome de la Cour 
                      pénale internationale. Cas 
                      unique, en octobre 2002, le président croate Stipe 
                      Mesic s'est rendu en personne au TPIY, pour y déposer 
                      en tant que témoin. Fin 2002, la Cour constitutionnelle 
                      croate a confirmé la primauté du TPIY sur 
                      les instances juridiques nationales. Cette collaboration 
                      a été facilitée par l'ouverture à 
                      Zagreb d'un bureau du Procureur du TPIY, dont les enquêteurs 
                      sont habilités à mener leurs investigations 
                      sans être tenus d'en informer le gouvernement croate 
                      ni la Direction pour la collaboration avec le TPIY instaurée 
                      au sein du ministère de la Justice.  Le 
                      gouvernement croate a par ailleurs ouvert ses archives dans 
                      lesquelles une quarantaine d'enquêteurs du TPIY ont 
                      pu travailler un an durant et y copier quelque 57.000 documents. 
                      La plupart des 626 demandes soumises à Zagreb par 
                      le TPIY jusqu'en mars 2005 ont été traitées 
                      dans un délai compris généralement 
                      entre 25 et 60 jours. A ce jour, la seule d'entre elles 
                      que la Croatie n'a pas été en mesure d'honorer 
                      concerne la localisation du général Gotovina, 
                      en fuite depuis l'été 2001.  Dès 
                      son élection à la tête du gouvernement 
                      croate en décembre 2003, Ivo Sanader s'est engagé 
                      à intensifier ses efforts dans ce domaine et promis 
                      une pleine coopération 
                      avec le TPIY. En avril 2004, le Procureur général 
                      du TPIY a d'ailleurs considéré que la Croatie 
                      "coopère pleinement" avec le Tribunal. 
                      Ceci a été confirmé par la Commission 
                      européenne dans son Avis 
                      positif sur la base duquel le Conseil européen de 
                      juin 2004 
                      a octroyé le statut de candidat à la Croatie. 
                      Depuis, le gouvernement croate n'a cessé ses recherches 
                      dans l'affaire Gotovina, sans aboutir 
                      à une piste tangible. En dépit de l'intensification 
                      de ces efforts qui ont atteint un degré jusqu'ici 
                      inégalé, la coopération de la Croatie 
                      avec le TPIY a cette fois-ci été jugée 
                      insuffisante. |  Le 
                leader de la minorité serbe de Croatie, Milorad Pupovac, 
                député au Parlement croate, a regretté la 
                décision du Conseil des ministres de l'UE et renouvelé 
                son soutien au gouvernement croate, estimant que "l'UE est 
                une priorité absolue" pour tous les "patriotes 
                croates démocrates et pro-européens". "Nos 
                amis européens doivent comprendre qu'un dilemme 'UE ou 
                Gotovina' n'est pas bon", a-t-il ajouté.(avec Euractiv)
 
 REVUE 
                DE PRESSE La 
                Croix, 11/03/2005UNION EUROPÉENNE
 La Croatie 
                dit coopérer « pleinement » avec 
                le TPI
 Le 
                président croate se défend de vouloir soustraire 
                le général Gotovina à la justice internationale. 
                Bruxelles exige qu'il soit livré avant de parler d'adhésion 
                à l'UE.  ZAGREB, 
                envoyé spécial.  Une 
                semaine, c'est ce qu'il reste à la Croatie pour 
                retrouver le général Ante Gotovina, héros 
                de la libération du pays lors de la courte guerre de 1995 
                contre les Serbes, mais accusé de crimes de guerre par 
                le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye. La Croatie 
                devrait, en principe, être invitée à engager 
                des négociations d'adhésion à l'Union européenne 
                jeudi prochain. Mais si elle ne livre pas le général 
                Gotovina au tribunal, Bruxelles devrait repousser l'ouverture 
                de négociations à une date non précisée. 
                La décision sera prise mercredi par le Conseil européen. 
                D'ici là, les autorités croates s'efforcent de prouver 
                qu'elles font bien tout leur possible pour retrouver le général 
                en fuite. Et tentent de minimiser, par avance, l'impact d'un éventuel 
                refus.  « 
                Il ne faut pas faire un fétiche de la date du 17 mars, 
                indique ainsi le président croate Stipe Mesic, recevant 
                un petit groupe de journalistes. Le plus important pour nous est 
                d'avoir reçu un avis positif qui nous ouvre une possibilité 
                d'adhésion à l'Union européenne. » 
                Un détachement qui semble un peu forcé.  La 
                Croatie est incapable de mettre la main sur le général. 
                « Ante Gotovina possède un passeport français 
                (1). Il a vécu au Paraguay et il a acquis 
                un passeport paraguayen. C'est un aventurier qui ne prend en compte 
                que ses intérêts. Nous ne savons pas encore combien 
                de passeports il possède... Mais la Croatie est aujourd'hui 
                la dernière adresse où il pourrait être », 
                plaide le président croate, ajoutant cependant : « 
                C'est un fait que nous n'avons pas livré Ante Gotovina 
                lorsque nous aurions pu le faire, lorsque l'acte d'accusation 
                nous est parvenu. À ce moment, la réaction de nos 
                autorités fut lente. »  Stipe 
                Mesic veut convaincre qu'aujourd'hui la Croatie fait tout pour 
                remplir cette condition qui lui a été posée 
                par l'Union européenne. Il explique que des investigations 
                ont été engagées pour vérifier si 
                une partie de l'argent versé par la diaspora pour payer 
                l'effort de guerre, en 1995, n'a pas été détourné 
                pour financer la fuite du général. Ce mercredi soir, 
                il est déjà 19 heures et le président s'apprête 
                à animer un conseil de sécurité où, 
                à nouveau, avec l'ensemble des ministres concernés, 
                les différentes pistes seront examinées.  
                 
                  | LE 
                      CAS GOTOVINA |   
                  |  Le 
                      général Gotovina 
                      a été inculpé de crimes 
                      de guerre et de crimes contre l'humanité 
                      par le TPIY, le 21 mai 2001, pour son rôle 
                      de commandant de la Zone opérationnelle 
                      de Split durant l'opération "Tempête", 
                      déclenchée en août 1995 pour 
                      libérer les territoires de la Croatie 
                      occupés par l'armée serbe depuis 
                      1991. Nommé Inspecteur général 
                      de l'armée croate le 12 mars 1996, il 
                      a été mis à la retraite 
                      le 29 septembre 2000.
 Initialement 
                      confidentielle, l'accusation a été 
                      rendue publique le 26 juillet 2001. Le 23 juillet 
                      2001, le Tribunal de grande instance de Zagreb 
                      a délivré un mandat d'arrêt, 
                      suivi le 21 août par Interpol. Néanmoins, 
                      le général Gotovina, sans doute 
                      alerté par des rumeurs, avait pris la 
                      fuite peu avant et n'est pas réapparu 
                      depuis. Ancien légionnaire, ayant acquis 
                      la nationalité française à 
                      ce titre, il s'était vu renouveler son 
                      passeport français, quelques semaines 
                      auparavant.  Depuis, 
                      les plus hautes autorités croates l'ont 
                      appelé à se rendre à La 
                      Haye par des appels publics. La police a mis 
                      ses proches et ses avoirs sous étroite 
                      surveillance dans l'intention de retrouver sa 
                      trace. Sans succès. En juin 2003, un journaliste 
                      du magazine croate Nacional parvient cependant 
                      à entrer en contact avec lui et à 
                      l'interviewer "dans un pays de l'UE", 
                      selon ses dires. C'est sa dernière manifestation 
                      publique en date. Le 28 août 2003, la résolution 
                      1503 
                      du Conseil de Sécurité cite pour 
                      la première fois le nom de Gotovina, aux 
                      côtés de ceux des criminels bosno-serbes 
                      Ratko Mladic et Radovan Karadzic, accusés 
                      de génocide en Bosnie-Herzégovine, 
                      où près de 200.000 personnes ont 
                      été tuées. Dès lors 
                      le cas Gotovina, jusque-là relativement 
                      secondaire, devient une des affaires prioritaires 
                      du TPIY. Le 24 février 2004, le TPIY modifie 
                      l'acte 
                      d'accusation initial. Peu 
                      après, le gouvernement croate fixe à 50.000 
                      euros la prime pour toute information susceptible d'aider 
                      à sa localisation et à son interpellation. 
                      A cet effet, deux lignes téléphoniques spéciales 
                      joignables 24h/24 sont mises en place à la cellule 
                      du ministère de l'Intérieur chargée 
                      de coordonner les efforts de recherche. La totalité 
                      des 22.000 policiers croates ont reçu des consignes 
                      réclamant d'eux la plus haute mobilisation sur cette 
                      affaire et leur enjoignant de signaler tout indice susceptible 
                      de retrouver sa trace. Chaque rumeur est en effet systématiquement 
                      vérifiée, même la plus fantaisiste. 
                       Etant 
                      donné que les noms de plusieurs pays d'Europe et 
                      d'Amérique ont circulé, la police croate a 
                      demandé l'aide des pays concernés. Le gouvernement 
                      croate a même proposé l'établissement 
                      d'une "task force" réunissant les services 
                      européens, qui serait chargé de le retrouver. 
                      Pour le seul mois de février 2005, la police croate 
                      a procédé à plus de 2200 perquisitions 
                      et vérifications, 65 000 contrôles ciblés de 
                      voitures, 3 000 inspections de bateaux, 23 000 
                      contrôles de personnes aux frontières (cette intensification 
                      des contrôles ayant entraîné une baisse de la criminalité 
                      de 10%).  Malgré 
                      ces efforts, aucune piste indiquée, anonyme ou provenant 
                      du TPIY, ne s'est jusqu'à présent révélée 
                      convaincante ni digne de foi. S'alignant sur une mesure 
                      européenne d'octobre 2004 permettant de geler les 
                      avoirs des personnes inculpées par le TPIY, une loi 
                      similaire a dernièrement été votée 
                      en Croatie, afin de l'appliquer au cas Gotovina. Le président 
                      croate Stipe Mesic a souligné cependant à 
                      plusieurs reprises que la Croatie était certainement 
                      le pays le moins sûr pour Gotovina, compte tenu du 
                      fait qu'il y serait reconnu par le premier venu. N'étant 
                      pas en mesure produire l'impossible preuve de sa "non-présence" 
                      sur le territoire croate, Zagreb a tout au plus pu faire 
                      part de ses fortes présomptions laissant penser que 
                      Gotovina ne s'y trouvait pas.  L'opération 
                      Tempête. Menée du 4 au 7 août 
                      1995 sur 
                      ordre du gouvernement croate, l'opération "Tempête" 
                      a permis à la Croatie de libérer près 
                      d'un quart de son territoire occupé depuis 1991 par 
                      l'armée serbe. Un mois après le massacre de 
                      la Zone de sécurité de Srebrenica, en Bosnie, 
                      l'opération a également permis de secourir 
                      230 000 Bosniaques assiégés pendant plus 
                      de 3 ans dans la Zone de sécurité de 
                      l'ONU de Bihac. Enfin, elle a permis de mettre un terme 
                      à quatre ans de guerre en ex-Yougoslavie en créant 
                      les conditions militaires 
                      qui ont conduit aux accords de paix de Dayton-Paris.  La 
                      libération du territoire croate s'est cependant accompagnée 
                      de l'exode de 90 000 civils serbes et de 30 000 
                      militaires et paramilitaires qui ont procédé 
                      à cette évacuation 
                      planifiée avant l'arrivée des troupes 
                      croates (qualifiée parfois d'auto-nettoyage 
                      ethnique) et malgré les appels 
                      radiotélévisés de la présidence 
                      croate invitant la population serbe à attendre l'arrivée 
                      de l'armée croate.  C'est 
                      dans les semaines qui ont suivi la reconquête de ce 
                      territoire (grand comme deux fois la Corse) et alors que 
                      les troupes d'assaut de l'armée croate participaient 
                      déjà à la libération de la Bosnie 
                      occidentale aux côtés de l'armée 
                      bosniaque, que des dizaines d'exactions 
                      à l'encontre des rares Serbes restés sur place 
                      et disséminées sur l'ensemble territoire sont 
                      venues entacher cette victoire militaire, loin derrière 
                      le front. La plupart des crimes commis furent le fait de 
                      groupes ou d'individus incontrôlés, de profiteurs 
                      de guerre. Pour la vingtaine de cas élucidés, 
                      la justice croate a condamné les auteurs de ces crimes 
                      à des peines allant de 4 à 20 ans de prison. 
                      Trois mois plus tôt, lors de l'opération 
                      "Eclair" menée par l'armée croate 
                      pour libérer la Slavonie occidentale, les observateurs 
                      indépendants avaient conclu à son caractère 
                      militairement exemplaire.  L'accusation 
                      contre Gotovina. Selon 
                      l'acte d'accusation du TPIY 
                      Ante Gotovina aurait "participé avec d'autres 
                      personnes, dont [...] le président Franjo Tudjman, 
                      à une entreprise criminelle commune dont l'objectif 
                      assigné était de chasser définitivement 
                      par la force la population serbe de Krajina. [...] L'accusé 
                      agissant seul et/ou de concert avec d'autres personnes dont 
                      [...] le président Franjo Tudjman, a planifié, 
                      incité à commettre, ordonné, commis 
                      ou de toute autre manière aidé et encouragé 
                      à planifier, préparer ou exécuter ces 
                      expulsions et déplacements forcés de la population 
                      serbe de Krajina". Selon 
                      l'accusation encore, "entre le 4 août 1995 
                      et le 15 novembre 1995, les forces croates ont tué 
                      au moins 150 Serbes de Krajina". L'acte d'accusation 
                      fait néanmoins spécifiquement référence 
                      au meurtre de 32 personnes, dont 8 demeurent non identifiées. 
                        
                      Pour l'opinion publique croate, l'ouverture de ce procès 
                      est d'autant plus importante que ce n'est qu'à la 
                      barre du Tribunal que pourront être contestées 
                      les formulations les plus graves de l'accusation (expulsion 
                      délibérée des Serbes), celles qui tendent 
                      à remettre en question la légitimité 
                      de la libération du territoire croate en l'assimilant 
                      à "une entreprise criminelle commune". 
                       En 
                      effet, nombreux sont ceux qui en Croatie espèrent 
                      que l'ouverture du procès permettra d'établir 
                      une distinction claire entre les objectifs 
                      politiques légitimes de l'opération militaire 
                      croate (restauration de l'intégrité territoriale 
                      et de la souveraineté croate sur les territoires 
                      occupés par la force et le nettoyage ethnique en 
                      1991) et les exactions commises par certains. Une raison 
                      supplémentaire à la détermination du 
                      gouvernement croate à rechercher activement le général 
                      Gotovina. |  « 
                Nous avons reçu 626 demandes d'aide de la part 
                du tribunal et nous avons répondu positivement 
                à 625, plaide-t-il. Gotovina est la seule demande 
                non remplie. Nous avons bien une pleine coopération 
                avec le TPI. Il existe une telle pression sur ce cas. 
                C'est vrai que jusqu'en l'an 2000, la Croatie n'était 
                pas un État de droit. Il y existait des structures 
                entières qui aidaient le général 
                Gotovina. Mais aujourd'hui, les choses ont changé. 
                C'est quelque chose que Carla Del Ponte (NDLR : procureur 
                du TPI) et Bruxelles devraient prendre en compte. » 
                Stipe Mesic contre-attaque en indiquant qu'un éventuel 
                renvoi du début des négociations d'adhésion 
                de la Croatie à une date ultérieure ferait 
                le jeu, dans son pays, des nationalistes qui n'espèrent 
                qu'une occasion de revenir au pouvoir. « Certaines 
                forces veulent une Croatie isolée, où 
                les standards européens ne sont pas respectés, 
                où les lois sont mises en oeuvre de façon 
                sélective, où l'on n'observe plus les 
                règles d'un État de droit. De telles 
                forces profitent de la situation actuelle. » 
                À l'appui de sa démonstration, il cite 
                les sondages d'opinion. Depuis quelques semaines, le 
                soutien à l'UE est passé en dessous des 
                50 % dans son pays.  Alain 
                Guillemoles  (1) 
                Il a servi dans la Légion étrangère.
  
 Le 
                Monde, 16/03/2005La fuite d'un chef de guerre entrave l'adhésion 
                de la Croatie à l'UE
  
                Le report de l'ouverture des négociations 
                d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne 
                apparaît désormais quasi inéluctable, malgré 
                le baroud d'honneur du premier ministre croate, Ivo Sanader, pour 
                plaider la cause de son pays mardi à Bruxelles.   Thomas 
                Ferenczienvoyé spécial à Zagreb
 En 
                Croatie, l'opinion publique ne comprend pas pourquoi 
                l'Union européenne subordonne l'ouverture des négociations 
                d'adhésion à l'arrestation du général 
                Ante Gotovina et à son transfert devant le Tribunal pénal 
                international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye, où 
                il est accusé de crimes de guerre commis en 1995 lors de 
                la reconquête par les Croates de la Krajina. Le Conseil 
                européen avait donné son feu vert en décembre 
                2004 pour que ces négociations commencent officiellement 
                le 17 mars, "pour autant que la Croatie coopère pleinement" 
                avec le TPIY. Lundi 
                14 mars, le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, 
                président en exercice du Conseil européen, a jugé 
                que ce n'était pas le cas et déçu les derniers 
                espoirs des Croates. "Les négociations commenceront 
                le 17 mars, à condition que le général Gotovina 
                soit transféré. Et cela doit être fait", 
                a affirmé M. Juncker à Bruxelles devant des parlementaires 
                européens. A Paris, le ministre français des affaires 
                étrangères, Michel Barnier, a tenu ce lundi des 
                propos similaires. Tout en estimant que la Croatie était 
                "sur le bon chemin", M. Barnier a rappelé qu'une 
                coopération totale était nécessaire avec 
                le Tribunal pénal international. "C'est une condition 
                importante sur laquelle personne ne peut transiger avant que les 
                négociations commencent", a-t-il dit. La décision 
                d'ouvrir ou non des négociations sera prise mercredi 16 
                mars par les ministres des affaires étrangères des 
                Vingt-Cinq. A 
                Zagreb, on souligne que la Croatie a répondu positivement 
                à 625 des 626 demandes du tribunal. La punir pour ne pas 
                avoir été capable de localiser le général 
                Gotovina serait injuste, estiment ceux qui croient à l'Europe 
                et s'inquiètent des retards que risquent de prendre les 
                négociations. "Le 
                choix ne doit pas être entre l'Europe et Gotovina, soulignait 
                la semaine dernière le président croate, Stipe Mesic, 
                recevant une délégation du club français 
                Grande Europe. La grande majorité de la population est 
                pour l'adhésion. J'espère que Bruxelles en tiendra 
                compte." Selon Milorad Pupovac, chef de la minorité 
                serbe, deux erreurs de méthode ont été commises 
                : la Croatie a eu tort de se focaliser sur la date du 17 mars 
                et l'Union européenne sur le cas du général 
                Gotovina. Le danger, ajoute-t-il, est que le blocage, s'il persiste, 
                favorise les forces les plus anti-européennes, qui ne veulent 
                pas des réformes auxquelles la perspective d'entrer dans 
                l'Union contraint la Croatie. M. Pupovac n'est pas le seul à 
                redouter la montée d'une vague d'euroscepticisme, alors 
                même que les sondages montrent un net recul, en quelques 
                mois, du sentiment pro-européen. La 
                Croatie a-t-elle vraiment tout fait pour retrouver la trace du 
                général Gotovina ? "Nous pouvons démontrer 
                que nous avons fait le maximum", affirme la nouvelle ministre 
                des affaires étrangères, Kolinda Grabar-Kiratovic. 
                Le porte-parole du ministère de l'intérieur, Zlatko 
                Mehun, explique que, depuis l'émission d'un mandat d'arrêt 
                par le tribunal de Zagreb, en 2001, la police a multiplié 
                les opérations, promettant même une importante récompense 
                à toute personne qui apporterait une information pouvant 
                conduire au général Gotovina. Dragutin Cestar, chef 
                de la police criminelle, estime que la police a fait et continue 
                de faire son travail sans la moindre complaisance à l'égard 
                du fugitif. Il 
                suffit de parcourir la chronologie présentée par 
                Zlatko Mehun pour constater que les recherches sérieuses 
                n'ont vraiment commencé qu'en 2003, deux ans après 
                l'émission du mandat d'arrêt. Le président 
                Mesic reconnaît lui-même que la Croatie n'a pas livré 
                le général Gotovina quand elle aurait pu le faire. 
                "Plusieurs occasions ont été manquées", 
                note Milorad Pupovac. Certains secteurs de l'Etat, en particulier 
                les services spéciaux, sont accusés d'avoir protégé 
                le fugitif. Selon 
                Jacques Wunenburger, chef de la délégation de la 
                Commission européenne à Zagreb, le changement de 
                premier ministre, en décembre 2003, a donné un coup 
                d'accélérateur aux recherches, ce qui a conduit 
                Carla Del Ponte, procureure du Tribunal de La Haye, à porter 
                un jugement positif et la Commission, suivie par le Conseil, à 
                rendre un avis favorable. Mais, une fois ces résultats 
                acquis, les efforts se sont relâchés dans la seconde 
                moitié de l'année 2004. Il a fallu attendre ces 
                dernières semaines, indique-t-on à l'ambassade de 
                France pour que, sous la double pression de Bruxelles et de La 
                Haye, de nouvelles mesures soient prises par Zagreb, comme le 
                gel des avoirs de Gotovina, et qu'un langage plus ferme soit tenu. N'est-il 
                pas trop tard pour que la date du 17 mars soit respectée 
                ? "Il ne faut pas faire de cette date un fétiche", 
                affirme le président Mesic. Selon le directeur du département 
                Europe au ministère des affaires étrangères, 
                Zoran Bosnjak, l'essentiel est que la Croatie soit en mesure de 
                participer aux institutions européennes en 2009, c'est-à-dire 
                lors du renouvellement du Parlement et de la Commission. Même 
                volonté d'apaisement du côté de l'Union. En 
                cas de report, dit l'ambassadeur de France en Croatie, François 
                Saint-Paul, il faudra indiquer des perspectives, fixer un échéancier, 
                "surtout ne pas décourager ceux qui sont en faveur 
                de l'Union européenne". En 
                attendant, les Croates se plaignent d'être mal aimés. 
                Certains vont jusqu'à imaginer que la Croatie est victime 
                d'un complot ourdi par les Etats-Unis et les Britanniques, qui 
                ne lui auraient pas pardonné son opposition à la 
                guerre en Irak. 
 Le 
                Monde, 16/03/2005Des "efforts considérables" seront 
                encore nécessaires
 Si l'économie 
                de marché fonctionne, la justice et la politique sociale 
                affichent de sérieux retards.
  
                L'ouverture des négociations d'adhésion de la Croatie 
                à l'Union européenne (UE), quelle que soit sa date, 
                sera l'aboutissement d'une longue démarche. Celle-ci a 
                commencé en 1999 par la mise en route d'un "processus 
                de stabilisation et d'association" destiné à 
                soutenir les réformes indispensables. Elle s'est prolongée 
                en 2001 par la signature d'un "accord de stabilisation et 
                d'association" définissant les engagements mutuels 
                des deux partenaires. Elle s'est conclue en 2004 par la décision 
                de l'UE de reconnaître la Croatie comme un pays candidat 
                et d'ouvrir avec elle en 2005 des négociations d'adhésion. Comme 
                tous les pays candidats, la Croatie doit respecter les critères 
                politiques (liberté, démocratie, droits de l'homme) 
                et économiques (une économie de marché viable 
                et concurrentielle), fixés à Copenhague en 1993. 
                Mais, à l'instar des autres pays de l'ex-Yougoslavie, elle 
                doit aussi démontrer sa pleine coopération avec 
                le Tribunal pénal international de La Haye. C'est sur ce 
                point qu'achoppe le processus de négociation. Démocratie. 
                La Commission européenne estime que "la Croatie est 
                une démocratie qui fonctionne et qui dispose d'institutions 
                garantissant la primauté du droit". Toutefois Zagreb 
                "doit faire des efforts supplémentaires dans les domaines 
                des droits des minorités, du retour des réfugiés, 
                de la réforme du système judiciaire, de la coopération 
                régionale et de la lutte contre la corruption". Sur 
                le plan économique, la Croatie peut être considérée, 
                selon la Commission, "comme dotée d'une économie 
                de marché qui fonctionne". Elle devrait être 
                "en mesure de faire face à la pression concurrentielle 
                et aux forces du marché à l'intérieur de 
                l'Union à moyen terme", pourvu qu'elle parvienne à 
                surmonter "certaines faiblesses persistantes". Les 
                atouts de la Croatie sont, selon la Commission, l'"assez 
                bon niveau de formation" de sa population active, de "bonnes 
                infrastructures routières et de télécommunications", 
                "un secteur bancaire bien développé" et 
                "une industrie touristique concurrentielle". Justice. 
                Ses principales faiblesses concernent notamment son appareil judiciaire, 
                dont l'efficacité doit être renforcée, et 
                son administration, sur laquelle pèsent de lourdes charges. 
                 
                  | INTERVIEWLE PRÉSIDENT 
                      CROATE
 |   
                  | Les 
                      Echos – 9/03/2005 STIPE 
                      MESIC 
                      : 
                      « Nous avons la preuve que Gotovina n’est 
                      pas en Croatie » Le 
                      Pocureur du Tribunal pénal international (TPI) a 
                      eu des mots très durs pour la Croatie, qui refuserait 
                      de livrer le général Ante Gotovina, soupçonné 
                      de crimes de guerre. Bruxelles menace de reporter l’ouverture 
                      des négociations d’adhésion. Qu’allez-vous 
                      faire ?
  C’est 
                      un obstacle politique. La Croatie remplit toutes les conditions 
                      pour ouvrir ces négociations. Au sujet de Gotovina, 
                      nous coopérons avec le TPI. Malheureusement, il n’est 
                      pas accessible : nous avons la preuve que le général 
                      n’est pas en Croatie. Du moins, c’est ce que 
                      nous disent nos services secrets. S’ils se trompent 
                      et qu’il s’y trouve, nous le livrerons. Si vous livrez Gotovina, craignez-vous des manifestations 
                      de la population croate en sa faveur qui puissent menacer 
                      la démocratie?
 Si on livre Gotovina il ne se passera rien. Lors 
                      du procès du général Norac qui a eu 
                      lieu à Rijeka, des milliers de personnes sont descendues 
                      dans la rue. Mais finalement, comme la procédure 
                      a été transparente et que les adversaires 
                      de ce procès ont pu témoigner devant le tribunal, 
                      les esprits se sont calmés.
 Croyez-vous qu’il y ait d’autres raisons 
                      à ce durcissement du TPI et de l’Union européenne.
 Il est probable que certains en Europe pensent 
                      que nous n’avons pas complètement mis en œuvre 
                      les réformes que nous avons promises. Celles de l’armée 
                      et de la police sont faites, les privatisations touchent 
                      à leur fin, nous nous sommes convertis à l’économie 
                      de marché. Mais je reconnais qu’il y a peut-être 
                      du retard dans la réforme du système judiciaire 
                      et de l’administration.
 La presse croate disait que vous alliez demander 
                      le soutien du président Chirac.
 La France a soutenu les efforts de la Croatie 
                      et lui a fourni une assistance pour qu’elle puisse 
                      se conformer aux standards européens. J’ai 
                      adressé une lettre au président Chirac dans 
                      laquelle je lui explique mon point de vue.
 Croyez-vous que certains pays d’Europe de 
                      l’Ouest préféreraient que la Serbie 
                      et la Croatie deviennent membres de l’Union européenne 
                      simultanément ?
 Certains aimeraient probablement traiter l’Europe 
                      du Sud-est comme un bloc homogène. Mais, dans le 
                      passé, on a dit clairement que les pays de la région 
                      rejoindraient l’Union européenne sur la base 
                      du cas par cas et selon leurs performances. La Croatie est 
                      l’un des pays qui devraient bénéficier 
                      de ce principe. En Serbie, le principal parti politique 
                      dit encore publiquement qu’il rêve de voir passer 
                      la frontière avec la Croatie au milieu de notre pays. 
                      Alors que nous n’avons aucune revendication territoriale.
 Quels bénéfices attendez-vous d’un 
                      statut de pays candidat à l’Union européenne 
                      ?
 L’octroi de fonds de pré-adhésion, 
                      carr la Croatie a un besoin urgent d’aides structurelles, 
                      de transferts de technologies et de nouveaux marchés 
                      pour nos produits. Mais, avant tout, nous souhaitons faire 
                      partie de cette Europe.
 Quelle est votre vision de l’Europe ? Un vaste 
                      marché commun ou une Europe puissance?
 Il n’y a jamais eu dans l’histoire 
                      de l’Europe un tel processus d’intégration. 
                      Certains avaient essayé d’y parvenir par la 
                      force, ils ont échoué. Maintenant que l’intégration 
                      se fait pacifiquement, elle devient un facteur de paix, 
                      une alternative aux Etats-Unis. Toutes les guerres en Europe 
                      ont toujours eu lieu pour des questions territoriales ou 
                      de minorités. L’Union met fin à tout 
                      cela. Les minorités peuvent garder leur identité 
                      au sein de l’Europe.
 Propos 
                      recueillis par Martine Royo |  L'acquis 
                communautaire. Les négociations à venir porteront 
                sur la capacité de la Croatie à adopter et à 
                mettre en œuvre, au moment de son adhésion, les droits 
                et les obligations de l'Union européenne, qui forment l'acquis 
                communautaire. Elles commenceront par un examen détaillé 
                de la législation croate, qui permettra d'identifier les 
                différences la séparant de la législation 
                communautaire et de définir les adaptations nécessaires. 
                Les normes et les lois de l'Union seront divisées en trente-cinq 
                chapitres. Les négociations seront menées, comme 
                ce fut le cas pour les précédents pays candidats, 
                chapitre par chapitre. Les décisions devront être 
                prises à l'unanimité. La 
                Croatie devra consentir des "efforts considérables", 
                souligne la Commission, pour aligner sa législation sur 
                l'acquis, notamment dans les domaines de la politique sociale 
                et de l'emploi, de la fiscalité, de l'environnement, de 
                la justice et des affaires intérieures. Des mesures transitoires 
                et des dispositions particulières pourront être envisagées. 
                Les pourparlers pourront être suspendus si la Croatie enfreint, 
                par des violations graves et persistantes, les principes de liberté 
                et de démocratie. Thomas 
                Ferenczi 
  Libération, 
                16/03/2005La 
                Croatie dans le purgatoire européen
 L'Europe 
                menace de différer les pourparlers d'adhésion de 
                Zagreb pour son manque de coopération avec le TPI.
 Par 
                Jean QUATREMER C'est 
                une rebuffade sans précédent dans l'histoire 
                communautaire. Les Vingt-Cinq s'apprêtent à mettre 
                à exécution leur menace de différer le début 
                des pourparlers d'adhésion à l'Union avec la Croatie, 
                prévus demain. Ils jugent insuffisante la coopération 
                des autorités de Zagreb avec le Tribunal pénal international 
                de La Haye pour lui livrer le général Ante Gotovina 
                accusé de crimes de guerre. Dans une offensive désespérée, 
                le Premier ministre croate, Ivo Sanader, a répété, 
                hier à Bruxelles, que son pays avait «tout fait» 
                pour coopérer avec le TPI. Mais selon le Premier ministre 
                luxembourgeois et Président en exercice de l'Union, les 
                jeux sont faits : «Les négociations commenceront 
                le 17 mars à condition que le général Gotovina 
                soit transféré, et cela doit être fait», 
                soutient Jean-Claude Juncker. Général 
                fugitif. Pourtant, la porte de l'UE paraissait grande 
                ouverte à la Croatie tant ce pays semble poser peu de problèmes, 
                aussi bien du point de vue de la démocratie que de l'économie, 
                comparé, par exemple, à la Roumanie. A tel point 
                que certains prédisaient des négociations express. 
                Mais les autorités croates ont sous-estimé la détermination 
                des Vingt-Cinq à ne pas admettre en leur sein un Etat qui 
                n'a pas réglé ses comptes avec son passé. 
                C'est lors du Conseil européen de décembre que les 
                chefs d'Etat et de gouvernement ont posé comme préalable 
                à l'ouverture des négociations la livraison à 
                La Haye de Gotovina ou, à défaut, la coopération 
                pleine et entière des autorités croates dans la 
                recherche de ce général fugitif . Jusqu'au 
                bout, Zagreb n'a pas cru en la détermination de l'UE. Encore 
                aujourd'hui, presque aucun des nouveaux Etats membres ne respecte 
                totalement «l'acquis communautaire», condition pourtant 
                préalable à l'adhésion. Mais cette fois, 
                l'affaire est différente, comme on l'admet à la 
                Commission : «Si on se montre laxiste avec Gotovina, la 
                Serbie pourra, elle aussi, refuser de nous livrer Karadzic et 
                Mladic. Il faut montrer qu'on ne plaisante pas avec les criminels 
                de guerre.» Le geste spectaculaire du Premier ministre du 
                Kosovo, qui a démissionné la semaine dernière 
                avant de se rendre au tribunal de La Haye, où il est inculpé 
                de crimes de guerre, a accru la pression sur Zagreb. Solution 
                médiane. Aucun des Vingt-Cinq n'est prêt 
                à céder dans cette affaire même si un petit 
                groupe de pays (Slovénie, Italie, Hongrie, Slovaquie) pourrait 
                proposer aujourd'hui, à l'occasion du Conseil des ministres 
                des Affaires étrangères de l'UE, une solution médiane, 
                moins vexatoire qu'un claquement de porte : par exemple, la promesse 
                à Zagreb d'une date de «revoyure», tandis que 
                le camp des «durs» (incarné par le Royaume-Uni 
                et les Pays-Bas), exige la remise de Gotovina avant tout pourparler 
                d'adhésion. La grande majorité, elle, est décidée 
                à attendre un feu vert du TPI. Même l'Allemagne, 
                très proche des Croates (elle a reconnu unilatéralement 
                ce pays en 1991, lors de l'éclatement de la Yougoslavie, 
                à la fureur de ses partenaires), en fait une question de 
                principe.  
 Le 
                Figaro, 16/03/2005L'introuvable 
                «héros» d'une «guerre sacrée»
 Inculpé 
                de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, titulaire 
                d'un passeport français, il est en fuite depuis 2001
 Isabelle 
                Lasserre   
                L'avenir européen de la Croatie repose en grande partie 
                sur ses épaules. Mais le général croate Ante 
                Gotovina n'en a cure. En refusant de se rendre au Tribunal pénal 
                international (TPI) de La Haye, il a choisi d'assumer une responsabilité 
                pourtant lourde de conséquences pour son pays.  
                Cet ancien légionnaire, qui a servi «avec honneur 
                et fidélité» pendant cinq ans au 2e Régiment 
                étranger de parachutistes, connu pour entretenir des sympathies 
                avec l'extrême droite française, titulaire depuis 
                1979 d'un passeport français, est en fuite depuis qu'il 
                a été inculpé par le TPI de crimes de guerre 
                et de crimes contre l'humanité. On lui reproche des crimes 
                commis contre les Serbes à l'été 1995, pendant 
                la reconquête de la Krajina, qui avait été 
                conquise par les séparatistes serbes en 1991.  
                Revenu au pays à la veille de la guerre, en 1990, Gotovina 
                a commandé les troupes de l'opération «Tempête» 
                («Oluja» en croate). L'offensive éclair qui 
                en deux jours avait permis aux tanks croates d'écraser 
                les lignes ennemies, déclenchant 
                l'exode d'environ 200 000 civils serbes, avait à l'époque 
                pratiquement mis fin à la guerre ayant opposé Zagreb 
                aux forces serbes (1991-1995). Gotovina est accusé d'être 
                responsable de l'assassinat de 150 Serbes de Krajina et de la 
                disparition de plusieurs centaines d'autres. Un chef d'inculpation 
                mineur par rapport à ceux des anciens chefs serbes de Bosnie 
                Radovan Karadzic et Ratko Mladic, mais auquel la communauté 
                internationale n'est pas prête à renoncer.  
                En Croatie, Ante Gotovina est pourtant considéré 
                comme un héros. «Personne ne doit oublier que le 
                général Gotovina est un de ceux qui ont fait le 
                plus pour la libération de la Croatie», a rappelé 
                Ivo Sanader, le chef du gouvernement. Dix ans après la 
                fin du conflit serbo-croate, les opérations militaires 
                qui ont permis de reconquérir les territoires occupés 
                par les forces serbes sont toujours considérées 
                à Zagreb comme une guerre sacrée et «patriotique». 
                Et ce d'autant plus que l'offensive «Tempête» 
                avait à l'époque été déclenchée 
                avec le feu vert, si ce n'est plus, de l'Administration américaine.  
                Depuis 2001, les milieux nationalistes se sont mobilisés 
                pour défendre le général Gotovina et empêcher 
                son extradition à La Haye. Parmi les plus grandes réussites 
                du folklore nationaliste local, on compte la mise en bouteille 
                d'une cuvée de bordeaux «Gotovina». Sur l'étiquette, 
                un portrait du général flanqué des armes 
                de la Croatie ainsi qu'un petit texte : «Pour notre liberté 
                et la liberté de notre patrie.» Les supporteurs du 
                héros de la guerre «patriotique» ont constitué 
                une équipe de football, le «MNK Ante Gotovina». 
                Ils sont aussi à l'origine d'une pétition de soutien, 
                signée par 555 universitaires, généraux, 
                artistes et sportifs.  
                 
                 
                  | CROATIE  - DE L'INDÉPENDANCE 
                    AUX NÉGOCIATIONS D'ADHÉSION AVEC L'UE |   
                  | 1989 
                      - Chute du mur de Berlin - vents 
                      démocratiques sur l'Europe centrale - putsch à 
                      Belgrade1990 
                      - Premières élections libres - défaite 
                      du PC (22/04) - Franjo Tudjman (HDZ) élu président 
                      (30/05) - insurrection armée des séparatistes 
                      serbes avec le soutien de l'armée yougoslave (17/08)
 1991 
                      - 94% de "oui" au référendum sur 
                      l'indépendance (19/05) - déclaration de souveraineté 
                      de la Croatie (25/06) - intervention de l'armée yougoslave 
                      (3/07) - indépendance 
                      de la Croatie (8/10) 
                      - occupation d'un quart du territoire croate par Belgrade 
                      - chute de Vukovar (18/11) - 13 
                      000 morts et 500 000 réfugiés
 1992 
                      - Cessez-le feu (3/01) - la Communauté européenne 
                      reconnaît l'indépendance de la Croatie (15/01) 
                      - déploiement des Casques bleus (mars) - admission 
                      à l'OSCE (24/03) puis à l'ONU (22/05) - début 
                      de la guerre en Bosnie (6/04) - adhésion à 
                      l'Initiative centre-européenne (18/07)
 1993 - La Croatie devient membre du FMI (15/01) et 
                      de la Banque mondiale (24/03)
 1994 
                      - Les accords de Washington scèllent l'alliance croato-bosniaque 
                      (18/03)
 1995 
                      - Libération des territoires occupés en Croatie 
                      (4-7/08) - fin de la guerre 
                      - accords de Dayton (21/11) - début de la reconstruction 
                      et du retour des réfugiés 
                      - retour des premiers touristes 
                      étrangers
 1996 - Zagreb et Belgrade normalisent leurs relations 
                      (23/08) - la Croatie devient le 40e membre du Conseil de 
                      l'Europe (16/10)
 1998 
                      - Réintégration pacifique de la Slavonie orientale 
                      (en bordure du Danube) - l'ensemble du territoire national 
                      est réunifié (15/01).
 1999 - Mort du président Franjo 
                      Tudjman (10/12)
 2000 
                      - Victoire des sociaux-démocrates (2/01) 
                      - Stipe Mesic élu président (7/02) 
                      - création d'un groupe de travail commun UE-Croatie 
                      (15/02) - fin du monitoring du Conseil de l'Europe (26/09) 
                      - sommet de Zagreb (24/11) et 
                      début des négociations sur l'Accord de Stabilisation 
                      et d'Association (ASA) - la Croatie rejoint l'OMC (30/11)
 2001 - Le gouvernement croate paraphe (14/05) 
                      puis signe l'ASA (29/10) 
                      avant qu'il ne soit ratifié par le Sabor (5/12) et 
                      le Parlement européen (12/12)
 2002 - Premier rapport annuel de la Commission 
                      sur la Croatie (3/04) - début de la ratification 
                      de l'ASA par les pays membres de l'UE - OTAN: la Croatie 
                      rejoint le MAP (14/05) - adhésion à l'Association 
                      centre-européenne de libre-échange (5/12) 
                      - à l'unanimité, le Sabor (parlement croate) 
                      appelle le gouvernement à soumettre la candidature 
                      croate à l'adhésion à l'UE (18/12)
 2003 - La Croatie dépose sa candidature 
                      (21/02) - 
                      Sommet de Salonique (21/06) 
                      - Romano Prodi se rend à Zagreb pour y remettre le 
                      questionnaire de la Commission européenne (10/07) 
                      - le premier ministre Ivica Racan remet à Bruxelles 
                      les 4600 réponses au questionnaire d'évaluation 
                      (9/10) - victoire 
                      des conservateurs du HDZ (23/11) 
                      - Ivo Sanader nommé Premier ministre (23/12)
 2004 - La candidature croate reçoit 
                      le soutien marqué de la France et de l'Allemagne 
                      (16/03) 
                      - Le Parlement européen adopte un rapport 
                      favorable à la demande d'adhésion de la 
                      Croatie (22/03) 
                      - La Commission recommande l'ouverture de négociations d'adhésion 
                      (20/04) - Le Conseil 
                      européen accorde officiellement à la Croatie 
                      le statut de candidat et fixe l'ouverture des négociations 
                      au "début 2005" (18/06) 
                      - Le Conseil européen fixe au 17 mars 2005 le 
                      début des pourparlers (17/12)
 2005 - Le Conseil des ministres de l'UE 
                      entérine le cadre de négociations avec la 
                      Croatie, mais reporte l'ouverture des négociations 
                      d'adhésion (16/03)
 |  Le 
                gouvernement de centre gauche d'Ivica Racan, qui avait pourtant 
                fait de l'intégration à l'Europe une priorité 
                pour la Croatie, aurait renoncé à arrêter 
                Gotovina par peur d'une réaction des milieux nationalistes, 
                notamment les services secrets, l'armée et la police, qui 
                n'ont été que partiellement réformés 
                depuis la mort de l'ancien président Franjo Tudjman. En 
                Croatie, tout le monde se souvient que la livraison au TPI de 
                Slobodan Milosevic avait coûté la vie au premier 
                ministre serbe Zoran Djindjic. Le nouveau pouvoir nationaliste 
                réformé d'Ivo Sanader affirme quant à lui 
                qu'Ante Gotovina ne se trouve pas en Croatie.  
                Selon le journal Le Monde, qui citait l'an dernier dans 
                un article une note 
                des services de contre-espionnage français, Gotovina se 
                serait installé dans le sud-est de la France, où 
                il bénéficierait de la protection de ses amis légionnaires, 
                mais aussi de la bienveillance des milieux d'extrême droite 
                et des mafias locales. Le passeport français de Gotovina 
                a d'ailleurs été renouvelé, à l'ambassade 
                de France de Zagreb, le 11 avril 2001, quelques semaines seulement 
                avant son inculpation par le TPI, que la France, comme les autres 
                capitales européennes, savait imminente.  
                Déjà régulièrement montrée 
                du doigt pour ses positions proserbes pendant et juste après 
                la guerre, la France est embarrassée aujourd'hui par une 
                affaire dont elle se serait bien passée, elle qui n'a jamais 
                vraiment défendu les positions de la Croatie pendant la 
                guerre contre Belgrade. 
 La 
                Croix, 16/03/2005 Dix 
                ans après la guerre, la Croatie se rapproche lentement 
                de l'Europe.
 Le 
                pays doit franchir aujourd'hui une étape pour son adhésion 
                à l'Union européenne. Mais les autorités 
                n'ont pas pu présenter un officier réclamé 
                par la justice internationale.  Zagreb, 
                envoyé spécial.  Dans 
                les pages des journaux, dans les cafés du centre-ville 
                ou dans les ministères, on ne parle plus que de lui. Ante 
                Gotovina, ce général croate, va-t-il faire une réapparition 
                surprise à quelques heures de l'ultimatum fixé par 
                l'Union européenne à la Croatie ? Bruxelles, en 
                effet, doit confirmer aujourd'hui la date d'ouverture des négociations 
                d'adhésion pour la Croatie. Pour donner le dernier feu 
                vert, le Conseil européen exige de la Croatie une « 
                coopération pleine et entière » avec le Tribunal 
                pénal international (TPI), créé à 
                La Haye pour juger les criminels de guerre des Balkans.  Cela 
                implique de livrer le général Gotovina, inculpé 
                par le TPI, et qui demeure le dernier accusé croate à 
                ne pas encore avoir été entendu par le Tribunal. 
                Or il n'est pas réapparu depuis le début de l'été 
                2001, selon le chef de la police criminelle croate, Dragutin Cestar, 
                qui coordonne les recherches.  Le 
                sort de la Croatie est donc suspendu à ce général 
                de 50 ans. L'affaire est d'autant plus délicate que cet 
                inculpé est loin d'être un militaire classique, à 
                la carrière rectiligne et au profil discipliné de 
                patriote. Il est plutôt un de ces héros poussés 
                en graine à la faveur de la guerre, moitié aventurier, 
                moitié voyou. Né dans un petit village de la cote 
                dalmate, Ante Gotovina a quitté sa famille à 16 
                ans pour prendre la mer. C'est en France qu'il a trouvé 
                un port d'attache : il s'est engagé dans la Légion 
                étrangère, ce qui lui a permis d'acquérir 
                la nationalité française en 1979. Puis il a navigué 
                dans les eaux troubles de l'extrême droite française, 
                du mercenariat, voire du banditisme. Un temps installé 
                au Guatemala, il y a dispensé ses conseils pour former 
                des paramilitaires. On trouve sa trace en Colombie et en Argentine. 
                À la même époque, il a été condamné 
                à cinq ans de prison, à Paris, pour un vol avec 
                effraction chez un bijoutier, commis en 1981.  Le 
                général Ante Gotovina, inculpé pour crime 
                de guerre C'est 
                cet homme qui, en 1990, lorsque la Croatie se prépare à 
                devenir indépendante, rentre chez lui pour s'engager dans 
                l'armée. Il y gagne rapidement le grade de général. 
                Il est surtout connu pour avoir commandé l'opération 
                Tempête qui, en trois jours, au mois d'août 1995, 
                libère la Krajina occupée depuis quatre ans par 
                les Serbes. Dans les heures qui suivent cette opération, 
                des exactions ont lieu dans le territoire libéré 
                : 150 civils serbes qui n'avaient pas fui sont tués, des 
                maisons sont brûlées.  Ces 
                actes valent une inculpation pour « crimes de guerre » 
                à Ante Gotovina. En temps que commandant de l'opération, 
                le Tribunal le considère comme responsable, même 
                si lui plaide une série de dérapages individuels. 
                Ce sera tout le débat lors de son procès, s'il a 
                lieu. Car Ante Gotovina n'est pas homme à aller se livrer. 
                À Zagreb, il a une femme et un enfant. « Ante Gotovina 
                n'a pas pris contact avec eux depuis que nous les surveillons, 
                soit un an », affirme Dragutin Cestar. Selon le policier, 
                il aurait été signalé en Bosnie, en Italie, 
                en France, en Allemagne, en Suisse et aux États-Unis.  Pour 
                l'arrêter, il est clair que les autorités croates 
                auraient dû agir plus vite. Beaucoup de temps a été 
                perdu : l'acte d'accusation du TPI fut transmis à la Croatie 
                le 8 juin 2001. Le 23 juillet de la même année, le 
                tribunal de Zagreb a émis un mandat d'arrêt. Mais 
                c'est seulement le 9 mai 2003 que le ministère de l'intérieur 
                a publié un avis demandant à tous les policiers 
                d'arrêter Gotovina. Et ce n'est que tout récemment, 
                le 2 février dernier, que les plus hautes autorités 
                du pays ont pris conscience de l'urgence. Le président 
                et le premier ministre ont publié un communiqué 
                conjoint demandant aux forces de l'ordre d'arrêter le fugitif. 
                Mais à un mois et demi du Conseil européen chargé 
                d'examiner le cas Croate, c'était bien tard.  À 
                quelques heures de l'échéance, le ministre des affaires 
                étrangères, Kolinda Grabar-Kitarovic tente encore 
                de rattraper ce temps perdu. « Nous avons vérifié 
                et revérifié toutes les pistes. Nous pensons qu'Ante 
                Gotovina n'est pas en Croatie », assure-t-elle. Elle avance 
                par ailleurs que l'échec à présenter cet 
                accusé est le seul qu'ait connu son pays. « Toutes 
                les autres demandes du TPI ont été remplies de façon 
                satisfaisante. Neuf Croates se sont rendus grâce à 
                notre médiation. » Et elle tente de porter le débat 
                sur le terrain politique : « Si les négociations 
                avec la Croatie ne sont pas ouvertes, cela aura un impact négatif 
                sur la région », argumente-t-elle, soulignant encore 
                qu'à cause de cette affaire, le soutien à l'intégration 
                européenne fléchit dans le pays, alors que se diffuse 
                lentement l'idée, parmi les Croates, que l'Europe ne veut 
                pas d'eux.  Les 
                arguments, pourtant, ne suffisent pas à fléchir 
                les Vingt-Cinq. Car du côté de la diplomatie européenne, 
                on estime toujours que la Croatie, après avoir montré 
                des changements positifs au début de l'année 2004 
                a laissé « retomber le soufflé ». À 
                l'appui de sa démonstration, un diplomate en poste à 
                Zagreb cite une série d'affaires où l'on a vu les 
                services secrets croates être utilisés pour surveiller 
                les enquêteurs du TPI et les journalistes. « Ils ont 
                voulu prouver que ceux qui affirment que Gotovina se cache en 
                Croatie ont tort. Ils auraient mieux fait d'utiliser leurs compétences 
                à chercher le fugitif », dit-il avec acidité. 
                « Les services secrets ne sont pas vraiment contrôlés 
                », confirme Zarko Puhovski, président du Comité 
                d'Helsinki à Zagreb. Avant-hier soir, Jean-Claude Juncker, 
                le premier ministre du Luxembourg, dont le pays assume ce semestre 
                la présidence de l'Union européenne, s'est montré 
                très ferme. « Les négociations commenceront 
                le 17 mars, à condition que le général Gotovina 
                soit transféré au TPI », a-t-il déclaré. 
                 Malgré 
                l'essor touristique, l'économie peine à repartir Pourtant, 
                beaucoup de choses se sont améliorées en Croatie 
                depuis dix ans. L'économie, tirée en particulier 
                par le retour des touristes, connaît une croissance de 4 
                % par an. L'an dernier, plus de huit millions de touristes ont 
                choisi cette destination à la mode et cela devrait encore 
                augmenter l'an prochain.  Sur 
                le plan politique aussi, les progrès sont évidents 
                : les relations avec la Serbie se sont améliorées. 
                Et à l'intérieur du pays, un parti serbe a rejoint 
                la coalition au pouvoir. Environ un tiers des réfugiés 
                serbes qui avaient fui le pays en 1995 sont aujourd'hui rentrés. 
                L'Organisation pour la sécurité et la coopération 
                en Europe (OSCE) estime que parmi les deux tiers qui ne sont pas 
                rentrés, très peu veulent encore revenir, soit parce 
                qu'ils se sont finalement réintégrés en Serbie, 
                soit parce qu'ils savent qu'il leur sera difficile de trouver 
                du travail en Croatie. Souvent, les maisons des Serbes avaient 
                été occupées par des Croates. Petit à 
                petit, les contentieux se règlent devant la justice, grâce 
                à la pression constante de l'OSCE : « Sur 18 000 
                cas de maisons occupées illégalement il y a dix 
                ans, il en reste 1 000 aujourd'hui », indique Peter Semneby, 
                ambassadeur de l'OSCE à Zagreb.  Restent 
                de nombreux problèmes. Dans les zones où passaient 
                les anciennes lignes de front, beaucoup de maisons sont détruites. 
                Il faudra des années pour enlever les mines restantes. 
                Dans ces localités rurales, l'économie n'est toujours 
                pas repartie. Le chômage peut toucher 90 % de la population. 
                Les Serbes qui sont revenus cohabitent avec les Croates, mais 
                la guerre est toujours présente dans les esprits. Dès 
                que l'on s'attarde à parler avec quelqu'un, le souvenir 
                des exactions revient comme s'ils s'étaient déroulés 
                la veille. « Des criminels de guerre, il y en a eu, y compris 
                du côté croate », indique Anton Bobetko, 65 
                ans, président de la chambre de commerce de Sisak à 
                60 km au sud de Zagreb. Il a fait partie des premiers défenseurs 
                de Sisak. Il raconte être monté au front, en dépit 
                de son âge et de l'armement dérisoire dont il disposait. 
                Malgré cela, il soutient que les enquêtes du TPI 
                doivent aller jusqu'au bout. Il a d'autant plus de mérite 
                à le faire que son oncle était le chef d'État-major 
                de l'armée croate. Le général Bobetko fut 
                le principal inculpé croate par le TPI. Il est mort avant 
                de se rendre à La Haye. « Si c'est moi qui avais 
                été inculpé, j'y serais allé pour 
                faire face aux accusations », affirme Anton Bobetko.  Alain 
                Guillemoles  
 Libération, 
                17/03/2005L'honneur 
                perdu du «Patton croate»
 Héros 
                national en Croatie, le général Gotovina est accusé 
                de crimes de guerre par le TPI.
  Par 
                Hélène DESPIC-POPOVIC Il 
                était le plus brillant des généraux 
                croates. Désormais il est l'homme qui bloque la route vers 
                l'UE, rêve caressé par presque tous les Croates. 
                Le général Ante Gotovina a été célébré 
                comme un héros après la reprise, en 1995, de la 
                Krajina, un territoire de Croatie peuplé de Serbes, qui 
                échappait au contrôle de Zagreb depuis 1991. Mais 
                depuis son inculpation, en 2001, pour crimes de guerre par le 
                Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPI), 
                cet officier supérieur, qui possède également 
                la nationalité française en tant qu'ancien de la 
                Légion étrangère, n'est plus qu'un fugitif.  
                Les autorités croates clament que le général 
                Gotovina n'est pas en Croatie et qu'elles sont donc dans l'impossibilité 
                de l'appréhender. La version officielle veut que quelques 
                jours avant sa mise en accusation par le TPI, l'officier, qui 
                se trouvait sur la côte dalmate, a pris la mer vers une 
                destination inconnue. Il a été, dit-on, alerté 
                par les fuites dans la presse sur l'imminence de son inculpation. 
                En fait, il semble qu'il ait bénéficié d'aides, 
                parfois haut placées.  
                Entreprise criminelle. Le TPI accuse Gotovina de crimes commis 
                contre des Serbes lors de l'opération «Tempête» 
                contre la province rebelle de Krajina en 1995. «Pendant 
                et après, Ante Gotovina a participé avec d'autres 
                personnes, dont (...) le président Franjo Tudjman, à 
                une entreprise criminelle commune dont l'objectif assigné 
                était de chasser définitivement et par la force 
                la population serbe de la Krajina, notamment en pillant, en endommageant 
                ou en détruisant totalement leurs biens, afin de les dissuader 
                ou de les empêcher de revenir vivre chez eux», dit 
                l'acte d'accusation élargi en 2004. Pendant cette offensive, 
                150 civils serbes ont été tués, 200 000 ont 
                dû prendre la fuite. L'accusation s'appuie notamment sur 
                les transcriptions d'un entretien mené quelques jours avant 
                l'offensive dans lequel le président Tudjman 
                demande à ses généraux de laisser un corridor 
                ouvert pour que les civils serbes puissent quitter le pays.  
                 
                 
                  | LA 
                    CROATIE FAÇADE MÉDITERRANÉENNE DE L'EUROPE CENTRALE
 |   
                  |  |  Ancien 
                légionnaire. L'inculpation du général Gotovina 
                a indigné une partie de la population, surtout au sein 
                de la droite nationaliste qui reproche au TPI de «criminaliser 
                la guerre d'autodéfense» de la Croatie. A son retour 
                au pouvoir en 2003, la droite dirigée par la Communauté 
                démocratique croate (HDZ), le parti fondé par Franjo 
                Tudjman, avait pourtant mis de l'eau dans son vin pour obtenir 
                le statut de pays candidat à l'UE. Le gouvernement d'Ivo 
                Sanader avait transféré au TPI, en 2004, deux généraux 
                poursuivis pour les mêmes actes reprochés à 
                Gotovina. La même année, la Croatie était 
                devenue officiellement candidate.  
                L'ancien légionnaire, dans une interview retentissante 
                publiée par un journal de Zagreb qui l'a rencontré, 
                affirme qu'il ne se rendra pas. On le dit à Vienne, en 
                Italie ou en Irlande, voire en France, pays qui lui a donné 
                un passeport quelques mois avant sa fuite, mais surtout pas en 
                Croatie, ou dans les parties croates de la Bosnie, où la 
                procureure du TPI Carla del Ponte s'obstine à le localiser. 
                  
                Pour ses partisans, Gotovina est le «Patton croate», 
                un aventurier polyglotte qui a traîné ses guêtres 
                à travers l'Europe, l'Afrique et l'Amérique latine. 
                Ses concitoyens découvrent aujourd'hui qu'il a été 
                condamné pour des crimes de droit commun. Né en 
                1955 sur la côte adriatique, Gotovina a fui ce qui était 
                alors la Yougoslavie communiste pour s'engager dans la Légion 
                étrangère en 1973. Plongeur et parachutiste, il 
                l'a quitté cinq ans plus tard avec le rang de caporal-chef 
                et a obtenu, en 1979, la nationalité française. 
                Comme de nombreux anciens paras, il a travaillé ensuite 
                pour des boîtes de sécurité. Plus grave, il 
                a fait un coup de main en 1981 contre un couple de bijoutiers 
                parisiens. Dénoncé par ses complices, capturé, 
                il a été condamné en 1986 à cinq ans 
                de prison pour vol à main armée, avant de bénéficier 
                l'année suivante d'une libération conditionnelle. 
                Le quotidien Jutarnji list affirme qu'il aurait été 
                impliqué dans deux autres affaires d'extorsion de fonds.  
                Trafic d'armes. Rentré en Croatie en 1991, dès le 
                début de la guerre qui suit la proclamation de l'indépendance, 
                il a entraîné d'abord les jeunes recrues. Un an plus 
                tard, il est commandant de la défense de la région 
                de Split, la grande ville de la côte adriatique. Il doit 
                sa promotion rapide à ses liens avec le ministre de la 
                Défense, Gojko Susak, dont il a épousé la 
                secrétaire, aujourd'hui colonelle. Selon le Quai d'Orsay, 
                Ante Gotovina est recherché à double titre en France. 
                Il fait l'objet d'un mandat international lancé en 2001 
                par le TPI, mais il est aussi recherché par la DST depuis 
                2002 pour trafic d'armes, disent les diplomates sans autre détail.  
                Certains faits restent obscurs, notamment le parcours criminel 
                de Gotovina en France, qui n'a fait l'objet d'aucune publicité 
                alors que l'officier accomplissait une belle carrière dans 
                son pays. Faute de transparence, la France est aujourd'hui pointée 
                du doigt par la Croatie, trop heureuse de se défausser 
                de ses responsabilités. Etre suspectée de protéger 
                des criminels de guerre croates après l'accusation d'avoir 
                laissé échapper des criminels serbes, notamment 
                Karadzic, est certainement embarrassant. 
  
 Libération, 
                17/03/2005UE 
                : le cas Gotovina retarde les négociations avec la Croatie
 Bruxelles attend que Zagreb livre le criminel à la 
                justice internationale.
 Par 
                Véronique SOULÉZagreb envoyée spéciale
 Jusqu'au 
                bout les 
                Croates auront voulu y croire. Mardi, le Premier ministre Ivo 
                Sanader débarquait ainsi à l'improviste à 
                Bruxelles pour mobiliser ses alliés conservateurs. Néanmoins 
                les ultimes tentatives de Zagreb pour prouver sa bonne foi, c'est-à-dire 
                sa volonté de coopérer avec le TPI (Tribunal pénal 
                international pour l'ex-Yougoslavie) mais son incapacité 
                à remettre le chef de guerre Ante Gotovina volatilisé 
                dans la nature, ont été vaines. Zagreb a réalisé 
                trop tard l'enjeu que représentait ce général. Image. 
                Le président croate Stipe Mesic, recevant la semaine 
                dernière des journalistes du club Grande Europe, tentait 
                déjà de dédramatiser : «A quoi bon 
                s'inquiéter si ce sera le 17 ou le 27 mars ? Cette date 
                n'est pas si importante. L'essentiel est qu'il y aura bien des 
                négociations.» Il reconnaissait pourtant que son 
                pays avait été «un peu lent à réagir» 
                après l'émission par le TPI, en juin 2001, du mandat 
                d'arrêt contre Gotovina, soulignant que les Croates avaient 
                du mal à reconnaître que «des crimes ont été 
                commis aussi de leur côté». Pour 
                Zagreb, ce report est un coup dur. D'abord pour son image. Le 
                pays commençait à tourner la page de la guerre (1991-1995) 
                et à retrouver sa place au sein des nations civilisées. 
                Le gouvernement risque en outre de payer cet échec aux 
                municipales du 15 mai. Toute la classe politique, proeuropéenne, 
                redoute une remontée de l'extrême droite, qui est 
                aujourd'hui très affaiblie. «L'euroscepticisme est 
                en pleine ascension, s'inquiétait la ministre croate des 
                Affaires étrangères. Il y a un an, nous étions 
                à 72 % de soutien. Ce chiffre est tombé à 
                47 %.» Cette 
                histoire ressemble à un énorme malentendu côté 
                croate. En 2001, lorsque la procureure du TPI, Carla del Ponte, 
                réclame le transfert de Gotovina, Zagreb ne s'affole pas. 
                Une cellule spéciale est mise en place au sein de la police 
                criminelle. Puis plus rien. Gotovina, qui a libéré 
                la Krajina occupée par les Serbes lors de l'opération 
                «Tempête» d'août 1995, est un héros 
                national. Le gouvernement de centre gauche d'Ivica Racan ne souhaite 
                pas heurter de front l'opinion. En 
                mai 2003, une prime de 50 000 euros est promise pour toute information 
                permettant de localiser Gotovina. Deux lignes téléphoniques 
                sont ouvertes, les appels ne donnent rien. Pour satisfaire l'UE, 
                la Croatie adopte une loi sur les minorités, consolide 
                la liberté de la presse... Elle collabore aussi au TPI. 
                Sur les 626 demandes d'informations et de transferts d'inculpés, 
                625 ont été satisfaites au total, répètent 
                les officiels croates. Toutes sauf une : Gotovina. Mafia. 
                Fin 2003, un gouvernement HDZ (la Communauté démocratique 
                croate, de l'ex-président Franjo Tudjman) arrive au pouvoir. 
                En raison de ses racines nationalistes, «il était 
                a priori mieux à même de convaincre Gotovina», 
                estime un observateur européen. Durant le premier semestre 
                2004, Zagreb relance sa coopération avec le TPI. En juin, 
                la Croatie devient officiellement pays candidat à l'UE. 
                «Mais le soufflé retombe», poursuit cet observateur. 
                En octobre, Carla del Ponte rend un rapport négatif. Peut-être 
                les Croates ne croient-ils pas à la menace européenne. 
                Ou, après avoir si longtemps tergiversé, Gotovina 
                leur a vraiment filé entre les doigts. Beaucoup pointent 
                le rôle opaque des services secrets. Une fraction, dont 
                on ne sait exactement à qui elle répond, aurait 
                voulu protéger Gotovina, qui bénéficierait 
                par ailleurs du soutien de pontes de la mafia et de réseaux 
                proches du pouvoir. Début 
                février, le pays semble enfin réaliser l'imminence 
                du danger. La police multiplie les contrôles : 22 000 domiciles 
                et 65 000 véhicules sont vérifiés. On parle 
                d'un complot des Britanniques, et derrière eux des Américains, 
                pour faire payer à la Croatie son refus de s'engager en 
                Irak. On évoque aussi la traîtrise des Serbes qui 
                feraient campagne afin que Zagreb attende Belgrade pour rejoindre 
                l'UE. «Si l'on avait ouvert les négociations sans 
                Gotovina, résume un diplomate, adieu à Karadzic 
                et Mladic», les deux grands criminels de guerre serbes toujours 
                en fuite.  
 La 
                Tribune, 17/03/2005Zagreb 
                accueille avec résignation le report de ses négociations 
                avec l’UE
 La 
                Croatie n’ayant toujours pas livré le général 
                croate Gotovina, en fuite, au Tribunal pénal international, 
                l’UE a repoussé l’ouverture des négociations 
                d’adhésion avec Zagreb. L’adhésion 
                de la petite ex-yougoslave n’est plus envisagée avant 
                2008-2009.  
                La Croatie a accueilli sans surprise le report 
                de l’ouverture de ses négociations d’adhésion 
                à l’Union européenne annoncé hier par 
                les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Cinq. 
                La semaine dernière, devant un groupe de journalistes français, 
                le président Stipe Mesic utilisait tout son bagout politique, 
                qui est grand, pour relativiser jusqu'à l’importance 
                même de l’échéance bruxelloise : « 
                Le 17 ou le 27 mars, la date n’est pas d’une importance 
                telle… Le processus européen est long, il s’étend 
                sur plusieurs générations. La Croatie en fera partie, 
                nous y avons notre place. » Le 10 mars, en s’adressant 
                solennellement à la nation, le président de centre 
                gauche, réélu haut la main en janvier (près 
                de 66% des suffrages), exhortait ses concitoyens à soutenir 
                pleinement les efforts des autorités pour répondre 
                aux demandes de l’UE et du Tribunal pénal international 
                (TPI), dans leur traque tous azimuts du général 
                Ante Gotovina, inculpé pour crimes de guerre. Car c’est 
                du sort de ce militaire, « héros » pour de 
                nombreux Croates de la reconquête, en 1995, du territoire 
                national contre les Serbes, et de l’appréciation 
                par Carla Del Ponte, procureur du TPI, des efforts déployés 
                par Zagreb pour le retrouver et le livrer, que dépend en 
                grande partie l’ouverture des négociations avec l’UE 
                ; Un dossier qui a pesé lourd sur le conseil « affaires 
                générales » d’hier qui devait en décider 
                à l’unanimité. Jeudi dernier déjà, 
                les ambassadeurs des Vingt-Cinq n’avaient pu s’accorder 
                sur un feu vert donné à la Croatie. Un scénario 
                qui s’est répété lors de leur ultime 
                réunion du 15 mars. 
                 
                  | LES 
                      ACTEURS CLÉS |   
                  |  STIPE 
                      MESIC PRESIDENT DU LA REPUBLIQUE
 Réélu facilement en janvier face à la candidate conservatrice 
                      Jadranka Kosor, demeurée néanmoins vice-Premier ministre 
                      dans le gouvernement Sanader, ce septuagénaire à la mine 
                      juvénile est un vieux routier de la politique. Engagé dans 
                      les mouvements étudiants, puis député au parlement croate 
                      à l’époque de la Yougoslavie, il est emprisonné pendant 
                      un an pour son opposition au régime. Chef du premier gouvernement 
                      libre de Croatie au titre du partie de droite HDZ, il quitte 
                      ce dernier en 1994. C’est sous la bannière du petit parti 
                      populaire HNS qu’il est élu pour un premier mandat présidentiel 
                      en 2000, succédant alors à Franjo Tudjman.
  IVO 
                      SANADER PREMIER MINISTRE
 A la tête du gouvernement de droite formé après la victoire 
                      du HDZ aux législatives de novembre 2003, et soutenu par 
                      la minorité serbe, il a réussi, selon les observateurs, 
                      à recentrer son parti en gommant les éléments les plus nationalistes 
                      du programme du parti de Tudjman. Sous sa férule, Zagreb 
                      a coopéré plus étroitement avec la justice internationale 
                      et plusieurs inculpés croates pour crimes de guerre ont 
                      pris des allers simples pour La Haye.
  KOLINDA 
                      GRABAR-KITANOVIC MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES ET EUROPEENNES
 En charge simplement de l’intégration européenne depuis 
                      décembre 2003, elle vient d’être promue à l’occasion d’un 
                      récent remaniement à la tête de la diplomatie croate. Cette 
                      femme blonde et énergique de 36 ans, diplomate de formation, 
                      maîtrise six langues et s’est fixé un objectif simple : 
                      faire en sorte que les critères pour l’intégration européens 
                      soient remplis, en devançant les souhaits de Bruxelles. 
                      Selon elle, Zagreb sera prête à adhérer dès 2007.
 |  Retournement. 
                Même l’ultime annonce, le 14 mars, du gel 
                des avoirs de Gotovina par le procureur de Zagreb a été 
                jugée comme intervenant « trop tard », par 
                Carla Del Ponte...Quel retournement de situation pour la petite Croatie (4,4 millions 
                d’habitants) qui ambitionnait de rejoindre la Bulgarie et 
                la Roumanie dans la prochaine fournée de l’élargissement, 
                à l’horizon 2007 ! « 2007 ? Techniquement 
                impossible, compte tenu de la durée nécessaire des 
                négociations et des ratifications », s’exclame 
                Jacques Wunenburger, chef de la délégation européenne 
                à Zagreb, qui estime que, au-delà du cas Gotovina, 
                « il n’y a pas de véritable déficit 
                démocratique » en Croatie. Mais, selon lui, il y 
                aura d’autres dossiers, plus classiques mais tout aussi 
                lourds, à régler pendant les négociations, 
                notamment ceux liés au système judiciaire, à 
                l’environnement, à la concurrence, à l’agriculture 
                ou encore aux aides d’Etat aux secteurs industriels tels 
                que les chantiers naval, naguère fierté national 
                du pays, qui occupent encore 18.000 salariés.
 De 
                source diplomatique croate, on essayait de se rassurer, la semaine 
                dernière, en évoquant des scénarios de secours, 
                comme un report de la décision d’ouvrir les négociations 
                au Conseil européen du 22 mars. Et, faisait-on valoir, 
                pourquoi ne pas ouvrir les négociations puisqu’il 
                existe avec la Croatie une clause suspensive pouvant remettre 
                en question tout le processus, comme pour le Bulgarie ou la Roumanie 
                ?  
                Des traces. Ce bras de fer avec l’UE laissera 
                en tout cas des traces dans le pays. Selon Kolinda Grabar-Kitanovic, 
                ministre des Affaires étrangères et européennes, 
                le sentiment pro-européen serait retombé à 
                cause de l’affaire Gotovina, n’enregistrant plus qu’un 
                tiers d’opinions favorables, contre 72% il y dix-huit mois. 
                « Nous avons reçu 626 demandes du TPI et nous avons 
                répondu à 625. La Croatie a pleinement coopéré 
                », s’emporte Stipe Mesic. De son côté, 
                Dragutin Cestar, chef de la police criminelle, affirme que quelque 
                20.000 policiers – soit la quasi-totalité des effectifs 
                du pays – sont mobilisés pour la recherche de Gotovina, 
                mais qu’il lui est impossible, par essence, de prouver que 
                le fugitif n’est plus en Croatie…  Tous 
                les décideurs croates affirment en outre que cette affaire 
                risque de peser sur les élections locales de mai et de 
                favoriser les mouvements extrémistes antieuropéens.  
                « Nos amis européens doivent comprendre qu’un 
                dilemme « UE ou Gotovina » n’est pas bon. 
                Il ne faut pas que Gotovina emporte ainsi une victoire. L’UE 
                est pour nous une priorité absolue », assène 
                Milorad Pupovac, député serbe au Parlement de Zagreb, 
                peu suspect de sympathie pour le général en fuite. Alain 
                Baronenvoyé spécial à Zagreb
  
 Le 
                Monde, 18/03/2005Le report 
                des négociations de l'UE avec la Croatie est un avertissement 
                à la Turquie et aux Balkans
  
                Les Vingt-Cinq reprochent à Zagreb 
                son manque de coopération avec la justice pénale 
                internationale. Pour Michel Barnier, "il n'y a pas de raccourci" 
                pour adhérer à l'Union européenne.  Bruxelles 
                de notre bureau européen Les 
                ministres européens des affaires étrangères, 
                réunis mercredi 16 mars à Bruxelles, ont décidé 
                de reporter l'ouverture des négociations d'adhésion 
                avec la Croatie, qui devaient commencer le 17 mars à condition 
                que Zagreb "coopère pleinement" avec le Tribunal 
                pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) de La 
                Haye. Selon l'avis d'une douzaine d'Etats membres, cette condition 
                n'était pas remplie. Le principal reproche fait à 
                la Croatie est de n'avoir pas consacré tous ses efforts 
                à la recherche et à l'arrestation du général 
                Ante Gotovina, poursuivi depuis 2001 pour "crimes de guerre". Aucune 
                nouvelle date n'a été fixée. Les négociations 
                s'ouvriront "dès que le Conseil aura constaté 
                que la Croatie coopère pleinement avec le TPIY". La 
                décision doit être prise à l'unanimité. 
                Le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, président 
                en exercice de l'Union, s'est dit convaincu que la Croatie sera 
                en mesure de prouver, "dans le courant des semaines à 
                venir", qu'elle coopère "étroitement et 
                entièrement" avec le tribunal. Le ministre britannique 
                des affaires étrangères, Jack Straw, a évoqué 
                le mois de juillet. Le Conseil a "réaffirmé 
                l'engagement de l'Union européenne en faveur de l'adhésion 
                de la Croatie" et adopté, pour montrer sa bonne volonté, 
                le cadre de négociation qui servira de base aux futurs 
                pourparlers. Plusieurs 
                pays souhaitaient l'ouverture des négociations à 
                la date prévue, notamment l'Autriche, la Hongrie et la 
                Slovénie, tous voisins de la Croatie. Une majorité, 
                conduite par la Grande-Bretagne, la Suède, la Finlande 
                et le Danemark, y étaient hostiles. La France et l'Allemagne, 
                comme l'Espagne et l'Italie, s'étaient ralliées 
                à ce deuxième groupe. Le ministre italien des affaires 
                étrangères, Gianfranco Fini, a parlé d'une 
                décision "difficile, douloureuse mais politiquement 
                inévitable". "Il n'y a pas de complaisance possible, 
                a déclaré son homologue français, Michel 
                Barnier. Des règles ont été fixées. 
                Elles doivent être respectées." Le 
                ministre luxembourgeois, Jean Asselborn, a estimé que Zagreb 
                est seul responsable de la situation actuelle. "La clé 
                de la coopération avec le tribunal est dans les mains de 
                la Croatie", a-t-il dit. M. 
                Barnier a souligné que cette décision devait être 
                prise comme un avertissement par tous les pays candidats, à 
                commencer par les autres Etats des Balkans et la Turquie. "Elle 
                prouve, a-t-il dit, qu'on n'entre pas dans l'Union européenne 
                parce que la porte est ouverte mais parce qu'on veut y entrer." 
                Pour ceux qui souhaitent adhérer, "il n'y a pas de 
                raccourci". Un diplomate français précisait 
                que cette mise en garde s'adressait surtout à la Turquie, 
                à laquelle il jugeait important de rappeler qu'elle devait 
                remplir toutes les conditions requises avant d'envisager d'entrer 
                dans l'Union. "Pour la Turquie, on a du temps", a souligné 
                M. Barnier. RÉSEAUX 
                DE PROTECTION Le 
                ministre finlandais, Erkki Tuomioja, a mis en cause devant un 
                groupe de journalistes les réseaux qui protègent 
                le général Gotovina et qui perdurent, selon lui, 
                dans les anciens pays communistes, associant les anciens services 
                de sécurité, les milieux du crime organisé 
                et certains cercles gouvernementaux. "Tant que ces réseaux 
                ne seront pas démantelés, a-t-il dit, ces pays ne 
                seront pas de vraies démocraties." "Le message, 
                a-t-il ajouté, doit être entendu par la Bulgarie 
                et la Roumanie, les deux prochains Etats adhérents, mais 
                aussi par la Turquie." Le 
                premier ministre croate, Ivo Sanader, qui était l'invité 
                de la commission des affaires étrangères du Parlement 
                européen, s'est dit "déçu" et "mécontent" 
                après l'annonce de la décision des Vingt-Cinq. Il 
                a répété que son gouvernement avait pleinement 
                coopéré avec le tribunal de La Haye et nié 
                que des contacts aient eu lieu avec le général Gotovina, 
                comme l'affirme Carla Del Ponte, la procureure du TPIY. La commission 
                des affaires étrangères a critiqué la décision 
                prise par le Conseil et proposé la mise en place d'un comité 
                de surveillance chargé d'examiner si la Croatie coopère 
                pleinement ou non avec le tribunal. Les 
                négociations devraient commencer, a estimé la commission. 
                Elles pourraient être interrompues s'il apparaissait, selon 
                ce comité, que la coopération de la Croatie avec 
                le tribunal n'est pas suffisante. Thomas 
                Ferenczi  
 Le 
                Monde, 
                18/03/2005LA 
                CHRONIQUE DE THOMAS FERENCZI
 La guerre 
                et les larmes d'un combattant croate
 La 
                scène se passe à Sisak, une petite ville 
                de Croatie à une soixantaine de kilomètres au sud 
                de Zagreb où l'OSCE (Organisation pour la sécurité 
                et la coopération en Europe) a installé l'un de 
                ses six bureaux régionaux. Sisak est à quelques 
                kilomètres de la ligne de front qui s'est établie 
                en 1991 lorsque les 
                Serbes ont pris le contrôle de la Krajina, en territoire 
                croate, et en ont chassé les habitants croates.  Ce 
                n'est qu'en 1995 que la Krajina a été reconquise 
                par les forces croates, au prix de nouveaux affrontements meurtriers 
                et même de crimes de guerre, pour lesquels l'un des responsables 
                des opérations, le général Ante 
                Gotovina, est poursuivi par le Tribunal pénal international 
                de La Haye. Dans 
                les faubourgs de Sisak, donc, le chef du bureau régional 
                de l'OSCE, le Français Michel Dreneau, reçoit quelques 
                journalistes français, en compagnie des autorités 
                locales : le maire de la ville, Dinko Pintaric, un dynamique juriste 
                d'entreprise qui incarne la nouvelle droite croate, et le président 
                de la chambre de commerce, Antun Bobetko, un ingénieur 
                chimiste à l'allure énergique. La 
                presse locale a été conviée, pour donner 
                un peu de publicité à l'événement. 
                Un interprète assure la traduction du croate au français, 
                et inversement. Chacun des intervenants dit ce qu'on attend de 
                lui, comme dans une cérémonie bien rodée. 
                Le maître des lieux, Michel Dreneau, expose la mission de 
                l'OSCE, chargée d'aider la Croatie à progresser 
                vers la démocratie et vers l'Union européenne. Il 
                souligne les effets de la guerre sur la situation économique 
                de la région mais aussi sur les mentalités de ses 
                habitants, partagés entre un passé douloureux, un 
                présent inconfortable et un avenir incertain. Après 
                lui, le maire de Sisak rappelle l'histoire de sa ville, qui a 
                subi l'assaut des Turcs au XVIe siècle, des fascistes 
                en 1941 et des Serbes en 1991. Il explique les difficultés 
                économiques et sociales provoquées par les affrontements 
                ethniques, évoque la raffinerie bombardée, l'aciérie 
                en crise, le chômage en hausse. Puis 
                le président de la Chambre de commerce lit avec application 
                un discours qui énumère les ressources de la région 
                et souligne les dégâts qu'elles ont subis. Après 
                lui, c'est le chef de la mission de l'OSCE en Croatie, le Suédois 
                Peter Semneby, qui parle de la grande question des réfugiés. 
                Trois cent mille Serbes ont 
                fui la Croatie lorsque les Croates ont repris le contrôle 
                de la Krajina. Cent vingt mille sont revenus. A Sisak, il y avait 
                douze mille Serbes avant la guerre. Ils sont aujourd'hui quatre 
                mille. Des chiffres, des dates, des statistiques, loin de la passion 
                et des déchirements des années passées. Soudain 
                Antun Bobetko, le président de la chambre de commerce, 
                redemande la parole. Il a une déclaration personnelle à 
                faire. Il prie l'auditoire de l'excuser pour cette intervention 
                imprévue, mais il tient à raconter son histoire. 
                En 1991, dit-il, deux obus sont tombés sur sa maison, dans 
                son village des environs de Sisak. Il a aussitôt décidé 
                de se battre. Pendant la seconde guerre mondiale, les fascistes 
                ont tué sa mère alors qu'il n'avait que 4 ans. Son 
                père s'est engagé dans la Résistance. 
                A son tour, il a donc pris les armes, à 55 ans, pour défendre 
                son village, malgré une jambe invalide. Dans 
                son unité, explique-t-il, il n'y avait pas que des Croates, 
                il y avait aussi des Tsiganes, des Musulmans, même des Serbes. 
                Lorsque nous sommes montés au front, dit-il, nous n'avions 
                que quarante kalachnikovs et soixante fusils de chasse. Il y a 
                eu des morts, des blessés. Les mots se bousculent, les 
                souvenirs se pressent, la voix est ferme, mais l'émotion 
                sensible. Des 
                crimes ont été commis de part et d'autre. Par des 
                Serbes comme par des Croates. "Nous avons du mal à 
                reconnaître que nous avons commis des crimes, dit Antun 
                Bobetko. Mais la guerre, ce n'est que du sang, de la haine et 
                du crime." Il ajoute : "Des criminels de guerre, il 
                y en a eu de notre côté. Ils ont des noms et des 
                prénoms. Ne tombons pas dans le piège de la responsabilité 
                collective." Son oncle, le général Janko 
                Bobetko, ancien chef d'état-major de l'armée 
                croate, a été mis en accusation par le tribunal 
                pénal international. Il est mort en 2003, à l'âge 
                de 84 ans, avant d'avoir été jugé. Au-delà 
                des allocutions de convenance, les blessures de l'histoire, au 
                cœur du continent européen, s'expriment ainsi à 
                vif dans le cri de cet homme marqué par la tragédie 
                de son pays. Mais Antun Bobetko ne se contente pas de déplorer 
                les drames passés. Il accuse. Il reproche à l'Europe 
                son silence et son inertie. "Si l'Europe l'avait voulu, affirme-t-il, 
                cette guerre ne se serait pas produite." Il ajoute : "La 
                Croatie a sa part de responsabilités, mais l'Europe a plus 
                de responsabilités encore." L'Europe 
                coupable, mais aussi l'Europe salvatrice. "Les blessures 
                se cicatriseront, affirme Antun Bobetko, mais elles ne disparaîtront 
                pas. L'aide de l'Europe est notre seule issue." La Croatie, 
                comme les autres pays des Balkans, a besoin de l'Union européenne 
                pour panser ses plaies. "Seule l'Europe nous permettra d'effacer 
                ces frontières qui nous divisent", conclut le vieux 
                combattant. Telle est bien la vocation première de la construction 
                européenne.  
                  Courrier 
                international, 18/03/2005 NOUVELLE EUROPE
 Bruxelles 
                repousse la Croatie dans les Balkans
  
                La Croatie n’a pu entamer à la date 
                du 17 mars, comme envisagé, les négociations en 
                vue de son adhésion à l’Union européenne. 
                Cette dernière a en effet reporté les discussions 
                en raison du manque de coopération "totale" de 
                Zagreb avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie 
                (TPIY). On reproche notamment à Zagreb de ne pas avoir 
                livré à La Haye le général Ante Gotovina, 
                accusé de crimes de guerre. Un reproche auquel le gouvernement 
                croate répond qu’il ne sait pas où se cache 
                l’ancien légionnaire.  La 
                décision de l’UE provoque évidemment la consternation 
                en Croatie. Le quotidien de centre gauche Novi List titre "L’UE 
                repousse la Croatie dans les Balkans". Le journal constate 
                que la décision de Bruxelles de reporter l’ouverture 
                des négociations d’adhésion avec la Croatie 
                a brisé les illusions du pouvoir croate, qui espérait 
                une entrée rapide et individuelle dans l’Union. "Contrairement 
                aux attentes de Zagreb, apparemment trop élevées, 
                les ministres de l’UE ont resitué la Croatie, d’une 
                manière humiliante, dans le cadre économique et 
                politique des Balkans, en revenant à l’ancien concept 
                d’un élargissement régional sur les pays de 
                la région", note le quotidien de Rijeka, pour lequel 
                l’actuel rejet a aussi des raisons économiques et 
                financières : "Si l’UE et l’OTAN avaient 
                eu un intérêt économique et politique à 
                intégrer la Croatie, ils lui auraient ouvert la porte dès 
                mercredi, en dépit du cas Gotovina, comme ils l'ont fait 
                lors des négociations avec la République tchèque, 
                la Slovaquie, la Hongrie ou les pays baltes – des pays moins 
                développés il y a quinze ans que la Croatie aujourd’hui." 
                 Mais, 
                poursuit le journal, connu pour son franc-parler, "ni l’UE, 
                ni l’OTAN ne souhaitent détacher la Croatie des Balkans 
                avant d’avoir installé dans la région leurs 
                réseaux bancaires, commerciaux, industriels, médiatiques, 
                sécuritaires et de télécommunications". 
                Pour Novi List, le cas Gotovina n’est donc qu'"un prétexte, 
                car la Croatie vit déjà sous le protectorat mou 
                de l’UE". Désormais, "c’est La Haye 
                qui décide de l’avenir de la Croatie", constate 
                de son côté un autre article du journal, en soulignant 
                que "la Croatie est devenu le premier pays dans l’histoire 
                de l’UE dont les négociations d’adhésion 
                ont été reportées". Le quotidien Vecernji 
                List titre lui aussi "La Haye bloque la Croatie", et 
                estime que le non à Zagreb représente une défaite 
                pour l’UE également.  La 
                presse de Belgrade voit en revanche dans le report des négociations 
                avec la Croatie une occasion pour la Serbie. Sous le titre "L’Europe 
                rappelle la Croatie à l’ordre", Vecernje Novosti 
                croit en effet que le cas Gotovina a amélioré la 
                position de la Serbie. "L’Europe est de plus en plus 
                satisfaite de la coopération renforcée de Belgrade 
                avec le TPIY et pourrait, à la fin du mois, admettre que 
                la Serbie est, elle aussi, capable de devenir membre de l’UE", 
                note le journal, selon lequel "tout cela donne du poids à 
                la théorie d’après laquelle la Grande-Bretagne 
                souhaite l’adhésion de tous les pays des Balkans 
                dans la même vague d’élargissement".  "L'ancienne 
                monarchie soutient en vain la Croatie", note de son côté 
                le site d’information hongrois Origo, rappelant que l’Autriche, 
                la Hongrie, la Slovénie et la Slovaquie, pays membres de 
                l’UE issus, à l’instar de la Croatie, de l’ancien 
                empire austro-hongrois, ont tous appuyé Zagreb lors de 
                la rencontre des ministres des Affaires étrangères 
                de l’Union. Sans résultat.  Rien 
                d’étonnant, donc, à ce que les eurodéputés 
                hongrois, indépendamment de leur appartenance politique, 
                aient signalé à la veille de la décision 
                que "le destin d’un pays ne pouvait dépendre 
                de la situation d’un seul homme" et que "la Croatie 
                ne pouvait être victime de Gotovina". C’est pourtant 
                ce qui s’est passé. Une situation on ne peut plus 
                absurde, selon l’éditorialiste du journal hongrois 
                Népszabadság, pour qui, il n’y a qu’un 
                pas de Gotovina à Godot : "Quant au général 
                en question, il se porte bien, merci. Il n’y a pas longtemps, 
                il a même fait parvenir par son avocat une lettre à 
                Luxembourg. De quelque part. ‘Godot a fait savoir que ce 
                soir il ne viendrait plus, mais demain, sûrement.’" 
                Y a qu'à attendre...   
                Miklos Matyassy 
 Libération, 
                25/03/2005MONDE
 «Des Croates occupent ma maison»
 Par 
                Véronique SOULÉSisak (sud de Zagreb) envoyée spéciale
 Les 
                cheveux bruns hirsutes, la barbe mal taillée, 
                Branislav Savurdic, 52 ans, fait visiter son minuscule chez-lui. 
                Une pièce aux murs de ciment, meublée d'un lit, 
                d'un poêle à bois, d'une chaise et d'une petite table, 
                avec sur le rebord de la fenêtre un tube de dentifrice, 
                une brosse à dents et un paquet de cigarettes. Il faut 
                aller chercher l'eau au puits. La petite maison en briques du 
                village de Petrinjci, près de Sisak (au sud de Zagreb), 
                où il habite provisoirement, est la sixième que 
                les autorités croates lui ont allouée depuis son 
                retour, le 20 juillet 1998. Branislav Savurdic est un Serbe de 
                Croatie, qui a fui en Serbie en août 1995, lors de la guerre. 
                «Tout ce que je veux, c'est récupérer ma maison, 
                dit-il, mais elle est occupée par des Croates de Bosnie, 
                alors on me dit : "Attendez."» Candidat 
                à l'Union européenne qui vient de repousser l'ouverture 
                des négociations d'adhésion (lire ci-dessous) et 
                soucieux de montrer son respect des droits de l'homme et des minorités, 
                Zagreb a fait des efforts pour accueillir les Serbes de Croatie 
                qui ont voulu rentrer, la paix revenue. On estime qu'un tiers 
                des membres de la minorité a regagné la république, 
                en particulier la région de la Krajina, où ils étaient 
                traditionnellement majoritaires. «Le bilan est plutôt 
                positif, souligne Peter Semneby, le chef de la mission de l'OSCE 
                (Organisation pour la sécurité et la coopération 
                en Europe), même si des problèmes subsistent, notamment 
                pour reloger ces Serbes.» «Occupant 
                temporaire». Sur les 18 000 demandes de récupération 
                de propriétés, 1 000 sont encore en attente, qui 
                ont peu de chances de déboucher rapidement. Le problème 
                tient au fait que Zagreb a installé en Krajina des réfugiés 
                croates qui fuyaient la guerre en Bosnie-Herzégovine. Arrivés 
                dès 1991, ils avaient d'abord été logés 
                dans les hôtels de la côte dalmate ou dans des centres 
                collectifs des grandes villes. Puis, en août 1995, les Croates 
                ont reconquis la Krajina. Les habitants serbes de la région 
                ont alors fui. Zagreb a saisi l'occasion de vider les hôtels 
                de la côte. Et les réfugiés croates de Bosnie-Herzégovine 
                ont été invités à occuper les maisons 
                laissées par les Serbes. Certains ne veulent plus en partir. La 
                maison de Branislav Savurdic se trouve à moins de cent 
                mètres de celle où il vit actuellement. Mais l'«occupant 
                temporaire»  le terme légal  ne veut rien 
                entendre. Depuis sept ans qu'il le côtoie, Branislav affirme 
                «ne pas avoir de mauvais rapports avec lui». L'homme 
                a reçu deux propositions de relogement. En vain. De l'autre 
                côté de la frontière, en Bosnie-Herzégovine, 
                sa propre maison serait vide et en bon état. Mais il a 
                pris la nationalité croate et se trouve bien là. 
                Alors Branislav, soutenu par l'OSCE, remplit des formulaires pour 
                réclamer son bien : d'abord, ce fut le «PP1», 
                auquel l'administration a répondu quelques mois plus tard 
                par un «PP2», puis il a renvoyé un «PP3», 
                il attend la réponse. Il y a onze formulaires au total. Le 
                problème, reconnaît l'OSCE, est que la loi croate 
                favorise nettement l'«occupant temporaire»  croate 
                 au détriment du propriétaire d'origine serbe. 
                Il n'est pas rare que l'occupant, contraint de rendre la maison, 
                la saccage. Dans ce cas, l'indemnisation du propriétaire 
                est minime. A l'inverse, lorsque l'occupant a fait des investissements, 
                ouvrant par exemple un bar ou une pizzeria, il réclame 
                des indemnités hors de portée du propriétaire. 
                Il existe par ailleurs une agence d'Etat spécialisée 
                dans le rachat des maisons de Serbes qui ne souhaitent pas rentrer, 
                afin, officiellement, de les attribuer aux plus nécessiteux. 
                Mais il y a des abus. Récemment, le maire de la petite 
                ville voisine de Hrvatska Kostajnica a dû démissionner 
                après avoir racheté pour une bouchée de pain 
                la maison d'une vieille dame serbe, pour la donner à quelqu'un 
                de sa famille. Tout 
                cela permet de parachever, en douceur et en toute légalité, 
                un «nettoyage ethnique» 
                réalisé dans le sang durant les guerres yougoslaves. 
                D'après le recensement de 1991, la commune de Sunja, à 
                laquelle le village de Branislav est rattaché, comptait 
                57 % de Serbes et 35 % de Croates. Aujourd'hui, les proportions 
                sont plus qu'inversées : 17 % de Serbes et 80 % de Croates, 
                selon le recensement de 2001. Dans ces régions très 
                touchées par la guerre, le HDZ (Communauté démocratique 
                croate), le parti nationaliste de l'ex-président Franjo 
                Tudjman, qui s'est toutefois démocratisé, est majoritaire 
                dans la plupart des municipalités. Mais, depuis 2002, une 
                loi impose que des représentants des minorités siègent 
                dans tous les conseils municipaux. «Blessures 
                ». Pour Branislav, tout cela est bien loin. Il 
                considère simplement cette terre comme la sienne. Il y 
                est né, ses parents, sa femme  dont il a divorcé 
                 aussi. Dans cette région où les Empires austro-hongrois 
                et ottoman se touchaient, la Krajina formait des sortes de confins 
                militaires où Vienne utilisait les Serbes pour repousser 
                les Ottomans. A ce titre, les Serbes de Krajina estiment avoir 
                le droit d'y vivre. Leur culture est d'ailleurs plus proche de 
                celle des Croates que des Serbes de Serbie.  En 
                août 1995, avec tous les Serbes de son village, Branislav 
                Savurdic est parti par le corridor traversant la «république 
                serbe de Bosnie». Arrivé à Belgrade, il a 
                été transféré en train à Kosovska 
                Mitrovica, au Kosovo, que le président Slobodan Milosevic, 
                aujourd'hui en procès à La Haye, voulait repeupler 
                de Serbes, pour contrebalancer la majorité albanaise. «Je 
                vivais dans un centre collectif, je travaillais comme journalier, 
                mais ça n'était pas chez moi, je ne pensais qu'à 
                repartir», se souvient-il. Ancien ouvrier de l'usine métallurgique 
                locale, il survit avec une pension d'invalidité qui lui 
                rapporte 180 euros par mois. «Serbe 
                ou Croate, ce n'est plus la question, tranche Antun Bobetko, qui 
                préside la chambre de commerce de Sisak. La guerre a laissé 
                des blessures qui ne peuvent se refermer que si la vie s'améliore 
                et si l'économie redémarre. Pour cela, nous avons 
                besoin de l'aide de l'Europe. En attendant, des jeunes qualifiés 
                quittent la région où les industries périclitent. 
                Et les autorités remettent à neuf des maisons qui 
                restent vides car, faute de travail, personne ne vient ici.» 
                © Libération
 
  Suite 
                de la revue de presse
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