| Libération, 
                11/07/2003 REVUE 
                DE PRESSE VOYAGESPrendre le 
                maquis en Croatie
 Plutôt qu'en excursion 
                organisée, c'est à la manière de Robinson 
                Crusoé qu'il faut appréhender la beauté sauvage 
                des 140 îles de l'archipel des Kornati.
 Par Alexis 
                BERNIERIles Kornati - envoyé spécial
 
                Du 
              ciel, 
              on dirait des jouets abandonnés par le fils capricieux d'un 
              géant. De la mer, ce sont des seins ronds qui sortent de 
              l'eau, des oeufs aux plats grillés par le soleil ou des serpentins 
              ocres tachés pistache. Les géologues et autres cartographes 
              en ont comptabilisé cent quarante. Cent quarante îles, 
              îlots et gros rochers irréguliers qui jaillissent de 
              l'Adriatique en formations anarchiques sur 300 km² et 35 km 
              à la ronde. Voilà l'archipel des Kornati, fierté 
              de la jeune Croatie, au large de la touristique côte dalmate, 
              Côte d'Azur locale en voie de bétonnage express. Une 
              jolie anomalie méditerranéenne. Dans les guides, 
              on vous explique que chacune de ces îles perdues «correspond 
              au sommet d'une montagne de la dernière ère glaciaire». 
              Plus poétique, l'iconoclaste George Bernard Shaw a écrit, 
              pour une fois sans ironie : «Le dernier jour de la création, 
              Dieu voulut couronner son Œuvre, c'est pourquoi il créa 
              les îles Kornati avec des larmes, des étoiles et du 
              souffle.» La citation 
              est aussi dans toutes les brochures. 
                  |  |   
                  | Maison 
                    de pêcheurs dans l'archipel des Kornati. |  
                 
                  | PRATIQUE |   
                  |  
                      Y allerAvion : Paris-Split 
                      (2 vols/semaine, 2h) ou Paris-Zadar (via Zagreb, 4h) A/R 
                      à partir de 330 €. Croatia 
                      Airlines : 01 42 65 30 01. Alitalia : 01 44 94 44 00. 
                      Austrian Airlines : 0 820 816 816.
 Bus : Paris-Zadar 
                      (25h) A/R à partir de 99 € et Paris-Split 
                      (27h) à partir de 124 €. Eurolines 
                      : 0 892 89 90 91.
 Bus Autotrans de Zadar ou Split à Murter : 00 385 
                      23 313 287. Iles Kornati : pas de ferry, excursion à 
                      la journée depuis Murter. Kornat Turist : 00 385 
                      22 435 855. www.kornatturist.hr 
                      Murter-Kornati : 00 385 22 435 287. www.murter-kornati.com
 Formalités. 
                      Carte nationale d'identité.
 DormirPas d'hôtels ou de gîtes sur les îles 
                      Kornati.
 Location maisons «Robinson» 
                      : une semaine pour 2 pers. de 350 € 
                      (basse saison) à 600 € (août). Agence 
                      Aquarius : Hrvatskih Vladara 21, Murter. 00 385 22 
                      434 151. Croatie 
                      Tours : 5, pl. Charras, Courbevoie. 01 46 67 39 10.
 MangerUne dizaine de «konoba» (auberges) 
                      ouvertes en haute saison sur les îles de Kornat, Piskera, 
                      Zut...
 Pour les maisons «Robinson», ravitaillement 
                      par bateau-épicerie 2 fois/semaine.
 A 
                      faireParc national des Kornati : 
                      baignades et balades. Plongée et pêche réglementées. 
                      Entrée : 50 Kn (25 Kn pour -14 ans, gratuit pour 
                      -7 ans).
 Pêche : 
                      achat de matériel à Murter. More 3. 
                      Hrvatskih Vladara 23.
 Plongée : 
                      Zadar Sub (Sali, île de Dugi Otok), Dubrovacka 
                      20 a. 00 385 23 214 848. www.zadarsub.hr 
                      - Plongée en Croatie : www.diving.hr.
 Plaisance : 
                      location bateaux à voile à partir de 600 €/semaine 
                      (1 200 en août). Bateaux à moteur à 
                      partir de 500 €/semaine (1 000 en août). 
                      Lori Tourist Agency (à Betina sur Murter), Zdrace 
                      2. 00 385 22 435 631.
 AcheterLa kuna (Kn). 
                      1 € = 7,50 Kn.
 Garder 
                      le filOffice de tourisme de Croatie : 
                      48, av. Victor-Hugo, 75016. 01 45 00 99 55. www.ot-croatie.com 
                      Office de tourisme de Murter : Rudina b. 00 385 22 434 995. 
                      www.murter.com
 LireLe nouveau Guide du Routard 
                      Croatie, (Hachette, 12.90 €). "Lonely 
                      Planet" Croatie (15 €) Voir également 
                      le Guide Gallimard Croatie 
                      (25.15 €), le guide Mondeos 
                      (7,50 €) et Croate express (éditions du Dauphin 
                      12,20 €)
 Site 
                      WebParc 
                      national des Kornati.
 |  A 
                une heure de bateau de Murter, à mi-chemin de Split et 
                de Zadar, Kornat, la plus 
                grande et la plus haute (237 mètres) des trois îles 
                principales (au côté de Zut et Sit), a cédé 
                son nom à l'archipel. Elle est devenue un parc national, 
                une réserve englobant le chapelet des quatre-vingt-huit 
                îles flottant à ses côtés. Des pins, 
                des cailloux, des figuiers sauvages ou des oliviers. Certaines 
                sont recouvertes d'un touffu maquis, d'autres sont nues. Un désert 
                de pierres claires souvent zébré d'un sinueux réseau 
                de murets. Un inextricable labyrinthe minéral artificiel. 
                Par quelle folie orgueilleuse les hommes d'ici se sont-ils épuisés 
                à dresser une telle muraille de Chine à flanc de 
                colline ? Est-ce pour délimiter de minuscules parcelles 
                renfermant à peine deux ou trois oliviers noueux ? 
                Ou pour piéger quelques maigres troupeaux d'ovins ? Mais 
                les ânes et les moutons, qui vivent ici en liberté, 
                n'ont pas l'air de s'être laissé enfermer depuis 
                des siècles. Réserve 
                naturelle. Aucun hôtel sur les Kornati. Les constructions 
                sont d'ailleurs, en théorie, interdites, même si, 
                d'un été sur l'autre, une nouvelle bicoque apparaît. 
                Le plus souvent, un de ces restaurants où l'on grille le 
                poisson pour les plaisanciers allemands et italiens qui flemmardent 
                dans les calanques. Des marinas plus ou moins improvisées 
                pour quatre ou cinq voiliers d'un seul mât. Alors, pour 
                visiter cet éden désertique, le non-voileux en est 
                réduit à prendre son billet pour l'excursion que 
                proposent toutes les agences touristiques de Murter. Le tour des 
                îles en une journée avec stop photo devant les falaises 
                les plus vertigineuses, pique-nique et bain de mer. Mais, attention, 
                il n'y a pas une plage sur l'archipel. Au mieux quelques îlots 
                en forme de plateaux s'enfoncent dans les flots en d'inhospitaliers 
                plongeoirs. La roche, blanchie par le soleil et striée 
                par le vent, a l'air friable comme le calcaire mais se révèle 
                blessante comme le silex. Les pieds mordus par les rochers, on 
                entre et on sort de l'eau en poussant des cris de cochon égorgé. Ermitages. 
                Pour les amateurs, une expédition plongée 
                est aussi au programme dans l'un des plus beaux spots de Croatie 
                et de Méditerranée. Mais, pour ceux que rebute l'idée 
                de passer une journée entière avec des inconnus 
                palmés fleurant la crème à bronzer, il existe 
                une autre manière de découvrir les Kornati. Louer 
                une maison dite «Robinson». 
                Dite seulement, car  le responsable de l'agence Aquarius 
                à Murter le reconnaît volontiers  l'appellation 
                est un brin trompeuse. «Quand le programme a commencé 
                au début des années 80, c'était une manière 
                d'attirer les touristes. Depuis, il m'est arrivé d'avoir 
                à en rembourser certains qui s'imaginaient se retrouver 
                seuls sur une île déserte avec sable blanc et cocotiers.» 
                Nulle plage, on l'a déjà dit. En revanche, l'eau 
                est si limpide qu'elle a l'air de sortir d'une bouteille de Badoit, 
                bulles en moins, bien sûr. Quant aux fameuses maisons, il 
                en existe une petite cinquantaine sur les îles, regroupées 
                en micro-«villages» de quatre ou cinq ermitages au 
                détour d'une crique plus grande que les autres. Des cabanes 
                améliorées construites par les pêcheurs et 
                les rares agriculteurs pour leur villégiature estivale. 
                Manifestement, le Croate a le sens du confort. Cuisine, salle 
                de bains, tout est équipé même si rien n'est 
                raccordé. Il n'y pas l'électricité sur l'archipel, 
                ni l'eau courante. Pour la chasse d'eau, il y a un seau, et pour 
                la douche (froide) et la vaisselle, il faut pomper l'eau de pluie 
                ingénieusement recueillie. On fait la cuisine au gaz, même 
                si les vrais Robinson préféreront le barbecue. Quant 
                au frigo, à gaz lui aussi, il met vingt-quatre heures à 
                se réveiller mais son froid est suffisamment polaire pour 
                congeler bière ou (délicieux) vin blanc local. Seul 
                regret, finalement, les maisons n'ont pas toutes été 
                bâties avec un même soin de l'«authentique» 
                que les murets qui partagent les îles. Un peu trop de ciment 
                pour espérer la couv' d'Elle Déco. 
                 
                  |  |   
                  | Une 
                    marina, située dans le chenal entre l'île de 
                    Jadra et l'îlot de Panitula. |  Alors 
                que faire dans un cadre magnifique mais parfaitement désert 
                ? Pas de discothèque, de vidéoclub, de casino, et 
                encore moins de supermarché. Un magasin d'alimentation 
                flottant passe deux fois par semaine en saison (juillet et août). 
                Pour le reste, il faut prévoir son manger 
                et sa lecture. Et pour 
                une semaine, car, durant l'été, on loue pour sept 
                jours minimum. Hors saison, en mai, juin et septembre, «on 
                peut peut-être s'arranger». En hiver ? «Le cas 
                ne s'est jamais présenté.» Heureusement, au 
                bout de quelques heures, on se laisse envahir par une douce torpeur 
                opiacée. Toute décision devient pénible... 
                Boire une (autre) bière ou plonger dans la mer ? On écrirait 
                volontiers que seuls le morne teuf teuf d'un bateau de pêcheur 
                au large ou le plouf d'un petit poisson troublent la réflexion, 
                mais cela ressemble trop à un de ces clichés d'agences 
                de voyage. Reste la pêche à ligne et la marche à 
                pied. Si la première requiert une technicité hors 
                de portée de nos gros doigts (quiconque a essayé 
                de démêler une bobine de fil de pêche comprendra), 
                la deuxième se révèle indispensable pour 
                profiter pleinement de cette retraite quasi monacale. Une bonne 
                heure de grimpette en respirant la pomme de pin et la fleur de 
                chardon pour admirer un paysage d'une austérité 
                propre à apaiser les plus stressés. Canotage. 
                Castor Junior, Robinson Crusoé, île au trésor 
                et cabane dans les arbres... Combien de jours faut-il pour ne 
                plus chercher machinalement l'interrupteur des doigts en entrant 
                dans une pièce ? Les accros de la vitesse pourront se consoler 
                en louant une petite barque à moteur. Attention cependant 
                : aussi plaisant soit-il, le canotage d'île en île 
                n'est pas sans risque. On a connu des marins du dimanche et autres 
                Parisiens grisés par l'aventure maritime sur un rafiot 
                tenant du radeau équipé d'un moteur de Solex, qui 
                se sont perdus des heures en mer, à court d'essence et 
                de gâteaux secs, avant d'être secourus par un couple 
                de plaisanciers allemands goguenards. Comme quoi, il ne faut jamais 
                négliger les dangers du large et les griseries de l'archipel 
                des Kornati. © Libération.
 
                 
                  | L'ARCHIPEL 
                    DES KORNATI |   
                  |  |        |