| 21/02/2003 LE MONDECroatie : objectif Europe !
 par Stipe 
Mesic,
 président de la République de Croatie
 La Croatie 
vient de se porter candidate à l'adhésion à l'Union européenne. 
Elle répond ainsi aux aspirations de ses citoyens, convaincue que les progrès 
accomplis, spécialement ces dernières années, justifient 
sa décision. A l'heure de l'élargissement historique de l'UE, la 
Croatie exprime avec détermination son désir d'inscrire son destin 
au sein de la communauté des nations européennes, dont elle partage 
les valeurs : celles de l'Europe unie, fondée sur la démocratie, 
le droit, la tolérance, et la libre entreprise. A son tour, elle prend 
date pour 2007. Grâce aux efforts 
qu'elle accomplira d'ici là, grâce aussi au soutien de ses amis européens, 
notamment de la France, elle sera au rendez-vous. Entre-temps, 
la Croatie continuera à adapter ses institutions, son économie et 
sa société aux normes de l'Union. Si nous soumettons aujourd'hui 
notre candidature c'est que nos résultats nous le permettent. Nous espérons 
vivement que les Quinze accueilleront favorablement notre décision, qu'ils 
nous reconnaîtront prochainement le statut de candidat officiel, ouvrant 
la voie aux négociations d'adhésion. Dès 
mars 2000, j'appelais dans ces colonnes à "un geste décisif 
qui rapprocherait la nouvelle Croatie" 
de l'Europe. Les engagements alors pris ont été respectés 
et tous reconnaissent l'ampleur du chemin parcouru. Pour l'heure, notre objectif 
est d'assurer un rythme de réformes et de négociations d'adhésion 
qui canalise toutes les énergies de notre pays en direction du projet européen 
et qui nous permette de rejoindre l'UE à la date fixée. L'adhésion 
de la Croatie élargira l'espace de sécurité et de prospérité 
vers l'Europe du Sud-Est, lui donnant ainsi "plus d'Europe", encourageant 
les autres pays de la région à persévérer dans la 
même voie. 
 
| En nous 
portant candidats, nous souhaitons aussi apporter notre contribution à 
l'avènement d'une Europe élargie, forte de son héritage culturel 
commun.  |  Par sa 
position, la Croatie constitue la façade méditerranéenne 
d'une Europe centrale sur le point de rejoindre les Quinze. En 1990, son niveau 
de développement économique la plaçait avec la Slovénie 
en tête des pays en transition susceptibles d'intégrer l'UE. C'est 
donc naturellement qu'après son indépendance notre pays a dirigé 
ses efforts vers son intégration européenne. La 
guerre à laquelle nous avons été confrontés en 
1991 a brutalement mis un coup d'arrêt temporaire à nos ambitions. 
Aujourd'hui, ce conflit appartient au passé. Les armes ont laissé 
la place à des relations normalisées, ouvrant la voie à la 
réconciliation avec la Serbie-Monténégro, ainsi qu'à 
la reconstruction et à la coopération. Elément-clé 
                de ce processus : le retour de quelque 300 000 réfugiés, 
                dont 100 000 d'origine serbe. Nous déployons d'intenses 
                efforts pour reconstruire les maisons de tous ces citoyens croates. 
                Convaincus de la nécessité d'une réconciliation 
                juste et durable nous avons assuré le Tribunal pénal 
                international de La Haye de notre pleine coopération. Nous 
                considérons en effet que tous les inculpés de crimes 
                de guerre, fût-ce parmi les soldats engagés dans 
                la défense de notre pays, doivent être traduits devant 
                la justice, afin que soient établies les responsabilités 
                individuelles et écartée toute mise en cause collective 
                des peuples dans leur ensemble. Aujourd'hui, 
la Croatie est en plein essor. Depuis l'alternance de janvier 2000, le rythme 
des réformes s'est accéléré. A bien des égards, 
la Croatie a rejoint la plupart des futurs membres de l'UE : PIB par habitant 
supérieur à 5 000 euros par an, croissance de 5 %, inflation inférieure 
à 3 %, à quoi s'ajoutent les recettes d'un tourisme 
en expansion, avec plus de 7 millions de visiteurs en 2002. Ces considérations, 
pour capitales qu'elles soient, n'auraient pas suffi à légitimer 
notre candidature. Ce qui lui donne tout son poids, c'est le désir de l'écrasante 
majorité de notre peuple, dont l'aspiration à rejoindre l'UE s'est 
traduite au Parlement croate par un vote unanime. Sur le 
plan politique, des avancées manifestes ont été réalisées 
quant à la satisfaction des critères de Copenhague, notamment avec 
les réformes de la justice et l'adoption de dispositions législatives 
visant à renforcer l'Etat de droit, la nature démocratique de nos 
institutions et les libertés publiques. La Croatie s'est récemment 
dotée d'une nouvelle loi constitutionnelle garantissant les droits de ses 
minorités selon les normes européennes les plus exigeantes. Bien 
qu'elle dispose en théorie d'un délai de six ans, elle a d'ores 
et déjà rempli plus de la moitié des engagements pris en 
2001 aux termes de l'Accord de stabilisation 
et d'association, accord que les Quinze concluent avec les "candidats 
potentiels". Feuille 
de route du gouvernement, le Programme national pour l'Union européenne 
rassemble, lui, un chapelet de mesures destinées à achever l'harmonisation 
de notre législation. Enfin, sur le plan commercial, la Croatie est profondément 
liée à l'UE, réalisant deux tiers de ses échanges 
avec ses membres, qui sont aussi les principaux investisseurs dans notre 
économie. La France 
a joué un rôle essentiel dans le rapprochement institutionnel entre 
la Croatie et les autres pays de la région, et l'Union : l'acte de naissance 
de ce processus, lancé en novembre 2000, fut en effet le sommet 
de Zagreb, organisé sur l'initiative du président Jacques Chirac, 
et que j'ai eu l'honneur de présider à ses côtés. En 
décembre 2001, à l'occasion de la 
visite à Zagreb de M. Chirac, j'ai pu une fois encore mesurer son engagement 
en faveur de nos ambitions européennes. Le soutien que nous témoigne 
la France s'est aussi traduit par le récent vote de l'Assemblée 
nationale en faveur de la ratification de l'Accord de stabilisation et d'association. En nous 
                portant candidats, nous souhaitons aussi apporter notre contribution 
                à l'avènement d'une Europe élargie, forte 
                de son héritage culturel commun, unie en matière 
                de politique étrangère et de sécurité. 
                Nous avons la certitude que notre exemple constituera un encouragement 
                pour les pays du Sud-Est européen  Macédoine, 
                Albanie, Serbie-Monténégro et Bosnie-Herzégovine 
                 et les aidera à trouver une ardeur nouvelle pour 
                poursuivre les réformes. Conscients qu'il y va de l'intérêt 
                général de cette région, nous continuerons 
                à intensifier notre coopération avec ces pays afin 
                de faciliter leur redémarrage économique et leur 
                normalisation politique. En 
                2004, dix pays rejoindront l'UE. A plusieurs reprises dans son 
                histoire, le peuple croate a exprimé le désir de 
                renouer avec ses racines européennes. Il espère 
                donc, en 2007, voir réalisée cette aspiration. L'intégration 
                européenne de la Croatie doit se faire à son rythme 
                et selon ses propres résultats. Il nous appartenait de 
                choisir le meilleur moment pour poser notre candidature, il y 
                va de notre responsabilité à l'égard de nos 
                concitoyens. C'est chose faite. Ce que nous attendons désormais 
                de l'Union, c'est qu'elle étudie notre candidature, mesure 
                la détermination qui est la nôtre, avant de nous 
                reconnaître le statut de candidat officiel. Pour le reste, 
                c'est à nous de faire nos preuves. 
                 (Traduit du croate par Zvonimir 
Frka-Petesic)Tribune publiée 
dans l'édition du Monde datée du samedi 22 février 2003.
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