| 19/11/2003  
                LE MOT DE L'AMBASSADEURLa 
                Croatie vote
 Quel 
                qu'il soit, le verdict des urnes ne remettra pas en cause l'orientation 
                pro-européenne du pays
  A 
                bien des égards, le scrutin qui s'annonce marque l'entrée 
                de plain-pied de la Croatie dans la normalité politique. 
                En effet, jamais auparavant son issue n'avait été 
                aussi imprévisible, jamais non plus les sujets de campagne 
                n'ont-ils pu sembler aussi familiers à nos voisins européens, 
                enfin jamais l'Europe n'avait-elle été si omniprésente.
  
                Contrairement à ce que la Croatie a pu 
                connaître par le passé, les élections 
                législatives croates du 23 novembre ne seront ni un 
                événement historique ni un tournant. Elles ne seront 
                en effet comparables ni à celles du 22 avril 1990 
                qui ont introduit le pluripartisme ni aux dernières qui, 
                le 3 janvier 2000, ont apporté 
                la première alternance et mis fin à dix années 
                de suprématie du HDZ (Communauté démocratique 
                croate), le parti du premier président croate, Franjo 
                Tudjman. Pour autant, en dépit de cette apparente normalité, 
                qui est aussi le reflet d’une certaine stabilité 
                politique et sociale, l’enjeu n’en demeure pas moins 
                de taille. 
                 
                 
                  | LES 
                    PARTIS REPRÉSENTÉS AU SABOR |   
                  | Liens 
                    vers les sites Internet |   
                  |  | DC 
                    - démocrates centristes |   
                  |  | HB 
                    - Bloc national |   
                  |  | HDZ 
                    - union démocratique |   
                  |  | HIP 
                    - parti du renouveau |   
                  |  | HKDU 
                    - chrétiens-démocrates |   
                  |  | HNS 
                    - parti populaire |   
                  |  | HSLS 
                    - sociaux-libéraux |   
                  |  | HSP 
                    - parti du droit |   
                  |  | HSS 
                    - parti paysan |   
                  |  | IDS 
                    - diète démocratique istrienne |   
                  |  | Libra 
                    - sociaux-libéraux |   
                  |  | LS 
                    - parti libéral |   
                  |  | PGS 
                    - Union de Gorski kotar |   
                  |  | SBHS 
                    - parti de Slavonie-Baranya |   
                  |  | SDP 
                    - sociaux-démocrates |   
                  |  | SNS 
                    - parti populaire serbe |  Il 
                s’agit essentiellement de confirmer une nouvelle fois deux 
                faits majeurs : d’une part, la nature démocratique 
                de la société croate, gage de sa maturité 
                politique, et, de l’autre, le projet européen, le 
                seul dessein d’envergure qui se dégage à l’horizon 
                politique du pays. Or non seulement ces deux éléments 
                sont liés, mais ils se confondent en un seul mouvement, 
                le devenir de la Croatie 
                démocratique et européenne.  
                Néanmoins, pour s’en convaincre peut-être n’est-il 
                pas inutile de les analyser tour à tour. 
                 La 
                démocratie croate étant relativement jeune, il est 
                parfaitement légitime de s’interroger sur sa maturité. 
                Car après tout, là plus qu’ailleurs, on ne 
                peut jamais a priori exclure toute dérive, autoritaire 
                ou chaotique. Pourquoi la communauté internationale, unanime, 
                aurait-elle sinon réagi aussi positivement 
                à l’issue des législatives de janvier 2000 
                ? Au point, on s’en souvient, que Lord Robertson, secrétaire 
                général de l’OTAN, alla jusqu’à 
                les qualifier dans l’euphorie millénariste de l’époque 
                de… « meilleure nouvelle du XXIe siècle » 
                ! Plus posément, la raison est certainement à chercher 
                dans le fait que, précisément, ce scrutin dissipa 
                les craintes de voir avorter le processus 
                de démocratisation et ceci dans un pays qui avait été 
                exposé à la double épreuve de la transition 
                économique et de la guerre.  Tradition 
                politique   
                Si, en réussissant de la manière la plus normale 
                qui soit à opérer l’alternance du pouvoir 
                en place, la Croatie s’est d’abord grandie à 
                ses propres yeux, elle a également alors ravivé 
                l’espoir que les règles du jeu démocratique 
                pouvaient être efficaces ailleurs, notamment dans des Balkans 
                qui tardaient encore à s’apaiser. Et bientôt, 
                les événements qui suivirent, en Serbie, en Bosnie-Herzégovine, 
                en Macédoine, voire au Kosovo, donnèrent raison 
                à ceux qui voyaient dans l’exemple croate à 
                la fois un signe prémonitoire et un exemple convaincant.  
                A certains égard, la Croatie a, pourrait-on dire, renoué 
                avec une tradition qui remonte à la seconde moitié 
                du XIXe siècle, 
                époque où elle exerçait ses droits politiques 
                au sein de la monarchie austro-hongroise. Quoique ne jouissant 
                pas alors de sa pleine souveraineté, elle a vu éclore 
                nombre de partis politiques modernes. Cette tradition s’est 
                par la suite poursuivie tout en s’inscrivant dans le cadre 
                des combats politiques menés dans le contexte déséquilibré 
                qui fut celui de l’État yougoslave de l’entre-deux-guerres. 
                 Or 
                après l’épisode trouble de la Seconde guerre 
                mondiale, suivi de la longue parenthèse communiste et du 
                règne sans partage du parti unique, faut-il rappeler que 
                la Croatie restaura d’abord ses institutions 
                démocratiques, notamment le Sabor, 
                qui fut parmi les plus anciens parlements d’Europe ? Et 
                qu’elle n’accéda que dans un second temps à 
                l’indépendance, 
                ceci malgré des conditions particulièrement défavorables, 
                l’occupation d’une partie de son territoire et sa 
                mobilisation dans une guerre 
                de libération. On se souvient qu’en 1990, à 
                l’issue des premières élections libres depuis 
                1938, les rênes 
                du pouvoir ont été transmises aux vainqueurs sans 
                l’ombre d’une hésitation. Et il en fut autant 
                en janvier 2000. Les institutions politiques ayant désormais 
                fait leurs preuves, aujourd’hui, la question de leur respect 
                ne se pose plus. Unisson 
                ou surenchère Aussi 
                les observateurs les plus attentifs se pencheront-ils avant tout 
                sur des questions plus prosaïques, allant du nombre de partis 
                en lice ou de candidats briguant un siège au Sabor, jusqu’aux 
                thèmes de campagne et à la qualité des débats, 
                voire au ton des joutes électorales pour peu qu’elles 
                viennent à s’enflammer outre mesure çà 
                et là, tandis qu’approche la date butoir du 23 novembre. 
                Mais en définitive, la seule chose qui compte c’est 
                que les citoyens puissent librement exprimer leur opinion et le 
                faire dans les meilleures conditions. C’est là un 
                autre acquis qui oblige et sur lequel personne ne semble avoir 
                le moindre doute.  
                Quant au projet européen – qui est, répétons-le, 
                le seul véritable grand programme à l’ordre 
                du jour sur la scène politique croate – paradoxalement, 
                il ne sera pas, du moins directement, au centre des débats. 
                Comment le serait-il, en effet, puisque l’adhésion 
                de la Croatie à l’Union européenne est un 
                des rares sujets qui recueille l’assentiment de la grande 
                majorité des forces politiques croates ? Le fait que quatre 
                Croates sur cinq y sont favorables, selon les enquêtes d’opinion, 
                n’est certainement pas étranger à cet unisson. 
                 
                 
                  | On 
                      se souvient que la Croatie restaura d’abord ses institutions 
                      démocratiques pour n'accéder que plus tard 
                      à l’indépendance. |  Illustration 
                de ce consensus, le 18 décembre 2002, l’ensemble 
                des formations parlementaires ont voté à l’unanimité 
                une déclaration soutenant le projet du gouvernement visant 
                à poser officiellement la candidature de la Croatie à 
                l’entrée dans l’Union. Celui-ci fut finalement 
                traduit en actes le 21 février 
                dernier.  Tout 
                naturellement, le Vainqueur 
                attendu  Néanmoins, 
                à y regarder de plus près, tous ces sujets ne sont-ils 
                pas autant de facettes d’une seule et même question, 
                l’intégration européenne ? Ne les retrouve-t-on 
                pas, sous une forme ou une autre, abordées dans l’imposant 
                questionnaire de Bruxelles, 
                renfermant pas moins de 4650 points, auxquels le gouvernement 
                d’Ivica Racan a répondu 
                le mois dernier ? Quelle que soit demain l’équipe 
                en place, le gouvernement aura à approfondir les réponses 
                apportées et à les étayer arguments à 
                l’appui. On le voit, la dynamique enclenchée des 
                deux côtés est désormais irréversible. 
                Sans même tenir compte des échéances de l’agenda 
                européen ni des supputations sur la date 
                probable de l’adhésion effective du pays à 
                l’Union européenne, marquer le pas serait, dorénavant, 
                synonyme de recul. Et chacun sait qu’il risquerait gros 
                à en prendre la responsabilité. 
                 En 
                pratique, les électeurs n’auront par conséquent 
                pas à se prononcer sur le projet européen lui-même, 
                qui à peu de choses près est abordé de la 
                même façon. Mais en revanche, ils auront à 
                arbitrer en fonction de la crédibilité des uns et 
                des autres, des garanties que chacun sera ou non en mesure d’apporter 
                quant à sa capacité à garder le cap et à 
                mener le pays à bon port, lequel a pour nom Europe. 
                 
                 
                  | Les 
                      électeurs auront avant tout à arbitrer en 
                      fonction de la crédibilité des uns et des 
                      autres, des garanties que chacun sera ou non en mesure d’apporter 
                      quant à sa capacité à garder le cap 
                      et à mener le pays à bon port, lequel a pour 
                      nom Europe. |  Une 
                fois n’est pas coutume, les sondages annoncent une compétition 
                très serrée entre les deux coalitions, l’équipe 
                sortante conduite par les sociaux-démocrates 
                de Ivica Racan et l’alliance de centre-droit regroupée 
                autour du HDZ réformé 
                de Ivo Sanader. Comme pour réduire le suspense grandissant 
                à l’approche du scrutin, dans un élan intuitif 
                dont il a le secret, le président Stipe 
                Mesic résuma récemment toute la transformation 
                opérée ces dernières années dans la 
                société croate : « Quelle que soit 
                l’issue du vote, il y aura un vainqueur indiscutable : 
                la Croatie européenne 
                ! » Bozidar 
                GAGROAmbassadeur de Croatie en France
       |