14/06/2005
ASSEMBLÉE
DE L'UEO
Le
président croate a plaidé pour la poursuite de l'élargissement
de l'UE
Il a participé à Paris à la
51e session de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale
M. Stipe
Mesic s'est rendu à Paris les 13 et 14 juin à
l'invitation du président de l'Assemblée de l'Europe
occidentale, M. Stef Goris, pour prendre part à sa
51e session. Dans une allocution devant les représentants
des pays siégeant à l'assemblée interparlementaire
européenne de sécurité et de défense,
le président croate a appelé à poursuivre
l'élargissement européen à la Croatie et
aux pays de l'Europe du Sud-Est, en dépit des risques de
lassitude récemment exprimés par certains pays membres
de l'UE. Il a plaidé pour la poursuite des réformes
démocratiques et économiques, pour la consolidation
de l'Etat de droit, en soulignant le rôle important qui est celui
du Tribunal pénal international de La Haye. Concernant
l'entrée de la Croatie dans l'UE, le calendrier de l'adhésion
ne doit pas faire oublier, à ses yeux, les conditions dans
lesquelles celle-ci devra se faire.
ALLOCUTION
DE M. STJEPAN MESIC,
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE CROATIE,
À L’OCCASION DE LA 51e SESSION
DE L’ASSEMBLÉE DE L’UNION DE L’EUROPE
OCCIDENTALE
– Paris, le 14 juin 2005 –
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les parlementaires de l’Assemblée
de l’Union de l’Europe occidentale,
Permettez-moi
tout d’abord de vous remercier de l’occasion que vous
m’offrez de m’adresser à vous aujourd’hui.
C’est en effet très volontiers que j’ai répondu
à l’invitation de votre Assemblée qui me fait
l’honneur de me donner l’occasion de présenter
ici, sans détour, devant les représentants d’un
grand nombre de pays, l’idée que je me fais de la
place et du rôle de l’Europe du Sud-Est dans le cadre
des différents processus européens, des intérêts
aussi que la Croatie, dans cette perspective, entend y défendre,
sans oublier des questions d’ordre plus global.
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M.
Stef Goris, président de l'Assemblée de l'UEO,
accueille le président croate, M. Stipe Mesic, le
14 juin 2005. |
Tout
d’abord, je tiens à souligner combien je suis heureux
de pouvoir m’adresser à des représentants
parlementaires car j’ai acquis la conviction que, dans le
monde d’aujourd’hui, et plus généralement
dès qu’il s’agit de relations internationales,
aucune position en matière de défense ou de sécurité
ne saurait se prévaloir d’une quelconque légitimité
si elle n’a pas au préalable bénéficié
d’une large adhésion parlementaire. Que ce soutien
vienne à manquer, et toutes les décisions politiques
ou exécutives alors prises perdraient leur légitimité
démocratique, sans parler du risque de dérive qu’elles
font courir.
J’ai pleinement conscience du fait que ce point de vue est
sans doute celui d’un pays qui a eu à s’initier
à la démocratie, mais qui sait aussi tirer les leçons
de ses erreurs. Je n’ignore pas non plus que je m’exprime
ici à la tribune d’une Organisation qui, depuis un
demi siècle, n’a cessé d’apporter son
assistance à de nombreux États en vue de les aider
à se remettre sur la bonne voie, à résoudre
les différends mutuels et à conforter l’idée
de la nécessité d’une coopération européenne.
Aussi suis-je tout simplement convaincu que la démocratie,
d’où qu’elle provienne, fût-ce dans les
sociétés les plus développées, s’expose
à devenir déficiente et vulnérable si elle
n’est épaulée par un parlementarisme énergique,
seul gage d’un contrôle direct.
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Allocution
du président croate, M. Stipe Mesic, devant l'Assemblée
de l'Union de l'Europe occidentale, le 14 juin 2005. |
Je
ne crois pas me tromper en disant que sur le Vieux Continent nous
avons trop souvent tendance à faire de la surenchère
sur le rôle de telle ou telle organisation – qu’il
s’agisse de l’Union de l’Europe Occidentale,
de l’Alliance atlantique, de l’Union européenne
ou de quelque autre. Je crois pour ma part qu’il est bien
plus important que l’Europe, telle quelle est née
au lendemain de la seconde guerre mondiale – l’Europe
des divisions, l’Europe des vainqueurs et des vaincus, l’Europe
des « grands » et des « petits » –,
nécessitait une vision nouvelle. Et cette vision, conçue
il y a de cela cinquante ans, a presque entièrement été
concrétisée à l’aube de ce jeune siècle.
Aussi est-ce à dessein que je souligne presque concrétisée,
car, en dépit de multiples inquiétudes et malgré
une certaine lassitude ressentie à l’égard
de l’élargissement d’une part, et le risque
d’essoufflement dans la conduite de la transition d’autre
part, ce processus ne saurait et ne doit être clos tant
que tous les États du Sud-Est de l’Europe n’y
auront trouvé toute leur place. Il y va, certes, de l’avenir
de la Croatie, mais
pas uniquement du sien, loin s’en faut. C’est à
cette politique que nous apportons notre soutien, que ce soit
sur le plan régional ou à l’égard de
l’ensemble des institutions européennes.
Cependant, il est de notre intérêt d’éviter
de considérer avec crainte ce qui se passe de l’autre
côté du mur, au sein de l’Europe unie, et de
ne pas seulement attendre l’aide de nos grands et prospères
partenaires européens ou internationaux. Les Balkans et
les murs balkaniques n’ont que trop longtemps constitué
un obstacle. C’est à nous qu’il revient de
les abattre.
Pour autant, nous ne pourrons y arriver ni en contestant les frontières
ni en élargissant les territoires nationaux, comme cela
fut, hélas, longtemps le cas au cours de l’histoire.
Non, nous pouvons y parvenir uniquement par le biais d’une
coopération transfrontalière.
Nous ne pourrons pas plus y arriver en cherchant à isoler
ou à assimiler les minorités nationales, ce ne qui
ne fut que trop longtemps la politique privilégiée
et toujours sanglante menée dans cette région. Nous
pouvons au contraire y parvenir grâce à la protection
et à la pleine intégration des minorités.
Enfin, nous n’y arriverons pas non plus par une application
discriminatoire du droit, ce qui est hélas devenu une spécialité
régionale, mais bien par l’égalité
de tous devant la loi et l’avènement de l’État
de droit.
|
Allocution
du président croate, M. Stipe Mesic, devant
l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, le
14 juin 2005. |
Dans
mon pays aussi, nombreux sont ceux qui se demandent ce qu’il
y a à gagner, ou à perdre, avec une telle politique.
Qu’il y ait des perdants dans cette région, cela
ne fait aucun doute. Ce sont d’abord ceux qui ont amassé
leur fortune grâce à des passe-droits – valables
par définition uniquement pour certains – plutôt
que sur un strict respect de la loi, qui vaut, elle, pour tous.
Ce sont aussi ceux qui ont bâti leurs richesses en tirant
davantage profit de l’isolement que de l’intégration.
Ce sont enfin ceux qui voient leur avenir dans les mythes du passé
et la haine collective de l’autre plutôt que dans
les vérités historiques. J’avoue ne pas entretenir
d’indulgence particulière ni à l’égard
des premiers, ni des suivants ni, enfin, des derniers. Quant aux
autres, ce sont eux les véritables gagnants.
Mais je crois surtout qu’on ne peut se contenter de se demander
ce que nous avons à gagner au sein de cette Europe unie,
sans s’interroger sur ce que nous sommes en mesure de lui
offrir. Car pour la première fois de son histoire, l’Europe
ne s’intègre pas de force mais bien parce qu’elle
y trouve son intérêt. Pour la première fois
de son histoire y sont également préservées
les spécificités et les identités de chacun,
sans confrontation directe entre les politiques des « grands
» et des « petits » Etats ni entre celles des
grands et des petits marchés. Les débats portent
plutôt sur les normes communes à mettre en place
dans le cadre des institutions européennes, par le biais
d’une procédure démocratique conduite par
des représentants élus.
Aussi ai-je l’intime conviction qu’il s’agit-là
d’une intégration fondée non seulement sur
les similitudes mais aussi sur les différences. Cela a
été aussi bien accepté par les États
de l’ « ancienne » que par ceux de la « nouvelle
» Europe. Et il va sans dire que chaque État de l’Europe
du Sud-Est doit y souscrire de la même manière.
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Conférence
de presse du président croate, M. Stipe Mesic, à
l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, le
14 juin 2005. |
A
mes yeux, il s’agit-là d’une entreprise véritablement
historique que les générations précédentes
n’ont pas su accomplir et que celles qui viennent n’auront
plus à entreprendre. Pour la première fois de l’histoire
de l’Europe, enfin, nous deviendrons tous des minorités
nationales, étant donné qu’il n’y aura
plus de nation qui soit majoritaire – et toutes ces «
minorités » seront protégées par les
mêmes normes démocratiques adoptées par tous
ses États membres. Ainsi ce sont les motivations mêmes
qui par le passé furent à l’origine des nombreux
conflits qui ont ensanglanté notre continent qui perdent
leur raison d’être, et cela qu’il s’agisse
des tentatives d’expansion territoriale sous prétexte
de venir en aide à des minorités dans un autre Etat,
ou bien de la défense de quelque autre prétendu
intérêt national.
Il
nous faut enfin reconnaître que l’Europe réunifiée
n’est pas ni ne saurait constituer la fin en soi de notre
développement mais bien sa condition première. Cela
vaut pour chaque État en particulier, comme pour tout cet
espace pris dans son ensemble. Et celui-ci ne peut prétendre
être aujourd’hui le partenaire des États-Unis,
ni demain celui des marchés de l’Inde et de la Chine,
que s’il parvient à mener à bien son intégration.
Dans mon esprit, ce sont là des arguments suffisants pour
nous persuader que, s’agissant de l’intégration
européenne, nous ne saurions nous contenter de nous demander
ce que nous pouvons en retirer sans nous préoccuper de
ce que nous sommes en mesure de lui apporter.
Toutefois, sur ce chemin nous ne pouvons attendre que d’autres
viennent résoudre nos difficultés. Nous ne pouvons
pas plus espérer que nous allons tranquillement, pour ainsi
dire, exporter les problèmes qui sont les nôtres
et que l’Union européenne et ses pays membres se
les approprieront avec enthousiasme.
Je voudrais saisir cette occasion également pour souligner
que le dilemme qui a cours dans certains milieux, hors de la maison
européenne, et qui consiste à opposer les processus
européens aux prétendus héros et mythes nationaux,
est de mon point de vue absolument absurde, hors de propos et,
pour tout dire, irrecevable. La seule vraie question est si nous
allons nous tourner vers l’avenir ou si, au contraire, nous
allons rebrousser chemin, pour retourner vers le passé.
Allons-nous nous soumettre aux règles prescrites par le
droit ou subir injustices et passe-droits ? Pour ce qui me concerne,
mon choix est fait.
|
L'édifice
du Conseil économique et social qui abrite les travaux
de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale. |
Enfin,
peut-être ne rappelle-t-on pas assez que la haine collective
autant que la peur de l’autre conduisent facilement à
ériger des murs entre les peuples, alors que la confiance
mutuelle, on le sait, est bien plus difficile à établir.
L’histoire récente de l’Europe du Sud-Est est
hélas là pour le confirmer. C’est précisément
la raison pour laquelle chaque État du Sud-Est européen
doit s’efforcer de tout mettre en œuvre afin que les
culpabilités soient individualisées et que chaque
crime de guerre soit nommément identifié. Ce n’est
qu’à ce prix que la culpabilité collective
cessera d’être le trait le plus caractéristique
de cette région. C’est en cela aussi que réside
à mes yeux le rôle important du Tribunal de La Haye.
Mesdames et Messieurs,
Malgré la lassitude à l’égard de l’élargissement,
et en dépit des craintes de nouvelles discussions sur la
Constitution européenne, j’ai la conviction que c’est
justement aux États qui ne font pas encore partie de l’Europe
réunifiée et qui aspirent à la rejoindre,
qu’il appartient de formuler des messages clairs. Seulement
ceux-ci ne doivent se résumer à de vœux pieux,
mais constituer des réponses concrètes.
Il ne peut en l’espèce s’agir que politiques
de réformes claires et non d’une simple course aux
échéances. Il ne saurait être question de
politiques qui appréhendent pleinement les valeurs démocratiques,
se les approprient et les mettent en oeuvre, sans être obnubilées
par les interprétations historiques.
C’est, je le crois, le seul moyen d’empêcher
que de nouveaux murs, à caractère régional,
européen, voire plus global, voient le jour dans cette
région.
Je considère que seule une politique inspirée par
ces objectifs, et non l’adhésion en elle-même
à quelque organisation européenne que ce soit, est
à même de constituer notre contribution concrète
à l’intégration européenne.
Pour ma part, je suis convaincu que c’est précisément
avec cette approche-là que la Croatie, comme tous les autres
États de l’Europe du Sud-Est, aura le plus à
gagner, sans pour autant que cela se fasse au détriment
des États ni de l’ « ancienne » ni de
la « nouvelle » Europe. Ainsi se résorbera
un espace d’instabilités historique. Il cèdera
la place au développement et aux investissements, et non
plus seulement aux « aides » internationales
humanitaires, policières et militaires dont les sommes
investies ont largement dépassé les besoins économiques.
Les seuls perdants seront ceux qui ne voient leur intérêt
que dans un processus d’intégration inachevé
et dans l’émergence des nouvelles lignes de fractures
européennes. Mon sentiment est qu’il nous faut les
marginaliser. C’est la raison pour laquelle nous devons
apporter notre voix régionale à l’Europe unie.
Car c’est aussi une voix pour nous-mêmes.
Mais la question qui se pose ne doit plus être « quand
» serons-nous accueillis, mais également «
dans quelles conditions », et « quelle » sera
cette Europe qui nous recevra. Et c’est justement pour cela
que ce « dialogue à double sens » doit
désormais non seulement se poursuivre, mais s’intensifier
davantage.
Je vous remercie.
REVUE
DE PRESSE
La
Croix, 15/06/2005
UNION
EUROPÉENNE
« Le "non"
français ne bloquera pas l'adhésion de la Croatie ».
Le président croate, qui veut ouvrir des négociations d'adhésion
à l'Union, était en France. Interview
: Stipe Mesic, Président de la Croatie.
Le
« non » français au référendum a notamment montré un rejet de
l'élargissement de l'Union européenne. Qu'en pensez-vous, alors
que votre pays attend l'ouverture des négociations d'adhésion
avec l'Union ?
Stipe
Mesic : Nous ne pouvons pas dire que nous sommes ravis
du « non » français et néerlandais. Mais je ne crois pas qu'il
devrait éloigner la date de début des négociations ni bloquer
le processus d'adhésion de la Croatie, même s'il ne va pas l'accélérer.
-
La candidature de la Croatie est suspendue à un avis du Tribunal
pénal international (TPI) qui demande à la Croatie d'avoir une
coopération « pleine et entière ». Or le TPI ne donne pas cet
avis positif...
-
La Croatie coopère pleinement avec le Tribunal. Tous les documents
que le TPI nous a demandés, nous les avons fournis. Tous les citoyens
appelés à La Haye s'y sont rendus, sauf un, le général Gotovina,
qui a disparu. Nous avons fait tout notre possible pour le retrouver.
Certes, tant qu'il n'est pas à La Haye, nous ne pouvons pas dire
que tout a été fait. Mais nous poursuivons nos efforts.
-
Le procureur du TPI estime dans son dernier rapport que la coopération
de la Croatie n'est pas encore satisfaisante. Alors qui exagère
: est-ce Carla Del Ponte ou vous ?
-
Le dernier rapport de Carla Del Ponte est tout de même moins dur
que les précédents. Elle estime même que si nous continuons de
la sorte, le niveau de coopération que nous aurons atteint d'ici
deux à trois mois sera satisfaisant. Nous examinons les possibilités
de bloquer certains canaux de financement qui auraient pu servir
à Ante Gotovina. Nous nous efforçons encore de localiser toutes
les personnes qui pourraient l'avoir aidé dans son exil.
Nous
avons engagé des poursuites contre ceux qui avaient aidé les fugitifs
cherchant à échapper au TPI, ceux qui leur ont donné de l'argent
ou un abri. Une dizaine de personnes sont actuellement poursuivies.
Pourquoi voudrions-nous protéger une seule personne recherchée
?
-
Le gouvernement serbe négocierait actuellement avec Ratko Mladic
pour obtenir sa reddition. Est-ce que vous seriez prêt à faire
de même avec Ante Gotovina et que lui diriez-vous ?
-
La seule chose que je pourrais lui dire, ce serait de prendre
le chemin du tribunal. C'est le seul endroit où il peut défendre
l'honneur de la Croatie et de l'armée croate. Mais il existe une
grande différence entre Ratko Mladic et Ante Gotovina. Le premier
a ordonné des crimes. De plus, une partie des autorités serbes
sait parfaitement où il se trouve. Le général Gotovina n'est quant
à lui pas mis en cause pour avoir ordonné des crimes mais pour
ceux qui ont été commis par des soldats dans des unités placées
sous son commandement et de plus, je l'ai dit, nous ignorons tout
de l'endroit où il se trouve.
-
Vous espérez encore une ouverture des négociations avant la Turquie,
le 3 octobre prochain ?
-
J'espère que ce sera comme cela. Techniquement, c'est encore possible.
Nous avons harmonisé une grande part de notre législation avec
celle de l'Union européenne. Nous avons réalisé une réforme fiscale.
Nous le faisons actuellement pour l'administration publique. Nous
sommes en bonne position.
-
Est-ce que vous n'avez pas trop misé sur le fait que la décision
d'ouvrir des négociations avec la Croatie sera politique ?
-
Ce que nous voulons, c'est convaincre le TPI de la pleine coopération
de la Croatie avec lui. Avec les actions que nous entreprenons,
nous espérons leur compréhension. Et convaincre en même temps
les Européens que nous remplissons nos obligations concrètes vis-à-vis
d'eux : le retour des réfugiés, la restitution des propriétés,
la protection des minorités. La Croatie prétend être et se trouve
être un facteur de stabilité dans la région.
Recueilli
par Alain Guillemoles
Libération,
30/06/2005
MONDE
La
Croatie ne désespère pas d'intégrer l'UE
Pour
Zagreb, le processus d'élargissement de l'Union est irréversible.
Par
Véronique Soulé
La
Croatie refuse de s'avouer vaincue. Même si «le
contexte est moins favorable», elle croit toujours en ses
chances d'intégrer prochainement l'Union européenne.
«Cela n'arrêtera pas le processus qui est déjà
lancé», assure le président Stipe Mesic, de
passage à Paris, «mais cela ne va pas l'accélérer».
Tous les pays des Balkans tentent ainsi de faire bonne figure.
Mais le doute s'est insinué sur la volonté de l'UE,
en pleine crise interne, d'absorber de nouveaux membres.
Après
la Roumanie et la Bulgarie, attendues en 2007, ou au plus tard
en 2008, la Croatie devrait être la prochaine à rejoindre
l'Union. Mais l'ouverture de ses négociations d'adhésion,
qui, prévue le 17 mars, avait été repoussée
in extremis, dépend de sa coopération avec le Tribunal
pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Et ce
report risque de s'éterniser si Zagreb ne livre pas le
général en fuite Ante Gotovina, inculpé de
crimes de guerre, ou ne montre pas qu'elle fait tout pour le localiser.
«Le
dernier rapport de Carla Del Ponte (la procureure du TPIY, ndlr)
est moins dur, se félicite Mesic. Elle souligne que nous
avons intensifié nos efforts pour retrouver Gotovina. Quel
intérêt aurions-nous à ne pas le livrer alors
que c'est le dernier point de blocage?» Zagreb semble avoir
enfin pris des mesures sérieuses: les sources de financement
des réseaux de soutien à Gotovina, un héros
de la guerre contre les Serbes dans son pays, ont notamment été
taries, assure le Président. Mais certains au sein de l'UE,
comme la France, sont désormais réticents à
la poursuite de l'élargissement. Tandis que le soutien
de l'opinion croate, heurtée par le forcing européen
autour de Gotovina, ne cesse de fléchir.
Plus
que la Croatie, qui a reçu le statut de candidat, les autres
aspirants des Balkans Serbie-et-Monténégro,
Bosnie, Albanie, Macédoine risquent d'être
les grandes victimes du chaos communautaire. La perspective d'adhérer
un jour à l'UE a été jusqu'ici l'aiguillon
de leur démocratisation. Si elle disparaissait, les experts
redoutent un retour du nationalisme. «Si on leur ferme la
porte, quelle alternative ont ces pays ? s'interroge Mesic, vers
quelle organisation peuvent-ils se tourner ? Ils ne vont pas devenir
membre des Etats-Unis.»
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