24/12/2003
LE MOT DE L'AMBASSADEUR
Une
nouvelle alternance réussie
Rénové
par Ivo Sanader, le HDZ revient aux affaires
Présidé
par Ivo Sanader, le nouveau gouvernement issu de la majorité
conservatrice sortie victorieuse des élections législatives,
a pris ses fonctions le 23 décembre. Deuxième alternance
depuis l'indépendance, celle-ci s'est faite dans une encourageante
atmosphère d'euro-optimisme. Elle ouvre aussi un nouveau
chapitre de la vie politique croate en inaugurant la première
véritable cohabitation au sommet de l'Etat, entre le président
de la République, Stipe Mesic, issu de la gauche, et le
nouveau Premier ministre, ténor de la droite. Une chose
est acquise, rejoindre l'UE et l'OTAN restent les priorités
de la Croatie.
Tout juste un mois après les élections
législatives du 23
novembre dernier, la Croatie s’est dotée d’un
parlement et d’un gouvernement
renouvelés, conformément aux délais constitutionnels.
Dernier acte d’une alternance politique réussie,
le Sabor issu des urnes, réuni
lundi 22 décembre, a tenu sa séance inaugurale.
Dès le lendemain, par 88 voix pour, 29 contre et 14 abstentions,
il a accordé sa confiance à Ivo Sanader ainsi qu’à
l’équipe ministérielle de centre-droit qu’il
a présentée. Sans surprise, celle-ci est essentiellement
issue du HDZ (Communauté
démocratique croate), qui après quatre ans passés
sur les bancs de l’opposition revient, rénové,
aux affaires. En attendant que le gouvernement fraîchement
nommé s’installe et commence à s’attaquer
à la laborieuse tâche qui l’attend, on peut
d’ores et déjà tirer plusieurs enseignements
de ce scrutin.
|
"Je
vous souhaite de réussir à mener à
leur terme les projets que nous avons bien entamés,
et de corriger les erreurs que nous aurions pu commettre".
Déclaration d'Ivica Racan (à d.) lors
de la passation de pouvoirs au nouveau Premier ministre,
Ivo Sanader, le 23 décembre 2003. |
Tout
d’abord force est de constater que les mécanismes
démocratiques sont aujourd’hui bien rodés
en Croatie. De fait, aussi bien la consultation électorale,
qualifiée de « conforme aux normes démocratiques
internationales » par l’OSCE,
que la passation des pouvoirs se sont déroulées
dans les meilleures conditions, sans que l’on ait relevé
la moindre irrégularité ou incertitude. Pour peu
qu’on ait suivi la mutation du pays ces dernières
années on n’en attendrait pas moins et c’est
donc sans craindre d’être démentis que nous
l’annoncions ici-même à la veille du scrutin,
la maturité politique de la Croatie étant désormais
acquise. Ajoutons à cela une participation électorale
relativement élevée (68 %), bien qu’en repli
par rapport à 2000 (76 %), et l’on peut avancer que
la Croatie a dorénavant atteint un degré de stabilité
politique tout à fait comparable à celui que connaissent
les pays membres de l’Union européenne.
Outre
ce constat prometteur quant au bon fonctionnement des institutions
et à la mobilisation satisfaisante de l’électorat,
ce qu’il y a de changé c’est aussi l’atmosphère
nouvelle, baignée d’euro-optimisme, qui s’est
dégagée tout au long de la campagne, mais également
pendant et après les élections. C’est aussi
une sérénité dans les débats qui,
malgré l’œil vigilant des adversaires politiques
quand ce n’est pas celui des médias, s’est
traduite après le verdict des urnes par une courtoisie
presque appuyée, laissant parfois perplexe… Certes,
à l’heure de vérité, les uns n’en
ont pas moins affiché les mines crispées auxquelles
on reconnaît les perdants, et les autres, des sourires radieux.
Coalition
et cohabitation
Pour
autant, presque aussitôt après, à l’exception
peut-être de ceux que les électeurs ont sortis de
l’arène politique, tous se sont ressaisis, évitant
de sombrer dans le triomphalisme facile, d’une part, ou
la sinistrose, de l’autre, et c’est là aussi
une nouveauté notable. A tel point que certains commentateurs
sont allés jusqu’à envisager la formation
d’une improbable « grande coalition »
qui rassemblerait les deux principaux adversaires politiques,
les sociaux-démocrates sortants du SDP et les conservateurs
du HDZ, c'est dire si le climat de la campagne fut cordial !
Car s’il reste le grand vainqueur, le HDZ, qui manqua néanmoins
la majorité absolue de onze sièges, fut contraint
à d’âpres négociations avant de parvenir
- sans l'appui des partis de gauche - à mettre sur pied
d’une majorité stable au Sabor. Mais peut-être
faut-il voir aussi dans le stoïcisme des perdants et la retenue
des vainqueurs une certaine lucidité.
Ce
qu’il y a de changé c’est aussi l’atmosphère nouvelle, optimiste,
qui s’est dégagée tout au long de la campagne, mais également
pendant et après les élections. |
Accusant
le coup au lendemain de la défaite, la coalition sortante
se devait d’entamer au plus vite son examen critique, analyser
les raisons pour lesquelles le corps électoral l’a
sanctionnée et lui retira cette confiance qui l’avait
triomphalement portée au pouvoir voilà quatre ans.
De l’autre côté, accueilli avec défiance
par certains observateurs soupçonneux qui ne voulaient
y voir qu’un « retour des nationalistes » malgré
son évidente transformation depuis les années 90,
le HDZ s’est empressé de donner des gages, notamment
à la communauté internationale. Se présentant
comme un parti conservateur rénové et réformé,
il a proclamé haut et fort sa volonté d’incarner
un gouvernement conscient de ses responsabilités à
l’égard de la nation et des objectifs prioritaires
de la Croatie, aussi bien sur le plan intérieur que sur
le plan international.
LE
NOUVEAU GOUVERNEMENT |
Premier
ministre
M. Ivo Sanader
Vice-premiers ministres
Mme Jadranka Kosor
- Famille, Solidarité entre les Générations
et Anciens combattants
M. Andrija Hebrang
- Santé et Affaires sociales
Ministres
M. Miomir Zuzul
- Affaires étrangères
M. Ivan Šuker
- Finances
M. Berislav Roncevic
- Défense
M. Marjan Mlinaric
- Intérieur
Mme Vesna Škare-Ozbolt
- Justice
M. Branko Vukelic
- Economie, Travail et Entreprise
M. Bozidar Kalmeta
- Mer, Tourisme, Transports et Développement
M. Petar Cobankovic
- Agriculture, Eaux et Forêts
Mme Marina Matulovic-Dropulic
- Environnement, Aménagement du Territoire et
Construction
M. Dragan Primorac
- Recherche, Education et Sports
M. Bozo Biškupic
- Culture
Mme Kolinda Grabar-Kitarovic
- Intégrations européennes |
Enfin,
il ne faudrait pas négliger le rôle joué par
le président de la République, Stipe
Mesic. S’il ne fut pas directement concerné par
la consultation législative, il n’en demeure pas
moins le gardien et le garant de la Constitution et, à
ce titre, il s’est montré particulièrement
attentif au respect scrupuleux des institutions. De son autorité
de légaliste suprême, renforcée par le bon
sens politique teinté de pragmatisme qu’on lui connaît,
il a très vite coupé court aux supputations qui
se sont fait jour quant aux difficultés diverses que la
cohabitation avec la nouvelle majorité était censée
engendrer. Fort de ses prérogatives
constitutionnelles, il a également rappelé qu’il
n’y a aucune surprise à attendre quant aux grandes
orientations en matière de politique étrangère.
Enfin, dans tous ses commentaires sur le sujet, on observe qu’il
s’est attaché à dissiper toute appréhension
quant à la qualité des relations qu’il sera
naturellement amené à entretenir avec la nouvelle
majorité parlementaire et le nouveau gouvernement.
Justifier
la confiance
Cela
dit, après avoir passé en revue les divers acteurs
de cette alternance opérée dans un esprit constructif
et empreint de responsabilité, il convient de revenir sur
l’action menée par Ivo Sanader, président
du HDZ et désormais nouveau Premier ministre. Tout au long
des quatre semaines écoulées entre sa victoire électorale
et sa prise de fonction à la tête du gouvernement,
il s’est attelé à œuvrer sur trois plans,
rencontrant des succès que l’on souhaite de bon augure.
Tout d’abord il a convaincu bon nombre de sceptiques, en
redorant l'image de son parti et en rassurant sur la politique
résolument tournée vers l’avenir qu’il
entend mener, non sans reconnaître au passage les erreurs
commises autrefois par le HDZ. Il s’est engagé ensuite
à assurer la continuité des efforts entrepris par
le gouvernement sortant pour que la Croatie rejoigne au plus vite
l’Union européenne et l’Alliance atlantique.
Il a rappelé enfin son attachement tant aux exigences qui
sont celles de tout État de droit démocratique qu’au
respect des engagements internationaux de la Croatie, notamment
sa pleine coopération avec le TPIY. Si ces trois engagements
auraient pu, il y a quatre ans encore, relever d’un véritable
tour de force pour le parti balayé aux élections
du 3 janvier 2000 pour son autoritarisme peu regardant du
droit et ses dérapages nationalistes, aujourd’hui
ils résument toute l’ampleur de la métamorphose
opérée au sein du HDZ.
Ivo
Sanader s'est engagé sur trois plans : redorer
l'image de son parti, assurer la continuité des efforts
entrepris par le gouvernement sortant pour rejoindre au
plus vite l’UE et l’OTAN, marquer sont attachement aux exigences
de l'Etat de droit et notamment au respect des engagements
internationaux de la Croatie. |
Ces
engagements qui s’adressent à l’opinion publique
nationale, mais aussi, et peut-être avant tout, aux partenaires
étrangers ont, semble-t-il, fini par convaincre. Ceci d’autant
plus qu’ils ont été étayés par
des accords inattendus, mais non moins ambitieux et concrets,
qui ont été conclus avec les représentants
des minorités nationales,
dont la minorité serbe, la plus importante d’entre
elles. En proposant, par ailleurs, à l’opposition
d’observer une trêve parlementaire non pas 100 jours,
comme il est de coutume, mais de six mois, le temps que la Commission
européenne formule son avis sur la demande
d’adhésion de la Croatie, il a fait d’une
pierre deux coups : d’une part il a mis en position inconfortable
ses adversaires politiques, européens convaincus, qui auraient
eu mauvaise grâce à repousser la requête ;
de l’autre, il renforce son crédit auprès
d’une opinion publique, dont la préoccupation première
porte avant tout sur la réalisation des promesses électorales.
Sur
le plan international, une fois passé l’effet de
surprise initial suscité par le retour au pouvoir du HDZ,
l’infléchissement fut là aussi sensible et
laissa rapidement place à une attitude ouverte. Si Javier
Solana, Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère,
s’est dit « confiant », conscient que l’entrée
de la Croatie dans l’UE demeure en tout état de cause
la priorité du nouveau gouvernement, le message de Bruxelles
à son adresse tient en quelques mots : « c’est
aux actes que l’on vous jugera ! » Le Premier ministre
croate ne pouvait mieux espérer : n’est-ce pas très
exactement ce qu’il demandait ?
Bozidar
GAGRO
Ambassadeur de Croatie en France
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