1. Aspect physique
La
Croatie est un pays à la fois slave et latin, danubien
et méditerranéen, car c'est un pays d'Europe centrale
dont les frontières s'étirent le long de la Slovénie,
de la Hongrie, de la Bosnie-Herzégovine, de la Voïvodine
et du Monténégro, et dont les côtes regardent
l'Italie par-dessus l'Adriatique.
Sur une carte, la Croatie
apparaît comme un curieux fer à cheval dont les deux
extrémités enserrent la Bosnie-Herzégovine.
La branche méridionale, la plus longue et la plus étroite,
s'appuie sur la mer Adriatique entre les bouches de Kotor au Monténégro
et la frontière de la Slovénie à Savudrija
au nord de l'Istrie. La branche septentrionale, plus large, comprend
la plaine de la Drave au nord et la plaine de la Save jusqu'au
Danube.
La République de la Croatie compte 4,4 millions
d'habitants et s'étend
sur 56.542 km2. Le pays jouit d'une
côte dentelée de 1.778 km sur la rive adriatique
qui comprend 1.185 îles et que nous avons pu admirer d'avion
pendant le trajet entre Zagreb et Dubrovnik. Au nord, la plaine
de la Slavonie fournit de riches terres agricoles et concentre
la majorité de la population. Enfin, la barrière
montagneuse et rurale des Alpes Dinariques sépare ces deux
premières entités. Si l'on regarde la carte de plus
près, on perçoit pourtant différentes régions.
La Slavonie est une vaste plaine agricole qui part de la
capitale Zagreb. Cette plaine est limitée au nord par la
Drave, au sud par la Save et à l'est par le Danube.
La Croatie centrale faite de plaines et de vallons
est la région entourant Zagreb.
La Lika et le Gorski Kotar rassemblent les zones
montagneuses. Le Gorski Kotar au nord est plus accidenté
que la Lika formée de hauts plateaux karstiques encaissés
entre le Velebit à l'Ouest qui plonge dans la mer et la
Dinara à l'est qui forme la frontière avec la Bosnie
Herzégovine.
L'Istrie est une péninsule située à
l'extrémité occidentale de la Croatie qui s'ouvre
sur le premier port de la Croatie : Rijeka.
Enfin la Dalmatie longe l'Adriatique en passant par Split
et Dubrovnik jusqu'à l'entrée des Bouches de Kotor.
2. La Croatie après la guerre
La
Croatie a difficilement accédé à l'indépendance
en 1991, mais elle a regagné aujourd'hui sa stabilité.
Rive méridionale de l'Europe centrale, la Croatie fut tout
au long de son histoire au carrefour des influences latine, vénitienne,
austro-hongroise et ottomane. Le pays a d'ailleurs hérité
son étrange forme de la double poussée hongroise
et ottomane.
La Croatie d'aujourd'hui est l'héritière du royaume
croate médiéval tour à tour indépendant,
associé à la couronne hongroise puis intégré
à l'empire autrichien jusqu'à la première
guerre mondiale. Au XXe siècle, la Croatie sera
rattachée à la Yougoslavie naissante et de 1918
à 1991, cette union prendra d'abord la forme d'un royaume
centralisé dirigé par un monarque serbe puis après
1945, la forme d'une fédération communiste de six
républiques, dirigée par le Maréchal Tito.
A partir de 1989, après la chute du mur de Berlin, les
premières élections libres ont entraîné
la défaite du parti communiste et un processus de démocratisation
a pu être mis en place. Réagissant à ce processus
et soucieux de maintenir sa domination sur la Croatie, le pouvoir
fédéral de Belgrade s'est engagé dans une
action militaire contre la Croatie, laquelle déclara son
indépendance comme l'y autorisait la Constitution de la
fédération yougoslave. La Croatie fut reconnue par
la communauté internationale en 1992 mais, entre temps,
la guerre avait fait 15.000 morts, des centaines de milliers de
réfugiés et causé de graves destructions ;
en outre, la Croatie était amputée d'un quart de
son territoire.
Prenant son destin en main sous l'impulsion du Président
Franjo Tudjman, la Croatie réussit à mettre sur
pied une armée et à l'été 1995, les
forces croates libèrent la plus grande partie du pays.
Cette action d'éclat digne de la célèbre
bravoure guerrière du peuple croate conduisit à
la négociation des accords de Paris-Dayton.
Cet épisode tragique de l'histoire croate est désormais
clos et le pays s'est engagé dans un vaste programme de
reconstruction dont la délégation a pu mesurer l'ampleur
lors de sa mission.
3. L'organisation institutionnelle
-
Une démocratie parlementaire
La Croatie est une démocratie parlementaire dont l'instauration
date des élections libres du 22 avril 1990. Ces élections
ont rétabli dans ses droits l'antique parlement croate,
le Sabor, présenté par les Croates comme l'une des
toutes premières assemblées parlementaires connues
en Europe.
Comme le permettait la Constitution de l'ancienne Yougoslavie
et en vertu du principe qui y figurait, énonçant
que chaque république de la fédération disposait
du droit inaliénable à l'autodétermination
jusqu'à la sécession, l'ancienne république
socialiste de Croatie s'est proclamée indépendante
et souveraine le 25 juin 1991. La Communauté européenne
a reconnu la Croatie le 15 janvier 1992 et le 22 mai 1992, la
Croatie est devenue le 177e membre de l'ONU.
- La suppression de la seconde chambre
La Constitution croate du 22 décembre 1990 s'inspirait
au départ de la constitution française de la Ve
République. Elle instituait à l'origine un système
bicaméral.
Cette Constitution a cependant été modifiée
en 2001, pour malheureusement décider de la suppression
de la seconde chambre du Parlement, la Chambre des Comitats, dite
aussi Chambre des Joupanies, qui représentait les régions
croates.
Le mouvement concomitant de régionalisation, conforme aux
engagements du pays vis-à-vis du Conseil de l'Europe et
de l'Union européenne, aurait pu au contraire conduire
à renforcer le positionnement institutionnel de la chambre
chargée de représenter les régions. Telle
n'a pas été l'option retenue, pour des motifs, semble-t-il,
d'économie. On se permet d'espérer que le redressement
économique en cours conduira à terme à rétablir
la seconde chambre, qui joue un rôle de pondération
et de stabilité institutionnelle là où elle
existe, sans oublier sa vocation à représenter les
collectivités territoriales dans les Etats unitaires.
- Un système semi-présidentiel
Le pouvoir exécutif est partagé entre le président
de la République et le Gouvernement. Le Président
est élu pour 5 ans au suffrage universel direct à
deux tours et il ne peut prétendre qu'à un deuxième
mandat (à l'instar du président américain).
Il nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions
sur la présentation par celui-ci de la démission
du gouvernement. Il dispose du droit de dissolution. Il est le
chef des armées, il peut déclarer la guerre et conclure
la paix avec l'aval du Sabor. Avec l'accord du gouvernement, il
peut soumettre à référendum un projet de
loi ou de réforme constitutionnelle. Il faut aussi noter
qu'il est associé au gouvernement dans l'élaboration
et la conduite de la politique étrangère.
Quant au gouvernement, il détermine et conduit la politique
intérieure et extérieure de la nation. Il dispose
du pouvoir d'initiative et il est responsable devant le Sabor.
Le Sabor est composé
de 151 députés élus pour 4 ans au suffrage
universel direct au scrutin proportionnel. Il vote la loi et contrôle
le gouvernement.
La Croatie est une république unitaire qui comprend deux
niveaux d'administration
locale : le premier est constitué par les régions
ou « Joupanies » au nombre de 21, le second
par les municipalités (communes et villes).
Les communes sont au nombre de 423, les villes au nombre de 123.
Le statut de ville est attribué aux chefs-lieux des Joupanies,
aux agglomérations de plus de 10.000 habitants et
aux cités qui présentent des caractéristiques
historiques ou économiques d'un intérêt particulier.
La Joupanie n'est pas une simple division administrative mais
elle correspond à un territoire dont l'unité géographique,
historique et économique est avérée. La Joupanie
est chargée du développement harmonieux de ce territoire.
La loi sur l'autonomie locale du 10 avril 2001 a transféré
des compétences de l'Etat vers les collectivités
territoriales et garantit leur autonomie. Les municipalités
sont en charge de l'état civil, de l'organisation des opérations
électorales, de l'entretien de la voirie et de l'habitat,
de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire, de l'action
sociale, de l'action culturelle, de l'enseignement élémentaire,
de l'aide médicale élémentaire, de la protection
civile, de la protection du consommateur et de la protection de
l'environnement.
Les Joupanies et les villes de plus de 30.000 habitants disposent,
en outre, des compétences suivantes : enseignement
secondaire et universitaire, santé, développement
économique et transports.
4. L'organisation territoriale
a) Les municipalités
Le
conseil municipal est élu pour quatre ans et règle
par ses délibérations les affaires de la commune.
Il est présidé par un président élu
en son sein. Le conseil municipal désigne et révoque
également le maire.
En effet, dans les municipalités de moins de 3.000 habitants,
l'exécutif municipal est confié au conseil et son
président exerce les fonctions de maire ; mais dans
les communes de plus de 3.000 habitants, l'exécutif
est confié au maire qui est élu par le conseil municipal
parmi ses membres et le président est chargé, lui,
de diriger les débats de l'assemblée municipale.
L'exécutif municipal est chargé de préparer
les propositions soumises au conseil municipal et d'exécuter
les décisions du conseil ; il dirige également
l'action des services municipaux.
b) Les Joupanies
L'assemblée régionale est élue pour quatre ans
et elle règle par ses délibérations les affaires
de la région. Elle élit en son sein un président.
Elle élit également en son sein un chef de l'exécutif :
le Joupan. L'exécutif régional prépare les
propositions soumises à l'assemblée régionale
et exécute les décisions de l'assemblée régionale ;
il dirige l'action des services régionaux.
Il convient de noter que le Joupan, comme le maire, cumule trois
fonctions :
- ils sont agents de l'Etat pour certaines tâches administratives ;
- ils sont l'exécutif de leur collectivité
et donc chargés de l'exécution des délibérations
des assemblées locales ;
- le maire, comme le Joupan, est le chef de l'administration
communale ou régionale.
Le contrôle administratif des actes juridiques adoptés
au niveau local s'effectue au niveau de la Joupanie (qui est aussi
un échelon d'administration centrale déconcentrée)
sous l'autorité de l'administration d'Etat. On rappellera
que le Joupan était auparavant nommé par le gouvernement
central et remplissait un rôle similaire à celui
du préfet français.
Le contrôle de légalité s'exerce a priori
et lorsqu'une décision locale n'apparaît pas conforme
aux représentants de l'Etat, elle est renvoyée à
l'autorité locale pour modification et remise en conformité.
II. LA SITUATION POLITIQUE
Les
élections de janvier 2000 ont provoqué une alternance
et mis fin à l'ère Tudjman ; elles ont amené
au pouvoir une coalition de centre-gauche, rassemblée autour
du Premier ministre social démocrate, Ivica Racan. Le mois
suivant, l'élection présidentielle a porté
à la tête du pays Stjepan Mesic, issu du Parti populaire
de Croatie (HNS), membre de la coalition gouvernementale. Il est
apparu à votre délégation que la situation
politique était stable, mais que le sentiment nationaliste
qui s'est fortement adouci était naturellement prompt à
se raviver quand il était question des séquelles
de la guerre.
1. La coalition
La
coalition gouvernementale est composée des différents
partis suivants :
- SDP (Parti social démocrate), dont
est issu le Premier ministre, qui a obtenu 45 sièges au
Sabor.
C'est un parti de centre gauche pratiquant une politique marquée
par le pragmatisme ;
- HSS (Parti paysan de Croatie) : 15 sièges.
Il s'agit du parti fondé en 1904 : de tradition conservatrice
et catholique, il réclame l'enseignement du catéchisme
à l'école, conformément aux accords passés
avec le Vatican. Il soutient l'agriculture et la petite entreprise.
Il est favorable à un libéralisme tempéré
par une bonne protection sociale, le souci de l'individu et celui
de l'environnement.
L'homme fort du HSS est M. Zlatko Tomsic, président du
Sabor, qui a reçu la délégation française.
Lors de cet entretien prolongé, il est apparu soucieux
de manifester son intérêt pour l'entrée de
la Croatie dans l'Union européenne et il a annoncé
que la Croatie déposerait sa candidature en mars 2003 (chose
faite depuis le 21 février). Il nous a également
déclaré que l'opinion publique y était très
favorable (75 à 80 % des sondés) mais que ce
chiffre n'avait pas de signification tant que ses concitoyens
ignoraient les difficultés de la période de criblage
des 31 chapitres. A ses yeux, l'adhésion pour souhaitable
qu'elle soit, ne saurait se faire sans sacrifice pour certaines
catégories de la population. M. Tomcic a également
souligné qu'il était favorable à une approche
individuelle de l'élargissement de l'Union européenne
et a rappelé qu'il fallait donc faire entrer les candidats
au fur et à mesure qu'ils étaient prêts. Il
a déploré que la guerre ait retardé la candidature
de la Croatie. On notera que le HSS est devenu le parti charnière
et que M. Tomcic est désormais courtisé par
la droite.
- LIBRA (Parti des libéraux indépendants) :
9 sièges.
C'est le parti du centre - né de la scission du HSLS -
qui regroupe ceux qui récusent une politique trop ouvertement
nationaliste.
- HNS (Parti populaire de Croatie) : 2 sièges.
Ce parti n'a pas d'assise populaire, mais il a réussi à
remporter l'élection présidentielle et même
à devenir le deuxième parti de la capitale. Il se
situe nettement plus à gauche que le SDP, du moins dans
ses prises de position idéologiques.
- LS (Parti libéral) : 4 sièges.
Le LS est un parti de gauche qui n'a pas encore trouvé
son identité et qui reste mal implanté.
- PGS (Alliance de Primorje et de Gorski Kotar) :
2 sièges.
Parti régionaliste proche du SDP.
- SBHS (Parti de Slavonie et de Baranja) : 1
siège.
Parti régionaliste proche du SDP.
2. L'opposition
Cinq
partis sont dans l'opposition au gouvernement :
- HDZ (Union démocrate de Croatie) : 41
députés.
Ce parti est lié à la création de la Croatie
libre et moderne puisqu'il remporte les élections législatives
de 1992 et l'élection présidentielle la même
année avec Franjo Tudjman. La mort de Tudjman en décembre
1999 prive le parti de leader et provoque l'alternance de janvier
2000. Son nouveau président (Ivo Sanader) a recentré
le parti à droite en le débarrassant de sa composante
ultra-nationaliste.
Si la bipolarisation se renforçait en Croatie, le HDZ aurait
toutes les chances d'apparaître comme le parti du centre
droit proche de la démocratie chrétienne allemande.
A ce stade, sa mutation ne paraît pas achevée.
- HSLS (Parti social libéral de Croatie) :
14 sièges.
Le HSLS est favorable à l'intégration européenne
et prêt à collaborer avec le HDZ.
- HSP (Parti du droit croate) : 4 sièges.
Parti d'extrême droite qui n'a d'influence réelle
que localement dans les régions éprouvées
par la guerre.
- DC (Centre démocratique) : 3 sièges.
Ce parti a été créé pour donner à
la Croatie un parti de droite classique, mais l'évolution
du HDZ a déjoué ses prévisions et réduit
son auditoire.
- HKDU (Union chrétienne démocrate de Croatie) :
1 député.
Parti de la droite populiste dépourvu de troupe.
3. Les partis indépendants
- IDS (Parlement démocrate d'Istrie) : 4 sièges
Parti régionaliste qui se situe à gauche mais qui
est très favorable à l'Europe des régions.
- SNS (Parti national serbe) : 1 siège
Le SNS est le représentant de la minorité serbe
au Sabor mais les excès de ses dirigeants l'ont fortement
discrédité.
Il ressort de ce rapport de forces que la coalition au pouvoir
n'est pas homogène mais que le SDP a compris que le HSS
est un partenaire essentiel et qu'à ce titre et pour conserver
son soutien, le SDP pratique une politique d'ouverture aussi bien
sur la question religieuse que sur la politique agricole ou sur
le soutien aux petites et moyennes entreprises indépendantes.
De son côté, l'opposition se réorganise rapidement
et apparaît crédible aux yeux de l'opinion. Le HDZ
débarrassé de son ultranationalisme a modernisé
son image et semble reconnu comme un parti d'alternance.
4. La place de l'Eglise
La
Croatie est un pays de tradition catholique et cet aspect de son
identité est d'autant plus saillant qu'au cours des siècles,
il a fallu le défendre contre l'orthodoxie et l'islam,
et surtout contre le communisme. S'il est juste d'évoquer
le poids de l'Eglise dans
l'histoire de la Croatie jusqu'en 1990, il faut aussi constater
que depuis cette date, son influence faiblit. On sait en effet
que sous la dictature communiste, aller à l'Eglise était
une profession de foi nationale, un plébiscite au sens
où l'entendait Renan, car l'Eglise était le refuge
de la « croatitude », c'est à dire
le sanctuaire du sentiment national croate. Ce sentiment était
d'autant plus fort que l'église croate était la
seule église jusqu'à Vatican II à pouvoir
user, dans sa liturgie, de la langue vernaculaire (en l'occurrence
le vieux slavon) depuis le Moyen Age et ce par autorisation spéciale
de Rome, dérogation qui identifiait d'autant mieux l'Eglise
à la Nation. Une fois l'indépendance recouvrée,
l'Eglise a naturellement perdu de sa puissance sinon de son prestige :
elle se trouve aujourd'hui face à un nouveau chapitre de
son histoire, en tant qu'institution. Cela n'empêche pas
l'attachement au catholicisme d'inspirer certains partis croates
historiques, comme on l'a vu, mais alors ces partis se rattachent
plus aux valeurs chrétiennes traditionnelles qu'à
l'institution ecclésiastique.
Lors de sa mission, votre délégation a visité
l'importante cathédrale de Dakovo, dont la façade
porte encore les impacts du mortier reçu pendant la guerre
d'indépendance. Cette visite n'était pas prévue
dans le programme, mais elle a permis d'évoquer la mémoire
d'un Croate nationaliste célèbre dont les thèses
ont plus tard été volontairement déformées
par les partisans de la Yougoslavie. En effet, Monseigneur Josip
Strossmayer, évêque de Dakovo, revendiquait au XIXème
siècle l'union de tous les Slaves du Sud, mais il précisait
qu'il s'agissait des Slaves qui s'étaient déjà
trouvés sous une même couronne (Croatie, Slovénie,
Bosnie, Voïvodine) et il excluait ainsi par prétérition
les Serbes et les Monténégrins... Quoi qu'il en
soit, ce grand personnage de l'Eglise croate est assurément
un acteur du réveil national au XIXème siècle
et figure dans le panthéon croate.
III. LA SITUATION ÉCONOMIQUE
La
Croatie a pris le parti d'opérer une mutation en profondeur
et elle a déjà obtenu quelques résultats
macro-économiques remarquables tels que la stabilité
monétaire, le retour de l'inflation à 2 % et
le maintien du pouvoir d'achat. Il lui appartient maintenant de
mettre en oeuvre une politique de restructuration de son outil
industriel et d'achever le processus de privatisation.
1. Une situation stabilisée mais à un niveau encore
insatisfaisant
L'inflation a été stabilisée à 2% (après
4,9% en 2001 et 3,3% en 2002), mais cette hausse des prix mesurée
n'empêche pas un niveau de prix général très
élevé qui nuit à la compétitivité
du pays. Le taux de croissance qui était de 2,5% en 2000
et de 5% en 2002 devrait se situer entre 4 et 5% en 2003.
En outre, le processus de privatisation n'est pas terminé.
En effet, la part du secteur privé dans le PIB n'est encore
que de 55 %, ce qui place la Croatie devant la Slovénie,
mais derrière la Slovaquie. A ce stade, les privatisations
n'ont pas suffi à entraîner la restructuration nécessaire
du tissu industriel.
D'une part, en signant l'accord d'association et de stabilisation
avec l'Union européenne, la Croatie a entrepris une démarche
drastique de mise à niveau pour répondre aux conditions
pré-requises à son intégration dans l'Union
européenne. D'autre part, son adhésion à
l'Association européenne de libre échange (AELE)
va accélérer la libéralisation du commerce
avec les pays étrangers et développer les exportations.
Les principaux indicateurs économiques
sont les suivants (chiffres de 2001) :
- PIB : 22,6 milliards d'euros
- PIB par tête : 5140 euros
- Taux de chômage : 15,8 % (estimation pour 2003 :
13%)
- Salaire moyen brut mensuel : 673 euros
2. La production industrielle
La
production industrielle reste la partie la plus importante de
l'économie croate et représente environ 20 %
du PIB croate, ce qui est proche des niveaux européens.
L'industrie croate emploie 25 % de la population active croate.
Au sein de l'industrie, le revenu principal provient de la production
agro-alimentaire suivi des industries pétrolières,
chimiques et électriques, de l'industrie du papier, de
l'édition et de la construction navale.
Les exportations principales concernent la construction navale,
l'industrie agro-alimentaire, suivies des industries métallurgiques
et électriques. Les biens industriels représentent
95 % des exportations croates.
3. L'agriculture, la pêche et l'industrie agro-alimentaire
Les
deux tiers des terres agricoles sont cultivées, le dernier
tiers est réservé aux pâturages ; 83 %
des terres agricoles appartiennent à de petits propriétaires
privés. Il s'agit d'une agriculture diversifiée
et traditionnelle faite par des paysans attachés à
leur terre et héritiers de cultures séculaires.
Il faut rappeler que la Croatie faisait partie des greniers et
des vergers de l'Empire austro-hongrois comme de l'ancienne fédération
communiste et qu'on y trouve aussi bien, outre toutes les productions
des pays tempérés, du vin, des olives que des oranges,
des citrons et du tabac. La pêche et l'exploitation forestière
s'ajoutent aux activités traditionnelles.
La production agro-alimentaire représente 20 % du
PIB croate.
4. Les secteurs du bâtiment et de la construction
Ce
secteur est particulièrement actif puisque la Croatie est
dans l'obligation de reconstruire certaines parties de son territoire.
Il emploie 62.773 personnes réparties dans 11.762 entreprises.
En 2000, 12.000 appartements ont été construits
et un plan de 700 kilomètres de routes sur les dix ans
à venir a été lancé.
IV. L'INTÉGRATION EURO-ATLANTIQUE
On
entend dire parfois que les Croates veulent souligner qu'ils n'appartiennent
pas aux Balkans, qu'ils souhaitent tourner le dos au Sud et ne
regarder plus que vers l'Atlantique Nord et l'Union européenne.
Ces affirmations sont sans doute exagérées, mais
elles traduisent assez bien le sentiment de l'opinion croate qui
aspire à rejoindre l'Europe dont la Croatie n'aurait jamais
dû être détachée. Le pays se définit
d'ailleurs, non sans pertinence, comme la « façade
méditerranéenne de l'Europe centrale ».
Tous les interlocuteurs avec lesquels votre délégation
s'est entretenue ont manifesté le regret qu'ils éprouvaient
de ne plus faire partie du premier groupe des candidats à
l'instar de la Slovénie voisine, tout en attribuant cette
différence de traitement aux conséquences néfastes
de la guerre d'indépendance, évaluées à
37 milliards de dollars. La Croatie figurait en effet à
la veille de la guerre en 1990 parmi les pays qui avait les meilleures
chances de rejoindre l'Europe communautaire. Aujourd'hui encore
un fossé la sépare de ses voisins méridionaux
parfois regroupés sous le vocable « Balkans occidentaux »
(Bosnie-Herzégovine, Serbie-Monténégro, Macédoine,
Albanie). Le PIB de la Croatie équivaut à lui tout
seul aux PIB de ces quatre pays qui comptent pourtant ensemble
22 millions d'habitants. Avec un PIB/hab. de 5.140 euros
(2001), contre un PIB/hab. moyen de 1.350 euros pour ces quatre
pays, la Croatie est aujourd'hui bien plus proche des autres pays
candidats, et en dépasse même quelques-uns.
Aussi les répercussions de la guerre ne suffisent-elles
pas à expliquer la décision de Bruxelles, qui a
reporté à plus tard l'entrée de la Croatie
dans l'Union européenne. Les autorités européennes
ont mis en avant deux autres obstacles à l'adhésion
immédiate de la Croatie à l'Union, à savoir
le problème des minorités et celui du Tribunal international
de La Haye.
1. La question des minorités
a) Avant la reconnaissance de l'indépendance croate
La
première Constitution croate adoptée au lendemain
des premières élections libres, promulguée
le 22 décembre 1990, ne prévoyait aucune disposition
spéciale ni discrimination positive à l'égard
des minorités, et notamment de la minorité serbe
(12 % de la population), se cantonnant à garantir
l'égalité de tous les citoyens croates, sans aucune
discrimination.
Une Charte des droits des Serbes et des autres minorités
nationales de la République de Croatie fut néanmoins
adoptée le 25 juin 1991, c'est-à-dire en même
temps que la Déclaration sur la souveraineté et
l'indépendance de la République de Croatie qui marqua
son émancipation politique de la fédération
yougoslave. Entre-temps une rébellion armée des
éléments les plus radicaux de la minorité
serbe de Croatie, soutenue par l'armée yougoslave aux ordres
de Belgrade, avait soustrait à l'autorité de Zagreb
près d'un quart du territoire croate. Il s'agissait donc
pour le gouvernement croate de donner des gages à la minorité
serbe par une Charte qui garantisse leur autonomie culturelle,
prévoie une organisation territoriale adaptée et
pose les principes de leur représentation proportionnelle
dans les assemblées des collectivités territoriales,
dispositions censées pouvoir désamorcer le conflit.
Il n'en fut rien.
Afin d'obtenir la reconnaissance internationale de son indépendance,
et compte tenu de la pression internationale, principalement européenne
et notamment celle de la France qui s'est montrée très
active et très déterminée sur cette question,
la Croatie fut amenée à adopter le 4 décembre
1991 une Loi constitutionnelle qui précise les principes
énoncés par la Charte. En vertu de ce texte, il
était reconnu aux minorités de Croatie notamment
le droit:
- d'utiliser leur langue et leur alphabet comme langue officielle
aux côtés du croate dans les municipalités
où ils constituent la majorité de la population ;
- d'arborer leurs symboles nationaux aux côtés des
symboles nationaux croates dans les municipalités où
ils constituent la majorité de la population ;
- à l'enseignement maternel, primaire, secondaire et supérieur
dans leur langue maternelle ;
- à une représentation proportionnelle au Sabor
(Parlement), au Gouvernement et au sein des plus hautes instances
judiciaires pour les minorités représentant plus
de 8 % de la population (en l'occurrence la minorité
serbe) ;
- à 5 députés pour l'ensemble des minorités
ne dépassant pas, séparément, ce seuil (Italiens,
Hongrois, Tchèques, Slovaques, Ukrainiens, Allemands, Autrichiens,
toute l'ancienne mosaïque ethnique héritée
de l'Empire austro-hongrois) ;
- à un statut d'autonomie particulier accordé aux
onze municipalités (opcine) où les minorités
- la minorité serbe en l'occurrence - représentent
plus de la moitié de la population. Ce statut prévoit
notamment la représentation proportionnelle des minorités
au sein des conseils municipaux, des fonctionnaires territoriaux,
des instances judiciaires autonomes, des commissariats de police
municipaux, des établissements scolaires.
b) La Croatie indépendante mais partiellement occupée
Ces
dispositions - jugées conformes aux standards européens
en matière de protection des droits des minorités
par la Commission d'arbitrage présidée par notre
collègue M. Robert Badinter - ouvrirent la voie à
la reconnaissance de l'indépendance de la Croatie par la
Communauté européenne, devenue officielle dès
le mois suivant, le 15 janvier 1992.
Un amendement voté le 8 mai 1992 autorisa ensuite le regroupement
des municipalités autonomes en districts autonomes (kotarevi),
afin de prendre en compte le fait que les onze municipalités
à population à majorité serbe constituaient
deux espaces connexes, de respectivement cinq et six municipalités.
Il prévoyait également des mesures complémentaires
qui visaient à faciliter aux citoyens croates de souche
serbe l'accès aux postes de responsabilité sur l'ensemble
du territoire croate, en dehors des deux districts, eu égard
au fait que ceux-ci n'abritaient en 1991 que 145 000 Serbes,
c'est-à-dire un quart de la minorité serbe de Croatie,
tandis que la grande majorité de celle-ci résidait
dans les principales villes de Croatie, où elle constituait
une population très minoritaire.
Ces districts ayant été occupés par l'armée
serbe de 1991 à 1995 et soustraits de fait à la
juridiction croate, la Loi constitutionnelle relative au statut
des minorités n'a toutefois pas pu y être appliquée.
c) Après la reconquête de 1995
Au
lendemain de la reconquête militaire de ces territoires
par l'armée croate, en août 1995, la quasi totalité
des Serbes de souche a fui dans le sillage des troupes serbes
vaincues. D'autre part, le retour des 120 000 Croates et
autres minorités chassés de cette région
par les milices serbes en 1991 nécessitait du temps et
la mise en place dans vaste programme de reconstruction et de
déminage. Aussi le gouvernement croate en a-t-il provisoirement
suspendu l'application, le 20 septembre 1995, faute de pouvoir
la mettre en oeuvre dans une région sinistrée et
désormais quasiment inhabitée.
Selon les amendements à la loi électorale en date
du 21 septembre 1995, sur l'ensemble de 127 députés
élus au Sabor, 8 députés sont appelés
à représenter les minorités nationales, soit
3 députés pour la minorité serbe, 1
député pour la minorité hongroise, ainsi
que pour la minorité italienne, et enfin trois député
répartis à raison de un pour chacun des trois groupes
de minorités suivantes : tchèque et slovaque,
ruthène et ukrainienne, et, enfin, allemande et autrichienne.
Une nouvelle loi électorale votée le 29 octobre
1999 a de nouveau modifié cette répartition. Ainsi
le Parlement est désormais composé de 151 membres
élus pour 4 ans au suffrage universel direct (scrutin proportionnel) :
140 députés représentent les Croates de Croatie,
5 députés les minorités ethniques (1 serbe,
1 italien, 1 hongrois, 1 tchèque et slovaque et 1
représentant d'autres minorités) et 6 députés
représentent les Croates de l'étranger (ce nombre,
variable, est fixé proportionnellement, en divisant le
nombre de votants par le nombre moyen de suffrages obtenu en métropole
par député, permettant ainsi une égale représentation
au Parlement des Croates de métropole et de ceux de l'étranger).
d) Le tournant politique de 2000
Après la défaite aux élections législatives
de janvier 2000 et la victoire de la coalition de centre-gauche
conduite par le SDP et le HSLS, la Loi constitutionnelle de 1991
relative au statut des minorités fut amendée le
11 mai 2000, en attendant d'être révisée.
Ces modifications supprimèrent définitivement les
districts et municipalités autonomes, et par voie de conséquence,
le régime territorial de représentation proportionnelle
des minorités, aussi bien dans les instances politiques
et judiciaires locales, les administrations que dans l'enseignement.
Il fut cependant décidé que soit rétabli,
après publication des résultats du recensement de
la population de 2001, le seuil de 8 % au-delà duquel le
poids d'une minorité nationale lui donne le droit à
une représentation proportionnelle au Sabor. L'ensemble
des minorités représentant séparément
moins de 8 % de la population obtenaient, quant à
elles, un nombre de député compris entre cinq et
sept, selon les dispositions de la loi électorale.
De même les deux lois votées le 6 avril 2001, l'une,
relative au statut des collectivités territoriales (municipalités
et régions), l'autre, relative aux élections municipales
et régionales, ont pris acte de cette harmonisation administrative,
fixant les mêmes règles sur l'ensemble du territoire.
e) 2002 : une nouvelle Loi constitutionnelle sur les
droits des minorités
Au
terme de vifs débats, le Sabor, résolu à
se conformer aux exigences de Bruxelles et de l'OSCE, est parvenu
à voter, le 13 décembre 2002, une nouvelle Loi constitutionnelle
relative aux droits des minorités nationales, publiée
dans le Journal officiel du 19 décembre 2002. A l'instar
de la loi constitutionnelle de 1991, celle-ci reprend également
à son compte la plupart des textes fondamentaux en la matière
(Charte de l'ONU, Déclaration universelle des droits de
l'homme, Acte final de l'OSCE, Convention du Conseil de l'Europe
sur la protection des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, etc.) - (Art. 1).
La Loi réaffirme que la Croatie rejette (Art. 2) et interdit
(Art. 4) toute forme de discrimination et précise que la
protection des minorités fait partie intégrante
de l'ordre démocratique établi en Croatie (Art.
3), ce que garantissent la Constitution et la Loi constitutionnelle
(Art. 4).
Les minorités nationales jouissent notamment du droit :
- d'utiliser leur langue et leur alphabet, en privé, en
public ainsi qu'en tant que langue officielle (dans les documents
d'état civil, lorsque la minorité concernée
représente plus du tiers de la population municipale ou
sur les panneaux d'indication publics [toponymes, noms de rues]
dans les localités où les minorités constituent
une population « importante ») ;
- à l'enseignement et à l'éducation dans
leur langue maternelle (programmes et établissements scolaires
spécifiques, personnel enseignant spécialisé) ;
- à l'usage de leurs symboles nationaux (drapeau, armoiries,
hymne) aux côtés des symboles nationaux croates dans
les municipalités où ils constituent la majorité
de la population ;
- à l'autonomie culturelle ;
- à affirmer leur appartenance religieuse notamment au
travers d'associations à caractère religieux ;
- à être représentées dans les instances
représentatives au niveau local et national, ainsi que
dans l'administration et les instances judiciaires ;
- à prendre une part active dans la vie publique par le
biais des Comités et des représentants des minorités
nationales ;
- d'entretenir librement toute relation avec leur mère
patrie ;
- à être préservés de toute menace
qui viserait à restreindre ces droits.
Le service audiovisuel public veillera à diffuser des émissions
permettant à un large public de mieux connaître les
us et coutumes des différentes minorités nationales
(Art. 18).
Il est garantit aux membres des minorités nationales une
représentation au Parlement, comprise entre cinq et huit
députés. Les minorités nationales qui constituent
plus de 1,5 % de la population (en l'occurrence uniquement
la minorité serbe) sont représentées par
au moins un et au plus trois députés, étant
entendu que les minorités nationales qui constituent séparément
moins de 1,5 % de la population (soit toutes les autres minorités)
doivent être représentées par au moins quatre
députés (Art. 19).
COMPOSITION ETHNIQUE DE LA POPULATION CROATE
(recensement de 2001) |
Population |
Nbre
d'hab. |
% |
Croates |
3
977 171 |
89,63
|
Serbes |
201
631 |
4,54 |
Bosniaques |
20
755 |
0,47 |
Italiens |
19
635 |
0,44 |
Hongrois |
15
595 |
0,37 |
Albanais |
15
082 |
0,34 |
Slovènes |
13
137 |
0,30 |
Autres
|
174
454 |
3,93 |
TOTAL |
4
437 460 |
100 |
Il
est par ailleurs garanti aux membres des minorités nationales
une représentation au niveau des collectivités territoriales
(conseils municipaux et assemblées régionales) -
Art. 20.
Dans les municipalités où une minorité
nationale au moins représente entre 5 % et 15 %
de la population, la loi électorale veillera, si la condition
n'est pas remplie après les élections, à
ce qu'au minimum un représentant de l'une de ces minorités
entre au conseil municipal.
Dans les municipalités où une minorité
nationale dépasse le seuil de 15 % de la population,
la loi électorale veillera, si la condition n'est pas remplie
après les élections, à ce qu'il entre au
conseil municipal autant de représentants que nécessaire
de chacune des minorités concernées jusqu'à
ce soit reflété leur poids respectif dans la population
municipale.
Dans les régions où une minorité nationale
dépasse le seuil de 5 % de la population, la loi électorale
veillera, si la condition n'est pas remplie après les élections,
à ce qu'il entre à l'assemblée régionale
autant de représentants que nécessaire de chacune
des minorités concernées jusqu'à ce soit
reflété leur poids respectif dans la population
de la région. Le dernier recensement de la population étant
le document de référence (Art. 20).
Dans les collectivités territoriales où les minorités
nationales bénéficient d'une représentation
proportionnelle dans les conseils municipaux ou assemblées
régionales, ce droit s'étend également aux
instances exécutives.
Au niveau national, on veillera à une représentation
adéquate des minorités nationales dans l'administration
et les instances judiciaires, ainsi que dans les services déconcentrés
et décentralisés. A compétences égales,
priorité est donnée aux membres des minorités
nationales (Art. 23).
Dans les municipalités où les minorités nationales
représentent plus de 1,5 % de la population ou plus
de 200 personnes, ainsi que dans les régions où
elles représentent plus de 500 personnes, il est institué
un Comité de la minorité nationale. Dans les collectivités
territoriales où résident au moins 100 membres de
minorités nationales, il est procédé à
l'élection d'un représentant de la minorité
nationale. Le Comité ou le représentant représentent
la minorité nationale auprès des instances locales
et peuvent leur soumettre leurs avis, propositions ou doléances.
Au niveau national, plusieurs Conseils peuvent instituer une Coordination
nationale.
Il est créé au niveau national un Conseil des minorités
nationales dont la mission consiste à promouvoir le rôle
des minorités nationales dans la vie publique de la République
de Croatie. Le Conseil, composé douze membres (sept proposés
par les Comités des minorités et cinq personnalités
éminentes représentatives de ces minorités)
peut soumettre ses avis, propositions ou doléances au gouvernement.
Il gère et distribue les fonds publics alloués aux
minorités nationales. Les Comités, les représentants
des minorités nationales ainsi que Conseil des minorités
nationales peut saisir le Conseil constitutionnel s'il le juge
nécessaire.
Au moins une fois par an le gouvernement soumet au Parlement un
rapport sur la mise en oeuvre des dispositions de la Loi constitutionnelle
sur les minorités ; le Conseil des minorités
nationales soumet quant à lui un rapport semestriel au
Parlement.
f) La loi électorale
Afin
d'achever l'harmonisation législative, le Parlement a voté
le 2 avril 1993 des amendements à la loi électorale
relative aux élections législatives. Ceux-ci précisent
les dispositions de l'article 19 de la Loi constitutionnelle sur
les minorités nationales qui fixent le nombre des
représentants parlementaires des minorités nationales
au Sabor. Dorénavant le nombre de députés
représentant les minorités nationales au Parlement est
fixé à 8 :
- 3 députés représentant la minorité
serbe ;
- 1 député représentant la minorité
hongroise ;
- 1 député représentant la minorité
italienne ;
- 1 député représentant les minorités
tchèque et slovaque ;
- 1 député représentant les minorités
autrichienne, bulgare, allemande, polonaise, rom, roumaine, ruthène,
russe, turque, ukrainienne, valaque et juive ;
- 1 député représentant les minorités
albanaise, bosniaque, monténégrine, macédonienne
et slovène ;
g) Les minorités et la question des réfugiés
La
question des minorités est indirectement liée à
celle des réfugiés.
Elle se complique du fait des mouvements de populations consécutifs
à la guerre : la question du retour des derniers réfugiés
serbes est ralentie par le fait que leurs maisons nécessitent
pour partie d'être reconstruites lorsqu'elles ne sont pas
occupées à titre provisoire par les réfugiés
croates chassés de Bosnie qu'il faut reloger faute d'espoir
de retour en zone serbe de Bosnie.
Le gouvernement croate a d'ores et déjà accompli
beaucoup d'efforts sur cette question qui est à présent
en grande partie résolue. A ce jour plus de 306 000 réfugiés
ou déplacés ont pu rentrer chez eux en Croatie,
dont 98 000 citoyens de souche serbe. D'autre part, moins
de 27 000 réfugiés, dont une moitié
de Serbes attendent encore de pouvoir retourner chez eux, beaucoup
de Serbes n'ayant pas déposé de demande de retour.
Il serait en effet illusoire d'espérer que tous les réfugiés
serbes de Croatie aspirent au retour, sachant que la jeune génération
a déjà opté pour une installation en Bosnie
ou en Serbie et que si les plus âgés aimeraient revenir
mourir chez eux, beaucoup craignent de retrouver leurs biens occupés
ou détruits et leurs champs minés.
2. Les relations de la Croatie avec le Tribunal pénal
international de La Haye
Lors
de la mission de la délégation en Croatie, le Parlement
croate s'est réuni d'urgence lorsque est tombée
la nouvelle que le Général Bobetko
était mis en examen par le Tribunal pénal international
de La Haye. L'opinion publique et la grande majorité de
la classe politique se sont insurgées contre cette mise
en examen d'un héros de la guerre d'indépendance,
homme de 83 ans qui s'était auparavant illustré
dans la lutte contre le fascisme sous le gouvernement pro-hiltérien
et qui a également participé à l'insurrection
de 1971 contre la dictature communiste. A cette occasion, le HSP
a solennellement demandé la modification de l'accord liant
la Croatie au Tribunal et il a exigé que chaque demande
de comparution du Tribunal fasse dorénavant l'objet d'une
approbation du Sabor.
Cet épisode que votre délégation a vécu
sur le vif illustre parfaitement l'incompréhension qui
existe entre une certaine « Europe occidentale »
(Bruxelles avec l'UE, Strasbourg avec le Conseil de l'Europe et
La Haye avec le Tribunal pénal international) et la Croatie
nouvellement libre, indépendante et démocratique
sortie d'une guerre douloureuse. Cependant cet épisode
embarrassant pour le gouvernement croate a trouvé sa conclusion
dans la mort du Général Bobetko en avril dernier.
Les funérailles de ce héros national ont donné
lieu à un grand rassemblement empreint de ferveur nationale.
Pourtant, dès son arrivée au pouvoir, le nouveau
Gouvernement de M. Racan a annoncé que Zagreb reconnaissait
la compétence du Tribunal de La Haye pour les crimes de
guerre commis pendant et après les opérations de
reconquête du territoire croate détenu par les Serbes.
Le Président Mesic, que votre délégation
a rencontré, défend la même ligne politique.
Lors de l'audience que le Président a accordée à
la délégation, il a indiqué qu'il considérait
que l'idée de « responsabilité collective »
troublait les esprits. A ses yeux, les Serbes étaient certes
responsables de ce qui avait été fait aux Croates,
les Croates responsables de ce qui avait été fait
aux Serbes, toutes proportions gardées, et les deux responsables
de ce qui avait été fait aux Bosniaques. Mais il
fallait toutefois, selon lui, rappeler que la guerre menée
par les Croates était une guerre de légitime défense
et que si certains crimes avaient été commis en
Croatie, il convenait maintenant que quelqu'un en assume la responsabilité
et non pas la collectivité.
Le Président Mesic a clairement déclaré que
lorsqu'un crime de guerre est commis, soit la hiérarchie
l'ignorait et elle doit le prouver, soit elle ne l'ignorait pas
et elle l'a couvert et alors elle doit en répondre aujourd'hui.
Cette position n'est pas partagée par l'opinion croate
qui reste très critique à l'égard du Tribunal
pénal international. L'inculpation des héros croates
tels que Bobetko reste perçue comme une inadmissible mise
sur un pied d'égalité de l'agresseur serbe et de
sa victime croate.
3. L'entrée dans l'OTAN
C'est
dans cette atmosphère que se déroulent les préparatifs
de l'entrée de la Croatie dans l'OTAN. Comme dans le cas
de la Pologne et de la République Tchèque, l'adhésion
à l'OTAN a toutes chances de se faire avant l'adhésion
à l'Union européenne, ce que les Croates ne manquent
pas de faire remarquer à leurs interlocuteurs étrangers.
Les Croates vont même jusqu'à sous-entendre qu'ils
sont encore plus attachés à l'OTAN qu'à l'Union
européenne. Il est de fait que l'entrée de la Croatie
dans l'OTAN représentera le double avantage de rendre accessibles
les quelque 5.000 kilomètres de côtes croates à
la 6e flotte américaine, ainsi qu'un remarquable
marché d'équipement militaire. Les Américains
ont d'ailleurs entamé une coopération technique
très généreuse à l'égard des
Croates. Il convient de rappeler toutefois que l'armée
croate bien que victorieuse sort d'une guerre qui l'a laissée
exsangue, trop nombreuse, mal payée, humiliée par
le Tribunal international et dotée d'un matériel
hors d'état de marche ou obsolète dans le meilleur
des cas. Enfin, il existe une convergence de vues entre les Américains
et l'opinion publique croate sur le Tribunal pénal international.
Les Etats-Unis sont d'ailleurs prêts à aider la Croatie
à restaurer l'ordre judiciaire de telle manière
que la Croatie puisse juger ses criminels de guerre sans passer
sous les fourches caudines du Tribunal de La Haye.
4. L'adhésion à l'Union européenne
Si
l'adhésion à l'OTAN peut constituer une satisfaction
diplomatique, l'adhésion à l'Union européenne
constitue malgré tout un enjeu économique indéniable
et une nécessité plus évidente.
Le 29 octobre 2001, un accord de stabilisation et d'association
(ASA) a été signé. La Croatie qui l'a ratifié
le 30 janvier 2002, est entrée dans un processus désormais
irréversible de rapprochement avec l'Union européenne.
La France a ratifié à son tour cet accord le 12
mars 2003 (Journal officiel du 13 mars 2003).
Le processus de stabilisation et d'association s'articule autour
de cinq volets essentiels : les réformes démocratiques,
le respect des droits des minorités, la collaboration avec
le Tribunal pénal international, les réformes économiques
et le développement de la coopération régionale.
En outre, la Croatie a lancé un programme de lutte contre
la corruption et d'indépendance des médias.
Dans le domaine des réformes, la Croatie a montré
qu'elle pouvait se doter d'institutions démocratiques stables.
Il lui reste à parachever la réforme du système
judiciaire et le processus de décentralisation. Le projet
de loi sur les droits des minorités respecte les principes
exigés par Bruxelles et le Conseil de l'Europe, même
si la question des réfugiés de part et d'autre de
la nouvelle frontière reste entière. Elle demandera
sans doute du temps et une approche au cas par cas. La collaboration
avec le Tribunal pénal international est certes délicate,
mais chaque crise a pu être dénouée.
Les réformes économiques passent par des mesures
drastiques : suppression d'ici mars 2003 de 10.000 postes
de fonctionnaires, diminution de 10 % du traitement de la
fonction publique et fermeture des entreprises d'Etat non compétitives,
réduction de certaines prestations sociales, en vue de
réduire le déficit budgétaire.
Malgré cette feuille de route très exigeante, la
Croatie se fait fort d'être prête pour l'adhésion
en 2007, bien qu'aujourd'hui, aucune date n'ait encore été
fixée.
La Croatie est d'ailleurs particulièrement affectée
par l'exigence, indirectement formulée par certains au
sein de l'UE, d'imposer un regroupement des pays des Balkans comme
préalable à l'adhésion. La Croatie défend
à juste titre l'approche individuelle qui permet à
chaque pays d'entrer quand il est prêt, approche qui a prévalu
dans le passé pour son voisin immédiat, la Slovénie.
Pour souhaitable que soit le développement de bonnes relations
entre les pays de l'ancienne fédération communiste,
il ne doit pas être un préalable à l'intégration
d'un pays normalement développé et déjà
doté des atouts nécessaires à sa bonne intégration
dans le concert des nations européennes.
V. LES RELATIONS BILATÉRALES ENTRE LA FRANCE ET LA CROATIE
1. Des relations politiques en voie de renforcement
Le
président Mesic s'est rendu en visite officielle en France,
le 25 février 2003. Les entretiens que celui-ci a
eus avec M. Jacques Chirac, Président de la République,
ont été l'occasion d'évoquer notamment l'état
de la coopération avec le Tribunal pénal international,
ainsi que la perspective d'adhésion à l'Union européenne,
l'échéance de 2007 étant évoquée.
Il doit revenir à Paris les 18 et 19 juin prochains et
il rencontrera à cette occasion le Président du
Sénat, M. Christian Poncelet.
Pour sa part, le Sénat a souhaité en constituant
en son sein un groupe interparlementaire franco-croate marquer
sa volonté de renforcement des liens entre les deux pays
sur le plan parlementaire.
2. La visite du groupe interparlementaire en Croatie
L'invitation au Sénat de la présidente du Jupaniski Dom,
lors de la réunion des Sénats du monde en mars 2000,
avait préfiguré cette démarche. En dépit
de la suppression de cette assemblée, que le groupe interparlementaire
espère provisoire, un rapprochement s'est opéré
avec l'assemblée nationale croate. C'est à l'invitation
conjointe de son président, M. Zlatko Tomcic, et du président
de la commission pour la coopération interparlementaire
et président du groupe interparlementaire Croatie-France,
M. Ivo Skrabalo, qu'une délégation de notre groupe
sénatorial d'amitié s'est donc rendue en Croatie
pour effectuer une première rencontre avec les autorités
politiques nationales et locales, en septembre 2002. Le compte-rendu
détaillé de cette visite figure au VI ci-après.
3. Les échanges économiques franco-croates
De
l'avis de tous les interlocuteurs rencontrés par la délégation
lors de sa visite de septembre 2002, les échanges économiques
entre la Croatie et la France sont difficiles et ne sont pas à
la hauteur du potentiel. En outre, la France a pris un retard
considérable par rapport aux autres pays européens
en matière d'investissement (1,67 % de tous les investissements
étrangers). Une des explications du peu d'enthousiasme
du côté français tient aux graves problèmes
liés à la détermination de la propriété
des biens immobiliers. Il convient cependant de mentionner l'accord
de protection des investissements, signé le 3 janvier 1996
à Zagreb et entré en vigueur le 5 mars 1998.
Sur le plan financier, les banques françaises se sont peu
engagées, ne détenant que 3 % des créances
des banques étrangères, à comparer avec les
banques allemandes dont les créances atteignent près
de 40 %.
L'aide bilatérale française est néanmoins
passée de 0,06 million d'euros en 1999 à 1,37 million
d'euros en 2002.
Sur le plan commercial, la France est le 6ème
fournisseur et le 8ème client de la Croatie
et les ventes d'automobiles françaises sont très
encourageantes.
Il reste qu'un effort particulier devra être fait au cours
des années à venir pour stimuler le développement
des échanges franco-croates, notamment dans le domaine
de l'énergie, des matériaux, de l'agro-alimentaire
et du tourisme.
4. Des relations culturelles et touristiques prometteuses
Plusieurs événements culturels qui se sont déroulés
en France au cours des dernières années ont bénéficié
de l'apport des richesses artistiques, historiques et patrimoniales
croates.
A titre d'illustration la plus significative, la grande manifestation
sur les Anjous organisée au cours du second semestre 2001
a particulièrement retenu l'attention. De nombreuses rencontres
ont permis de mettre l'accent sur la riche tradition folklorique
croate, ainsi que sur la qualité des chants polyphoniques,
à la beauté desquels les publics français
ont été rendus sensibles grâce à plusieurs
concerts organisés à l'initiative de la communauté
croate installée en France.
Mais beaucoup de trésors archéologiques, monumentaux
et artistiques se dévoilent aussi progressivement à
un public français, grâce au développement
du tourisme en Croatie. Le potentiel dont jouit la Croatie en
la matière, tant sur le plan géographique que culturel,
est considérable. Les capacités d'accueil sont en
pleine expansion, accompagnées par d'importants efforts
de promotion. Ceux-ci ne sauraient manquer de porter leur fruit
au cours des années à venir, créant ainsi
les conditions d'un rapprochement progressif et durable entre
Français et Croates.
Ce mouvement sera l'un des facteurs clés du renforcement
des liens politiques, économiques et d'amitié entre
nos deux pays.
VI. LE COMPTE RENDU DE LA MISSION
1. Un accueil très chaleureux
Une
Délégation
du groupe interparlementaire s'est rendue en Croatie du 18 au
22 septembre 2002 à l'invitation du groupe Croatie-France
du Sabor, lequel est présidé par le député
Ivo Skrabalo, remarquable francophone et vrai défenseur
des intérêts de la France. Elle a été
très chaleureusement reçue et les autorités
croates ainsi que notre ambassadeur, Son Excellence M. Francis
Bellanger, avaient préparé un programme remarquable
qui a permis à la délégation en quelques
jours d'entrer de plain-pied dans la réalité croate.
Qu'il soit permis de rendre ici hommage à tous ceux qui
ont rendu ce voyage mémorable : à nos amis
Croates, M. Yvo Skrabalo, Son Excellence M. Bozidar Gagro,
ambassadeur de Croatie en France et M. Zvonimir Frka-Petesic,
secrétaire près l'Ambassade de Croatie en France,
ainsi qu'à notre ambassadeur dont la délégation
a apprécié l'érudition passionnée,
la franchise et l'entière disponibilité, et à
son équipe, particulièrement M. Gilles Thibault,
M. Philippe Latapie et M. Eric Playout.
Cette mission a offert également un aperçu de la
réalité géographique et humaine du pays puisque
les déplacements ont eu lieu du nord au sud : de Vukovar
à Dubrovnik en passant
par Osijek et Dakovo. C'est avec émotion que votre délégation
a découvert les conséquences dramatiques de la guerre
qui a suivi la sortie de la Croatie de la fédération
yougoslave. Devant les dégâts matériels (les
deux tiers de la région de Vukovar sont sinistrés),
dans les cimetières aménagés aux abords des
charniers, au coeur des églises bombardées et profanées,
devant les tombes ouvertes (Eglise Saint-Philippe et Saint-Jacques
à Vukovar), au bord du Danube dans des châteaux et
des hôtels dont ne subsiste que l'ossature (château
baroque d'Eltz et Grand Hôtel de Vukovar), elle a ressenti
la blessure des Croates et compris leur nationalisme. Il lui est
apparu que la Croatie sortait à peine de la guerre et que
le reste de l'Europe n'avait pas suffisamment pris la mesure des
conséquences de cette guerre terrible pour l'importante
portion du territoire croate qui en a été le théâtre.
2. Des entretiens politiques au plus haut niveau
La
mission de votre délégation, qui avait le mérite
d'inaugurer le travail interparlementaire en Croatie puisqu'elle
représentait le premier groupe de parlementaires étrangers
reçus à ce titre par le Sabor, a revêtu un
caractère exceptionnel grâce à nos amis Croates.
Ainsi, votre délégation a été reçue
par les deux plus hautes autorités politiques du pays :
- M. Stjepan MESIC, président de la République ;
- M. Zlatko TOMCIC, président du Sabor.
- La rencontre avec M. Stjepan MESIC
Le président MESIC a longuement reçu la délégation
en déclarant d'abord tout l'intérêt qu'il
portait à la coopération interparlementaire et en
soulignant qu'à ses yeux la disparition du Sénat
croate ne devait en rien changer la coopération existant
avec le Sénat français, car bien qu'il s'agisse
de coopération interparlementaire, elle ne devait pas se
limiter au Parlement, mais s'exercer, selon lui, avec l'ensemble
des institutions des deux pays.
Le président MESIC a ensuit répondu à la
question de la délégation sur les difficultés
de l'adhésion à l'Union européenne, rappelant
que l'accord de stabilisation était signé, que la
Croatie était membre de l'OMC, et que l'armée se
modernisait pour répondre aux normes de l'OTAN. Il n'a
pas dissocié l'adhésion à l'Union européenne
de celle à l'OTAN les présentant comme deux objectifs
liés.
L'une des premières difficultés que le président
MESIC a mise en exergue est celle liée au passage d'une
économie dirigée à une économie de
marché libre. Mais il s'est réjoui à l'idée
que la Croatie dont l'histoire montrait qu'elle avait une longue
expérience des unions (la plupart du temps des « unions
imposées ») allait enfin entrer dans une union
librement choisie.
Elle a également interrogé le président MESIC
sur l'affaire Bobetko, qui a éclaté pendant notre
séjour et provoqué un sursaut de nationalisme au
sein de l'ensemble du pays. En effet, le général
Bobetko, ancien résistant au régime imposé
par les nazis, ancien participant de l'insurrection de 1971 contre
le régime communiste et héros de la guerre d'indépendance,
venait d'être inculpé par le Tribunal pénal
international. Comme il a été dit plus haut, le
président MESIC a alors exposé sa position hostile
à l'idée de responsabilité collective (position
qui n'a pas semblé à votre délégation
en phase avec la majorité de l'opinion croate). Il a saisi
cette occasion pour annoncer qu'il irait lui-même témoigner
au TPI (contre Milosevic), ce qu'il a fait depuis lors.
- La rencontre avec M. Zlatko TOMCIC
L'autre temps fort politique a été la séance
de travail avec le président du Sabor, M. Zlatko Tomsic
qui est membre du Parti paysan de Croatie (HSS) lequel appartient
à la coalition gouvernementale mais reste courtisé
par l'opposition de droite, car il pourrait constituer le pivot
d'un futur gouvernement.
M. Zlatko Tomsic s'est dit convaincu que de bonnes relations interparlementaires
étaient un préalable nécessaire à
de bonnes relations bilatérales et il a rappelé
que notre délégation était la première
à rendre visite au Sabor. Il a ensuite abordé le
développement des relations entre la France et la Croatie
et l'intégration euro-atlantique.
Il a déploré que des circonstances malheureuses
aient retardé l'entrée de la Croatie dans l'Union
européenne et il s'est réjoui de la position très
favorable de l'opinion publique en faveur de l'UE (75 à
80 % dans les sondages), mais il reconnu que l'opinion publique
ignorait encore les tracasseries du passage au crible des 31 chapitres
et les sacrifices liés à l'entrée à
l'UE.
M. Tomsic a surtout insisté sur le fait qu'il était
favorable à une approche individuelle de l'élargissement
et plaidé afin que l'on fasse entrer les candidats au fur
et à mesure qu'ils étaient prêts (et non pas
par « fournée »).
Enfin, répondant à une question sur la représentation
des Croates à l'étranger, M. Tomsic nous a fait
sentir parallèlement toute l'importance des questions
des minorités (cf. supra). Il a également abordé
la question des minorités croates à l'étranger,
distinguant avec humour « plusieurs catégories
de Croates » :
- les Croates de Croatie ;
- les Croates de Bosnie Herzégovine ;
- les Croates « autochtones » vivant
à l'étranger, en Voïvodine, en Slovaquie, en
Italie, en Roumanie ;
- la diaspora croate (il y a 4 millions de Croates aux Etats-Unis
et en Australie, descendant de ceux qui ont émigré
et 1,5 million d'entre deux parlent encore le croate) ;
- les « Gastarbeiter » (il s'agit des
Croates travaillant provisoirement en Allemagne).
Il a rappelé que, selon la loi, seules les Croates vivant
en Croatie peuvent voter en Croatie et que ce principe lui semblait
bon, mais il a reconnu qu'il serait souhaitable que les Croates
de l'étranger puissent être représentés
ne serait ce que de « manière symbolique ».
3. Une immersion dans la réalité locale
Avant
de partir pour la province, votre délégation a fait
deux visites « coup de projecteur » :
l'une dans une entreprise agroalimentaire qui lui est apparue
à la pointe du progrès et de l'organisation. Cette
entreprise (LURA) traite avec 26.000 petits fournisseurs dont
elle assure l'adaptation aux normes européennes.
L'autre visite a été consacrée au Musée
Mimara de Zagreb, collection d'oeuvres d'art rassemblées
par un mécène croate éclairé au goût
aussi sûr qu'éclectique, ce qui a permis à
votre délégation de mesurer l'importance de la culture
classique dans les traditions de ce pays.
Ce voyage en province l'a ensuite emmenée à Osijek,
Vukovar dans le nord et Dubrovnik dans le sud. Ces régions
ont été touchées par la guerre et en portent
encore les séquelles.
- L'administration locale et les problèmes locaux
En province, votre délégation a participé
à plusieurs réunions de travail avec les élus
locaux (maires et joupans)
Les entretiens avec les élus locaux ont révélé
:
- que la coopération entre les régions et les
communes était bonne tandis que la coopération avec
l'Etat était plus difficile ;
- que la propriété du sol posait encore un problème
et que le cadastre n'était pas fiable ;
- que la décentralisation mise en place un an auparavant
ne faisant pas encore sentir ses avantages et que le contrôle
a priori continuait à se pratiquer ;
- que la tâche essentielle des collectivités
territoriales était de faire revivre l'économie
après le communisme et la guerre ;
- qu'il y avait d'immenses disparités de revenus fiscaux
d'une collectivité locale à l'autre et que l'Etat
central assurait la péréquation en modulant ses
transferts ;
- enfin, et surtout, que les transferts de l'Etat aux collectivités
territoriales étaient insuffisants, de même que les
ressources allouées pour financer les responsabilités
qui leur étaient confiées (les élus locaux
que nous avons rencontrés ont déploré que
le transfert de l'éducation primaire aux communes et secondaire
aux régions ne se soit pas accompagné du transfert
d'un budget suffisant).
Il est donc apparu que les élus locaux, avec pragmatisme,
faisaient plus grand cas de la remise en marche de l'économie
et de la recherche des investissements que de la défense
des libertés locales, lesquelles sont de toute manière
déjà bien plus développées que du
temps du régime communiste. La gestion quotidienne et la
reconstruction l'emportent sur les clivages politiques et le débat
d'idées.
C'est d'ailleurs ce qui frappe d'abord le visiteur étranger
en Croatie : le pragmatisme d'une nation qui se reconstruit
en luttant contre les conséquences de deux fléaux
qui nous semblent lointains mais qui, pour la nation croate, sont
encore présents et douloureux dans la mémoire collective :
le communisme et la guerre.