1. Aspect physique
              
              La 
                Croatie est un pays à la fois slave et latin, danubien 
                et méditerranéen, car c'est un pays d'Europe centrale 
                dont les frontières s'étirent le long de la Slovénie, 
                de la Hongrie, de la Bosnie-Herzégovine, de la Voïvodine 
                et du Monténégro, et dont les côtes regardent 
                l'Italie par-dessus l'Adriatique. 
                
                Sur une carte, la Croatie 
                apparaît comme un curieux fer à cheval dont les deux 
                extrémités enserrent la Bosnie-Herzégovine. 
                La branche méridionale, la plus longue et la plus étroite, 
                s'appuie sur la mer Adriatique entre les bouches de Kotor au Monténégro 
                et la frontière de la Slovénie à Savudrija 
                au nord de l'Istrie. La branche septentrionale, plus large, comprend 
                la plaine de la Drave au nord et la plaine de la Save jusqu'au 
                Danube. 
                
                La République de la Croatie compte 4,4 millions 
                d'habitants et s'étend 
                sur 56.542 km2. Le pays jouit d'une 
                côte dentelée de 1.778 km sur la rive adriatique 
                qui comprend 1.185 îles et que nous avons pu admirer d'avion 
                pendant le trajet entre Zagreb et Dubrovnik. Au nord, la plaine 
                de la Slavonie fournit de riches terres agricoles et concentre 
                la majorité de la population. Enfin, la barrière 
                montagneuse et rurale des Alpes Dinariques sépare ces deux 
                premières entités. Si l'on regarde la carte de plus 
                près, on perçoit pourtant différentes régions. 
                
                
                La Slavonie est une vaste plaine agricole qui part de la 
                capitale Zagreb. Cette plaine est limitée au nord par la 
                Drave, au sud par la Save et à l'est par le Danube. 
                
                La Croatie centrale faite de plaines et de vallons 
                est la région entourant Zagreb. 
                
                La Lika et le Gorski Kotar rassemblent les zones 
                montagneuses. Le Gorski Kotar au nord est plus accidenté 
                que la Lika formée de hauts plateaux karstiques encaissés 
                entre le Velebit à l'Ouest qui plonge dans la mer et la 
                Dinara à l'est qui forme la frontière avec la Bosnie 
                Herzégovine. 
                
                L'Istrie est une péninsule située à 
                l'extrémité occidentale de la Croatie qui s'ouvre 
                sur le premier port de la Croatie : Rijeka. 
                
                Enfin la Dalmatie longe l'Adriatique en passant par Split 
                et Dubrovnik jusqu'à l'entrée des Bouches de Kotor.
               
               
                 
                  2. La Croatie après la guerre
              
              La 
                Croatie a difficilement accédé à l'indépendance 
                en 1991, mais elle a regagné aujourd'hui sa stabilité. 
                Rive méridionale de l'Europe centrale, la Croatie fut tout 
                au long de son histoire au carrefour des influences latine, vénitienne, 
                austro-hongroise et ottomane. Le pays a d'ailleurs hérité 
                son étrange forme de la double poussée hongroise 
                et ottomane. 
                
                La Croatie d'aujourd'hui est l'héritière du royaume 
                croate médiéval tour à tour indépendant, 
                associé à la couronne hongroise puis intégré 
                à l'empire autrichien jusqu'à la première 
                guerre mondiale. Au XXe siècle, la Croatie sera 
                rattachée à la Yougoslavie naissante et de 1918 
                à 1991, cette union prendra d'abord la forme d'un royaume 
                centralisé dirigé par un monarque serbe puis après 
                1945, la forme d'une fédération communiste de six 
                républiques, dirigée par le Maréchal Tito. 
                
                
                A partir de 1989, après la chute du mur de Berlin, les 
                premières élections libres ont entraîné 
                la défaite du parti communiste et un processus de démocratisation 
                a pu être mis en place. Réagissant à ce processus 
                et soucieux de maintenir sa domination sur la Croatie, le pouvoir 
                fédéral de Belgrade s'est engagé dans une 
                action militaire contre la Croatie, laquelle déclara son 
                indépendance comme l'y autorisait la Constitution de la 
                fédération yougoslave. La Croatie fut reconnue par 
                la communauté internationale en 1992 mais, entre temps, 
                la guerre avait fait 15.000 morts, des centaines de milliers de 
                réfugiés et causé de graves destructions ; 
                en outre, la Croatie était amputée d'un quart de 
                son territoire. 
                
                Prenant son destin en main sous l'impulsion du Président 
                Franjo Tudjman, la Croatie réussit à mettre sur 
                pied une armée et à l'été 1995, les 
                forces croates libèrent la plus grande partie du pays. 
                Cette action d'éclat digne de la célèbre 
                bravoure guerrière du peuple croate conduisit à 
                la négociation des accords de Paris-Dayton. 
                
                Cet épisode tragique de l'histoire croate est désormais 
                clos et le pays s'est engagé dans un vaste programme de 
                reconstruction dont la délégation a pu mesurer l'ampleur 
                lors de sa mission.
               
               
                 
                  3. L'organisation institutionnelle
              
              - 
                Une démocratie parlementaire 
                 
                La Croatie est une démocratie parlementaire dont l'instauration 
                date des élections libres du 22 avril 1990. Ces élections 
                ont rétabli dans ses droits l'antique parlement croate, 
                le Sabor, présenté par les Croates comme l'une des 
                toutes premières assemblées parlementaires connues 
                en Europe. 
                
                Comme le permettait la Constitution de l'ancienne Yougoslavie 
                et en vertu du principe qui y figurait, énonçant 
                que chaque république de la fédération disposait 
                du droit inaliénable à l'autodétermination 
                jusqu'à la sécession, l'ancienne république 
                socialiste de Croatie s'est proclamée indépendante 
                et souveraine le 25 juin 1991. La Communauté européenne 
                a reconnu la Croatie le 15 janvier 1992 et le 22 mai 1992, la 
                Croatie est devenue le 177e membre de l'ONU. 
                
                - La suppression de la seconde chambre 
                 
                La Constitution croate du 22 décembre 1990 s'inspirait 
                au départ de la constitution française de la Ve 
                République. Elle instituait à l'origine un système 
                bicaméral. 
                
                Cette Constitution a cependant été modifiée 
                en 2001, pour malheureusement décider de la suppression 
                de la seconde chambre du Parlement, la Chambre des Comitats, dite 
                aussi Chambre des Joupanies, qui représentait les régions 
                croates. 
                
                Le mouvement concomitant de régionalisation, conforme aux 
                engagements du pays vis-à-vis du Conseil de l'Europe et 
                de l'Union européenne, aurait pu au contraire conduire 
                à renforcer le positionnement institutionnel de la chambre 
                chargée de représenter les régions. Telle 
                n'a pas été l'option retenue, pour des motifs, semble-t-il, 
                d'économie. On se permet d'espérer que le redressement 
                économique en cours conduira à terme à rétablir 
                la seconde chambre, qui joue un rôle de pondération 
                et de stabilité institutionnelle là où elle 
                existe, sans oublier sa vocation à représenter les 
                collectivités territoriales dans les Etats unitaires. 
                
                - Un système semi-présidentiel 
                 
                Le pouvoir exécutif est partagé entre le président 
                de la République et le Gouvernement. Le Président 
                est élu pour 5 ans au suffrage universel direct à 
                deux tours et il ne peut prétendre qu'à un deuxième 
                mandat (à l'instar du président américain). 
                Il nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions 
                sur la présentation par celui-ci de la démission 
                du gouvernement. Il dispose du droit de dissolution. Il est le 
                chef des armées, il peut déclarer la guerre et conclure 
                la paix avec l'aval du Sabor. Avec l'accord du gouvernement, il 
                peut soumettre à référendum un projet de 
                loi ou de réforme constitutionnelle. Il faut aussi noter 
                qu'il est associé au gouvernement dans l'élaboration 
                et la conduite de la politique étrangère. 
                
                Quant au gouvernement, il détermine et conduit la politique 
                intérieure et extérieure de la nation. Il dispose 
                du pouvoir d'initiative et il est responsable devant le Sabor. 
                
                
                Le Sabor est composé 
                de 151 députés élus pour 4 ans au suffrage 
                universel direct au scrutin proportionnel. Il vote la loi et contrôle 
                le gouvernement. 
                
                La Croatie est une république unitaire qui comprend deux 
                niveaux d'administration 
                locale : le premier est constitué par les régions 
                ou « Joupanies » au nombre de 21, le second 
                par les municipalités (communes et villes). 
                
                Les communes sont au nombre de 423, les villes au nombre de 123. 
                Le statut de ville est attribué aux chefs-lieux des Joupanies, 
                aux agglomérations de plus de 10.000 habitants et 
                aux cités qui présentent des caractéristiques 
                historiques ou économiques d'un intérêt particulier. 
                La Joupanie n'est pas une simple division administrative mais 
                elle correspond à un territoire dont l'unité géographique, 
                historique et économique est avérée. La Joupanie 
                est chargée du développement harmonieux de ce territoire. 
                
                
                La loi sur l'autonomie locale du 10 avril 2001 a transféré 
                des compétences de l'Etat vers les collectivités 
                territoriales et garantit leur autonomie. Les municipalités 
                sont en charge de l'état civil, de l'organisation des opérations 
                électorales, de l'entretien de la voirie et de l'habitat, 
                de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire, de l'action 
                sociale, de l'action culturelle, de l'enseignement élémentaire, 
                de l'aide médicale élémentaire, de la protection 
                civile, de la protection du consommateur et de la protection de 
                l'environnement. 
                
                Les Joupanies et les villes de plus de 30.000 habitants disposent, 
                en outre, des compétences suivantes : enseignement 
                secondaire et universitaire, santé, développement 
                économique et transports.
               
                 
                  4. L'organisation territoriale
              
               
                 
                   
                    a) Les municipalités
                
              
              Le 
                conseil municipal est élu pour quatre ans et règle 
                par ses délibérations les affaires de la commune. 
                Il est présidé par un président élu 
                en son sein. Le conseil municipal désigne et révoque 
                également le maire. 
                
                En effet, dans les municipalités de moins de 3.000 habitants, 
                l'exécutif municipal est confié au conseil et son 
                président exerce les fonctions de maire ; mais dans 
                les communes de plus de 3.000 habitants, l'exécutif 
                est confié au maire qui est élu par le conseil municipal 
                parmi ses membres et le président est chargé, lui, 
                de diriger les débats de l'assemblée municipale. 
                
                
                L'exécutif municipal est chargé de préparer 
                les propositions soumises au conseil municipal et d'exécuter 
                les décisions du conseil ; il dirige également 
                l'action des services municipaux.
               
                 
                   
                    b) Les Joupanies
                
              
              L'assemblée régionale est élue pour quatre ans 
                et elle règle par ses délibérations les affaires 
                de la région. Elle élit en son sein un président. 
                Elle élit également en son sein un chef de l'exécutif : 
                le Joupan. L'exécutif régional prépare les 
                propositions soumises à l'assemblée régionale 
                et exécute les décisions de l'assemblée régionale ; 
                il dirige l'action des services régionaux. 
                
                Il convient de noter que le Joupan, comme le maire, cumule trois 
                fonctions : 
                
                - ils sont agents de l'Etat pour certaines tâches administratives ; 
                
                
                - ils sont l'exécutif de leur collectivité 
                et donc chargés de l'exécution des délibérations 
                des assemblées locales ; 
                
                - le maire, comme le Joupan, est le chef de l'administration 
                communale ou régionale. 
                
                Le contrôle administratif des actes juridiques adoptés 
                au niveau local s'effectue au niveau de la Joupanie (qui est aussi 
                un échelon d'administration centrale déconcentrée) 
                sous l'autorité de l'administration d'Etat. On rappellera 
                que le Joupan était auparavant nommé par le gouvernement 
                central et remplissait un rôle similaire à celui 
                du préfet français. 
                
                Le contrôle de légalité s'exerce a priori 
                et lorsqu'une décision locale n'apparaît pas conforme 
                aux représentants de l'Etat, elle est renvoyée à 
                l'autorité locale pour modification et remise en conformité.
              
               
                II. LA SITUATION POLITIQUE
              Les 
                élections de janvier 2000 ont provoqué une alternance 
                et mis fin à l'ère Tudjman ; elles ont amené 
                au pouvoir une coalition de centre-gauche, rassemblée autour 
                du Premier ministre social démocrate, Ivica Racan. Le mois 
                suivant, l'élection présidentielle a porté 
                à la tête du pays Stjepan Mesic, issu du Parti populaire 
                de Croatie (HNS), membre de la coalition gouvernementale. Il est 
                apparu à votre délégation que la situation 
                politique était stable, mais que le sentiment nationaliste 
                qui s'est fortement adouci était naturellement prompt à 
                se raviver quand il était question des séquelles 
                de la guerre.
               
                 
                  1. La coalition
              
              La 
                coalition gouvernementale est composée des différents 
                partis suivants : 
                
                - SDP (Parti social démocrate), dont 
                est issu le Premier ministre, qui a obtenu 45 sièges au 
                Sabor. 
                
                C'est un parti de centre gauche pratiquant une politique marquée 
                par le pragmatisme ; 
                
                - HSS (Parti paysan de Croatie) : 15 sièges. 
                
                
                Il s'agit du parti fondé en 1904 : de tradition conservatrice 
                et catholique, il réclame l'enseignement du catéchisme 
                à l'école, conformément aux accords passés 
                avec le Vatican. Il soutient l'agriculture et la petite entreprise. 
                Il est favorable à un libéralisme tempéré 
                par une bonne protection sociale, le souci de l'individu et celui 
                de l'environnement. 
                
                L'homme fort du HSS est M. Zlatko Tomsic, président du 
                Sabor, qui a reçu la délégation française. 
                Lors de cet entretien prolongé, il est apparu soucieux 
                de manifester son intérêt pour l'entrée de 
                la Croatie dans l'Union européenne et il a annoncé 
                que la Croatie déposerait sa candidature en mars 2003 (chose 
                faite depuis le 21 février). Il nous a également 
                déclaré que l'opinion publique y était très 
                favorable (75 à 80 % des sondés) mais que ce 
                chiffre n'avait pas de signification tant que ses concitoyens 
                ignoraient les difficultés de la période de criblage 
                des 31 chapitres. A ses yeux, l'adhésion pour souhaitable 
                qu'elle soit, ne saurait se faire sans sacrifice pour certaines 
                catégories de la population. M. Tomcic a également 
                souligné qu'il était favorable à une approche 
                individuelle de l'élargissement de l'Union européenne 
                et a rappelé qu'il fallait donc faire entrer les candidats 
                au fur et à mesure qu'ils étaient prêts. Il 
                a déploré que la guerre ait retardé la candidature 
                de la Croatie. On notera que le HSS est devenu le parti charnière 
                et que M. Tomcic est désormais courtisé par 
                la droite. 
                
                - LIBRA (Parti des libéraux indépendants) : 
                9 sièges. 
                
                C'est le parti du centre - né de la scission du HSLS - 
                qui regroupe ceux qui récusent une politique trop ouvertement 
                nationaliste. 
                
                - HNS (Parti populaire de Croatie) : 2 sièges. 
                
                
                Ce parti n'a pas d'assise populaire, mais il a réussi à 
                remporter l'élection présidentielle et même 
                à devenir le deuxième parti de la capitale. Il se 
                situe nettement plus à gauche que le SDP, du moins dans 
                ses prises de position idéologiques. 
                
                - LS (Parti libéral) : 4 sièges. 
                
                
                Le LS est un parti de gauche qui n'a pas encore trouvé 
                son identité et qui reste mal implanté. 
                
                - PGS (Alliance de Primorje et de Gorski Kotar) : 
                2 sièges. 
                
                Parti régionaliste proche du SDP. 
                
                - SBHS (Parti de Slavonie et de Baranja) : 1 
                siège. 
                
                Parti régionaliste proche du SDP.
               
                 
                  2. L'opposition
              
              Cinq 
                partis sont dans l'opposition au gouvernement : 
                
                - HDZ (Union démocrate de Croatie) : 41 
                députés. 
                
                Ce parti est lié à la création de la Croatie 
                libre et moderne puisqu'il remporte les élections législatives 
                de 1992 et l'élection présidentielle la même 
                année avec Franjo Tudjman. La mort de Tudjman en décembre 
                1999 prive le parti de leader et provoque l'alternance de janvier 
                2000. Son nouveau président (Ivo Sanader) a recentré 
                le parti à droite en le débarrassant de sa composante 
                ultra-nationaliste. 
                
                Si la bipolarisation se renforçait en Croatie, le HDZ aurait 
                toutes les chances d'apparaître comme le parti du centre 
                droit proche de la démocratie chrétienne allemande. 
                A ce stade, sa mutation ne paraît pas achevée. 
                
                - HSLS (Parti social libéral de Croatie) : 
                14 sièges. 
                
                Le HSLS est favorable à l'intégration européenne 
                et prêt à collaborer avec le HDZ. 
                
                - HSP (Parti du droit croate) : 4 sièges. 
                
                
                Parti d'extrême droite qui n'a d'influence réelle 
                que localement dans les régions éprouvées 
                par la guerre. 
                
                - DC (Centre démocratique) : 3 sièges. 
                
                
                Ce parti a été créé pour donner à 
                la Croatie un parti de droite classique, mais l'évolution 
                du HDZ a déjoué ses prévisions et réduit 
                son auditoire. 
                
                - HKDU (Union chrétienne démocrate de Croatie) : 
                1 député. 
                
                Parti de la droite populiste dépourvu de troupe.
               
                 
                  3. Les partis indépendants
              
              - IDS (Parlement démocrate d'Istrie) : 4 sièges 
                
                
                Parti régionaliste qui se situe à gauche mais qui 
                est très favorable à l'Europe des régions. 
                
                
                - SNS (Parti national serbe) : 1 siège 
                
                
                Le SNS est le représentant de la minorité serbe 
                au Sabor mais les excès de ses dirigeants l'ont fortement 
                discrédité. 
                
                Il ressort de ce rapport de forces que la coalition au pouvoir 
                n'est pas homogène mais que le SDP a compris que le HSS 
                est un partenaire essentiel et qu'à ce titre et pour conserver 
                son soutien, le SDP pratique une politique d'ouverture aussi bien 
                sur la question religieuse que sur la politique agricole ou sur 
                le soutien aux petites et moyennes entreprises indépendantes. 
                
                
                De son côté, l'opposition se réorganise rapidement 
                et apparaît crédible aux yeux de l'opinion. Le HDZ 
                débarrassé de son ultranationalisme a modernisé 
                son image et semble reconnu comme un parti d'alternance.
               
                 
                  4. La place de l'Eglise
              
              La 
                Croatie est un pays de tradition catholique et cet aspect de son 
                identité est d'autant plus saillant qu'au cours des siècles, 
                il a fallu le défendre contre l'orthodoxie et l'islam, 
                et surtout contre le communisme. S'il est juste d'évoquer 
                le poids de l'Eglise dans 
                l'histoire de la Croatie jusqu'en 1990, il faut aussi constater 
                que depuis cette date, son influence faiblit. On sait en effet 
                que sous la dictature communiste, aller à l'Eglise était 
                une profession de foi nationale, un plébiscite au sens 
                où l'entendait Renan, car l'Eglise était le refuge 
                de la « croatitude », c'est à dire 
                le sanctuaire du sentiment national croate. Ce sentiment était 
                d'autant plus fort que l'église croate était la 
                seule église jusqu'à Vatican II à pouvoir 
                user, dans sa liturgie, de la langue vernaculaire (en l'occurrence 
                le vieux slavon) depuis le Moyen Age et ce par autorisation spéciale 
                de Rome, dérogation qui identifiait d'autant mieux l'Eglise 
                à la Nation. Une fois l'indépendance recouvrée, 
                l'Eglise a naturellement perdu de sa puissance sinon de son prestige : 
                elle se trouve aujourd'hui face à un nouveau chapitre de 
                son histoire, en tant qu'institution. Cela n'empêche pas 
                l'attachement au catholicisme d'inspirer certains partis croates 
                historiques, comme on l'a vu, mais alors ces partis se rattachent 
                plus aux valeurs chrétiennes traditionnelles qu'à 
                l'institution ecclésiastique. 
                
                Lors de sa mission, votre délégation a visité 
                l'importante cathédrale de Dakovo, dont la façade 
                porte encore les impacts du mortier reçu pendant la guerre 
                d'indépendance. Cette visite n'était pas prévue 
                dans le programme, mais elle a permis d'évoquer la mémoire 
                d'un Croate nationaliste célèbre dont les thèses 
                ont plus tard été volontairement déformées 
                par les partisans de la Yougoslavie. En effet, Monseigneur Josip 
                Strossmayer, évêque de Dakovo, revendiquait au XIXème 
                siècle l'union de tous les Slaves du Sud, mais il précisait 
                qu'il s'agissait des Slaves qui s'étaient déjà 
                trouvés sous une même couronne (Croatie, Slovénie, 
                Bosnie, Voïvodine) et il excluait ainsi par prétérition 
                les Serbes et les Monténégrins... Quoi qu'il en 
                soit, ce grand personnage de l'Eglise croate est assurément 
                un acteur du réveil national au XIXème siècle 
                et figure dans le panthéon croate.
              
               
                III. LA SITUATION ÉCONOMIQUE
              La 
                Croatie a pris le parti d'opérer une mutation en profondeur 
                et elle a déjà obtenu quelques résultats 
                macro-économiques remarquables tels que la stabilité 
                monétaire, le retour de l'inflation à 2 % et 
                le maintien du pouvoir d'achat. Il lui appartient maintenant de 
                mettre en oeuvre une politique de restructuration de son outil 
                industriel et d'achever le processus de privatisation.
               
                 
                  1. Une situation stabilisée mais à un niveau encore 
                  insatisfaisant
              
              L'inflation a été stabilisée à 2% (après 
                4,9% en 2001 et 3,3% en 2002), mais cette hausse des prix mesurée 
                n'empêche pas un niveau de prix général très 
                élevé qui nuit à la compétitivité 
                du pays. Le taux de croissance qui était de 2,5% en 2000 
                et de 5% en 2002 devrait se situer entre 4 et 5% en 2003. 
                
                En outre, le processus de privatisation n'est pas terminé. 
                En effet, la part du secteur privé dans le PIB n'est encore 
                que de 55 %, ce qui place la Croatie devant la Slovénie, 
                mais derrière la Slovaquie. A ce stade, les privatisations 
                n'ont pas suffi à entraîner la restructuration nécessaire 
                du tissu industriel. 
                
                D'une part, en signant l'accord d'association et de stabilisation 
                avec l'Union européenne, la Croatie a entrepris une démarche 
                drastique de mise à niveau pour répondre aux conditions 
                pré-requises à son intégration dans l'Union 
                européenne. D'autre part, son adhésion à 
                l'Association européenne de libre échange (AELE) 
                va accélérer la libéralisation du commerce 
                avec les pays étrangers et développer les exportations. 
                
                
                Les principaux indicateurs économiques 
                sont les suivants (chiffres de 2001) : 
                
                - PIB : 22,6 milliards d'euros 
                - PIB par tête : 5140 euros 
                - Taux de chômage : 15,8 % (estimation pour 2003 : 
                13%) 
                
                - Salaire moyen brut mensuel : 673 euros
               
                 
                  2. La production industrielle
              
              La 
                production industrielle reste la partie la plus importante de 
                l'économie croate et représente environ 20 % 
                du PIB croate, ce qui est proche des niveaux européens. 
                L'industrie croate emploie 25 % de la population active croate. 
                Au sein de l'industrie, le revenu principal provient de la production 
                agro-alimentaire suivi des industries pétrolières, 
                chimiques et électriques, de l'industrie du papier, de 
                l'édition et de la construction navale. 
                
                Les exportations principales concernent la construction navale, 
                l'industrie agro-alimentaire, suivies des industries métallurgiques 
                et électriques. Les biens industriels représentent 
                95 % des exportations croates.
               
                 
                  3. L'agriculture, la pêche et l'industrie agro-alimentaire
              
              Les 
                deux tiers des terres agricoles sont cultivées, le dernier 
                tiers est réservé aux pâturages ; 83 % 
                des terres agricoles appartiennent à de petits propriétaires 
                privés. Il s'agit d'une agriculture diversifiée 
                et traditionnelle faite par des paysans attachés à 
                leur terre et héritiers de cultures séculaires. 
                Il faut rappeler que la Croatie faisait partie des greniers et 
                des vergers de l'Empire austro-hongrois comme de l'ancienne fédération 
                communiste et qu'on y trouve aussi bien, outre toutes les productions 
                des pays tempérés, du vin, des olives que des oranges, 
                des citrons et du tabac. La pêche et l'exploitation forestière 
                s'ajoutent aux activités traditionnelles. 
                
                La production agro-alimentaire représente 20 % du 
                PIB croate.
               
                 
                  4. Les secteurs du bâtiment et de la construction
              
              Ce 
                secteur est particulièrement actif puisque la Croatie est 
                dans l'obligation de reconstruire certaines parties de son territoire. 
                Il emploie 62.773 personnes réparties dans 11.762 entreprises. 
                
                
                En 2000, 12.000 appartements ont été construits 
                et un plan de 700 kilomètres de routes sur les dix ans 
                à venir a été lancé.
              
               
                IV. L'INTÉGRATION EURO-ATLANTIQUE
              On 
                entend dire parfois que les Croates veulent souligner qu'ils n'appartiennent 
                pas aux Balkans, qu'ils souhaitent tourner le dos au Sud et ne 
                regarder plus que vers l'Atlantique Nord et l'Union européenne. 
                Ces affirmations sont sans doute exagérées, mais 
                elles traduisent assez bien le sentiment de l'opinion croate qui 
                aspire à rejoindre l'Europe dont la Croatie n'aurait jamais 
                dû être détachée. Le pays se définit 
                d'ailleurs, non sans pertinence, comme la « façade 
                méditerranéenne de l'Europe centrale ». 
                
                
                Tous les interlocuteurs avec lesquels votre délégation 
                s'est entretenue ont manifesté le regret qu'ils éprouvaient 
                de ne plus faire partie du premier groupe des candidats à 
                l'instar de la Slovénie voisine, tout en attribuant cette 
                différence de traitement aux conséquences néfastes 
                de la guerre d'indépendance, évaluées à 
                37 milliards de dollars. La Croatie figurait en effet à 
                la veille de la guerre en 1990 parmi les pays qui avait les meilleures 
                chances de rejoindre l'Europe communautaire. Aujourd'hui encore 
                un fossé la sépare de ses voisins méridionaux 
                parfois regroupés sous le vocable « Balkans occidentaux » 
                (Bosnie-Herzégovine, Serbie-Monténégro, Macédoine, 
                Albanie). Le PIB de la Croatie équivaut à lui tout 
                seul aux PIB de ces quatre pays qui comptent pourtant ensemble 
                22 millions d'habitants. Avec un PIB/hab. de 5.140 euros 
                (2001), contre un PIB/hab. moyen de 1.350 euros pour ces quatre 
                pays, la Croatie est aujourd'hui bien plus proche des autres pays 
                candidats, et en dépasse même quelques-uns. 
                
                Aussi les répercussions de la guerre ne suffisent-elles 
                pas à expliquer la décision de Bruxelles, qui a 
                reporté à plus tard l'entrée de la Croatie 
                dans l'Union européenne. Les autorités européennes 
                ont mis en avant deux autres obstacles à l'adhésion 
                immédiate de la Croatie à l'Union, à savoir 
                le problème des minorités et celui du Tribunal international 
                de La Haye.
               
                 
                  1. La question des minorités
              
               
                 
                   
                    a) Avant la reconnaissance de l'indépendance croate
                
              
              La 
                première Constitution croate adoptée au lendemain 
                des premières élections libres, promulguée 
                le 22 décembre 1990, ne prévoyait aucune disposition 
                spéciale ni discrimination positive à l'égard 
                des minorités, et notamment de la minorité serbe 
                (12 % de la population), se cantonnant à garantir 
                l'égalité de tous les citoyens croates, sans aucune 
                discrimination. 
                
                Une Charte des droits des Serbes et des autres minorités 
                nationales de la République de Croatie fut néanmoins 
                adoptée le 25 juin 1991, c'est-à-dire en même 
                temps que la Déclaration sur la souveraineté et 
                l'indépendance de la République de Croatie qui marqua 
                son émancipation politique de la fédération 
                yougoslave. Entre-temps une rébellion armée des 
                éléments les plus radicaux de la minorité 
                serbe de Croatie, soutenue par l'armée yougoslave aux ordres 
                de Belgrade, avait soustrait à l'autorité de Zagreb 
                près d'un quart du territoire croate. Il s'agissait donc 
                pour le gouvernement croate de donner des gages à la minorité 
                serbe par une Charte qui garantisse leur autonomie culturelle, 
                prévoie une organisation territoriale adaptée et 
                pose les principes de leur représentation proportionnelle 
                dans les assemblées des collectivités territoriales, 
                dispositions censées pouvoir désamorcer le conflit. 
                Il n'en fut rien. 
                
                Afin d'obtenir la reconnaissance internationale de son indépendance, 
                et compte tenu de la pression internationale, principalement européenne 
                et notamment celle de la France qui s'est montrée très 
                active et très déterminée sur cette question, 
                la Croatie fut amenée à adopter le 4 décembre 
                1991 une Loi constitutionnelle qui précise les principes 
                énoncés par la Charte. En vertu de ce texte, il 
                était reconnu aux minorités de Croatie notamment 
                le droit: 
                
                - d'utiliser leur langue et leur alphabet comme langue officielle 
                aux côtés du croate dans les municipalités 
                où ils constituent la majorité de la population ; 
                
                
                - d'arborer leurs symboles nationaux aux côtés des 
                symboles nationaux croates dans les municipalités où 
                ils constituent la majorité de la population ; 
                
                - à l'enseignement maternel, primaire, secondaire et supérieur 
                dans leur langue maternelle ; 
                
                - à une représentation proportionnelle au Sabor 
                (Parlement), au Gouvernement et au sein des plus hautes instances 
                judiciaires pour les minorités représentant plus 
                de 8 % de la population (en l'occurrence la minorité 
                serbe) ; 
                
                - à 5 députés pour l'ensemble des minorités 
                ne dépassant pas, séparément, ce seuil (Italiens, 
                Hongrois, Tchèques, Slovaques, Ukrainiens, Allemands, Autrichiens, 
                toute l'ancienne mosaïque ethnique héritée 
                de l'Empire austro-hongrois) ; 
                
                - à un statut d'autonomie particulier accordé aux 
                onze municipalités (opcine) où les minorités 
                - la minorité serbe en l'occurrence - représentent 
                plus de la moitié de la population. Ce statut prévoit 
                notamment la représentation proportionnelle des minorités 
                au sein des conseils municipaux, des fonctionnaires territoriaux, 
                des instances judiciaires autonomes, des commissariats de police 
                municipaux, des établissements scolaires.
               
                 
                   
                    b) La Croatie indépendante mais partiellement occupée
                
              
              Ces 
                dispositions - jugées conformes aux standards européens 
                en matière de protection des droits des minorités 
                par la Commission d'arbitrage présidée par notre 
                collègue M. Robert Badinter - ouvrirent la voie à 
                la reconnaissance de l'indépendance de la Croatie par la 
                Communauté européenne, devenue officielle dès 
                le mois suivant, le 15 janvier 1992. 
                
                Un amendement voté le 8 mai 1992 autorisa ensuite le regroupement 
                des municipalités autonomes en districts autonomes (kotarevi), 
                afin de prendre en compte le fait que les onze municipalités 
                à population à majorité serbe constituaient 
                deux espaces connexes, de respectivement cinq et six municipalités. 
                Il prévoyait également des mesures complémentaires 
                qui visaient à faciliter aux citoyens croates de souche 
                serbe l'accès aux postes de responsabilité sur l'ensemble 
                du territoire croate, en dehors des deux districts, eu égard 
                au fait que ceux-ci n'abritaient en 1991 que 145 000 Serbes, 
                c'est-à-dire un quart de la minorité serbe de Croatie, 
                tandis que la grande majorité de celle-ci résidait 
                dans les principales villes de Croatie, où elle constituait 
                une population très minoritaire. 
                
                Ces districts ayant été occupés par l'armée 
                serbe de 1991 à 1995 et soustraits de fait à la 
                juridiction croate, la Loi constitutionnelle relative au statut 
                des minorités n'a toutefois pas pu y être appliquée.
               
                 
                   
                    c) Après la reconquête de 1995
                
              
              Au 
                lendemain de la reconquête militaire de ces territoires 
                par l'armée croate, en août 1995, la quasi totalité 
                des Serbes de souche a fui dans le sillage des troupes serbes 
                vaincues. D'autre part, le retour des 120 000 Croates et 
                autres minorités chassés de cette région 
                par les milices serbes en 1991 nécessitait du temps et 
                la mise en place dans vaste programme de reconstruction et de 
                déminage. Aussi le gouvernement croate en a-t-il provisoirement 
                suspendu l'application, le 20 septembre 1995, faute de pouvoir 
                la mettre en oeuvre dans une région sinistrée et 
                désormais quasiment inhabitée. 
                
                Selon les amendements à la loi électorale en date 
                du 21 septembre 1995, sur l'ensemble de 127 députés 
                élus au Sabor, 8 députés sont appelés 
                à représenter les minorités nationales, soit 
                3 députés pour la minorité serbe, 1 
                député pour la minorité hongroise, ainsi 
                que pour la minorité italienne, et enfin trois député 
                répartis à raison de un pour chacun des trois groupes 
                de minorités suivantes : tchèque et slovaque, 
                ruthène et ukrainienne, et, enfin, allemande et autrichienne. 
                
                
                Une nouvelle loi électorale votée le 29 octobre 
                1999 a de nouveau modifié cette répartition. Ainsi 
                le Parlement est désormais composé de 151 membres 
                élus pour 4 ans au suffrage universel direct (scrutin proportionnel) : 
                140 députés représentent les Croates de Croatie, 
                5 députés les minorités ethniques (1 serbe, 
                1 italien, 1 hongrois, 1 tchèque et slovaque et 1 
                représentant d'autres minorités) et 6 députés 
                représentent les Croates de l'étranger (ce nombre, 
                variable, est fixé proportionnellement, en divisant le 
                nombre de votants par le nombre moyen de suffrages obtenu en métropole 
                par député, permettant ainsi une égale représentation 
                au Parlement des Croates de métropole et de ceux de l'étranger).
               
                 
                   
                    d) Le tournant politique de 2000
                
              
              Après la défaite aux élections législatives 
                de janvier 2000 et la victoire de la coalition de centre-gauche 
                conduite par le SDP et le HSLS, la Loi constitutionnelle de 1991 
                relative au statut des minorités fut amendée le 
                11 mai 2000, en attendant d'être révisée. 
                Ces modifications supprimèrent définitivement les 
                districts et municipalités autonomes, et par voie de conséquence, 
                le régime territorial de représentation proportionnelle 
                des minorités, aussi bien dans les instances politiques 
                et judiciaires locales, les administrations que dans l'enseignement. 
                Il fut cependant décidé que soit rétabli, 
                après publication des résultats du recensement de 
                la population de 2001, le seuil de 8 % au-delà duquel le 
                poids d'une minorité nationale lui donne le droit à 
                une représentation proportionnelle au Sabor. L'ensemble 
                des minorités représentant séparément 
                moins de 8 % de la population obtenaient, quant à 
                elles, un nombre de député compris entre cinq et 
                sept, selon les dispositions de la loi électorale. 
                
                De même les deux lois votées le 6 avril 2001, l'une, 
                relative au statut des collectivités territoriales (municipalités 
                et régions), l'autre, relative aux élections municipales 
                et régionales, ont pris acte de cette harmonisation administrative, 
                fixant les mêmes règles sur l'ensemble du territoire.
               
                 
                   
                    e) 2002 : une nouvelle Loi constitutionnelle sur les 
                    droits des minorités
                
              
              Au 
                terme de vifs débats, le Sabor, résolu à 
                se conformer aux exigences de Bruxelles et de l'OSCE, est parvenu 
                à voter, le 13 décembre 2002, une nouvelle Loi constitutionnelle 
                relative aux droits des minorités nationales, publiée 
                dans le Journal officiel du 19 décembre 2002. A l'instar 
                de la loi constitutionnelle de 1991, celle-ci reprend également 
                à son compte la plupart des textes fondamentaux en la matière 
                (Charte de l'ONU, Déclaration universelle des droits de 
                l'homme, Acte final de l'OSCE, Convention du Conseil de l'Europe 
                sur la protection des droits de l'homme et des libertés 
                fondamentales, etc.) - (Art. 1). 
                
                La Loi réaffirme que la Croatie rejette (Art. 2) et interdit 
                (Art. 4) toute forme de discrimination et précise que la 
                protection des minorités fait partie intégrante 
                de l'ordre démocratique établi en Croatie (Art. 
                3), ce que garantissent la Constitution et la Loi constitutionnelle 
                (Art. 4). 
                
                Les minorités nationales jouissent notamment du droit : 
                
                
                - d'utiliser leur langue et leur alphabet, en privé, en 
                public ainsi qu'en tant que langue officielle (dans les documents 
                d'état civil, lorsque la minorité concernée 
                représente plus du tiers de la population municipale ou 
                sur les panneaux d'indication publics [toponymes, noms de rues] 
                dans les localités où les minorités constituent 
                une population « importante ») ; 
                
                - à l'enseignement et à l'éducation dans 
                leur langue maternelle (programmes et établissements scolaires 
                spécifiques, personnel enseignant spécialisé) ; 
                
                
                - à l'usage de leurs symboles nationaux (drapeau, armoiries, 
                hymne) aux côtés des symboles nationaux croates dans 
                les municipalités où ils constituent la majorité 
                de la population ; 
                
                - à l'autonomie culturelle ; 
                
                - à affirmer leur appartenance religieuse notamment au 
                travers d'associations à caractère religieux ; 
                
                
                - à être représentées dans les instances 
                représentatives au niveau local et national, ainsi que 
                dans l'administration et les instances judiciaires ; 
                
                - à prendre une part active dans la vie publique par le 
                biais des Comités et des représentants des minorités 
                nationales ; 
                
                - d'entretenir librement toute relation avec leur mère 
                patrie ; 
                
                - à être préservés de toute menace 
                qui viserait à restreindre ces droits. 
                
                Le service audiovisuel public veillera à diffuser des émissions 
                permettant à un large public de mieux connaître les 
                us et coutumes des différentes minorités nationales 
                (Art. 18). 
                
                Il est garantit aux membres des minorités nationales une 
                représentation au Parlement, comprise entre cinq et huit 
                députés. Les minorités nationales qui constituent 
                plus de 1,5 % de la population (en l'occurrence uniquement 
                la minorité serbe) sont représentées par 
                au moins un et au plus trois députés, étant 
                entendu que les minorités nationales qui constituent séparément 
                moins de 1,5 % de la population (soit toutes les autres minorités) 
                doivent être représentées par au moins quatre 
                députés (Art. 19).
               
               
                
                   
                    | COMPOSITION ETHNIQUE DE LA POPULATION CROATE(recensement de 2001)
 | 
                   
                    | Population  | Nbre 
                        d'hab. | % | 
                   
                    | Croates | 3 
                        977 171 | 89,63 
                         | 
                   
                    | Serbes | 201 
                        631 | 4,54 | 
                   
                    | Bosniaques | 20 
                        755 | 0,47 | 
                   
                    | Italiens | 19 
                        635 | 0,44 | 
                   
                    | Hongrois | 15 
                        595 | 0,37 | 
                   
                    | Albanais | 15 
                        082 | 0,34 | 
                   
                    | Slovènes | 13 
                        137 | 0,30 | 
                   
                    | Autres 
                         | 174 
                        454 | 3,93 | 
                   
                    | TOTAL | 4 
                        437 460 | 100 | 
                
               
              Il 
                est par ailleurs garanti aux membres des minorités nationales 
                une représentation au niveau des collectivités territoriales 
                (conseils municipaux et assemblées régionales) - 
                Art. 20. 
                
                Dans les municipalités où une minorité 
                nationale au moins représente entre 5 % et 15 % 
                de la population, la loi électorale veillera, si la condition 
                n'est pas remplie après les élections, à 
                ce qu'au minimum un représentant de l'une de ces minorités 
                entre au conseil municipal. 
                
                Dans les municipalités où une minorité 
                nationale dépasse le seuil de 15 % de la population, 
                la loi électorale veillera, si la condition n'est pas remplie 
                après les élections, à ce qu'il entre au 
                conseil municipal autant de représentants que nécessaire 
                de chacune des minorités concernées jusqu'à 
                ce soit reflété leur poids respectif dans la population 
                municipale. 
                
                Dans les régions où une minorité nationale 
                dépasse le seuil de 5 % de la population, la loi électorale 
                veillera, si la condition n'est pas remplie après les élections, 
                à ce qu'il entre à l'assemblée régionale 
                autant de représentants que nécessaire de chacune 
                des minorités concernées jusqu'à ce soit 
                reflété leur poids respectif dans la population 
                de la région. Le dernier recensement de la population étant 
                le document de référence (Art. 20). 
                
                Dans les collectivités territoriales où les minorités 
                nationales bénéficient d'une représentation 
                proportionnelle dans les conseils municipaux ou assemblées 
                régionales, ce droit s'étend également aux 
                instances exécutives. 
                
                Au niveau national, on veillera à une représentation 
                adéquate des minorités nationales dans l'administration 
                et les instances judiciaires, ainsi que dans les services déconcentrés 
                et décentralisés. A compétences égales, 
                priorité est donnée aux membres des minorités 
                nationales (Art. 23). 
                
                Dans les municipalités où les minorités nationales 
                représentent plus de 1,5 % de la population ou plus 
                de 200 personnes, ainsi que dans les régions où 
                elles représentent plus de 500 personnes, il est institué 
                un Comité de la minorité nationale. Dans les collectivités 
                territoriales où résident au moins 100 membres de 
                minorités nationales, il est procédé à 
                l'élection d'un représentant de la minorité 
                nationale. Le Comité ou le représentant représentent 
                la minorité nationale auprès des instances locales 
                et peuvent leur soumettre leurs avis, propositions ou doléances. 
                
                
                Au niveau national, plusieurs Conseils peuvent instituer une Coordination 
                nationale. 
                
                Il est créé au niveau national un Conseil des minorités 
                nationales dont la mission consiste à promouvoir le rôle 
                des minorités nationales dans la vie publique de la République 
                de Croatie. Le Conseil, composé douze membres (sept proposés 
                par les Comités des minorités et cinq personnalités 
                éminentes représentatives de ces minorités) 
                peut soumettre ses avis, propositions ou doléances au gouvernement. 
                Il gère et distribue les fonds publics alloués aux 
                minorités nationales. Les Comités, les représentants 
                des minorités nationales ainsi que Conseil des minorités 
                nationales peut saisir le Conseil constitutionnel s'il le juge 
                nécessaire. 
                
                Au moins une fois par an le gouvernement soumet au Parlement un 
                rapport sur la mise en oeuvre des dispositions de la Loi constitutionnelle 
                sur les minorités ; le Conseil des minorités 
                nationales soumet quant à lui un rapport semestriel au 
                Parlement. 
               
                 
                   
                    f) La loi électorale 
                
              
              Afin 
                d'achever l'harmonisation législative, le Parlement a voté 
                le 2 avril 1993 des amendements à la loi électorale 
                relative aux élections législatives. Ceux-ci précisent 
                les dispositions de l'article 19 de la Loi constitutionnelle sur 
                les minorités  nationales qui fixent le nombre des 
                représentants parlementaires des minorités nationales 
                au Sabor. Dorénavant le nombre de députés 
                représentant les minorités nationales au Parlement est 
                fixé à 8 : 
                
                - 3 députés représentant la minorité 
                serbe ; 
                
                - 1 député représentant la minorité 
                hongroise ; 
                
                - 1 député représentant la minorité 
                italienne ; 
                
                - 1 député représentant les minorités 
                tchèque et slovaque ; 
                
                - 1 député représentant les minorités 
                autrichienne, bulgare, allemande, polonaise, rom, roumaine, ruthène, 
                russe, turque, ukrainienne, valaque et juive ; 
                
                - 1 député représentant les minorités 
                albanaise, bosniaque, monténégrine, macédonienne 
                et slovène ;
               
                 
                   
                    g) Les minorités et la question des réfugiés
                
              
              La 
                question des minorités est indirectement liée à 
                celle des réfugiés. 
                Elle se complique du fait des mouvements de populations consécutifs 
                à la guerre : la question du retour des derniers réfugiés 
                serbes est ralentie par le fait que leurs maisons nécessitent 
                pour partie d'être reconstruites lorsqu'elles ne sont pas 
                occupées à titre provisoire par les réfugiés 
                croates chassés de Bosnie qu'il faut reloger faute d'espoir 
                de retour en zone serbe de Bosnie. 
                
                Le gouvernement croate a d'ores et déjà accompli 
                beaucoup d'efforts sur cette question qui est à présent 
                en grande partie résolue. A ce jour plus de 306 000 réfugiés 
                ou déplacés ont pu rentrer chez eux en Croatie, 
                dont 98 000 citoyens de souche serbe. D'autre part, moins 
                de 27 000 réfugiés, dont une moitié 
                de Serbes attendent encore de pouvoir retourner chez eux, beaucoup 
                de Serbes n'ayant pas déposé de demande de retour. 
                Il serait en effet illusoire d'espérer que tous les réfugiés 
                serbes de Croatie aspirent au retour, sachant que la jeune génération 
                a déjà opté pour une installation en Bosnie 
                ou en Serbie et que si les plus âgés aimeraient revenir 
                mourir chez eux, beaucoup craignent de retrouver leurs biens occupés 
                ou détruits et leurs champs minés.
               
                 
                  2. Les relations de la Croatie avec le Tribunal pénal 
                  international de La Haye
              
              Lors 
                de la mission de la délégation en Croatie, le Parlement 
                croate s'est réuni d'urgence lorsque est tombée 
                la nouvelle que le Général Bobetko 
                était mis en examen par le Tribunal pénal international 
                de La Haye. L'opinion publique et la grande majorité de 
                la classe politique se sont insurgées contre cette mise 
                en examen d'un héros de la guerre d'indépendance, 
                homme de 83 ans qui s'était auparavant illustré 
                dans la lutte contre le fascisme sous le gouvernement pro-hiltérien 
                et qui a également participé à l'insurrection 
                de 1971 contre la dictature communiste. A cette occasion, le HSP 
                a solennellement demandé la modification de l'accord liant 
                la Croatie au Tribunal et il a exigé que chaque demande 
                de comparution du Tribunal fasse dorénavant l'objet d'une 
                approbation du Sabor. 
                
                Cet épisode que votre délégation a vécu 
                sur le vif illustre parfaitement l'incompréhension qui 
                existe entre une certaine « Europe occidentale » 
                (Bruxelles avec l'UE, Strasbourg avec le Conseil de l'Europe et 
                La Haye avec le Tribunal pénal international) et la Croatie 
                nouvellement libre, indépendante et démocratique 
                sortie d'une guerre douloureuse. Cependant cet épisode 
                embarrassant pour le gouvernement croate a trouvé sa conclusion 
                dans la mort du Général Bobetko en avril dernier. 
                Les funérailles de ce héros national ont donné 
                lieu à un grand rassemblement empreint de ferveur nationale. 
                
                
                Pourtant, dès son arrivée au pouvoir, le nouveau 
                Gouvernement de M. Racan a annoncé que Zagreb reconnaissait 
                la compétence du Tribunal de La Haye pour les crimes de 
                guerre commis pendant et après les opérations de 
                reconquête du territoire croate détenu par les Serbes. 
                Le Président Mesic, que votre délégation 
                a rencontré, défend la même ligne politique. 
                Lors de l'audience que le Président a accordée à 
                la délégation, il a indiqué qu'il considérait 
                que l'idée de « responsabilité collective » 
                troublait les esprits. A ses yeux, les Serbes étaient certes 
                responsables de ce qui avait été fait aux Croates, 
                les Croates responsables de ce qui avait été fait 
                aux Serbes, toutes proportions gardées, et les deux responsables 
                de ce qui avait été fait aux Bosniaques. Mais il 
                fallait toutefois, selon lui, rappeler que la guerre menée 
                par les Croates était une guerre de légitime défense 
                et que si certains crimes avaient été commis en 
                Croatie, il convenait maintenant que quelqu'un en assume la responsabilité 
                et non pas la collectivité. 
                
                Le Président Mesic a clairement déclaré que 
                lorsqu'un crime de guerre est commis, soit la hiérarchie 
                l'ignorait et elle doit le prouver, soit elle ne l'ignorait pas 
                et elle l'a couvert et alors elle doit en répondre aujourd'hui. 
                
                
                Cette position n'est pas partagée par l'opinion croate 
                qui reste très critique à l'égard du Tribunal 
                pénal international. L'inculpation des héros croates 
                tels que Bobetko reste perçue comme une inadmissible mise 
                sur un pied d'égalité de l'agresseur serbe et de 
                sa victime croate. 
               
                 
                  3. L'entrée dans l'OTAN
              
              C'est 
                dans cette atmosphère que se déroulent les préparatifs 
                de l'entrée de la Croatie dans l'OTAN. Comme dans le cas 
                de la Pologne et de la République Tchèque, l'adhésion 
                à l'OTAN a toutes chances de se faire avant l'adhésion 
                à l'Union européenne, ce que les Croates ne manquent 
                pas de faire remarquer à leurs interlocuteurs étrangers. 
                
                
                Les Croates vont même jusqu'à sous-entendre qu'ils 
                sont encore plus attachés à l'OTAN qu'à l'Union 
                européenne. Il est de fait que l'entrée de la Croatie 
                dans l'OTAN représentera le double avantage de rendre accessibles 
                les quelque 5.000 kilomètres de côtes croates à 
                la 6e flotte américaine, ainsi qu'un remarquable 
                marché d'équipement militaire. Les Américains 
                ont d'ailleurs entamé une coopération technique 
                très généreuse à l'égard des 
                Croates. Il convient de rappeler toutefois que l'armée 
                croate bien que victorieuse sort d'une guerre qui l'a laissée 
                exsangue, trop nombreuse, mal payée, humiliée par 
                le Tribunal international et dotée d'un matériel 
                hors d'état de marche ou obsolète dans le meilleur 
                des cas. Enfin, il existe une convergence de vues entre les Américains 
                et l'opinion publique croate sur le Tribunal pénal international. 
                Les Etats-Unis sont d'ailleurs prêts à aider la Croatie 
                à restaurer l'ordre judiciaire de telle manière 
                que la Croatie puisse juger ses criminels de guerre sans passer 
                sous les fourches caudines du Tribunal de La Haye.
               
                 
                  4. L'adhésion à l'Union européenne
              
              Si 
                l'adhésion à l'OTAN peut constituer une satisfaction 
                diplomatique, l'adhésion à l'Union européenne 
                constitue malgré tout un enjeu économique indéniable 
                et une nécessité plus évidente. 
                
                Le 29 octobre 2001, un accord de stabilisation et d'association 
                (ASA) a été signé. La Croatie qui l'a ratifié 
                le 30 janvier 2002, est entrée dans un processus désormais 
                irréversible de rapprochement avec l'Union européenne. 
                La France a ratifié à son tour cet accord le 12 
                mars 2003 (Journal officiel du 13 mars 2003). 
                
                Le processus de stabilisation et d'association s'articule autour 
                de cinq volets essentiels : les réformes démocratiques, 
                le respect des droits des minorités, la collaboration avec 
                le Tribunal pénal international, les réformes économiques 
                et le développement de la coopération régionale. 
                En outre, la Croatie a lancé un programme de lutte contre 
                la corruption et d'indépendance des médias. 
                
                Dans le domaine des réformes, la Croatie a montré 
                qu'elle pouvait se doter d'institutions démocratiques stables. 
                Il lui reste à parachever la réforme du système 
                judiciaire et le processus de décentralisation. Le projet 
                de loi sur les droits des minorités respecte les principes 
                exigés par Bruxelles et le Conseil de l'Europe, même 
                si la question des réfugiés de part et d'autre de 
                la nouvelle frontière reste entière. Elle demandera 
                sans doute du temps et une approche au cas par cas. La collaboration 
                avec le Tribunal pénal international est certes délicate, 
                mais chaque crise a pu être dénouée. 
                
                Les réformes économiques passent par des mesures 
                drastiques : suppression d'ici mars 2003 de 10.000 postes 
                de fonctionnaires, diminution de 10 % du traitement de la 
                fonction publique et fermeture des entreprises d'Etat non compétitives, 
                réduction de certaines prestations sociales, en vue de 
                réduire le déficit budgétaire. 
                
                Malgré cette feuille de route très exigeante, la 
                Croatie se fait fort d'être prête pour l'adhésion 
                en 2007, bien qu'aujourd'hui, aucune date n'ait encore été 
                fixée. 
                
                La Croatie est d'ailleurs particulièrement affectée 
                par l'exigence, indirectement formulée par certains au 
                sein de l'UE, d'imposer un regroupement des pays des Balkans comme 
                préalable à l'adhésion. La Croatie défend 
                à juste titre l'approche individuelle qui permet à 
                chaque pays d'entrer quand il est prêt, approche qui a prévalu 
                dans le passé pour son voisin immédiat, la Slovénie. 
                Pour souhaitable que soit le développement de bonnes relations 
                entre les pays de l'ancienne fédération communiste, 
                il ne doit pas être un préalable à l'intégration 
                d'un pays normalement développé et déjà 
                doté des atouts nécessaires à sa bonne intégration 
                dans le concert des nations européennes.
              
               
                V. LES RELATIONS BILATÉRALES ENTRE LA FRANCE ET LA CROATIE
               
                 
                  1. Des relations politiques en voie de renforcement
              
              Le 
                président Mesic s'est rendu en visite officielle en France, 
                le 25 février 2003. Les entretiens que celui-ci a 
                eus avec M. Jacques Chirac, Président de la République, 
                ont été l'occasion d'évoquer notamment l'état 
                de la coopération avec le Tribunal pénal international, 
                ainsi que la perspective d'adhésion à l'Union européenne, 
                l'échéance de 2007 étant évoquée. 
                Il doit revenir à Paris les 18 et 19 juin prochains et 
                il rencontrera à cette occasion le Président du 
                Sénat, M. Christian Poncelet. 
                
                
                Pour sa part, le Sénat a souhaité en constituant 
                en son sein un groupe interparlementaire franco-croate marquer 
                sa volonté de renforcement des liens entre les deux pays 
                sur le plan parlementaire.
               
                 
                  2. La visite du groupe interparlementaire en Croatie
              
              L'invitation au Sénat de la présidente du Jupaniski Dom, 
                lors de la réunion des Sénats du monde en mars 2000, 
                avait préfiguré cette démarche. En dépit 
                de la suppression de cette assemblée, que le groupe interparlementaire 
                espère provisoire, un rapprochement s'est opéré 
                avec l'assemblée nationale croate. C'est à l'invitation 
                conjointe de son président, M. Zlatko Tomcic, et du président 
                de la commission pour la coopération interparlementaire 
                et président du groupe interparlementaire Croatie-France, 
                M. Ivo Skrabalo, qu'une délégation de notre groupe 
                sénatorial d'amitié s'est donc rendue en Croatie 
                pour effectuer une première rencontre avec les autorités 
                politiques nationales et locales, en septembre 2002. Le compte-rendu 
                détaillé de cette visite figure au VI ci-après.
               
                 
                  3. Les échanges économiques franco-croates
              
              De 
                l'avis de tous les interlocuteurs rencontrés par la délégation 
                lors de sa visite de septembre 2002, les échanges économiques 
                entre la Croatie et la France sont difficiles et ne sont pas à 
                la hauteur du potentiel. En outre, la France a pris un retard 
                considérable par rapport aux autres pays européens 
                en matière d'investissement (1,67 % de tous les investissements 
                étrangers). Une des explications du peu d'enthousiasme 
                du côté français tient aux graves problèmes 
                liés à la détermination de la propriété 
                des biens immobiliers. Il convient cependant de mentionner l'accord 
                de protection des investissements, signé le 3 janvier 1996 
                à Zagreb et entré en vigueur le 5 mars 1998. 
                
                Sur le plan financier, les banques françaises se sont peu 
                engagées, ne détenant que 3 % des créances 
                des banques étrangères, à comparer avec les 
                banques allemandes dont les créances atteignent près 
                de 40 %. 
                
                L'aide bilatérale française est néanmoins 
                passée de 0,06 million d'euros en 1999 à 1,37 million 
                d'euros en 2002. 
                
                Sur le plan commercial, la France est le 6ème 
                fournisseur et le 8ème client de la Croatie 
                et les ventes d'automobiles françaises sont très 
                encourageantes. 
                
                Il reste qu'un effort particulier devra être fait au cours 
                des années à venir pour stimuler le développement 
                des échanges franco-croates, notamment dans le domaine 
                de l'énergie, des matériaux, de l'agro-alimentaire 
                et du tourisme.
               
                 
                  4. Des relations culturelles et touristiques prometteuses
              
              Plusieurs événements culturels qui se sont déroulés 
                en France au cours des dernières années ont bénéficié 
                de l'apport des richesses artistiques, historiques et patrimoniales 
                croates. 
                
                A titre d'illustration la plus significative, la grande manifestation 
                sur les Anjous organisée au cours du second semestre 2001 
                a particulièrement retenu l'attention. De nombreuses rencontres 
                ont permis de mettre l'accent sur la riche tradition folklorique 
                croate, ainsi que sur la qualité des chants polyphoniques, 
                à la beauté desquels les publics français 
                ont été rendus sensibles grâce à plusieurs 
                concerts organisés à l'initiative de la communauté 
                croate installée en France. 
                
                Mais beaucoup de trésors archéologiques, monumentaux 
                et artistiques se dévoilent aussi progressivement à 
                un public français, grâce au développement 
                du tourisme en Croatie. Le potentiel dont jouit la Croatie en 
                la matière, tant sur le plan géographique que culturel, 
                est considérable. Les capacités d'accueil sont en 
                pleine expansion, accompagnées par d'importants efforts 
                de promotion. Ceux-ci ne sauraient manquer de porter leur fruit 
                au cours des années à venir, créant ainsi 
                les conditions d'un rapprochement progressif et durable entre 
                Français et Croates. 
                
                Ce mouvement sera l'un des facteurs clés du renforcement 
                des liens politiques, économiques et d'amitié entre 
                nos deux pays.
              
               
                VI. LE COMPTE RENDU DE LA MISSION
               
                 
                  1. Un accueil très chaleureux 
              
              Une 
                Délégation 
                du groupe interparlementaire s'est rendue en Croatie du 18 au 
                22 septembre 2002 à l'invitation du groupe Croatie-France 
                du Sabor, lequel est présidé par le député 
                Ivo Skrabalo, remarquable francophone et vrai défenseur 
                des intérêts de la France. Elle a été 
                très chaleureusement reçue et les autorités 
                croates ainsi que notre ambassadeur, Son Excellence M. Francis 
                Bellanger, avaient préparé un programme remarquable 
                qui a permis à la délégation en quelques 
                jours d'entrer de plain-pied dans la réalité croate. 
                Qu'il soit permis de rendre ici hommage à tous ceux qui 
                ont rendu ce voyage mémorable : à nos amis 
                Croates, M. Yvo Skrabalo, Son Excellence M. Bozidar Gagro, 
                ambassadeur de Croatie en France et M. Zvonimir Frka-Petesic, 
                secrétaire près l'Ambassade de Croatie en France, 
                ainsi qu'à notre ambassadeur dont la délégation 
                a apprécié l'érudition passionnée, 
                la franchise et l'entière disponibilité, et à 
                son équipe, particulièrement M. Gilles Thibault, 
                M. Philippe Latapie et M. Eric Playout. 
                
                Cette mission a offert également un aperçu de la 
                réalité géographique et humaine du pays puisque 
                les déplacements ont eu lieu du nord au sud : de Vukovar 
                à Dubrovnik en passant 
                par Osijek et Dakovo. C'est avec émotion que votre délégation 
                a découvert les conséquences dramatiques de la guerre 
                qui a suivi la sortie de la Croatie de la fédération 
                yougoslave. Devant les dégâts matériels (les 
                deux tiers de la région de Vukovar sont sinistrés), 
                dans les cimetières aménagés aux abords des 
                charniers, au coeur des églises bombardées et profanées, 
                devant les tombes ouvertes (Eglise Saint-Philippe et Saint-Jacques 
                à Vukovar), au bord du Danube dans des châteaux et 
                des hôtels dont ne subsiste que l'ossature (château 
                baroque d'Eltz et Grand Hôtel de Vukovar), elle a ressenti 
                la blessure des Croates et compris leur nationalisme. Il lui est 
                apparu que la Croatie sortait à peine de la guerre et que 
                le reste de l'Europe n'avait pas suffisamment pris la mesure des 
                conséquences de cette guerre terrible pour l'importante 
                portion du territoire croate qui en a été le théâtre.
               
                 
                  2. Des entretiens politiques au plus haut niveau
              
              La 
                mission de votre délégation, qui avait le mérite 
                d'inaugurer le travail interparlementaire en Croatie puisqu'elle 
                représentait le premier groupe de parlementaires étrangers 
                reçus à ce titre par le Sabor, a revêtu un 
                caractère exceptionnel grâce à nos amis Croates. 
                Ainsi, votre délégation a été reçue 
                par les deux plus hautes autorités politiques du pays : 
                
                
                - M. Stjepan MESIC, président de la République ; 
                
                - M. Zlatko TOMCIC, président du Sabor. 
                
                - La rencontre avec M. Stjepan MESIC 
                 
                Le président MESIC a longuement reçu la délégation 
                en déclarant d'abord tout l'intérêt qu'il 
                portait à la coopération interparlementaire et en 
                soulignant qu'à ses yeux la disparition du Sénat 
                croate ne devait en rien changer la coopération existant 
                avec le Sénat français, car bien qu'il s'agisse 
                de coopération interparlementaire, elle ne devait pas se 
                limiter au Parlement, mais s'exercer, selon lui, avec l'ensemble 
                des institutions des deux pays. 
                
                Le président MESIC a ensuit répondu à la 
                question de la délégation sur les difficultés 
                de l'adhésion à l'Union européenne, rappelant 
                que l'accord de stabilisation était signé, que la 
                Croatie était membre de l'OMC, et que l'armée se 
                modernisait pour répondre aux normes de l'OTAN. Il n'a 
                pas dissocié l'adhésion à l'Union européenne 
                de celle à l'OTAN les présentant comme deux objectifs 
                liés. 
                
                L'une des premières difficultés que le président 
                MESIC a mise en exergue est celle liée au passage d'une 
                économie dirigée à une économie de 
                marché libre. Mais il s'est réjoui à l'idée 
                que la Croatie dont l'histoire montrait qu'elle avait une longue 
                expérience des unions (la plupart du temps des « unions 
                imposées ») allait enfin entrer dans une union 
                librement choisie. 
                
                Elle a également interrogé le président MESIC 
                sur l'affaire Bobetko, qui a éclaté pendant notre 
                séjour et provoqué un sursaut de nationalisme au 
                sein de l'ensemble du pays. En effet, le général 
                Bobetko, ancien résistant au régime imposé 
                par les nazis, ancien participant de l'insurrection de 1971 contre 
                le régime communiste et héros de la guerre d'indépendance, 
                venait d'être inculpé par le Tribunal pénal 
                international. Comme il a été dit plus haut, le 
                président MESIC a alors exposé sa position hostile 
                à l'idée de responsabilité collective (position 
                qui n'a pas semblé à votre délégation 
                en phase avec la majorité de l'opinion croate). Il a saisi 
                cette occasion pour annoncer qu'il irait lui-même témoigner 
                au TPI (contre Milosevic), ce qu'il a fait depuis lors. 
                
                - La rencontre avec M. Zlatko TOMCIC 
                 
                L'autre temps fort politique a été la séance 
                de travail avec le président du Sabor, M. Zlatko Tomsic 
                qui est membre du Parti paysan de Croatie (HSS) lequel appartient 
                à la coalition gouvernementale mais reste courtisé 
                par l'opposition de droite, car il pourrait constituer le pivot 
                d'un futur gouvernement. 
                
                M. Zlatko Tomsic s'est dit convaincu que de bonnes relations interparlementaires 
                étaient un préalable nécessaire à 
                de bonnes relations bilatérales et il a rappelé 
                que notre délégation était la première 
                à rendre visite au Sabor. Il a ensuite abordé le 
                développement des relations entre la France et la Croatie 
                et l'intégration euro-atlantique. 
                
                Il a déploré que des circonstances malheureuses 
                aient retardé l'entrée de la Croatie dans l'Union 
                européenne et il s'est réjoui de la position très 
                favorable de l'opinion publique en faveur de l'UE (75 à 
                80 % dans les sondages), mais il reconnu que l'opinion publique 
                ignorait encore les tracasseries du passage au crible des 31 chapitres 
                et les sacrifices liés à l'entrée à 
                l'UE. 
                
                M. Tomsic a surtout insisté sur le fait qu'il était 
                favorable à une approche individuelle de l'élargissement 
                et plaidé afin que l'on fasse entrer les candidats au fur 
                et à mesure qu'ils étaient prêts (et non pas 
                par « fournée »). 
                
                Enfin, répondant à une question sur la représentation 
                des Croates à l'étranger, M. Tomsic nous a fait 
                sentir parallèlement toute l'importance des questions 
                des minorités (cf. supra). Il a également abordé 
                la question des minorités croates à l'étranger, 
                distinguant avec humour « plusieurs catégories 
                de Croates » : 
                
                
                - les Croates de Croatie ; 
                - les Croates de Bosnie Herzégovine ; 
                - les Croates « autochtones » vivant 
                à l'étranger, en Voïvodine, en Slovaquie, en 
                Italie, en Roumanie ; 
                - la diaspora croate (il y a 4 millions de Croates aux Etats-Unis 
                et en Australie, descendant de ceux qui ont émigré 
                et 1,5 million d'entre deux parlent encore le croate) ; 
                - les « Gastarbeiter » (il s'agit des 
                Croates travaillant provisoirement en Allemagne). 
                
                Il a rappelé que, selon la loi, seules les Croates vivant 
                en Croatie peuvent voter en Croatie et que ce principe lui semblait 
                bon, mais il a reconnu qu'il serait souhaitable que les Croates 
                de l'étranger puissent être représentés 
                ne serait ce que de « manière symbolique ».
               
                 
                  3. Une immersion dans la réalité locale
              
              Avant 
                de partir pour la province, votre délégation a fait 
                deux visites « coup de projecteur » : 
                l'une dans une entreprise agroalimentaire qui lui est apparue 
                à la pointe du progrès et de l'organisation. Cette 
                entreprise (LURA) traite avec 26.000 petits fournisseurs dont 
                elle assure l'adaptation aux normes européennes. 
                
                L'autre visite a été consacrée au Musée 
                Mimara de Zagreb, collection d'oeuvres d'art rassemblées 
                par un mécène croate éclairé au goût 
                aussi sûr qu'éclectique, ce qui a permis à 
                votre délégation de mesurer l'importance de la culture 
                classique dans les traditions de ce pays. 
                
                Ce voyage en province l'a ensuite emmenée à Osijek, 
                Vukovar dans le nord et Dubrovnik dans le sud. Ces régions 
                ont été touchées par la guerre et en portent 
                encore les séquelles. 
                
                - L'administration locale et les problèmes locaux 
                
                 
                En province, votre délégation a participé 
                à plusieurs réunions de travail avec les élus 
                locaux (maires et joupans) 
                
                Les entretiens avec les élus locaux ont révélé 
                : 
                
                - que la coopération entre les régions et les 
                communes était bonne tandis que la coopération avec 
                l'Etat était plus difficile ; 
                
                - que la propriété du sol posait encore un problème 
                et que le cadastre n'était pas fiable ; 
                
                - que la décentralisation mise en place un an auparavant 
                ne faisant pas encore sentir ses avantages et que le contrôle 
                a priori continuait à se pratiquer ; 
                
                - que la tâche essentielle des collectivités 
                territoriales était de faire revivre l'économie 
                après le communisme et la guerre ; 
                
                - qu'il y avait d'immenses disparités de revenus fiscaux 
                d'une collectivité locale à l'autre et que l'Etat 
                central assurait la péréquation en modulant ses 
                transferts ; 
                
                - enfin, et surtout, que les transferts de l'Etat aux collectivités 
                territoriales étaient insuffisants, de même que les 
                ressources allouées pour financer les responsabilités 
                qui leur étaient confiées (les élus locaux 
                que nous avons rencontrés ont déploré que 
                le transfert de l'éducation primaire aux communes et secondaire 
                aux régions ne se soit pas accompagné du transfert 
                d'un budget suffisant). 
                
                Il est donc apparu que les élus locaux, avec pragmatisme, 
                faisaient plus grand cas de la remise en marche de l'économie 
                et de la recherche des investissements que de la défense 
                des libertés locales, lesquelles sont de toute manière 
                déjà bien plus développées que du 
                temps du régime communiste. La gestion quotidienne et la 
                reconstruction l'emportent sur les clivages politiques et le débat 
                d'idées. 
                
                C'est d'ailleurs ce qui frappe d'abord le visiteur étranger 
                en Croatie : le pragmatisme d'une nation qui se reconstruit 
                en luttant contre les conséquences de deux fléaux 
                qui nous semblent lointains mais qui, pour la nation croate, sont 
                encore présents et douloureux dans la mémoire collective : 
                le communisme et la guerre.