| 15/11/2005  
                CONFÉRENCE"La Croatie 
                européenne"
 
  
  A 
                l'occasion de son séjour à Paris, au 
                cours duquel il sera notamment reçu par le président 
                français Jacques Chirac, le Premier ministre 
                croate, M. Ivo 
                Sanader, donnera à l'invitation de Mme Catherine 
                Lalumière, présidente de la Maison 
                de l'Europe, une conférence sur le thème 
                "La Croatie européenne". Le chef du 
                gouvernement 
                croate aura l'occasion d'y faire part de ses réflexions 
                sur le développement de la Croatie et sur le 
                chemin européen qui s'ouvre désormais 
                à elle, quelques semaines seulement après 
                l'ouverture des négociations d'adhésion 
                à l'Union européenne, solennellement 
                lancées à Luxembourg le 3 octobre 
                dernier. Voir la revue 
                de presse   "La 
                Croatie européenne"   
                Allocution de
 S. E. Monsieur Ivo Sanader
 Premier ministre de la République de Croatie
 
 Maison de l'Europe,
 – Paris, le 15 novembre 2005 –
 Madame 
                la Présidente,Excellences,
 Mesdames et Messieurs,
 C'est 
                à la fois un honneur et une joie que d'avoir 
                l'occasion de pouvoir partager avec vous quelques réflexions 
                sur le développement de la Croatie et sa marche 
                européenne. Le moment politique actuel de l'Europe 
                s'y prête. Le récent encouragement donné 
                à la Croatie par le biais de l'ouverture des 
                négociations, tout autant que la symbolique 
                de la Maison de l'Europe, en sont autant de raisons 
                supplémentaires. Sans oublier le plaisir que 
                j'ai à le faire à votre invitation, et 
                je n'ignore pas votre rôle ni votre soutien, 
                en tant que Secrétaire général, 
                au rapprochement de la Croatie avec le Conseil de l'Europe, 
                aussi vous en suis-je reconnaissant.   
                *  
                Ainsi, comme je viens de le dire, l'heure est à 
                une réflexion approfondie sur l'Europe.  
                Parallèlement, au risque de paraître sentencieux, 
                j'ai la conviction que le temps est également 
                venu de se pencher sur la place et le rôle de 
                la Croatie dans la nouvelle Europe. J'ose espérer 
                pouvoir y apporter ici quelque contribution – 
                et le moment s'y prête d'autant mieux que, comme 
                je l'ai dit, les pourparlers en vue de notre future 
                adhésion à l'Union viennent de s'ouvrir. 
                  
                C'est d'une nouvelle ouverture, donc, qu'il s'agit.  
                Une ouverture qui, j'en suis certain, montrera à 
                quel point la candidature croate à l'Union est 
                mutuellement profitable et d'un intérêt 
                réciproque. Non seulement les Croates, mais 
                également les Français, tout comme l'ensemble 
                de l'Union européenne, tireront avantage de 
                l'appartenance de la Croatie à cette famille 
                européenne commune.  
                Aussi, je souhaite souligner avec force l'importance 
                du soutien de la France sur cette voie.  
                Le Président Chirac s'est personnellement engagé 
                en faveur de la Croatie et fut la figure de proue d'un 
                soutien continu de la France dans des circonstances 
                qui n'ont pas toujours été des plus faciles.  
                Ma satisfaction est d'autant plus grande que j'ai pu, 
                lors de notre rencontre d'hier, m'assurer une nouvelle 
                fois du soutien ferme de la France à la perspective 
                européenne de la Croatie, de sa pleine ouverture 
                à notre égard, de la compréhension 
                amicale dont elle fait preuve, comme de sa disponibilité 
                à nous fournir son assistance au cours des négociations. 
                  
                *  
                Permettez-moi de commencer avec une question simple: 
                pourquoi la Croatie mérite-t-elle de rejoindre 
                l'Union? Perdues dans l'immensité de l'agenda 
                européen, les questions de moindre importance 
                passent souvent inaperçues – mais ces 
                questions apparemment secondaires constituent à 
                nos yeux des changements formidables, d'une importance 
                incomparable pour nos concitoyens, mais aussi plus 
                largement.   
                Premièrement, la Croatie a mené avec 
                succès et parachève de profondes réformes 
                de transition. Les négociations ne feront qu'accélérer 
                et élargir cette imposante et historique transformation 
                du pays qui, des décennies durant, à 
                l'instar de nombreux autres pays d'Europe centrale, 
                a subi les conséquences des divisions européennes.  
                Deuxièmement, la Croatie est entrée dans 
                une nouvelle ère politique. Le renouvellement 
                des espaces politiques comme la transformation de l'état 
                d'esprit, propres à l'état de guerre 
                et à l'après-guerre, a insufflé 
                dans notre société une puissante logique, 
                fondant de nouveaux rapports, prônant la réconciliation, 
                surmontant les anciens clivages et incitant à 
                une adhésion largement partagée aux valeurs 
                européennes.  
                Troisièmement, la transformation du système 
                politique et le cap pris par la Croatie, tout entière 
                tournée vers de nouvelles valeurs, ont d'ores 
                et déjà suscité des frémissements 
                positifs chez nos voisins, ce qui sans conteste profite 
                à toute l'Europe comme à l'Union. Celle-ci 
                n'en devra pas moins faire encore face à de 
                délicates questions portant sur la paix et la 
                stabilité de cette partie du continent. Pour 
                sa part, la Croatie est disposée à continuer 
                d'apporter une contribution durable à ce processus, 
                en tant que pont, en quelque sorte, entre l'espace 
                de l'Union et celui de l'Europe du Sud-Est.  
                *  
                La Croatie a entamé le 3 octobre les négociations 
                d'adhésion à l'Union européenne. 
                Cette décision de l'Union, après de précédentes 
                hésitations et divergences en son sein, a été 
                rendue possible par l'évaluation positive de 
                l'action de mon gouvernement quant à sa pleine 
                coopération avec le Tribunal pénal international 
                de La Haye, évaluation rendue par la procureure 
                générale du TPIY, Mme Carla del Ponte. 
                Avec la confirmation de la pleine coopération 
                avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, 
                la dernière condition préalable à 
                l'ouverture des négociations était remplie.  
                Mon gouvernement poursuivra néanmoins sa coopération 
                avec le Tribunal – aucune ombre ne viendra obscurcir 
                le ciel de la Croatie, et l'ouverture des négociations 
                n'a fait qu'accroître notre responsabilité 
                à cet égard.  
                Au demeurant, j'ajouterais que la coopération 
                avec le Tribunal ne fut pas et ne saurait être 
                cantonnée à l'élucidation du dernier 
                cas resté irrésolu, mais elle est bien 
                davantage que cela – elle touche à la 
                question même du respect de l'État de 
                droit. Les négociations et le rapprochement 
                avec la famille européenne rehaussent encore 
                le degré de notre responsabilité qui 
                est celle d'assurer la primauté du droit à 
                tous les niveaux de notre société, en 
                tant que composante vitale de l'État croate 
                moderne.  
                La Croatie a dû surmonter un double processus 
                de transition. D'une part, elle a dû tourner 
                la page du système économique socialiste 
                et des habitudes allant de pair avec celui-ci, pour 
                entrer de plain-pied dans la libre économie 
                de marché. D'autre part, il a fallu s'affranchir 
                des séquelles matérielles, mais également 
                sociales, voire morales, de la guerre qui nous a été 
                imposée.  
                Aussi la reconstruction a-t-elle pour nous, en Croatie, 
                une dimension tant économique que spirituelle.  
                A cet égard, nous avons conduit une politique 
                conséquente de réconciliation et favorisé 
                l'intégration sociale et la participation politique 
                des minorités nationales. Aujourd'hui, tous 
                les représentants des minorités nationales, 
                sans exception, participent aux travaux du Sabor, c'est-à-dire 
                du Parlement croate, et prennent une part active à 
                ses décisions, en tant que membres de la majorité 
                parlementaire. Ils soutiennent la politique de mon 
                gouvernement et sont associés à son élaboration. 
                  
                Il n'y a donc pas d'exclus ou d'oubliés sur 
                la scène politique croate et je tiens cela pour 
                un grand succès, notamment pour sa valeur d'exemple 
                pour les pays du Sud-Est européen.   
                Autant dire que la Croatie ne représente pas 
                pour l'Union un fardeau supplémentaire qui soit 
                susceptible de réclamer des efforts additionnel. 
                Cela est non seulement vrai à propos des valeurs 
                communes ou des normes de l'Union, mais ça l'est 
                tout aussi du point de vue de l'actuel débat 
                sur l'élargissement, dans lequel la Croatie 
                constitue une réalité pratiquement sans 
                incidence.  
                Quant à ses indicateurs macroéconomiques, 
                la Croatie n'est pas seulement en avance par rapport 
                à certains pays candidats, mais également 
                par rapport à certains nouveaux membres de l'Union. 
                Le pays compte 4,5 millions d'habitants et un revenu 
                national de 6 000 euros per capita. Au cours des trois 
                dernières années la croissance réelle 
                du Produit intérieur brut s'est échelonnée 
                entre 4 % et 5%, tandis que l'inflation demeure inférieure 
                à 2 %.  
                Grâce à la diversification de ses relations 
                économiques et des investissements, la Croatie 
                est d'ores et déjà bien intégrée 
                parmi ses voisins membres de l'UE. A l'heure actuelle, 
                quelque 85 % des exportations croates vont vers les 
                pays membres de l'UE.   
                Avec la construction de son nouveau réseau d'autoroutes, 
                la Croatie relie désormais le nord et le sud 
                de l'Europe, permettant ainsi à des millions 
                de touristes de rejoindre plus vite leur destination. 
                  
                La Croatie n'envisage pas sa relation avec Bruxelles 
                uniquement comme bénéficiaire mais aussi 
                comme contributeur.  
                Pour l'économie européenne la Croatie 
                sera une valeur ajoutée.  
                Je n'ai donc aucun doute – la Croatie est parfaitement 
                prête pour les négociations. Une équipe 
                de négociateurs compétents et qualifiés, 
                forts du soutien du gouvernement et du Parlement, s'efforcera 
                de conclure les négociations d'adhésion 
                d'ici fin 2007 ou début 2008.  
                J'en affiche d'autant plus aisément cet objectif 
                que je me suis moi-même toujours défini 
                comme un optimiste réaliste.   
                Certes, ceci ne doit pas se faire au détriment 
                de la qualité des négociations ni des 
                choix arrêtés.  
                Nous avons tout à fait conscience que ce que 
                nous obtiendrons au cours de ces négociations 
                se répercutera sur la vie quotidienne des générations 
                futures et c'est la raison pour laquelle l'accent est 
                avant tout mis sur les conditions optimales à 
                assurer, en parallèle à nos obligations 
                d'adaptation sur le plan intérieur.   
                J'ai la conviction que nous y parviendrons et que la 
                Croatie participera, en tant qu'État membre, 
                aux élections pour le Parlement européen 
                prévues pour juin 2009.  
                Dans ce contexte, je souhaite tout particulièrement 
                exprimer ma reconnaissance à la France pour 
                sa position selon laquelle, pas plus que pour la Bulgarie 
                ou la Roumanie, il ne sera nécessaire, dans 
                le cas de la Croatie, de procéder à un 
                référendum sur l'adhésion à 
                l'Union européenne.  
                J'ajoute ici, à nouveau, que la Croatie n'est 
                pas et ne saurait être un fardeau pour l'Union 
                et que nous envisageons de ce fait nos négociations 
                avec l'Union parfaitement sereins quant aux débats 
                actuels et futurs sur l'élargissement.  
                *  
                Même brève, cette esquisse de l'actuelle 
                Croatie et de la dimension européenne de son 
                avenir, mais également de sa responsabilité, 
                confirme clairement que mon pays s'est déjà 
                profilé en tant que pont de l'Union européenne 
                vers l'Europe du Sud-Est. La Croatie est pour les pays 
                en transition de l'Europe du Sud-Est devenue le symbole 
                du fait qu'une politique de réformes énergique 
                est possible et qu'il vaut la peine de la mettre en 
                œuvre, car le progrès suit.   
                Ce développement est très significatif 
                pour la perspective européenne de toute l'Europe 
                du Sud-Est, car la Croatie est devenue le «modèle 
                européen» pour les pays en transition 
                de l'Europe du Sud-Est.   
                Pour cette raison, la coopération bilatérale 
                et régionale avec les pays voisins de l'Europe 
                du Sud-Est constitue une composante importante de la 
                politique étrangère croate. Notre objectif 
                est d'appuyer nos voisins dans leurs réformes 
                menées en vue de l'adoption des normes européennes. 
                  
                C'est une raison supplémentaire pour laquelle 
                l'Union européenne a besoin de la Croatie comme 
                membre à part entière. Il s'agit d'une 
                triple situation où chacun est gagnant. L'UE, 
                la Croatie et l'Europe du Sud-Est y gagneront avec 
                l'adhésion de la Croatie.  
                Permettez-moi maintenant de partager avec vous également 
                quelques réflexions sur des questions européennes 
                plus générales.  
                En Croatie, nous sommes assurément concentrés 
                sur nos relations avec l'Union, mais nous ne sommes 
                pas pour autant indifférents aux relations au 
                sein de l'Union et en Europe en général. 
                  
                Je le dirai sans détour : notre expérience 
                historique commune, souvent très tragique, nous 
                apprend que les relations en Europe – au point 
                de vue politique et idéologique, et par conséquent, 
                hélas, tant au point de vue spirituel et culturel, 
                que militaire – se répercutent sur nos 
                relations intérieures, sur notre unité, 
                au plus profond même de la conscience nationale 
                et sur le destin du pays.   
                Vu de cet angle, et en considération des discussions 
                actuelles sur l'élargissement ultérieur 
                de l'Union et, dirais-je, de l'état d'esprit 
                de l'Europe en ce moment, il me semble important d'appeler 
                les élites politiques européennes à 
                se rappeler les moments de la création de l'Union 
                européenne.  
                J'estime que Paris est justement le lieu pour un tel 
                appel, car j'attends justement de l'opinion française, 
                notamment à cause de la mémoire historique 
                qu'elle garde du prix d'une Europe divisée et 
                meurtrie, qu'elle saisisse mon message.   
                Nous ne pouvons oublier que l'Union européenne 
                est avant tout un projet pacifique.   
                Ce n'est pas une simple zone de libre-échange 
                pas plus qu'un refuge social.   
                C'est un projet de vie en commun et en paix, un projet 
                amorcé et encouragé par les terribles 
                expériences des guerres européennes et 
                des tragédies immenses endurées par les 
                États, les peuples et les hommes. L'histoire 
                européenne, hormis de brillants élans 
                de l'esprit et du labeur, n'est que trop ternie par 
                les guerres, les tragédies, les revendications. 
                Le siècle passé en témoigne dramatiquement.  
                Cela nous rappelle combien il vaut la peine de lutter 
                pour une Europe unie, une Europe qui partage des valeurs 
                communes. Une telle Europe n'a pas d'alternative. Il 
                faut croire en une telle Europe et l'édifier 
                de la sorte. Tout le reste n'est que péril, 
                profondes angoisses et coûts démesurés. 
                  
                Il n'est pas nécessaire de souligner à 
                quel point il importe également pour le large 
                public d'ouvrir grand les yeux sur cette dimension 
                historique, combien il importe que le citoyen européen 
                reconnaisse la différence entre les avenirs 
                propices et les conséquences terribles du passé. 
                  
                Certes, une discussion avertie et ouverte est nécessaire, 
                sans imposition ni frustration.   
                Il est de la même manière crucial que 
                le citoyen s'approprie l'Europe, car la confiscation 
                de la décision et l'aliénation de la 
                bureaucratie ne contribuent pas à la compréhension 
                générale et éloigne le citoyen 
                de toute participation.  
                Ce sont quelques-unes des réflexions par lesquelles 
                nous comptons, pour ce qui concerne la Croatie, alimenter 
                le débat – aussi bien pour les négociations 
                et l'accélération de l'adhésion, 
                que pour notre contribution active à l'édification 
                d'une maison européenne commune et indivise 
                – et ce par le biais de notre participation à 
                la stabilité de l'Europe du Sud-Est, autant 
                que par la part que nous prenons au débat sur 
                l'avenir de l'Union et de l'Europe.   
                Je dois ajouter que les mêmes principes valent 
                également au sein de l'Union européenne 
                pour les responsables. Soixante années de paix 
                et de prospérité est plus que satisfaisant. 
                Il s'ensuit également la nécessité 
                de poursuivre l'intégration européenne. 
                Les hommes politiques de notre époque ont le 
                devoir de suivre les architectes tels que Schumann, 
                de Gasperi, Kohl i beaucoup d'autres, mais certainement 
                aussi le président Chirac et son propre dévouement 
                en faveur de l'idée européenne en ces 
                temps fatidiques.   
                Merci de votre attention.     
                 
                Maison 
                de l'Europe. Mardi 
                15 novembre 2005 à 10h30 - 35-37, rue des 
                Francs-Bourgeois, Paris 4e - M° Saint-Paul 
                - Tel. 01 44 61 85 85 ou 01 53 70 02 76.   |