17/01/2002
10e
ANNIVERSAIRE
Quand les
Douze reconnaissaient la Croatie...
Retour sur
le fil des événements : historique d'une émancipation
diplomatique et bilan de dix années d'indépendance
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Le
président Mesic s'adresse aux députés
réunis au Sabor à l'occasion du 10e anniversaire
de la reconnaissance de la Croatie (15/01/2002). |
Il
y a dix ans, les douze membres de ce qui était encore la
CEE reconnaissaient la Croatie et cette date, le 15 janvier 1992,
est considérée aujourd'hui comme l'une des plus
importantes de son histoire. La commémoration de cet anniversaire
fut l'occasion pour le président et le premier ministre
croates de dresser un bilan de la décennie passée,
passant en revue les succès mais aussi les échecs
qui ont jalonné les premières années de la
Croatie indépendante. Ivica Racan a annoncé que
Zagreb se donnait encore un an avant de faire officiellement acte
de candidature à l'UE.
Avant le 15 janvier, la Croatie avait été reconnue
dès 1991 par la Slovénie (26 juin), la Lituanie
(30 juin), l'Ukraine (11 décembre), la Lettonie
(14 décembre), l'Islande (19 décembre)
et l'Estonie (31 décembre). L'Allemagne a quant à
elle rendu publique sa décision de reconnaître la
Croatie, décidant toutefois de la rendre effective au 15 janvier
1992, ensemble avec ses autres partenaires européens.
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Une
nouvelle pièce commémorative de 25 kunas
a été émise par la Banque nationale
de Croatie. Tirée à 200 000 unités,
elle porte l'inscription suivante : "10e anniversaire
de la reconnaissance internationale de la Croatie 15.01.1992-15.01.2002". |
Avant
d'être reconnue par les pays membres de la CEE, la Croatie
l'avait été par le Saint-Siège (13 janvier)
et Saint-Marin (14 janvier), suivis de l'Autriche, de la
Bulgarie, du Canada, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne et
de la Suisse qui leur emboîtaient le pas le jour même
de la reconnaissance par les Douze. Le lendemain, c'était
le tour de l'Argentine, de l'Australie, de la République
tchèque, du Chili, du Liechtenstein, de la Nouvelle Zélande,
de la Slovaquie, de la Suède et de l'Uruguay.
Avant la fin janvier 1992, sept nouveau pays avaient reconnu la
Croatie : la Finlande (17 janvier), la Roumanie (18 janvier),
l'Albanie (21 janvier), la Bosnie-Herzégovine et le
Brésil (24 janvier), le Paraguay (27 janvier)
et la Bolivie (29 janvier).
Le premier État musulman asiatique (exceptée la
Turquie, semi-européenne et laïque) à reconnaître
la Croatie fut l'Iran (15 mars) ; le premier État
d'Afrique, l'Égypte (16 avril). Parmi les autres pays,
on compte également la Russie (17 février),
le Japon (17 mars), les États-Unis (7 avril),
Israël (16 avril), et la Chine (27 avril).
En
devenant membre de l'Organisation des Nations unies le 22 mai
1992, la Croatie est finalement devenue membre à part entière
de la communauté internationale. Aujourd'hui elle entretient
des relations diplomatiques avec quelque 120
pays.
Tirer les leçons du passé et bâtir l'avenir
Le
10e anniversaire de la reconnaissance de la Croatie par les
Douze a été l'occasion pour le président
croate Stjepan Mesic comme pour le Premier ministre Ivica Racan
de revenir sur cet événement dans des allocutions
solennelles prononcées au Sabor devant le députés
croates.
Stjepan
Mesic : "Notre aptitude à reconnaître
nos erreurs témoigne de notre maturité démocratique
et de notre détermination à ne plus jamais
permettre qu'elles se reproduisent". |
Ayant
la veille déclaré à la Radio croate que l'indépendance
de la Croatie, de la Slovénie et de la Bosnie-Herzégovine
aurait été possible sans guerre à la seule
condition que Slobodan Milosevic eût renoncé à
ses intentions d'établir une "Grande Serbie"
sur les ruines de la Yougoslavie en imposant la guerre à
ses voisins, le président croate a dans son adresse au
Sabor souhaité aussi revenir sur les erreurs commises par
Zagreb durant les dix années passées. S'il a effectivement
insisté sur le fait que l'indépendance de la Croatie
n'était en rien une "sécession", mais
au contraire l'exercice de son droit à l'indépendance,
garanti par la constitution fédérale de 1974, le
président Mesic a aussi rappelé la nécessité
de procéder à un examen rétrospectif critique
de la décennie passée, citant les points négatifs
qui ont entaché sa légitime accession à l'indépendance.
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Alors
que les capitales européennes s'apprêtaient
à reconnaître l'indépendance de la Croatie,
une cinquantaine de jeunes
Croates a symboliquement rebaptisé "Croatie
- Europe" la station de métro Europe, à
Paris, le 15 janvier 1992. (Cliquer
sur l'image pour lire l'article) |
Mentionnant
à cet égard explicitement les carences démocratiques
de la Croatie des années 90, les louvoiements de sa politique
en Bosnie-Herzégovine et le manque de transparence qui
caractérisa les processus de privatisation, il justifia
sa démarche : "Notre disposition et notre aptitude
à reconnaître nos erreurs et nos occasions manquées
témoigne de notre maturité démocratique et
de notre détermination à ne plus jamais permettre
que de telles fautes se reproduisent", a-t-il déclaré,
soulignant qu'aujourd'hui la Croatie n'était pas seulement
reconnue, mais aussi acceptée. "Consciente du chemin
parcouru, elle a également une vision claire de la voie
qu'elle entend poursuivre", a-t-il conclu.
Soulignant
l'importance de cette date anniversaire pour tous les citoyens
croates, le Premier ministre Ivica Racan, qui s'exprima à
la suite du président, a souligné l'importance de
l'unité dont avait fait preuve la nation en 1991
dans la défense de ses droits, rappelant le lourd tribut
payé par l'ensemble de la population, spécialement
lors du tragique siège de Vukovar.
Évoquant à ce propos "le prix immense de
la liberté" et les "Croates réfugiés
dans leur propre patrie", il a insisté sur le
devoir de reconnaissance à ceux "qui ont consenti
les plus grands des sacrifices", considérant que
"ceux qui avaient pris part à la défense
du pays donnèrent une contribution inestimable à
la liberté et l'indépendance [de la Croatie]. C'est
grâce à leur courage que nous sommes en mesure aujourd'hui
décider de notre destin".
Candidature à l'entrée dans l'UE dans un an
Ivica
Racan : "C'est grâce au courage de ceux qui ont
pris part à la défense du pays que nous sommes
en mesure aujourd'hui décider de notre destin". |
Si
la date du 15 janvier 1992 reste cruciale, le premier ministre
a néanmoins rappelé qu'il a fallu attendre les opérations
de l'armée croate de l'été 1995
pour voir la majeure partie des territoires occupés revenir
dans le giron croate, et même 1998,
pour assister à la réintégration pacifique
de la Slavonie orientale. Il a cependant mesuré les progrès
accomplis depuis, mentionnant que la Croatie est aujourd'hui membre
de l'OMC, du Partenariat pour la Paix et
du Groupe de Vilnius, antichambre de l'OTAN
réunissant les pays-candidats, qu'elle est en voie de devenir
membre de l'ACELE (Association Centre-européenne de libre-échange),
qu'elle a ratifié l'Accord de Stabilisation et d'Association
(ASA) avec l'Union européenne.
Il a profité de cette occasion pour annoncer qu'elle se
fixait symboliquement le 15 janvier 2003 comme date butoir
pour soumettre officiellement sa candidature à l'adhésion
à l'Union européenne, sachant qu'elle se donne jusqu'à
2006 pour intégrer dans sa législation l'ensemble
des dispositions de "l'acquis communautaire", condition
préalable à toute adhésion.
SOUVENIRS,
SOUVENIRS... |
La
Télévision
croate a diffusé pour l'occasion une émission
spéciale qui a réuni les témoignages
de personnalités ayant alors joué un rôle
de premier plan, comme ce fut le cas, côté
français, du ministre français des Affaires
étrangères Roland Dumas, du président
de la Commision d'arbitrage Robert Badinter
ou encore du philosophe Alain Finkielkraut,
qui a été parmi les premiers à s'engager
en faveur de la reconnaissance de la Croatie. D'autres personnalités
européennes, comme le président italien Francesco
Cossiga, ou d'anciens ministres des Affaires étrangères
européens, notamment Hans Van den Broek (Pays-Bas),
Alois Mock (Autriche), Geza Jeszensky (Hongrie), Hans Dietrich
Gensher (Allemagne), Jon Baldvin Hanibalsson (Islande),
y dévoilent les dessous des consultations diplomatiques
qui ont finalement abouti à la reconnaissance internationale
de la Croatie, le 15 janvier 1992. |
Le
Service de presse
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