Le Monde,
28/03/2002
SUPPLÉMENT
"CROATIE" (1)
Une
destinée européenne
La Croatie aux portes
de lUnion
« Notre
aptitude à reconnaître nos erreurs témoigne de la maturité
démocratique des Croates et montre que nous sommes déterminés
à ne pas les reproduire » : le président de la jeune République
de Croatie, Stjepan Mesic, étonne souvent ses
interlocuteurs par son franc-parler. Ce chef dEtat élu en février
2000 parle sans tabou de lhistoire récente de son pays, marquée
par un profond sentiment nationaliste non exempt dambiguïtés.
Il reconnaît aisément que son pays na pas toujours suivi la
politique adéquate, notamment en termes de relations internationales (dans
une zone sinistrée par les conflits ethniques) et de privatisation des
entreprises publiques.
"Nos
orientations stratégiques sont clairement définies" |
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«
La transition à une économie de marché et la démocratisation
en profondeur de la société ont pris du retard durant les premières
années de lindépendance acquise en 1991,
admet-il, mais aujourdhui, nos principales orientations stratégiques
sont clairement définies : adhésion à lOtan
(nous avons déjà signé un accord de coopération),
et également adhésion à lUnion
européenne. »
TOURNER LA PAGE
Son
gouvernement a réussi à convaincre une opinion publique réticente
que la collaboration avec le Tribunal pénal international de La Haye et
linculpation des Croates coupables de crimes de guerre étaient le
meilleur moyen de restaurer limage du pays et de tourner la page. «
Les pires conséquences de la guerre
sont la haine et la rancur quelle laisse derrière elle »,
assure Stjepan Mesic, qui voient les Croates résidant hors de Croatie comme
ses meilleurs ambassadeurs et un excellent vecteur de coopération avec
les pays qui les abritent : « Nous ne pensons pas que cela nous donne le
droit dannexer le territoire de nos voisins, mais nous attendons, des pays
qui nous entourent, le même respect. » Dans cette optique, il se réjouit
fort du résultat des dernières élections yougoslaves, qui
ont consacré le retour à la démocratie chez ses proches voisins
serbes.
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Zagreb,
Place Jelacic
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Cette Croatie
pacifiée et pacifique a noué de fructueuses relations avec lUnion
européenne : Bruxelles et Zagreb ont signé un Accord de stabilisation
et dassociation. Les Croates recevront à ce titre 60 millions deuros
en 2002 et la candidature officielle du pays à lUE devrait être
déposée au début de 2003. Ladhésion interviendra
au plus tôt en 2006. Ce rapprochement a modifié la perception du
pays, auquel les institutions financières internationales attribuent de
meilleures notes. Ladhésion à lOrganisation mondiale
du commerce, à la Banque européenne de reconstruction et de développement,
à la Banque mondiale, au Fonds monétaire international et au Conseil
de lEurope, ainsi que la signature dun accord de libre-échange
avec six autres pays des Balkans, rassurent également les investisseurs.
Ces derniers viennent principalement dAllemagne et dItalie, et guère
de France. La situation économique
sest pourtant améliorée, avec un taux de croissance du PIB
de 3,7 % en 2000 et de 4 % lan dernier. Les relations avec Paris sont excellentes,
comme lont démontré les visites du premier ministre croate
Ivica Racan à lElysée en mai
dernier et de Jacques Chirac à
Zagreb le 8 décembre 2001. La première
visite officielle de Stjepan Mesic la dailleurs conduit à
Paris en mai 2000, où il a reçu le soutien du chef de lEtat
français à la candidature de son pays à lUnion européenne.
Le président
croate rappelle volontiers quune dynastie
angevine a régné sur son pays au XIVe siècle et que «
cinq ans après la Révolution française, des Jacobins croates
plantaient un Arbre de la Liberté sur la place principale de Zagreb, avec
un pamphlet qui disait : "pourquoi soutenir les Autrichiens qui nous oppriment
et non les Français qui nous offrent la liberté ?" »
Plus tard, les troupes commandées par Bonaparte, de retour dEgypte,
furent chaleureusement accueillies par les habitants de Dubrovnik. « Ce
fut le début des Provinces illyriennes,
partie intégrante de lempire napoléonien, qui ont existé
durant treize ans. De cette époque date lintroduction de lécole
publique obligatoire, labolition du servage, les premiers journaux en croate
et la première route entre la côte et lintérieur de
la Croatie », raconte Stjepan Mesic. La capitale française a par
ailleurs accueilli nombre dartistes et décrivains croates au
début du XXe siècle.
Lambassadeur de la République de Croatie en France, Bozidar Gagro,
rappelle lorigine du mot « cravate
», qui ne serait quune déformation du vocable « croate
» : « Cette mode vestimentaire a été introduite en France
par les soldats croates qui combattaient aux côtés des Français
pendant la Guerre de Trente ans, au XVIIe siècle. » Il mentionne
également : « La naissance dans les années 20 du siècle
dernier, à Zagreb, du premier Institut
français des Balkans. Voilà qui prouve lancienneté
de nos relations, quil faut aujourdhui renforcer dans le domaine économique.
Ce rapprochement passe immanquablement par lorganisation de rencontres entre
hommes daffaires croates et entrepreneurs français, qui doivent apprendre
à se connaître. »
UN AVENIR EUROPÉEN
"Prêts
pour négocier ladhésion à lUE en 2006" |
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Bozidar
Gagro estime que laccord de coopération signé avec lUnion
européenne permettra à son pays de se hisser au rang des autres
nations candidates, même si cela représente pour Zagreb un gigantesque
effort dadaptation. « En dix ans, nous avons vécu labandon
du système communiste, léclatement dun Etat multinational
en faillite, la guerre et son cortège de souffrances et de destructions,
laccession à lindépendance et la mise en place dun
Etat de droit.
Aujourdhui, nous devons intégrer des pratiques et des lois qui touchent
à tous les aspects de la vie des Croates. Nous devons faire entrer dans
nos murs les normes européennes de démocratie et de tolérance
», explique lambassadeur, confiant dans les capacités de renouvellement
de ses concitoyens : « Nous allons poursuivre dans cette voie et je suis
certain que nous serons prêts pour négocier notre adhésion
en 2006. Il sagit du principal objectif de notre gouvernement et ce sera
lobjectif de tous les gouvernements à venir. Nous navons pas
à lhorizon dautres projets qui puissent remettre en cause cette
priorité. »
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Suite
"Privatisation et appel aux investisseurs"
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