| 18/11/1991-2002
  COMMÉMORATION
 Le 
                18 novembre 1991, la chute de Vukovar
 Après trois mois d'un siège 
                effroyable marqué par une résistance 
                héroïque, les troupes de Milosevic s'emparent 
                sans gloire 
                de la cité croate réduite en cendres 
                avant d'en déporter la population.
  Symbole 
                de la résistance croate à l’agression serbe, la ville 
                martyre se souvient de son calvaire et de ses milliers 
                de victimes. Malgré les profonds stigmates laissés 
                par la guerre, sa réintégration pacifique dans le giron 
                national en janvier 1998 couronna les efforts diplomatiques 
                croates et marqua le succès de la mission de lONU 
                visant à restaurer la cohabitation et la paix.
 
                 
                  | ONZIÈME ANNIVERSAIRE |   
                  |  Plus de 10 000 personnes venues de tout 
                      le pays, dont Branko Borkovic, un des commandants 
                      de la défense de la ville, ont fait le 
                      déplacement pour participer aux cérémonies 
                      marquant le onzième anniversaire de la 
                      chute de la cité martyre. Parti symboliquement 
                      de l'hôpital de Vukovar le cortège 
                      s'est ensuite rendu au Mémorial de la 
                      ville où sont ensevelies 646 victimes 
                      du siège. De nombreuses personnalités 
                      politiques, majorité et opposition confondues, 
                      étaient également de la commémoration, 
                      notamment Mme Antunovic, vice-premier ministre 
                      et ministre de la Défense, M. Pancic, 
                      ministre des anciens combattants, M. Tomcic, 
                      président du Sabor, d'une part, et, d'autre 
                      part, M. Sanader (HDZ), M. Budisa (HSLS) ou encore 
                      Mme Skare-Ozbolt (DC).
 |  Comme 
                chaque année depuis 1991, le 18 novembre, la Croatie 
                se souvient de la tragédie de Vukovar, ville martyre, 
                symbole de la résistance de tout un pays. Jadis 
                port fluvial prospère situé sur les rives du Danube, 
                à l’extrémité est de la Croatie, en Slavonie 
                orientale, Vukovar comptait 45 000 habitants 
                avant la guerre. 
                Étape obligée dans l’entreprise de conquête de la Croatie, 
                la cité baroque devient en août 1991 l'une des premières 
                cibles de l’armée yougoslave et des milices serbes 
                aux ordres de Slobodan 
                Milosevic, aujourd’hui jugé à La 
                Haye pour génocide et crimes contre l’humanité. 
                Résolue à rapidement soumettre la ville pour poursuivre 
                son avancée vers l’intérieur de la Croatie, 
                à l'ouest, la hiérarchie militaire serbe amasse 
                des moyens considérables : 35 000 hommes, 
                600 blindés, appuyés par des escadrilles de chasseurs 
                bombardiers et des navires de guerre.  Très 
                vite pris au piège dans la ville assiégée, les habitants 
                y improvisent la résistance avec quelque 1200 
                volontaires légèrement armés. Faisant preuve d’un héroïsme 
                aujourd’hui légendaire, ils infligent de lourdes pertes 
                à l’agresseur, qui y perdra entre 6000 et 8000 hommes, 
                quelque trois cents blindés, chars et transports 
                de troupe, une centaine de véhicules militaires, 
                plusieurs batteries d'artillerie et rampes de lance-roquettes 
                multiple, un navire de guerre, 29 chasseurs-bombardiers 
                et 1 hélicoptère de combat. Au prix de 
                sacrifices surhumains, ils parviennent contre toute 
                attente à repousser les assauts répétés d’une armée 
                yougoslave et de paramilitaires serbes de plus en plus 
                en proie au doute. Au terme d’un siège implacable qui 
                aura duré trois mois, l’armée yougoslave, écrasant 
                littéralement la ville sous des centaines de 
                milliers de bombes et de projectiles de toutes sortes, 
                investira finalement le 18 novembre 1991 une ville 
                réduite en cendres.
 
                 
                  |  |   
                  | Vukovar 
                    avant et après la guerre. |   
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                  | Vukovar 
                    reçut en treize semaines plus de bombes 
                    et d'obus que toute l'ancienne Yougoslavie au cours 
                    de la Seconde Guerre mondiale. |  Néanmoins, 
                le retard pris par l'armée serbe à Vukovar 
                permettra à la Croatie d'organiser sa défense. 
                En outre, le prix exorbitant payé par l'agresseur, 
                décidé à soumettre la ville en 
                dépit de toute logique militaire, le dissuadera 
                de recommencer avec d'autres villes croates. De fait, 
                la ligne de front se stabilisera à l'entrée 
                des villes croates, l'armée serbe n'étant 
                parvenue à conquérir que des campagnes. 
                Aussi est-il légitime de penser que l'extraordinaire 
                résistance de Vukovar a épargné 
                la guerre à la majeure partie du territoire 
                croate. Au 
                lendemain de la prise de la ville, on dénombrait 
                parmi les habitants de Vukovar, quelque 2000 morts, 
                dont plus d'un quart de "défenseurs 
                de la ville" (soldats, policiers et volontaires, 
                avec une proportion non négligeable de femmes), 
                près de 1400 disparus 
                (*) et 2500 blessés. Parmi 
                les survivants, jusqu’alors terrés dans les caves, 
                quelque 22 000 seront alors déportés vers des 
                camps en Serbie (Begejci, Stajicevo, Prison militaire 
                de Belgrade, Sremska Mitrovica, Novi Sad, Bubanj Potok, 
                Sid, Nis) et condamnés aux travaux forcés, 
                où beaucoup seront torturés et victimes 
                de sévices. En tout quelque 8000 Croates, dont 
                la moitié originaires de Vukovar, partageront 
                ce sort. Si par la suite la plupart ont été 
                libérés, beaucoup sont aujourd'hui encore 
                portés disparus. Parmi 
                eux, Jean-Michel Nicolier, jeune Français de 
                25 ans originaire de Vesoul, qui, dans un élan 
                de solidarité aussi généreux que 
                désespéré, avait rejoint les défenseurs 
                de la ville.  Malgré 
                la présence du CICR et des observateurs européens, 
                au mépris du droit humanitaire des centaines de prisonniers, 
                parmi lesquels les blessés 
                de l’hôpital, sont abattus et ensevelis dans de 
                nombreuses fosses communes. Toute la Slavonie orientale 
                est alors soumise par l'occupant et vidée de 
                sa population non-serbe. Vukovar - quatre ans avant 
                Srebrenica - devient alors synonyme du plus grand crime 
                commis en Europe après 1945.
 Pari 
                gagné Cinq 
                ans plus tard, en novembre 1995, le Tribunal pénal 
                international de La Haye finira par inculper de crimes 
                contre l’humanité trois officiers généraux de l’armée 
                yougoslave, Mile Mrksic, 
                Veselin Sljivancanin et Miroslav Radic, pour lexécution 
                à Ovcara des deux cents blessés de lhôpital 
                (cf. actes daccusation 1 
                et 2). 
                Après la reddition du premier accusé 
                en mai 2002, Belgrade s'est finalement décidé 
                en 2003 à extrader les deux autres inculpés 
                à la justice internationale. 
                 
                  |  |   
                  | Pour 
                      protester contre l'occupation de Vukovar, ville 
                      emblématique de la résistance croate, 
                      et alerter l'opinion publique française 
                      sur les traitements inhumains infligés 
                      à ses habitants, tués ou déportés 
                      par l'armée serbe, une cinquantaine de 
                      jeunes 
                      Croates ont symboliquement rebaptisé 
                      "Vukovar" la station de métro 
                      Stalingrad, à Paris, le 20 novembre 
                      1991. |  A 
                l'été 1995, au lendemain de la libération 
                victorieuse de la plupart des territoires occupés, 
                les autorités croates, bien que redoutant le 
                maintien du statu quo susceptible de conduire 
                à terme à la perte définitive 
                de cette région, n'en font pas moins le pari audacieux 
                de réintégrer cette région par des moyens pacifiques, 
                avec l’aide de la communauté internationale. Ce 
                sera finalement chose faite en juste deux ans, soit 
                seulement six ans après la prise de la ville. Le retour 
                de la Slavonie orientale dans le giron national, le 
                15 janvier 1998, marque enfin l’établissement 
                de la souveraineté nationale sur l’ensemble du territoire 
                croate. Pour 
                y parvenir, il aura fallu le déploiement de 1996 à 
                1998 d’une force de paix internationale, l’ATNUSO, 
                la tenue d’élections municipales sous contrôle d’observateurs 
                extérieurs auxquelles participent les réfugiés croates, 
                la mise sur pied de patrouilles de police mixtes, composées 
                de fonctionnaires croates et serbes, afin, simultanément, 
                de favoriser le retour des réfugiés croates et d’endiguer 
                le départ des Serbes, qui constituent dans cette région 
                une forte minorité. 
                Au cours des deux ans d’administration onusienne et 
                malgré les nombreuses difficultés rencontrées, les 
                premiers réfugiés, croates pour la plupart, commencèrent 
                à rentrer afin de reprendre possession de leurs maisons 
                détruites en 1991. Hélas, 
                le marasme économique qui accable toute une région 
                dont les infrastructures ont été lourdement endommagées 
                ne permet pas d'espérer voir s'accélérer 
                ce mouvement. La population croate, qui formait naguère 
                la majorité relative des habitants de la cité, 
                avant d'être déportée en 1991, 
                est au fur et à mesure des retours des personnes 
                déplacées redevenue majoritaire, tandis 
                que la communauté serbe représente un 
                tiers des 32 000 citoyens de la ville, selon le recensement 
                de 2001. Dans 
                lensemble de la Slavonie orientale les trois-quarts 
                des Serbes ont choisi d'y rester depuis le retour des 
                ces territoires à la Croatie (sur environ 67 000 
                avant la guerre) tandis que dans le même temps 
                la moitié des Croates ont pu retourner chez eux (sur 
                environ 86 000) après huit ans d'exil.  Pour 
                la Croatie, où les deux tiers du parc immobilier détruit 
                pendant la guerre ont d'ores et déjà été rebâtis, la 
                ville de Vukovar, unique port croate sur le Danube, 
                figure en tête des priorités de reconstruction. 
                Plus de dix ans après son martyre, Vukovar se veut 
                le symbole des efforts conjoints accomplis par la Croatie 
                et la mission de l’ATNUSO - l'une des seules missions 
                de l'ONU dont le mandat fut accompli dans les délais 
                et couronné de succès - pour qu’enfin 
                la paix et la réconciliation s’enracinent dans cette 
                partie de l’Europe. Au-delà de l'espoir suscité 
                dans la région, le succès de Vukovar, 
                compte tenu de la rapidité de la réconciliation, 
                de l'absence d'incidents majeurs, peut légitimement 
                servir d'exemple de manière plus large, de Portadown 
                à Jérusalem.
 
 (*) 
                En 1994, la Croatie recherchait officiellement 3052 
                personnes portées disparues, dont 1356 pour 
                le seul comté de Vukovar (Vukovar et ses alentours). 
                Depuis, le cas de 1770 disparus a été 
                élucidé (qu'ils soient retrouvés 
                morts ou vivants), dont 772 cas pour le comté 
                (zupanija) de Vukovar. En 2003, la Croatie recherche 
                encore 1282 portés disparus, dont 584 pour le 
                comté de Vukovar. L'identification de 583 corps 
                est en cours.
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