| 29/09/2004 CROATIE-SLOVÉNIEZagreb réclame 
                un arbitrage international
 Un nouvel incident frontalier a mis en cause des 
                personnalités slovènes
  A 
                la suite de l’incident frontalier intervenu le 22 septembre 
                au poste-frontière de Plovanija, dernier en date d’une 
                longue série, le gouvernement croate a exprimé sa 
                consternation quant à son exploitation médiatique 
                et néanmoins sa détermination à faire respecter 
                l’intégrité du territoire national. La Croatie 
                a invité la Slovénie à rechercher une solution 
                aux questions ouvertes dans un esprit d’amitié et 
                de respect mutuel comme il sied à deux pays voisins liés 
                à la fois par un passé commun et une même 
                destinée européenne. Aspirant à résoudre 
                au plus vite ce différend frontalier mineur, Zagreb a réitéré 
                sa proposition d’en appeler, le cas échéant, 
                soit à un arbitrage international, soit à la médiation 
                de l’UE.
 Réagissant 
                au dernier en date des incidents frontaliers qui se sont multipliés 
                dernièrement à la frontière croato-slovène, 
                dans la baie de Piran comme à l’embouchure de la 
                rivière Dragonja, le gouvernement croate a condamné, 
                le 23 septembre, ce qu’il a qualifié de « politique 
                de provocations ». Il a invité ses voisins slovènes 
                à rechercher un accord négocié au litige 
                frontalier mineur qui envenime inutilement leurs relations, par 
                ailleurs amicales.  La 
                veille, la brève interpellation d’un groupe de ressortissants 
                slovènes refusant de s’identifier et franchissant, 
                à travers champ, la frontière croate en évitant 
                délibérément le poste-frontière croato-slovène 
                de Plovanija-Secovlje sur la Dragonja, avait soulevé un 
                tollé à Ljubljana lorsqu’il s’est avéré 
                que figurait parmi eux Janez Podobnik, un des ténors de 
                l’opposition slovène. Les propos du premier ministre 
                slovène, M. Anton Rop, qui a déclaré que 
                « la Slovénie ne peut plus apporter son soutien à 
                la candidature de la Croatie à l’UE » et que 
                « l’incident n’était pas uniquement dirigé 
                contre la Slovénie mais également contre l’UE 
                » ont en effet donné un relief inattendu à 
                « l’affaire » et suscité la stupéfaction 
                à Zagreb.  Arbitrage 
                ou médiation Bien 
                que Zagreb et Ljubljana ne parviennent pas à s’entendre 
                sur un certains nombre de questions depuis de longues années, 
                c’est la première fois que ces différends 
                donnent lieu à des réactions aussi virulentes. Soucieux 
                de préserver les liens privilégiés entretenus 
                néanmoins avec Ljubljana, le gouvernement croate a pour 
                sa part déjà, et à maintes reprises, proposé 
                de soumettre les contentieux frontaliers à un arbitrage 
                international. Aujourd’hui, en tant que pays candidat 
                à l’adhésion à l’Union européenne, 
                la Croatie se dit également prête à faire 
                appel à la médiation de l’UE. 
                 
                  | LE DERNIER INCIDENT EN DATE |   
                  | Le 22 septembre en 
                      milieu d’après-midi, une douzaine de ressortissants slovènes 
                      franchissaient la frontière croate à travers champ, en prenant 
                      soin d'éviter le poste-frontière de Plovanija-Secovlje, 
                      pour se diriger vers la demeure de M. Josko Joras. 
                      Personnage haut en couleurs, ses bravades nationalistes 
                      lui ont assuré depuis plusieurs années une certaine notoriété 
                      en Slovénie, en raison de son refus de reconnaître le tracé 
                      frontalier qui lui vaut de résider en Croatie.
  Télévisions. 
                      A leur retour, par le même chemin, les gardes-frontières 
                      croates les ont interceptés afin de procéder à une simple 
                      vérification d’identité. Seules cinq personnes ont présenté 
                      leur pièce d’identité tandis que les sept autres ont refusé 
                      d’obtempérer, prétextant qu’elles se trouvaient en territoire 
                      slovène. Après des injonctions répétées, toutes restées 
                      sans effet, les officiers croates de la police des frontières 
                      ont engagé une procédure d’interpellation à laquelle plusieurs 
                      individus ont tenté de s’opposer. Tout en s’efforçant de 
                      dissuader les autres membres du groupe de coopérer avec 
                      les fonctionnaires de police croates, l’un d’eux a fait 
                      valoir sa qualité de parlementaire slovène. Ceci sera confirmé 
                      ultérieurement au commissariat de police de Buje, une fois 
                      les intéressés s’étant résolus à produire leur pièce d’identité 
                      : il s’avéra que celui-ci n’était autre que M. Janez Podobnik, 
                      président du Parti populaire slovène (PPS). La bousculade 
                      précédant l’interpellation ayant été filmée par des télévisions 
                      slovènes postées à distance, l’affaire pris très vite une 
                      ampleur nationale dans le contexte préélectoral actuel en 
                      Slovénie.
  Barrages. 
                      D’origine slovène mais résidant du côté croate de la frontière, 
                      M. Joras s’est quant à lui fait fort depuis plusieurs années 
                      de manifester à grand renfort de médias son refus de vivre 
                      en Croatie en revendiquant purement et simplement le rattachement 
                      de sa propriété à la Slovénie. Autrement dit, en réclamant 
                      la modification du tracé frontalier. Bien que son permis 
                      de construire tout comme son acte de propriété lui aient 
                      été délivrés par les instances croates compétentes, M. Joras 
                      multiplie les provocations qui jusqu’ici étaient plus ou 
                      moins ignorées et mises au compte de son extravagance. Néanmoins, 
                      M. Joras ayant désormais déclaré sa candidature sur la liste 
                      du PPS, un nouvel échelon a été franchi dans cette escalade 
                      à mesure que se rapprochent les prochaines échéances électorales 
                      en Slovénie. Dès cet été, aidé de quelques partisans, M. 
                      Joras a dressé des barrages sur la route Buje-Piran au niveau 
                      du poste-frontière slovène, bloquant ainsi durant plusieurs 
                      heures des milliers d’automobilistes et de vacanciers qui 
                      s’apprêtaient à quitter la Croatie. L’incident qui lui a 
                      valu la visite du ministre slovène de l’Intérieur a suscité 
                      l’indignation de l’opinion en Croatie.
 Diffamation. 
                      Le président croate Stjepan Mesic, lui-même, a 
                      réagi en qualifiant l’intéressé de « personnage ridicule 
                      et instrumentalisé ». Il a rappelé que la Commission 
                      Badinter avait confirmé, dès 1991, le tracé frontalier 
                      terrestre entre les deux pays et qu’il était vain de le 
                      contester. Non content de la publicité qui est donnée à 
                      ses excès, M. Joras vient une nouvelle fois de se distinguer 
                      en déposant une plainte en diffamation auprès des tribunaux 
                      slovènes à l’encontre du président croate. Selon un sondage 
                      récent, près des trois quarts des Slovènes portent 
                      un regard sympathique sur les gesticulations de M. Joras. 
                      
 |  Attachée 
                au maintien d’un climat serein, la Croatie a jusqu’à 
                présent montré la plus grande retenue à l’égard 
                des incidents frontaliers successifs. Néanmoins à 
                mesure que s’intensifie en Slovénie la campagne électorale 
                pour les législatives du 3 octobre, les incidents se multiplient 
                et vont jusqu’à impliquer des hauts représentants 
                slovènes. Ceux-ci se produisent soit dans la baie de Piran, 
                où le tracé de la frontière maritime reste 
                à déterminer, soit au poste-frontière de 
                Plovanija-Secovlje, sur la Dragonja, à proximité 
                des 4 hameaux (Mlini, Buzini, Skrile et Skudelini) revendiqués 
                par la Slovénie et où résident une soixantaine 
                d’habitants.  La 
                baie de Piran-Savudrija Moins 
                de 1 % du tracé frontalier 
                terrestre croato-slovène fait aujourd’hui l’objet 
                d’un différend qui semble ne pas pouvoir trouver 
                d’issue par des négociations bilatérales. 
                Le contentieux concerne en outre la délimitation des eaux 
                territoriales des deux pays, jusqu'aux eaux italiennes. La Croatie 
                réclame l’application pure et simple des dispositions 
                de la Convention de l'ONU sur le droit de la mer en vertu desquelles 
                le partage de la baie de Piran (Savudrijska vala, en 
                croate) devrait se faire selon la ligne médiane, à 
                équidistance des côtes croates et slovènes. 
                Pour des raisons liées à la topographie du littoral, 
                ceci a pour inévitable conséquence d’enclaver 
                entre les eaux territoriales croates et italiennes les eaux territoriales 
                slovènes qui demeurent sans contact direct avec la haute 
                mer, car situées au-delà de 12 milles nautiques. 
                 Toujours 
                est-il que cela ne saurait nullement entraver le transit des navires 
                slovènes qui jouissent d’un droit de libre passage 
                garanti par les textes internationaux. Aussi la Croatie a-t-elle 
                rejeté la proposition slovène prévoyant l’octroi 
                d’un corridor vers la haute mer à travers les eaux 
                territoriales croates, lequel présentait notamment l’inconvénient 
                de priver la Croatie de son unique frontière commune avec 
                l’Italie. Depuis, les incidents impliquant des navires de 
                pêche slovènes se sont multipliés. Le 13 septembre 
                dernier, M. Rop s'est même personnellement rendu au 
                milieu de la baie de Piran - où la frontière reste 
                à délimiter - à bord d'un navire de pêche, 
                ce qui n'a pas manqué de lui attirer les critiques de l'opposition 
                slovène qui a cru y déceler une "pêche 
                aux voix". Dans un souci d'apaisement, le vice-premier ministre 
                croate, Andrija Hebrang, a pour sa part exprimé le souhait 
                que les relations croato-slovènes retrouvent leur sérénité, 
                dès le lendemain des élections législatives. La 
                rivière Dragonja Un 
                second point litigieux concerne les sept derniers kilomètres 
                du tracé frontalier terrestre qui aboutit précisément 
                à la baie de Piran et est matérialisé sur 
                le terrain par le lit de la rivière Dragonja jusqu'à 
                son embouchure. En dépit des revendications sur les hameaux 
                de Mlini, Buzini, Skrile et Skudelini, situés le long de 
                la rive sud (croate) du cours d’eau, la Croatie a maintes 
                fois rappelé que ceux-ci ont été, du temps 
                de la Yougoslavie fédérale, rattachés au 
                district de Buje sur les plans administratif et juridictionnel 
                et le sont aujourd’hui à la commune croate de Kasteli. 
                En témoignent les recensements de la population ou les 
                registres cadastraux.  Bonne 
                volonté Des 
                registres parallèles ont été cependant tenus 
                à partir des années soixante lorsque, pour les besoins 
                de l’aménagement des marais salants de la baie de 
                Piran, les registres croates ont été prêtés 
                à la commune de Piran, laquelle ne les a, par la suite, 
                jamais plus restitués. Quoi qu’il en soit, pour Zagreb 
                ceci ne saurait justifier une modification a posteriori du 
                tracé frontalier. Il reste que les permis de construire 
                y sont toujours délivrés par les instances croates 
                compétentes. Déterminé à faire valoir 
                son droit, le gouvernement croate n’en est pas moins disposé 
                à s’en remettre au verdict d’un arbitrage international. 
                 Illustration 
                de sa bonne volonté à l'égard de Ljubljana, 
                le gouvernement croate a décidé, en juin dernier, 
                de suspendre - jusqu'à la conclusion d'un accord de pêche 
                avec l'Union européenne - l'application aux pays membres 
                de l'UE des dispositions de la Zone 
                de protection écologique et de pêche (ZPEP) qui 
                doit entrer en vigueur le 3 octobre 2004. Différends 
                mineurs   En 
                visite à Ljubljana le 28 septembre, Javier Solana, haut 
                représentant de l'UE pour la Politique étrangère 
                et de sécurité commune, a déclaré 
                que les différends existant entre la Croatie et la Slovénie 
                étaient relativement mineurs. Il a recommandé aux 
                deux pays de ne pas relâcher leurs efforts visant à 
                parvenir à un accord bilatéral. "En cas 
                d'échec, la Slovénie et la Croatie se doivent de 
                poursuivre normalement leur collaboration et de faire appel à 
                une tierce partie susceptible de les aider à résoudre 
                leurs différends", a-t-il ajouté. A l'issue 
                de sa rencontre avec le premier ministre slovène, M. Solana 
                a rappelé que "la Slovénie était 
                le premier Etat des Balkans à intégrer l'UE. Cela 
                lui donne aussi une certaine responsabilité à l'égard 
                des autres Etats de la région. Les contentieux doivent 
                être résolus dans la sérénité 
                comme cela est l'usage au sein de l'Union". 
 
                 
                  | UNE DÉCENNIE DE CONTENTIEUX |   
                  | Au lendemain de leur indépendance acquise en 
                      1991, la Croatie et la Slovénie entreprennent 
                      de régler diverses questions soulevées par 
                      la transformation de leurs frontières, jusqu’alors 
                      fédérales, en frontières internationales.
 En 
                      1993, le Parlement slovène adopte un Mémorandum 
                      sur la baie de Piran dans lequel il la revendique dans son 
                      intégralité. Néanmoins, le mémorandum 
                      reconnaît que "pour des raisons géographiques, 
                      la Slovénie ne peut proclamer de Zone économique 
                      exclusive", autrement dit, ses eaux territoriales ne 
                      s'étendent pas jusqu'à la haute mer.
 En février 1994, 
                      une commission mixte est mise sur pied à cet effet. 
                      Néanmoins, dès le mois d’octobre, le 
                      Parlement croate est amené à adopter une Déclaration 
                      solennelle condamnant la décision unilatérale 
                      slovène d’intégrer à la commune 
                      de Piran les hameaux croates de Mlini, Skrile, Buzini et 
                      Skudelini, rattachés jusque-là au district 
                      croate de Buje sur les plans administratif et juridictionnel.
 En 1995, la partie croate rejette la proposition 
                      slovène visant à s’assurer le contrôle 
                      de la quasi-totalité de la baie de Piran, et prévoyant 
                      l’aménagement d’un corridor à 
                      travers les eaux territoriales croates jusqu’à 
                      la haute mer.
 En octobre 1996, les neuf dixièmes du tracé 
                      frontalier terrestre sont entérinés par les 
                      deux parties : ne restent litigieux plus que 46 km 
                      de frontière sur un total de 501 km.
 En 1997, Zagreb et Ljubljana signent le 
                      27 avril un Accord de coopération et de circulation 
                      transfrontalière. Il est ratifié cinq mois 
                      plus tard par le Parlement croate (mais seulement en juillet 
                      2001 par les députés slovènes). En 
                      octobre, les ministres des Affaires étrangères 
                      des deux pays prennent personnellement en main la conduite 
                      des pourparlers.
 En 1998, aucune suite n’est donnée 
                      à la proposition de la Croatie visant à parvenir 
                      à un accord devant permettre la libre circulation 
                      des navires slovènes à travers les eaux territoriales 
                      croates. Pour autant, fin novembre, la quasi-totalité 
                      du tracé frontalier terrestre (99,1 %) est entérinée 
                      d’un commun accord.
 En 1999, la proposition de médiation du 
                      Secrétaire à la Défense américain, 
                      William Perry, reste lettre morte. En mars, le Parlement 
                      croate adopte une Déclaration sur l’état 
                      des relations croato-slovènes laquelle fixe les principes 
                      devant présider à la recherche d’une 
                      solution négociée.
 En 2001, les deux premiers ministres, croate 
                      et slovène, Ivica Racan et Janez Drnovsek, se chargent 
                      personnellement des négociations. Afin de permettre 
                      d'aboutir à un accord, conclu le 9 juin et paraphé 
                      le 20 juin, le gouvernement croate fait de considérables 
                      concessions. Néanmoins, l'hostilité de l'opinion 
                      publique et du Parlement croate ne permettent pas sa signature 
                      ni a fortiori sa ratification. Le tenant malgré tout 
                      pour valide, la Slovénie insiste sur sa mise en oeuvre. 
                      Ljubljana se résigne par ailleurs à ratifier 
                      l'Accord de coopération et de circulation transfrontalière, 
                      conclu en 1997.
 En 2002, les incidents se multiplient, 
                      que ce soit dans la baie de Piran ou à l'embouchure 
                      de la Dragonja (Josko Joras, etc.). 
                      Un accord provisoire portant sur les navires de pêche 
                      est finalement conclu.
 En 2003, le Parlement croate vote la création 
                      d'une Zone de protection écologique et de pêche 
                      (ZPEP) laquelle 
                      doit entrer en vigueur le 3 octobre 2004.
 En juin 2004, Zagreb annonce sa décision 
                      de n'appliquer le régime de la ZPEP qu'aux pays non 
                      membres de l'UE et d'attendre la conclusion d'un accord 
                      de pêche avec l'Union avant de l'appliquer à 
                      ses pays membres.
 Eté 2004. Recrudescence des incidents 
                      à la frontière croato-slovène et dans 
                      la baie de Piran. Le 22 septembre 2004, le premier ministre 
                      slovène, Anton Rop, annonce que Ljubljana retire 
                      son soutien à la candidature croate à l'adhésion 
                      à l'Union européenne.
 
 
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