17/10/2003
MER
ADRIATIQUE
La
Croatie se dote d'une Zone de Protection écologique et
de Pêche
Une contribution à la préservation
et à l'exploitation durable en Méditerranée
La
Croatie s'est dotée, le 3 octobre 2003, d'une Zone de Protection
écologique et de Pêche (ZPEP) en Adriatique dont
le régime juridique entrera en vigueur dans un an. La ZPEP
permettra aux autorités croates aussi bien d’exercer
les compétences reconnues par le droit international dans
le domaine de la protection d’un milieu marin vulnérable
que d’assurer efficacement une exploitation durable des
ressources de la pêche. Dans l'intérêt commun,
il serait souhaitable que
les autres États riverains envisagent à leur tour
d’étendre leur juridiction en haute mer.
S’appuyant
sur la Convention
sur le Droit de la mer de Montego Bay, qui donne obligation
aux États de protéger et préserver le milieu
marin, le Sabor (Parlement
croate) a décidé, le vendredi 3 octobre 2003,
de doter la Croatie d’une Zone de Protection écologique
et de Pêche (ZPEP) en Adriatique. Cette zone de 25 207 km²,
dont le régime juridique entrera en vigueur dans un an,
s’étend provisoirement jusqu’à la ligne
médiane croato-italienne sur le lit du plateau
continental en Adriatique, fixée en 1968. La délimitation
définitive de la ZPEP se fera par des accords avec les
pays concernés. En étendant ainsi sa juridiction
en haute mer, au-delà de ses eaux
territoriales (s'étendant sur 31 757 km²), la
Croatie rejoint les quelque cent-vingt pays maritimes qui ont
d’ores et déjà choisi de mettre en œuvre
ce droit, régi par ladite Convention internationale.
LA
ZONE CROATE DE PROTECTION ÉCOLOGIQUE
ET DE PÊCHE (ZPEP) |
|
Conformément au droit international, la
ZPEP demeurera un espace maritime garantissant à tous les
pays les libertés de navigation et de survol et la liberté
de poser des câbles et pipelines sous-marins. En matière
de pêche, le régime de la ZPEP autorisera d'autres
États, par voie d'accords, à exploiter le reliquat
du volume admissible des captures, qui sera fixé de manière
à préserver les ressources biologiques. Instrument
juridique adapté, la ZPEP permettra aux autorités
croates aussi bien d’exercer les compétences reconnues
dans le domaine de la protection d’un milieu marin vulnérable
que d’assurer efficacement une exploitation durable des
ressources de la pêche en Adriatique.
REPÈRES |
1
mille nautique.
1,852 km.

Halieutique. Qui concerne la pêche.

Eaux intérieures.
Partie de la mer située en deçà de
la ligne de base des eaux territoriales, comprenant notamment
les estuaires, les ports, les baies d’une ouverture
inférieure à 24 milles.

Eaux
territoriales. Espace marin compris s’étendant
généralement à 12 milles
du littoral d’un État côtier ou de ses
eaux intérieures.

Plateau
continental. Fond et sous-sol-marin s’étendant
généralement jusqu’à 200 milles
de la ligne de base des eaux territoriales, où l’État
côtier a un droit d’exploitation exclusif. Ce
régime ne porte pas atteinte à la liberté
de navigation ou de survol des États tiers. La Croatie
a hérité du tracé établi en
1968 entre l'Italie et la fédération yougoslave.

Haute
mer. Espaces marins s’étendant au-delà
des eaux intérieures, de la mer territoriales des
différents États et, le cas échéant,
de la Zone économique exclusive.

Zone
économique exclusive (ZEE). Zone s’étendant
jusqu’à 188 milles
à l’extérieur des eaux
territoriales, où l’État côtier
exerce des droits souverains finalisés (exploration,
exploitation, conservation et gestion des ressources naturelles,
biologiques, et non- biologiques). Les droits portant sur
les eaux surjacentes, le lit et le sous-sol de la mer recouvrent,
pratiquement, les droits reconnus sur le plateau continental.
Les États tiers conservent la liberté de navigation,
de survol et de pose de câbles et pipelines.
Les États sans littoral et ceux ayant des caractéristiques
géographiques particulières (ex : États
riverains d’une mer fermée ou semi-fermée)
peuvent prétendre à l’exercice de la
pêche, selon une « formule équitable
», dans les zones exclusives des États côtiers
de la région.

Zone
de protection de la pêche (ZPP). Zones
d’étendue variable dans lesquelles les États
côtiers se réservent un droit de pêche
exclusif. Si sa capacité d'exploitation est inférieure
à l'ensemble du volume admissible des captures qu’il
a fixé, il autorise les autres États côtiers
de la région à en exploiter le reliquat.

Zone
de Protection écologique (ZPE). Inaugurée
par la France en avril 2003, en Méditerranée.
Créée dans les conditions autorisées
par la convention sur le droit de la mer de Montego Bay,
cette zone doit permettre d'appliquer, dans une zone où
n’est pas revendiquée de zone
économique exclusive, les dispositions coercitives
qui ne sont applicables que dans la zone économique.
Carte officielle
de la ZPEP
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Le spectre du Prestige
Rétrospectivement, l’instauration
par la Croatie d’une ZPEP en Adriatique est l’aboutissement
d’un processus lancé en 1994 par l’adoption
du Code maritime croate, lequel prévoyait déjà
la mise en place d’une juridiction étendue. La question
a été remise à l’ordre du jour par
le Sabor en mai 2001, ce qui suscita un vaste débat parlementaire.
Ses travaux s’inscrivirent par la suite
dans les orientations générales tracées par
le « Plan d’action communautaire pour la conservation
et l’exploitation durable des ressources halieutiques en
Méditerranée », adopté en décembre
2002 par le Conseil Agriculture et Pêche des Quinze, et
qui évoque la perspective de « la mise en place de
nouvelles zones de protection de la pêche dans le bassin
méditerranéen ».
Dans le cadre des consultations menées
à Bruxelles en février 2003 sur les orientations
à suivre en matière de politique de pêche
en Méditerranée, la Commission européenne
a quant à elle adressé aux pays concernés
ses propositions sur les modalités de l’extension
des juridictions maritimes en Méditerranée. Ceci
a fixé le cadre général dans lequel s’est
inscrite la démarche de la Croatie en la matière.
Sensibilisé par les naufrages de l’Erika
et du Prestige, et tenant compte des avancées
juridiques innovantes telles que la Zone de protection
écologique créée par la France en Méditerranée
en avril 2003, le groupe de travail mis sur pied par le gouvernement
croate a fini par proposer l’extension de la juridiction
maritime croate sous une forme permettant d’associer la
gestion de la pêche à la protection de l’environnement.
Une mer surexploitée
Pays candidat à l’adhésion
à l’Union européenne, aussi bien attaché
à la coopération régionale que soucieux d’harmoniser
sa législation avec celle des pays membres, la Croatie
a aussitôt engagé à cet effet les consultations
diplomatiques d’usage avec les États maritimes voisins,
la Commission et les autres États riverains de la Méditerranée.
C’est dans ce contexte que le Parlement croate a décidé
d’instaurer une Zone de Protection écologique et
de Pêche.
Cette décision a été motivée
par des considérations à la fois d’ordre économiques,
touristiques et environnementales. Jusqu’à présent,
en l’absence de toute juridiction appropriée, la
surexploitation des ressources halieutiques
a mis en danger l’avenir de l’industrie de la pêche
en Adriatique. Ainsi, en moins d’un demi-siècle,
les stocks de poissons y ont été divisés
par quatre, soulevant de façon urgente la question de la
gestion durable des ressources, dont les répercussions
sur l’industrie de la pêche ne sont pas négligeables.
Disposant
de 74 % du total du littoral de l'Adriatique, la Croatie
est le premier pays concerné par la préservation
des ressources naturelles de ce milieu marin vulnérable
et semi-fermé. |
D’autre part, l’industrie
touristique représentant 30 % du PIB de la Croatie,
la protection de l’environnement y constitue une préoccupation
majeure. Compte tenu de la vulnérabilité écologique
de cette mer semi-fermée, elle-même en Méditerranée,
il est apparu indispensable de renforcer les moyens juridiques
de prévention et de répression des pollutions marines.
Les eaux de l’Adriatique mettant 120 ans à se
renouveler, cette mer serait de fait durablement et dangereusement
affectée par une catastrophe écologique, du type
de celle engendrée par le Prestige. Or avec ses
1200 îles et îlots et un littoral
s’étendant sur une longueur de 5835 km (74 %
du total
du littoral adriatique), la Croatie est le premier pays
concerné par ce risque. Pour les seuls produits pétroliers,
28 % du transport mondial transite par la Méditerranée.
Aussi l’augmentation du trafic maritime de navire-citernes
et les dégazages des soutes en mer réclament-ils
des mesures de protection efficaces.
Vers d'autres ZPEP?
ÉTAT
DES LIEUX DANS L’UE
ET EN MÉDITERRANÉE |
A
l’exception notable de l’Italie et de la Grèce,
tous les pays membres de l’Union disposent soit d’une
ZEE (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne,
France, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède),
soit d’une ZPP (Espagne, Finlande,
Irlande).

Quant à la Méditerranée,
on y rencontre une variété particulièrement
grande de juridictions maritimes. La plupart des États
riverains y ont proclamé une juridiction étendue
au-delà de leurs eaux territoriales : Zone de protection
de la pêche (Espagne), Zone de pêche exclusive
(Malte), Zone de pêche réservée (Algérie),
Zone de pêche (Tunisie), Zone économique
exclusive (Maroc, Égypte, ainsi que tous les
pays riverains de la Mer Noire), Zone de protection écologique
(France) et, enfin, Eaux territoriales étendues (Syrie).
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Or en l'absence de juridiction étendue,
la réglementation croates ne pouvait s'appliquer en dehors
des eaux territoriales croates (12 milles
nautiques). Face à ce constat, l’instauration
de la ZPEP répond à l’inquiétude grandissante
de la population croate, qui dans son immense majorité
s’est montrée favorable à cette mesure.
En instaurant sa propre Zone de Protection écologique
et de Pêche, la Croatie apporte une contribution substantielle
à l’amélioration de la gestion du patrimoine
maritime en Adriatique, et en particulier dans la partie dont
la responsabilité lui incombe. Néanmoins, une protection
réellement efficace ne saurait être assurée
sans la participation des autres États riverains. C’est
pourquoi le futures.
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