23/05/2002

LE MOT DE L'AMBASSADEUR
La dimension économique de la démocratie

S. E. M. Bozidar GagroAlors que la BERD place la Croatie dans le haut de liste des pays bénéficiaires des financements qu'elle a accordés depuis dix ans, les statistiques concernant l'aide financière (OCDE, Commission européenne) relèguent, en revanche, Zagreb en bas de tableau. Ainsi, à la différence de la plupart des pays en transition, la Croatie, en dépit d'une situation aggravée par la guerre de 1991, a malgré tout moins bénéficié de l'aide internationale que d'autres, alors même que son évolution démocratique est unanimement saluée. Pourtant des solutions simples pourraient y remédier.

LES FINANCEMENTS ENGAGÉS PAR LA BERD
DE 1991 À 2001
(répartition par pays)
Russie
4276
Pologne
2560
Roumanie
2017
Hongrie
1357
Ukraine
1294
Croatie
937
Slovaquie
899
Tchéquie
869
Kazakhstan
797
Ouzbékistan
690
Bulgarie
536
Lituanie
437
Slovénie
414
Azerbaïdjan
393
Estonie
367
Lettonie
353
Macédoine
270
Géorgie
249
Serbie-Mont.
233
Moldavie
211
Bosnie-Herz.
201
Biélorussie
190
Kirghizistan
190
Turkménistan
177
Arménie
140
Albanie
126
Au total : 20 219
Tadjikistan
38
(en millions d'euros)
 

Dans un entretien récemment publié en double page dans le quotidien La Croix (17 mai 2002), Jean Lemierre, président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) dressait un bilan de l'action de cet établissement financier européen fondé il y a douze ans avec pour mission première de soutenir la transition démocratique des anciens "pays de l'Est", ou, plus précisément, des pays issus de l'ancien bloc soviétique ainsi que de l'ex-Yougoslavie. Au total, ils sont aujourd'hui au nombre de 27 à bénéficier de crédits plus ou moins substantiels octroyés par la BERD : ainsi les cinq premiers pays, Pologne, Roumanie, Hongrie, Ukraine, qui talonnent la Russie, largement en tête, ont-ils engrangé à eux seuls plus de la moitié des fonds alloués durant la décennie 1991-2001. Mais l'élément le plus intéressant à nos yeux, c'est que la Croatie arrive immédiatement après ce peloton de tête, en sixième place, totalisant 937 millions d'euros de financements, soit quelque 4,7 % de l'ensemble des montants engagés. En outre, Jean Lemierre dévoile la stratégie de la BERD qui comporte deux niveaux : l'un, continental, définit les Balkans comme zone d'attention spéciale, l'autre, régional, accorde une importance majeure à deux pays, la RFY (Serbie-Monténégro) et la Croatie.

L'avenir des Balkans

Bien que la RFY n'ait rejoint que récemment le cercle des pays qui bénéficient des crédits de la Banque européenne, soit quelques mois seulement après la chute de Milosevic, début 2001, le président de la BERD se dit néanmoins très satisfait des orientations et des compétences de la nouvelle équipe en place à Belgrade. En un an, elle aurait fait "un travail remarquable, que la plupart des pays d'Europe centrale [ont] effectué en plusieurs années". Mais il ajoute aussitôt : "Il y a un deuxième pays où nous investissons de façon importante, c'est la Croatie. C'est dans ces deux pays que se jouera l'avenir des Balkans."

"Il y a un deuxième pays où nous investissons de façon importante, c'est la Croatie".

Jean Lemierre, président de la BERD

Si le point de vue est pertinent et dénote une approche conséquente, il semblerait, hélas, qu'il soit relativement isolé. Une analyse plus large indique en effet que la perception et la stratégie de la BERD ne sont pas unanimement partagées, loin s'en faut, du moins lorsqu'il s'agit de l'aide au développement attribuée à l'ensemble des pays en transition. Si l'on se fonde sur les statistiques de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et de la Commission européenne, la Croatie, selon la méthodologie employée au sein de ces institutions, se trouverait, au contraire, reléguée à la queue des pays en transition si l'on retenait comme critère de classement les aides internationales perçues durant les dix dernières années.

Effort de reconstruction

Or faut-il rappeler que la Croatie est un pays qui, outre les problèmes inhérents à la transition communs à toute l'Europe centrale et orientale (évolution démocratique, restructuration économique, mutation du système social), eut au surplus à maîtriser les lourdes conséquences d'une guerre dévastatrice, entraînant destructions matérielles, catastrophe humanitaire, récession économique et radicalisation sociale. Chacun savait en Croatie que, quelles que fussent les aspects qu'elle revêtit, l'aide internationale, tout en étant louable dans ses motivations et quelquefois exemplaire dans sa forme, restait, et de loin, insuffisante. Aussi le pays dut-il soutenir plus ou moins seul, le gros de l'effort de reconstruction, au demeurant, pas tout à fait achevé à ce jour. Dès avril 1999, un rapport du Conseil de l'Europe [Doc. 8368] reconnaissait pourtant l'ampleur des efforts accomplis sur fonds propres - quelque 9 milliards de francs - en notant que la moitié du parc immobilier concerné, soit "environ 80.000 logements [avaient] été reconstruits ou réhabilités [ce qui] équivaut à la construction, au cours des 3 ou 4 dernières années, de la deuxième ville de Croatie". Face à ce chantier titanesque et à défaut d'aides substantielles, le gouvernement croate fut évidemment forcé de contracter des dettes qui se sont amplifiées ces dernières années, jusqu'à atteindre aujourd'hui 52 % du PIB.

Bonne dernière

Que disent les chiffres de l'OCDE et de la Commission européenne ? Bien qu'ils se montrent par endroits discordants - ce qui est inévitable compte tenu que les grandeurs fournies concernent, d'une part, l'ensemble de la communauté internationale et, de l'autre, la seule Union européenne -, les deux sources s'accordent parfaitement au moins sur un point : la mauvaise place qu'occupe la Croatie sur la liste des pays bénéficiaires de subsides internationaux. Selon l'OCDE (Development Cooperation Department), si l'on considère le total de l'aide globale accordée entre 1991 et 2000 aux pays en transition, la Croatie ne récolte qu'un modeste 1,17 % du montant total ce qui la classe quatorzième sur quinze. Si de surcroît on tient compte de la population des pays concernés, en rapportant ces mêmes chiffres au nombre d'habitants, la Croatie arrive bel et bien bonne dernière.

Que ne pourrait-on pas envisager, par exemple, que le Club de Paris allège sa dette afin que Zagreb puisse mener à son terme le programme de reconstruction ?

La situation ne change pas sensiblement si l'on se fonde maintenant sur les seules aides de l'Union européenne pour la période 1991-1997 (Direction générale des relations extérieures). Ainsi, sur une aide totale accordée s'élevant à 56 212 millions d'euros, la Croatie n'a profité que de 300,2 millions, soit 0,5 %, ce qui la situait encore une fois à la 14e place, juste devant la RFY. Elle a, entre-temps, été dépassée par Belgrade qui, dès 1999, a bénéficié d'un accroissement fulgurant des crédits.

Même son de cloche, ou presque, si l'on se penche uniquement sur l'aide bilatérale allouée par six des principaux donateurs, membres représentatifs de l'OCDE : Etats-Unis, France, Allemagne, Royaume-Uni, Autriche et Japon. Là encore, la Croatie, en dépit de ses besoins spécifiques, demeure en bas de tableau, en moyenne à la onzième place, récoltant 1,3 % de l'ensemble des 18 milliards de dollars d'aide accordés par ces pays.

Dette de Zagreb

Force est de constater que la Croatie, si elle assume pleinement son devoir d'évolution démocratique, les bonnes notes qu'elle récolte ne s'accompagnent guère de soutien matériel.

Pour en revenir à Jean Lemierre, qui au début de son entretien développait non sans pertinence une logique de bon sens qui lie économie et progrès démocratique des pays en transition, force est de constater que la Croatie, si elle assume, effectivement, pleinement et en conscience son devoir d'évolution démocratique, les bonnes notes et autres mention honorable qu'elle récolte ne semblent guère s'accompagner d'un soutien matériel correspondant. Or plus que jamais, la Croatie a aujourd'hui besoin d'investissements, d'appuis financiers et d'une aide internationale accrue. Que ne pourrait-on pas envisager, par exemple, que le Club de Paris allège sa dette afin que Zagreb puisse mener à son terme le programme de reconstruction de logements, condition impérieuse au retour définitif des réfugiés disséminés par la guerre ? Bien entendu, d'autres possibilités s'offrent certainement. Toujours est-il qu'elles ne seront pas explorées de manière sérieuse tant que fera défaut une perception juste et précise des réalités du pays.

Bozidar GAGRO
Ambassadeur de Croatie en France

 

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