30/04/2003

LE MOT DE L'AMBASSADEUR
Aller de l'avant!
Rassurée par Bruxelles, l'opinion publique croate est aujourd'hui prête à intensifier la coopération régionale, y compris avec la Serbie.

S. E. M. Bozidar GagroGeste fort, la présence du chef du gouvernement croate à Belgrade aux obsèques de Zoran Djindjic est emblématique du nouveau climat politique serbo-croate, à l'heure où l'intégration européenne est devenue un objectif commun des pays de la région. Candidate déclarée à l'adhésion, la Croatie a aujourd'hui surmonté ses réticences à l'égard de la coopération intergouvernementale régionale, appelée à devenir le cadre privilégié du règlement des dossiers les plus épineux en suspens. Espérons que les Quinze sauront encourager cette évolution, peut-être dès le Sommet de Salonique, le 21 juin prochain...

Le meurtre du Premier ministre serbe, Zoran Djindjic, qui plongea le 12 mars dernier la Serbie dans un profond désarroi, a ému l’opinion publique de notre pays. Choqué, le chef du gouvernement croate, M. Ivica Racan, s’est rendu à Belgrade aux obsèques de son homologue serbe, souhaitant témoigner toute sa sympathie à ses proches et assurer les autorités de Serbie-Monténégro de sa solidarité. Compte tenu des relations particulièrement douloureuses entre les deux pays dans un passé tout récent, ce geste digne – passé quasiment inaperçu – ne fut pas seulement symboliquement fort, il fut aussi politiquement courageux, résolument tourné vers l’avenir.

A l’évidence ce n’est pas n’importe quelle Serbie, mais celle du renouveau, que M. Racan est venu soutenir à Belgrade. Une Serbie qui, tout en ayant à gérer le lourd héritage d’un régime aujourd’hui jugé à La Haye, trouva la force de se doter d’un projet moderne, démocratique et européen. Projet, certes, toujours en devenir, et jusqu’ici étroitement lié au courage et à l’action du leader assassiné, mais néanmoins ambitieux, en phase avec le réel potentiel du pays, une fois celui-ci tiré de sa léthargie. C’est aussi le sens de la présence de nombreux autres hommes d’États ou représentants d’organisations internationales de premier rang, venus apporter leur soutien au successeur de Zoran Djindjic, à son gouvernement et à l’orientation politique dont ils sont les légataires.

En effet, non seulement cette politique pro-européenne paraît être la seule qui entrouvre une perspective à la Serbie-Monténégro elle-même, mais surtout ce choix, loin de constituer une simple question de politique intérieure, concerne au premier chef ses voisins de par les répercussions directes qu’elle ne manquera pas d’avoir sur son environnement immédiat. En d’autres termes, il y va de la stabilité de toute une région comme des conditions dans lesquelles chacun de ces pays, qui dorénavant affichent des objectifs politiques concordants, vont poursuivre leur cheminement vers le but qu’ils se sont donnés, à savoir l’intégration dans l’Europe communautaire.

Il a fallu un certain temps pour que la Croatie, meurtrie par une guerre qui n’est pas encore effacée des mémoires, accepte cette logique. Non pas celle de l’interdépendance, mais de la progression parallèle : tout en préservant son autonomie d’action, chacun contribuerait à gérer au mieux l’espace régional, ses relations complexes, ses questions ouvertes, lesquelles, par souci d’efficacité, sinon de subsidiarité, ne sauraient être simplement renvoyées aux instances européennes ou internationales.

La question des réfugiés

C’est précisément ce qu’a récemment rappelé le président croate, Stipe Mesic, à Belgrade, le 9 avril dernier, au sommet du Processus de Coopération des États de l'Europe de Sud-Est (SEECP), organisme où Zagreb ne dispose que du statut d’observateur. Selon lui, les réticences parfois exprimées par la Croatie à l’égard d’initiatives prônant une intégration régionale plus ou moins poussée procédaient de la crainte de voir son indépendance si chèrement payée remise en question d’une manière ou d’une autre par des arrangements imposés.

Aujourd’hui, la majeure partie de l’opinion publique croate comme les différentes forces politiques, désormais rassurées, sont prêtes à braver ces appréhensions pour envisager de nouveau une coopération profitable à tous. Au lendemain de la conclusion d’un accord de libre-échange avec Belgrade et des premiers grands investissements croates en Serbie-Monténégro ou en Bosnie-Herzégovine, le temps semble venu de s’attaquer avec une détermination nouvelle aux difficultés qui jusqu’à présent interdisaient à cette coopération de prendre son essor, que ce soit la question du retour des réfugiés ou bien de la libre circulation des personnes. Et ce n’est pas un hasard si le président croate lança au sommet du SEECP à Belgrade l’idée, précisée le 12 avril dernier à Brioni, d’une action tripartite, réunissant la Croatie, la Serbie-Monténégro et la Bosnie-Herzégovine, destinée à faire progresser de manière sensible le règlement de la complexe et pénible question du retour des réfugiés. Il n’est pas inutile de rappeler, en effet, que certains réfugiés serbes de Croatie, dont les maisons vacantes avaient été réquisitionnées en 1995 à titre provisoire, ont vu leur retour retardé par les difficultés que soulève la question du relogement des réfugiés croates de Bosnie, qui à leur tour ne sont toujours pas autorisés à reprendre possession de leurs biens en Republika Srpska, l’entité serbe de Bosnie-Herzégovine.

Pour sa part, la Croatie n’a aucun intérêt à traîner des pieds ni à freiner le retour des Serbes de Croatie réfugiés en Serbie-Monténégro ou en Bosnie-Herzégovine. Tout au contraire, en tant que candidate déclarée à l’entrée dans l’Union européenne qui s’est donné jusqu’à 2007 pour remplir toutes les conditions d’adhésion, elle souhaite régler dans les meilleurs délais une question lancinante qui ternit ses relations avec l’Union et porte préjudice à son image sur le plan international. Hélas, bien que les aspects politiques du sort des dizaines de milliers de réfugiés croates de Voïvodine (Serbie) ou de Bosnie-Herzégovine sont loin d’être négligeables, l’obstacle le plus important pour la Croatie reste strictement économique : ceux qui soupçonnent le gouvernement croate de manquer de conviction dans ses efforts concernant le retour des réfugiés perdent de vue que le pays, s’il a bénéficié d’une timide aide internationale, a néanmoins dû assumer seul les neuf dixièmes du coût de la reconstruction d’après-guerre.

Autre question récurrente, celle du régime des visas. Elle dépend directement de la capacité de nos voisins méridionaux à lutter efficacement contre l’immigration clandestine à destination de la Croatie, le plus souvent en transit vers l’Union européenne. Certains instruments, comme l’accord sur la réadmission des personnes en situation irrégulière, actuellement en négociation entre la Croatie et la Serbie-Monténégro, devrait constituer un grand pas en avant.

Nouveau souffle

Enfin, différentes initiatives multilatérales sont sur les rails. Ainsi, la « Charte adriatique », qui précisera les perspectives d’adhésion à l’OTAN de l’Albanie, de la Macédoine et de la Croatie, doit être prochainement signée à Washington – le rendez-vous initialement fixé au 9 avril dernier ayant dû être reporté pour cause de guerre en Irak. Mais le temps fort de l’année 2003 devrait être le Sommet de Salonique qui se tiendra 21 juin prochain sous la présidence attentive et engagée de la Grèce, et qui devrait être une sorte de réédition du Sommet de Zagreb de novembre 2000. En conjuguant leurs efforts, les pays du Processus de stabilisation et d’association, dénommés parfois à Bruxelles « Balkans occidentaux », y tenteront certainement d’obtenir quelque chose de plus tangible que leur vague statut de « candidats potentiels » à l’adhésion à l’UE, mais aussi des aides plus substantielles que les modestes fonds qui leurs sont aujourd’hui alloués.

Tout bien considéré, l’heure est à un optimisme mesuré à l’égard des pays de l’Europe du Sud-Est. Tous font désormais preuve de responsabilité en matière de sécurité régionale et semblent avoir compris tout le bénéfice que chacun d’entre eux pouvait tirer du succès de ses voisins, tout en augmentant ses propres chances d’intégration européenne. Le meurtre de Zoran Djindjic n’a pas eu l’effet déstabilisateur escompté par ses assassins. Au contraire, le sursaut politique qui s’ensuivit à Belgrade, soutenu par une large frange de l’opinion serbe, fit l’effet d’une véritable électrochoc redonnant un nouveau souffle aux relations avec la Croatie, cruciales, mais également à la coopération régionale. La question qui se pose désormais est de savoir si l’Union européenne - qui n’aura certainement pas manqué d’observer cette nouvelle dynamique - sera oui ou non prête, à son tour, à aller de l’avant plus vite qu’elle ne le prévoyait il y a six mois à peine ? On en aura le coeur net au lendemain du Sommet de Salonique.

Bozidar GAGRO
Ambassadeur de Croatie en France

 

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