30/10/2006

LE MOT DE L'AMBASSADEUR
Villefranche-de-Rouergue: Notre victoire

Nous sommes nombreux à nous réjouir de l’inauguration du monument dédié à la Révolte des Croates, intervenue en 1943 à Villefranche-de-Rouergue. C’est notre victoire. La victoire sur tous ceux qui se sont opposés à son édification, ceux qui y ont fait obstacle de manière consciente pour des raisons politiques, par étroitesse d’esprit et même ignorance. Pourtant, tous ensemble, ils n’ont pas été capables d’arrêter ce désir unique qui perdure des décennies et qui, aujourd’hui, a été enfin matérialisé par des symboles forts de mémoire de ce geste héroïque et tragique de résistance à l’occupant nazi.

Il y a quelque chose de fascinant dans le souvenir persistant de l’événement de Villefranche. Après avoir marqué l’imaginaire de plusieurs générations, en 1950, 1964 ou en 1993, celui-ci rayonne aujourd’hui comme jamais auparavant. Cela ne peut être le fait que d’événements exceptionnels et authentiques, riches en significations, porteurs de messages multiples qui dépassent le temps et l’espace.

Mazurie, Mazurie
M. Serge Roques, député-maire de Villefranche et M. Bozidar Gagro, ambassadeur de Croatie en France, en novembre 2004, et sous l'impulsion desquels le mémorial de Villefranche a vu le jour. La stèle du monument
 « provisoire » (arrière-plan) se trouve dorénavant dans le musée de la ville de Villefranche.

Même si certaines ombres continuent à planer sur les événements survenus en cette lointaine année 1943, que jamais, peut être, nous n’éluciderons, et que de simples suppositions sur le rôle exact de l’un ou l’autre individu ou de tels ou tels services secrets n’éclairciront, nous disposons aujourd'hui des principaux éléments de qualification de cette révolte, qui nous permettent, grâce à de nombreux témoignages et aux recherches d’historiens, de se rapprocher de la vérité. Celle-ci constitue le fondement même de l’interprétation actuelle de cet événement et de la symbolique qui entoure ce monument. Les protagonistes de ce drame historique étaient donc de jeunes gens qui se sont retrouvés contre leur propre volonté, loin de leur patrie, dans le tourbillon de la guerre, vêtus d’uniformes et arborant des symboles qui leur étaient étrangers, et qui furent exposés à la terreur humiliante et inouïe d’une poignée d’officiers allemands. Leur révolte est avant tout la révolte de leur irrépressible jeunesse meurtrie par la souffrance et l’humiliation, de leur courage confronté à un défi auquel ils ne pouvaient ne pas répondre. L’énergie qui brûlait en eux s’est transformée en un temps extrêmement court en action. C'est à dire un plan d’action guidé par un but clair, qui se démarque de la simple réaction spontanée et instantanée, se positionnant dans la perspective historique, dans le contexte politique et idéologique de la résistance au nazisme.

Partage des valeurs de la Résistance

Commémoration de 2005: ce fut la première fois que les deux ambassadeurs des pays concernés participaient aux cérémonies du souvenir. Mme Zeljana Zovko, ambassadeur de Bosnie-Herzégovine en France (à g.), M. Bozidar Gagro, ambassadeur de Croatie en France, M. Serge Roques, député-maire de Villefranche et Mme Sivija Luks, journaliste de la télévision publique croate HRT1, qui a consacré de nombreux reportages et documentaires aux événements de 1943.

Aujourd’hui nous ne connaissons pas avec certitude la nature et le contenu de la formation idéologique et politique de certains des révoltés, que les enquêteurs nazis qualifièrent de « meneurs » de la révolte. Pour l’instant du moins, il n’existe à ce propos que des hypothèses imprécises. Nous disposons encore de moins de sources documentaires sur l’éventuel contact que les services secrets des pays alliés engagés alors contre le nazisme entretenaient avec les insurgés. Néanmoins, il est certain que ces derniers connaissaient l’existence de la Résistance en France où ils venaient d'arriver, tout comme dans la région où ils étaient amenés à séjourner un temps indéterminé et qu’ils savaient également que celle-ci jouissait du soutien des forces alliées. Les jeunes révoltés avaient en outre conscience que la Résistance à l'occupant constituait une valeur politique suprême et que le mouvement qui l'incarnait bénéficiait du soutien des puissances militaires alliées - les États-unis, la Russie, la Grande Bretagne - unique source d’espoir pour la victoire et la liberté finales.

Fin de la cérémonie d'inauguration du mémorial de Villefranche. De gauche à droite: M. Bozidar Gagro, ambassadeur de Croatie en France, M. Serge Roques, député-maire de Villefranche-de-Rouergue, M. Jean Puech, sénateur et président du Conseil général de l'Aveyron, Mme Jadranka Kosor, Vice-premier ministre et ministre croate aux Anciens combattants, M. Philippe Douste-Blazy, ministre français des Affaires étrangères, M. Ivo Sanader, Premier ministre croate, M. Bozo Biskupic, ministre croate de la culture, M. Petar Selem, député, président du Groupe d'amitié Croatie-France au Sabor.

Les insurgés établirent des contacts avec la Résistance retranchée dans les montagnes environnantes, persuadés qu’ils allaient à travers elle devenir partie intégrante des forces alliées démocratiques. Sans ce préalable élémentaire, leur révolte aurait été dénuée de sens, suicidaire et n’aurait constitué qu’un simple épisode au sens historique.

Les habitants de Villefranche ont reconnu spontanément leur volonté et cette fraternité dans la lutte contre le nazisme. Après la fin tragique de la révolte, ils ont activement aidé les rares survivants, en leur donnant refuge et en les aidant à rejoindre le maquis. Ils ont également manifesté de différentes façons leur solidarité, leur admiration, leur touchante compassion, en déposant par exemple les premières gerbes de fleurs sur leur sépulture. La Révolte des Croates fut réellement et resta la révolte des habitants de Villefranche, en devenant partie intégrante de l’histoire et du patrimoine de cette ville.

Quant à la Résistance, elle n’a jamais douté de la noble cause des révoltés. Jamais elle n’a voulu les oublier, du moins au niveau local et régional.

Jeunes croates morts sur la terre française

Si, juste après la guerre, les autorités yougoslaves, et plus particulièrement le pouvoir central de Belgrade, se sont opposés à la reconnaissance de l’identité nationale des révoltés tout comme elles avaient des difficultés à donner une qualification politique précise à la Révolte des Croates, la Résistance les a, elle, regardés à sa manière, tout simplement comme des résistants morts sur la terre française, avec lesquels l'unissait la fraternité d’armes des Jelenek, Matutinovic, Silajdzic et autres qu’elle accueillit dans ses rangs.

Jamais la moindre division n’est apparue entre les révoltés, fussent-ils de confession musulmane ou catholique. Aussi nous incombe-t-il de préserver leur unité.

Il est important, également, de souligner l’absence de différences substantielles entre la façon dont la révolte fut perçue en Croatie et dans sa diaspora. Peut-être qu’en Croatie, durant le régime communiste, dont un des fondements fut la résistance au nazisme, le critère prioritaire était idéologique et que pour la diaspora croate c'est l’identité croate des révoltés qui prévalait. Néanmoins, personne en Croatie, que cela soit au sein du pouvoir communiste, dans les milieux intellectuels ou dans l'opinion publique, n’a jamais évité ou omis l’origine ni l’appellation croate des révoltés, tout comme dans la diaspora, personne n’a nié l’évidence que les victimes étaient tombées en s’insurgeant contre le nazisme. Comme si le devoir de mémoire était partagé par tous de la même manière.

VOIR AUSSI

Les événements du 17 septembre 1943
La commémoration du 60e anniversaire, en 2003
La commémoration de 2004
La commémoration de 2005
Le projet du parc mémorial de

Villefranche-de-Rouergue

L'inauguration du mémorial de Villefranche en 2006

Il est de plus indiscutable que les révoltés de confession musulmane - les Bosniaques - ceux-ci étant d’ailleurs majoritaires, furent également qualifiés de Croates. Les chercheurs, de Vladimir Malekovic et Henrik Heger à Mirko Grmek et Louise Lambrichs, ont relaté ce fait de façon objective. Malgré la polémique née un moment à ce sujet, si l'on prend en considération le fait que les révoltés se déclaraient eux-mêmes Croates et qu’ils furent ainsi appelés par d’autres, le mieux est de conclure comme l’a fait le Premier ministre croate Ivo Sanader lors de son allocution à l'occasion de l'inauguration le 17 septembre 2006 du monument à Villefranche-de-Rouergue que « Jamais la moindre division n’est apparue entre eux. Aussi nous incombe-t-il de préserver leur unité».


Volonté de continuité

Mazurie, Mazurie
Une coopération réussie entre échelons national, régional et local: M. Philippe Douste-Blazy, ministre français des Affaires étrangères, M. Jean Puech, sénateur et président du Conseil général de l'Aveyron et M. Serge Roques, député-maire de Villefranche

L’inauguration aujourd’hui d’un mémorial intégrant les sculptures en bronze de Vanja Radaus, conçues il y a plus d’un demi-siècle, donne à l’histoire de la Révolte des Croates une dimension supplémentaire et authentique. Il est à cet égard moins connu que l’imagination d’autres artistes fut plus tard habitée par le même thème. Ainsi, le peintre Krsto Hegedusic peignit en 1964 un tableau saisissant intitulé Villefranche-de-Rouergue, tandis que deux années plus tard Edo Murtic et Stevan Luketic, tous deux artistes croates d’expression éminemment moderne, conçurent leur propre projet de mémorial. Leur concept aurait été peut-être encore plus intéressant au sens esthétique. Les artistes contemporains auraient peut-être eux aussi d’autres inspirations. Le retour aux statues de Radaus introduit, cependant, une volonté de continuité, la volonté que cette absence prolongée d’un demi-siècle des statues, destinées initialement à Villefranche, parle d'elle-même, qu’elle témoigne du temps et des vicissitudes passés. Le mérite de l’architecte Ivan Prtenjak réside certainement dans le fait qu’il a intégré avec une clarté classique remarquable l’idée du sculpteur dans un cadre architectural et paysager qui la met en valeur.

Lieu de rencontre de trois pays

La stèle du monument
« provisoire », qui se trouve dorénavant dans le musée de la ville de Villefranche, après avoir dominé près de 55 années la sépulture commune des martyrs croates, sera également un témoin du passé. Son épitaphe scellera à jamais le souvenir de la manipulation historique. La morale est simple : l'histoire ne s'arrête jamais et si on commet des erreurs, même sans avoir eu l'intention de les faire, l'histoire revient pour les réparer.

Nous avons hérité à Villefranche-de-Rouergue d’un endroit dans lequel l’oubli a été à jamais vaincu; un lieu de rencontre de trois nations et de trois pays : la France, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine; un lieu où le passé au lieu de diviser, rapproche et lie, consolidant les fondements de l’avenir. Notre avenir européen commun. C’est pour cela que nous parlons de notre victoire.

Bozidar GAGRO
Ambassadeur de Croatie en France

 

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