03/10 - 02/11/2002

EXPOSITION
Edo Murtić

"Agression rouge", 2002, Edo Murtic, acrylique sur toile,162x190Figure emblématique de la peinture abstraite croate de la seconde moitié du XXe siècle, coloriste instinctif et fougueux de réputation internationale, Edo Murtic, artiste prolifique et infatigable né en 1921, présente ses oeuvres récentes - toutes réalisées en 2002 - à l'occasion de sa cinquième exposition parisienne.

Galerie de l'Europe - 55, rue de Seine - 75006 Paris. Vernissage le 3 octobre à 18 h 30. Exposition du 4 octobre au 2 novembre 2002. Ouvert du mardi au samedi, de 10 h à 19 h. Tél. 01 55 42 94 23.

 

Un artiste à qui Paris est redevable
par Bozidar Gagro
Ambassadeur de Croatie à Paris

EDO MURTIC

Edo MurticLe peintre croate Edo Murtic est né le 4 mai 1921 à Velika Pisanica dans le Nord de la Croatie. En 1925, sa famille s'installe à Zagreb, où il fait ses études primaires et secondaires, et ensuite les Beaux-Arts. Sa première exposition individuelle a lieu à Zagreb en 1935. A partir de 1941, il collabore avec le Mouvement de libération nationale de Yougoslavie et rejoint, l'année suivante, les partisans de Tito. En tant que résistant, il porte de nombreux témoignages artistiques sur la guerre. Il voyage beaucoup, notamment en France, aux Etats-Unis et en Italie. Son art figuratif de la période 1949-50 et son expression abstraite lyrique actuelle sont reliés par une évolution fertile et une maturation intellectuelle continues. Edo Murtic a à son actif près de cent cinquante expositions individuelles et près de trois cents expositions collectives. Ses peintures font partie des collections privées ou publiques les plus réputées du monde. Son oeuvre comprend en outre des décors de théâtre, des peintures murales et des mosaïques. Il vit et travaille à Zagreb et à Vrsar en Istrie.

Le peintre croate Edo Murtic jouit d'une réputation internationale depuis plus d'un demi-siècle. Au cours de cette période, il s'est présenté de même à Paris, dans le cadre d'expositions collectives ou individuelles. Par le gros de son oeuvre, il appartient à la génération de l'âge mûr de la peinture abstraite, qui a donné à celle-ci l'ampleur, la diversité et la force grâce auxquelles elle a atteint son apogée. Génération qui, en d'autres termes, a enrichie ce genre pictural de réalisations que le public a récompensées en l'acceptant définitivement, désormais libéré des inhibitions propres aux pionniers de la première moitié du XXe siècle.

"Coupures nettes", 2002, Edo Murtic, acrylique sur toile, 130x185Après avoir assuré à l'art abstrait, devenu synonyme de modernité et de goût nouveau, sa légitimité esthétique et sociale, cette génération s'est ramifiée en une multitude de tendances, géométrique, lyrique, gestuelle, matérique, brutaliste et assimilées. C'était un moment de recherches libres, en quelque sorte de bonheur de l'art qui s'était dégagé de toutes les entraves, qui avait renversé tous les obstacles et triomphé des anciennes contestations sans encore en rencontrer de nouvelles, qui allaient s'élever inexorablement.

Paysages dalmates

Il ne faut pas oublier que c'était l'époque de la guerre froide engendrée par la bipolarité idéologique et politique du monde. L'ex-Yougoslavie qui avait, en rupture avec le stalinisme, rejeté les modèles rétrogrades de l'art dirigé, était devenue un polygone intéressant de recherches et d'expressions artistiques. Nous ne prétendons pas que ce fait ait aidé de façon décisive des artistes comme Edo Murtic à se présenter sur un pied d'égalité à l'ouest de cette ligne de démarcation parfois beaucoup plus qu'imaginaire, mais il les a entourés d'une sorte d'aura qui ajoutait à l'intérêt et à la sympathie qu'on leur témoignait.

MUSÉES ET GALERIES EXPOSANT DES PEINTURES DE MURTIC

- Tate Gallery, Londres
- Musée d'Art Moderne, New York
- Musée d'Art Moderne, Paris
- Galerie d'Art Moderne, Boston
- Galerie Nationale, Prague
- Collection Peggy Guggenheim, New York 1960
- Galerie La Medusa, Rome
- Galerie Bergamini, Milan
- Galeries d'Art International, Paris, Chicago
- Galerie Nationale, Berlin
- Musée du XXe siècle, Vienne
- Kunsthaus, Zurich
- Musée d'Art Moderne, Turin
- Musée d'Art Moderne, Gênes
- Galerie d'Art Moderne, Zagreb
- Galerie Moderne, Zagreb
- Musée d'Art Moderne, Belgrade
- Galerie d'Art, Split
- Galerie d'Art Moderne, Skopje
- CNAC, Paris
- Galerie Sagittaria, Pordenone
- Collection Mino Nicoletto, Piazzala sul Brenta
- Musée d'Art Moderne, Houston
- Musée d'Art Moderne, Séoul
- Galerie Creuze, Paris
- Collection Deere, Moline, Etats-Unis
- Musée des Arts et Métiers, Zagreb
- Cabinet des arts graphiques de l'Académie croate des sciences et des arts
- Galerie Forum, Zagreb
- Collection Comte Marzotto, Valdagnio
- Galerie Weltz, Salzbourg
- Galerie d'Art, Dubrovnik
- Galerie d'Art Moderne, Rijeka
- Musée d'Histoire de la Croatie, Zagreb
- Musée national, Zadar
- Musée de la Révolution des peuples yougoslaves, Belgrade
- Musée de l'Armée, Belgrade
- Collection Bauer, Galerie d'art, Vukovar
- Galerie d'Art, Osijek
- Galerie Mamuzic, Novi Sad
- Galerie d'Art Moderne, Novi Sad
- Galerie d'art du Couvent de franciscains, Mostar
- Collection des arts graphiques de la Bibliothèque Nationale et Universitaire, Zagreb

Il est tout à fait logique que cette aura se soit estompée avec le temps, que seules leurs oeuvres demeurent pour supporter la comparaison avec les autres et l'effet destructeur du temps qui passe. Il demeure en plus l'expérience d'un dialogue ouvert, des réactions aux impulsions venues d'ailleurs, celles de l'action art américain par exemple. Coloriste instinctif et fougueux, Murtic a assimilé ces impulsions avec bonheur tout en puisant constamment aux sources locales de son inspiration, le paysage dalmate et la terre rouge de l'Istrie.

"Phoenix", 2002, Edo Murtic, acrylique sur toile, 195x130Paris doit à Edo Murtic une exposition qui montrerait la continuité et les métamorphoses de son art. Une grande exposition comparable à celle consacrée à Zoran Music au Grand Palais vers le milieu des années 1990, ou celle, ayant eu lieu, salle Saint-Jean, presque en même temps, consacrée à un autre Croate, Slavko Kopac, jadis compagnon de route de Dubuffet. Artistes si différents, Kopac et Murtic ont tous deux fait les Beaux-Arts de Zagreb et qui plus est, chez le même professeur, tout comme le Slovène Music.

Dramaturgie énergétique

Or, dans l'attente de cette confrontation légitime, Murtic se présente aujourd'hui au public parisien avec son tout nouveau cycle de peintures. On peut y voir que malgré son âge avancé, Murtic peintre ne donne pas de signes de fatigue. Au contraire il a repris, dans les années 1980, après trente ans de pure abstraction, son dialogue avec "la nature", en premier lieu avec, pour ainsi dire, sa source picturale, le paysage dalmate et ses puissantes couleurs contrastées, ce qui a donné un second souffle à son art abstrait contrairement aux contradictions conceptuelles attendues.

Instinctif et impulsif donc par nature, Murtic a varié peu, aux cours de plusieurs décennies qui le séparent du moment où il avait franchi pour la première fois la ligne, déjà bien mince, le reliant à des motifs classiques, les moyens par lesquels il construit son espace pictural, toujours sous forte tension énergétique. Ce sont essentiellement un coloris vigoureux, souvent éruptif, et une large touche puissante et dynamique. En fait, sa touche est plutôt un balancement de la main qui construit et structure l'espace intérieur de ses tableaux, espace pour lequel aucun pinceau ne semble être suffisamment large. Aussi se transforme-t-il généralement en champs de couleurs mis en mouvement à la recherche de conjonctions violentes et inédites, de nœuds et de croisements, de figures qui s'assemblent en des signes parfois indistincts, mais agressifs et saisissants. Toute cette dramaturgie énergétique participe à ce point du tempérament de l'artiste, de son identité édifiée depuis bien longtemps, qu'il en a une maîtrise absolue, aisée, toujours engagée.

Ces quelques remarques ne se veulent pas explicatives. Elles ne sont qu'un préambule de circonstance à la rencontre avec l'art d'Edo Murtic, qui défie le temps, la fatigue et la répétition en apparaissant devant nous dans toute sa beauté étonnante et encourageante.

Paris, juin 2002

 

Le retour à Paris...
par Patrick-Gilles Persin, critique d'art
Président de la Fédération des Salons d’artistes,
président du Salon "Grands et Jeunes d'aujourd'hui"

PRIX REMPORTÉS

1948 Premier prix de la peinture de la République Populaire de Croatie
1959 Prix de la peinture au Salon 59, Galerie d'Art Moderne, Rijeka
1960 Prix de la Ville de Zagreb à la 1ère Exposition des arts graphiques yougoslaves, Cabinet des arts graphiques de l'Académie yougoslave des sciences et des arts, Zagreb
1961 Premier prix de la peinture à la 1ère Triennale des arts plastiques, Musée d'Art Moderne, Belgrade
- Prix à la IVe Exposition internationale des arts graphiques, Galerie d'Art Moderne, Ljubljana
1963 Médaille d'or du Président de la République italien au Premio di pittura Città di Firenze
- Grand prix au Xlle Premio Lissone
- Médaille d'or, Morgan's Point, Rimini
1966 Premier prix au Mémorial de Nadezda Petrovic, Cacak
1970 Prix de la critique du quotidien Vecernji list, Zagreb
1972 Prix à la IIIe Exposition internationale du dessin original, Galerie d'Art Moderne, Rijeka
1974 Prix de la peinture au IXe Salon de Zagreb
- Prix des arts graphiques du Fonds de la culture de la République Socialiste de Croatie à la Vllle Exposition des arts graphiques yougoslaves, Cabinet des arts graphiques de l'Académie yougoslave des sciences et des arts, Zagreb
1976 Premio internazionale Biella per l'incizione, Biella
1978 Grand prix au VI, Exposition internationale du dessin original, Galerie d'Art Moderne, Rijeka
1980 Grand prix à la Biennale Art et Papier, Tourquet
1984 Prix Vladimir Nazor, Zagreb
- Prix 4-Juillet, Zagreb
1985 Prix AVNOJ, Belgrade
1986 Prix du quotidien Oslobodjenje, Sarajevo
- Grand prix au Salon de Zagreb
- Grand prix à la Xe Exposition internationale du dessin original, Galerie d'Art Moderne, Rijeka
1997 Grand prix à la Biennale méditerranéenne, Dubrovnik

La peinture d'Edo Murtic nous est familière, malgré de nombreux et souvent trop longs clivages entre ses diverses expositions parisiennes. D'emblée, précisons que cette oeuvre nous vient de l'académisme, puis du réalisme, comme pour beaucoup de ces artistes nés au début des années 1920. Et, pour beaucoup aussi ce sont autant d'époques révolues, voire oubliées, mais utilement traversées. Puis, pour cet artiste, aujourd'hui mondialement reconnu, viennent l'expressionnisme abstrait et le "paysagisme" informel qui le guideront toujours.

"L'arrivée brune", 2002, Edo Murtic, acrylique sur toile, 130x195Dès 1950, il fait un voyage aux Etats-Unis, il y côtoie les peintres de l'Ecole de New-York, sans se laisser totalement convaincre. Cela le conduit tout de même à une démarche abstractisée tournée vers la verticale. A Paris, c'est en 1963 qu'il fait sa première exposition, chez Raymond Creuze. Ses travaux ne lui font pas abandonner l'allure impressionniste et, proche de Manessier ou de l'italien Afro, il compose des oeuvres déjà très élaborées, puissantes. Malgré des évolutions sensibles, la plastique domine toute son oeuvre, et la lumière envahit la toile et ses couleurs fascinantes. Cela vaut toujours aujourd'hui.

Au début des années 1960, il est tachiste, puis son oeuvre se charpente, s'organise dans des structures agréables, mais sans concessions. Les nœuds, les aplats de surpeinture, rythment jusqu'au délire - sans l'écraser - tout une oeuvre qui prend un tour nouveau. Le noir assortit cette évolution, en pleine conscience des choses. Edo Murtic laisse courir son énergie infatigable, toujours omniprésente quarante ans plus tard.

Geste pur

Les singles et les symboles qu'il utilise se superposent avec le temps tout en s'alliant avec des couleurs simples, dites élémentaires qui, d'une année l'autre, laisseront la place au noir et au blanc, puis, il y a très peu de temps, à l'écru du support de la toile non préparée. L'économie de moyens techniques, et les inutiles effets étant écartés à tout jamais, cela laisse à Murtic le champ libre à un geste pur qui provoque l'éblouissante lecture qu'il nous est donnée de faire ici, Mais, finalement, les antécédents naturalistes du peintre ne cessent de se retrouver, ici ou là, plus ou moins consciemment, tout au long de son oeuvre. Certaines brèves périodes forcent l'évidence, sous tendues par des titres qui confortent cette sensation, profonde chez lui.

"Deux sentiers", 2002, Edo Murtic, acrylique sur toile, 130x195Creusant au plus profond de l'abstraction, cet artiste complet a toujours créé de nouvelles voies par la simplicité même de sa peinture et son envahissement par la lumière. La force de la vie le conduit (et nous entraîne!) dans l'éloquence et l'exaltation, le subtil et l'amplitude, le lyrisme et la vitalité. Et le plus extraordinaire est que, pour Edo Murtic, aujourd'hui âgé de quatre-vingts ans, tout ceci est toujours d'actualité: ses toutes dernières oeuvres nous le prouvent.

 

 

 

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