25/06/2006
INAUGURATION
PROCHAINE
Un
parc mémorial pour les Révoltés
de Villefranche
Le
monument de Vanja Radauš, dédié
aux insurgés depuis 1952, sera intégré
au site
Plus
de soixante ans après la Révolte du 17 septembre
1943, un parc mémorial sera aménagé
à Villefranche-de-Rouergue. Il rendra hommage
au sacrifice des jeunes soldats de Croatie et de Bosnie-Herzégovine,
mobilisés de force dans les rangs allemands
et tombés loin de leur patrie en s’insurgeant
contre le nazisme, pour une Europe libre. Le parc mémorial
s’étendra sur le site du Champs des martyrs
en bordure de l’Avenue des Croates à Villefranche,
là-même où se dressait naguère
l'ancien monument provisoire. Il sera officiellement
inauguré le 17 septembre 2006, à
l’occasion de la prochaine commémoration
en présence des plus hauts représentants
de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, ainsi que
du gouvernement français. Le projet de l’architecte
croate Ivan Prtenjak intègre les sculptures
de Vanja Radauš réalisées en 1952
pour Villefranche. Né de l’initiative
conjointe des représentants croates et de la
mairie de Villefranche, ce mémorial a bénéficié
du soutien des autorités croates, bosniennes
et françaises. Pour les Croates de l'Hexagone,
il s'agira du premier lieu de mémoire du genre
en France.
Rares
sont les Croates de France qui n'ont pas entendu parler
du destin à la fois héroïque et
tragique d'un bataillon de jeunes soldats de Croatie
et de Bosnie-Herzégovine qui, après avoir
été enrôlés dans le 13e
bataillon de pionniers de la 13e Division SS et envoyés
dans le sud de la France où les nazis craignaient
un débarquement allié, se sont révoltés
à Villefranche-de-Rouergue (Aveyron) le
17 septembre 1943, prenant même brièvement
le contrôle de la ville, avant de tomber sous
les balles des renforts d'un ennemi très supérieur
en nombre. Au mépris de la réalité
historique, l'épitaphe du monument "provisoire"
érigé en 1950 par les autorités
yougoslaves, coiffée d'une étoile rouge,
rendait jusqu'ici hommage "aux combattants yougoslaves".
Ayant vocation à entretenir un souvenir durable
de ces événements, le mémorial,
qui sera inauguré en septembre, rendra enfin
justice aux révoltés de Croatie et de
Bosnie-Herzégovine en leur restituant leur identité
nationale. Il aura cependant fallu attendre 63 ans
après les événements pour qu'un
véritable mémorial digne de ce nom voie
finalement le jour.
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La
délégation française à
Pula en février 2006, devant le monument
de Vanja Radauš, dédié aux
Révoltés de Villefranche. |
Pourtant,
dès la fin de la guerre, une cérémonie
commémorative est organisée chaque 17
septembre par la municipalité de Villefranche
et les associations d'anciens combattants. C'est dans
ce contexte que le monument provisoire est érigé
par les autorités de Belgrade, bien qu'il fût
alors décidé qu'un monument majestueux
y soit érigé ultérieurement. Plusieurs
artistes croates, Murtic, Hegedušic et Radauš,
sont alors pressentis pour le réaliser et se
rendent bientôt à Villefranche. Parmi
les esquisses qui en résulteront, c’est
le projet du sculpteur zagrébois originaire
de Vinkovci, Vanja Radauš (1906-1975), notoire
résistant de la première heure, qui est
retenu. Il réalise en 1952 un monument, composé
de deux groupes d’hommes nus en bronze, grandeur
nature, tombant sous les balles, et d'une statue de
femme symbolisant la Mère Patrie pleurant ses
fils, dont le moulage est alors financé par
le gouvernement de la République fédérée
de Croatie.
Avenue
des Croates
Contre
toute attente, Belgrade s’oppose alors au projet
si bien que le monument ne sera finalement jamais offert
à Villefranche, mais sera intégré
dans un monument à la Libération inauguré
en 1955 à Pula, malgré les protestations
de Radauš. Aussi les représentants yougoslaves
délaissent-ils peu à peu les cérémonies
commémoratives organisées par les associations
d’anciens combattants. En 1961, le Conseil municipal
rebaptise en « Avenue des Croates » la
route menant au « Champ des martyrs » et
ce sont bientôt les associations croates de France
qui prennent la relève des officiels yougoslaves,
notamment l'Union des travailleurs croates en France,
puis Amitié France-Croatie et, ces quinze dernières
années, Solidarité France-Croatie Toulouse
(SFC), sous l'impulsion d'Agnès
et de Zdravko Cerovecki.
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Timbre
commémoratif émis par la Poste
croate en 1993, à l’occasion du
50e anniversaire de la Révolte. |
Depuis
1990, un représentant du Conseil représentatif
des Institutions et de la Communauté croates
de France (CRICCF) nouvellement créé
et, depuis l’indépendance de la Croatie
en 1992, l'ambassadeur de Croatie en France ou son
représentant, participent chaque année
aux commémorations du 17 septembre, en présence
du maire ou de son délégué, de
Croates de la région (avec SFC-Toulouse) et
de Villefranchois anonymes ou témoins des événements.
En outre, deux colloques scientifiques ont été
consacrés à la Révolte, l'un en
1992 à Villefranche, l'autre en 1993 à
Zagreb. Enfin, la parution en 1998 aux éditions
du Seuil du remarquable ouvrage de Mirko D. Grmek et
Louise L. Lambrichs, "Les
Révoltés de Villefranche", constitue
une contribution sans égale quant à la
reconstitution des événements et à
l'analyse de leur résonance politique.
Déplacement
ajourné
LE
PARC MÉMORIAL |
Aménagé sur le site du Champs des
martyrs, le parc mémorial qui doit être
inauguré à l'automne aura une superficie
avoisinant les 7000 m². Les trois groupes
de sculptures de Radauš, seront intégrés
au monument : deux groupes de deux hommes tombant
sous les balles, et la Mère Patrie apportant,
selon la tradition de la région natale
de l'artiste, des pommes sur la tombe de ses
fils. L'épitaphe suivante sera gravée
sur deux stèles de pierre de Croatie,
en français et en croate.
AUX
MARTYRS
COMBATTANTS POUR LA LIBERTÉ
QUI S’INSURGÈRENT CONTRE LE NAZISME
LE 17 SEPTEMBRE 1943
À VILLEFRANCHE-DE-ROUERGUE
REPOSANT ICI ET EN DES LIEUX INCONNUS
LEURS
COMPATRIOTES
DE CROATIE ET DE BOSNIE-HERZÉGOVINE
LES VILLEFRANCHOISES ET LES VILLEFRANCHOIS
FIDÈLEMENT RECONNAISSANTS
L'allée
principale sera flanquée des deux groupes
de fusillés, aboutissant à la statue
de la Mère Patrie, qui sera située
au centre d'un parterre fleuri, symbolisant les
fleurs que les Villefranchois apportèrent
en cachette pour fleurir la tombe des insurgés.
A ses côtés figureront les deux
stèles portant les épitaphes, tandis
que derrière elle se dressera un mur constitué
de blocs de pierre locale.
Le parc sera doté d'une allée principale
et d'une allée secondaire, courant sous
une double rangée de peupliers. Un parking
accueillera les visiteurs dans sa partie basse.
Financé par le Ministère croate
de la Culture et par la Ville de Villefranche-de-Rouergue,
le projet de mémorial, à la fois
résolument moderne et solennel, a séduit
les autorités locales. Son auteur, l'architecte
croate Ivan Prtenjak, vit à Bruxelles.
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En
1993, pour le 50e anniversaire de la Révolte
des Croates, à l'initiative de deux membres
fondateurs du CRICCF, Slavko Gerbiz et Marinko Frka-Petesic,
l’administration croate des Postes publie un
timbre commémoratif de l’insurrection.
Hormis les participations régulières
de représentants de la communauté croate
de France et des officiels croates, plusieurs représentants
des associations bosniaques de France ont également
pris part, à quelques reprises, aux cérémonies
commémoratives, notamment au milieu des années
1990. En 2005, l'ambassadeur
de Bosnie-Herzégovine en France, Mme Zeljana
Zovko, a participé pour la première fois
aux commémorations, au côté de
l'ambassadeur de Croatie à Paris, M. Bozidar
Gagro.
Depuis
quelques années, une délégation
d’anciens combattants
croates s’y rend également chaque
année. En mai 2000, à l'occasion de la
première visite officielle en France du président
Mesic, son déplacement à Villefranche,
initialement prévu, a finalement dû être
ajourné en raison d'un agenda très serré.
À l’occasion du 60e anniversaire
de la révolte, en 2003, M. Ivica Pancic, ministre
des anciens combattants de la République de
Croatie, et M. Pavle Kalinic, député
au Parlement croate, ont tenu à faire le déplacement
et ont participé à l’inauguration,
dans le centre-ville de Villefranche, d’une plaque
commémorative en mémoire de Louis Fontanges,
maire de Villefranche en 1943, sur laquelle est fait
mention de la « Révolte des Croates
».
Mémorandum
En 2004, la délégation croate a remis
à M. Serge Roques, député-maire
de Villefranche, une reproduction
photographique du monument de Radauš, initialement
dédié à Villefranche. Dans leurs
interviews publiées
dans le Villefranchois du 16 septembre 2004, M.
Roques et M. Boidar Gagro, ambassadeur de
Croatie en France, se sont prononcés en faveur
de l’aménagement d’un mémorial
à Villefranche, sous réserve de l’accord
des deux gouvernements.
C'est
ainsi que lors de sa dernière
visite à Paris, en novembre 2005, le Premier
ministre croate, Ivo Sanader, a remis dans cette perspective
un mémorandum aux autorités françaises,
dans lequel la Croatie se disait prête à
offrir à la municipalité de Villefranche-de-Rouergue
une copie du monument de Vanja Radauš qui était
initialement destiné au mémorial et qui
bénéficie de l’assentiment du gouvernement
de Sarajevo.
Jumelage
A
l'initiative de l'ambassade de Croatie en France, les
13 et
14 février 2006, M. Serge Roques, député-maire
de Villefranche et membre du groupe d'amitié
France-Croatie à l'Assemblée nationale,
et M. Jean Puech, sénateur de l'Aveyron,
se sont rendus en Croatie où ils ont été
reçus par le président de la République
Stipe Mesic, le Premier ministre Ivo Sanader, le ministre
de la Culture Boo Biškupic, le président
du groupe d'amitié au Sabor Petar Selem. Ils
ont également rencontré M. Ivan Jakovcic,
président du comté d'Istrie et M. Valter
Drandic, maire de Pula, qui a volontiers accepté
l'offre de jumelage avec Villefranche-de-Rouergue,
que lui a soumise M. Roques à cette occasion.
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MM.
Puech et Roques reçus par le Premier ministre
croate, Ivo Sanader, en compagnie de Mme Jadranka
Kosor, ministre aux Anciens combattants, de M.
Bozo Biškupic, ministre de la Culture, et
des ambassadeurs des deux pays, MM. François
Saint-Paul et Boidar Gagro (survoler
l'image pour découvrir les noms des personnalités). |
Ce
mémorial, s’il a d'abord vocation à
honorer la mémoire des martyrs tombés
loin de leur patrie pour la liberté de l’Europe
et de la France, est également un témoignage
d’amitié de la Croatie et une marque de
gratitude pour le souvenir que les Villefranchois continuent
à cultiver à l'égard de ces événements.
Symbole durable des liens profonds qui unissent leur
cité à la patrie des insurgés,
il sera officiellement inauguré le 17 septembre
2006, à l’occasion de la prochaine commémoration,
en présence des plus hauts représentants
de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, ainsi que
du gouvernement français.
|
Détail
du monument de Radaus : La Mère Patrie
apportant des pommes sur la tombe de ses fils. |
Plus de soixante ans après leur héroïque
insurrection, le souvenir de l’action des
jeunes révoltés de Villefranche y demeure
encore bien présent et reste à l'origine
de liens indéfectibles qui unissent la Croatie
et Villefranche-de-Rouergue. L'aménagement de
ce mémorial, qui rend hommage aux insurgés
et rétablit leur identité nationale,
ne pourra que les renforcer à l'avenir. Ainsi,
le prochain jumelage de Villefranche-de-Rouergue et
de Pula devrait largement contribuer au développement
de ces relations, notamment par le biais du développement
d’échanges entre les jeunes des deux villes
et des deux pays. Désormais dignement honoré,
le sacrifice de Révoltés contribuera
sans doute encore longtemps à nourrir les liens
et l’amitié franco-croate.
Zvonimir
Frka-Petesic
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