8/12/2001
FRANCE-CROATIE
Jacques
Chirac apporte son soutien ''sans réserve'' à la
candidature croate à l'UE
ZAGREB (AP) - Le président français
Jacques Chirac a exprimé samedi à Zagreb le soutien
''sans réserve'' de la France à l'adhésion
de la Croatie à l'Union européenne après
la ratification par le Parlement croate d'un accord de stabilisation
et d'association. Il a également apporté son soutien
à la candidature croate à l'OTAN.
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Jacques
Chirac et Stjepan Mesic se sont rencontrés trois fois
en moins de deux ans. Zagreb, 8/12/ 2001. |
A
l'issue d'un entretien suivi d'un déjeuner avec le président
croate Stipe Mesic, Jacques Chirac a salué ''l'engagement
déterminé de la Croatie sur la voie de la démocratie,
de la paix et du développement''. ''Cela justifie le soutien
sans réserve de la France à la Croatie pour son
adhésion à l'Union européenne'', a-t-il souligné.
Première étape vers l'adhésion, l'accord
de stabilisation et d'association (ASA)
entre la Croatie et l'UE, signé le 29 octobre, a été
ratifié jeudi dernier par le Parlement croate.
Comme
il l'avait fait à Belgrade avec les autorités serbes
et yougoslaves, Jacques Chirac a insisté auprès
du président Mesic et du Premier ministre Ivica Racan sur
la nécessité d'entretenir de bonnes relations avec
le Tribunal pénal international (TPI) et de développer
la coopération avec les autres pays de la région.
Ce
message a été largement entendu par le président
Stipe Mesic. Elu en février
2000, le successeur du ''père de l'indépendance''
croate Franjo Tudjman a rompu avec la politique de son prédécesseur
en se prononçant sans ambiguïté pour la coopération
avec le TPI et en renonçant aux revendications croates
sur une partie du territoire de la Bosnie.
Au
cours de sa rencontre avec M. Chirac, la troisième en deux
ans, le président croate a insisté sur son intention
de poursuivre la normalisation de ses relations avec Belgrade.
Il a déploré le manque de volonté des nouvelles
autorités yougoslaves de poursuivre les criminels de guerre
recherchés par le TPI. ''La solution durable ne pourra
avoir lieu tant que nous n'aurons pas trouvé le courage
de faire face de manière claire au passé
récent'', a souligné M. Mesic.
Les
deux présidents ont marqué leur volonté de
renforcer les relations bilatérales, encore très
limitées, notamment sur le plan des investissements français
en Croatie. Les réticences françaises à reconnaître
l'indépendance de la Croatie en 1992 et la prépondérance
de l'influence allemande expliquent cette situation. Au passage,
Jacques Chirac a regretté que les jeunes Croates soient
si peu nombreux à apprendre le français. Seulement
3% des collégiens l'apprennent contre 9% en 1990
Chirac soutient
la candidature de Zagreb à l'UE et à l'Otan
Par Sophie Louet
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Jacques
Chirac et Stjepan Mesic à Zagreb, le 8/12/ 2001. |
ZAGREB
(Reuters) - Jacques Chirac a affirmé à Zagreb le
soutien "sans réserve" de la France à
l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne
et à l'Otan, saluant "l'engagement déterminé"
de l'ex-république yougoslave sur la voie de la démocratie
et de la paix.
"Je salue l'engagement déterminé de la Croatie
sur la voie de la démocratie, de la paix et du développement:
cela justifie le soutien sans réserve de la France à
la Croatie pour l'adhésion à l'Union européenne
(...) et son appui à la candidature de la Croatie à
l'Otan", a déclaré le président français
au terme d'une visite de travail de quatre heures à Zagreb.
Le chef de l'Etat a quitté la Croatie à 15h30 (14h30
GMT) à destination de Paris.
Le parlement croate (Sabor) a ratifié début décembre
l'Accord de stabilisation et d'association (Asa) avec les Quinze,
premier pas vers une adhésion à l'Union européenne,
qui n'est toutefois pas envisagée avant plusieurs années.
La Macédoine a également signé l'Asa avec
l'UE et la Yougoslavie est en négociation avec Bruxelles.
"C'est à nous d'assumer la plus grande partie du travail
mais le soutien d'amis fiables est plus que bienvenu", a
estimé le président croate Stjepan Mesic, plus d'un
an après le sommet de Zagreb qui a ouvert la porte de l'Union
européenne aux pays du Sud-Est européen.
Au pouvoir depuis février 2000, Stjepan Mesic a entrepris
de tourner la page de l'ère nationaliste de Franjo Tudjman
à la tête d'une coalition de centre-gauche et a engagé
une politique de réformes ambitieuse en vue d'un rapprochement
avec les Quinze.
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Jacques
Chirac et Ivica Racan à Zagreb, le 8/12/ 2001. |
Outre
le président croate, Jacques Chirac s'est entretenu avec
le Premier ministre Ivica Racan.
Jugeant "excellentes" les relations entre Paris et Zagreb,
le président français a insisté, comme à
Belgrade, sur la nécessaire coopération des ex-républiques
yougoslaves avec le Tribunal pénal international (TPIY)
de La Haye et le développement de la coopération
régionale dans une région toujours affectée
par des tensions interethniques.
Si le président yougoslave, Vojislav Kostunica, oppose
toujours des réserves juridiques à la coopération
avec le TPIY, Stjepan Mesic s'est en revanche engagé à
transférer à La Haye tous les criminels recherchés.
"Il est essentiel d'accepter le principe de la responsabilité
individuelle afin que cessent les accusations contre des peuples
entiers", a dit le président croate, critiquant "ceux
qui tolèrent des criminels sur leur territoire".
Le procureur du TPIY, Carla del Ponte, accuse les autorités
yougoslaves d'abriter plusieurs inculpés sur leur territoire,
notamment le général Ratko Mladic, l'ancien chef
militaire des Serbes de Bosnie.
"Nous devons avoir le courage de faire face au passé
récent. (...) La coopération avec le TPIY, c'est
quelque chose que nous nous devons à nous-mêmes",
a déclaré Stjepan Mesic.
Non à l'indépendance du Monténégro
La coopération avec le tribunal de La Haye a été
l'un des messages récurrents de Jacques Chirac durant ses
entretiens en République fédérale de Yougoslavie
(RFY, Serbie-Monténégro) et en Croatie.
Lors d'une ultime conférence de presse à Belgrade,
samedi matin, le chef de l'Etat a rappelé "la nécessité
de tout faire pour que les criminels soient arrêtés,
transférés et jugés" et a précisé
qu'il ne disposait pas d'"information sérieuse"
sur le sort de Ratko Mladic, que des sources disent caché
dans une caserne belgradoise.
Evoquant l'autre thème-clé de son déplacement
- la coopération et la stabilité régionales
-, il a réitéré l'opposition de la France
et de ses partenaires européens à l'indépendance
du Monténégro, au lendemain d'une rencontre avec
le président monténégrin Milo Djukanovic.
"L'Union européenne n'est pas disposée aujourd'hui
à reconnaître un Monténégro indépendant",
a-t-il dit en présence d'Hubert Védrine, ministre
des Affaires étrangères.
Le président français a mis en garde contre l'organisation
d'un référendum - prévu au printemps 2002
-, estimant qu'il ne fallait pas "jouer sur la passion du
moment et en tirer des conséquences pour l'avenir".
Soulignant "les dangers de la division", Jacques Chirac
a lancé par ailleurs un appel à l'unité aux
réformateurs yougoslaves dont les dissensions ont provoqué
une crise parlementaire.
Dragan Marsicanin, un allié de Vojislav Kostunica, a démissionné
jeudi de la présidence du parlement serbe sous la pression
d'élus proches du Premier ministre serbe, Zoran Djindjic.
"Tout ce qui va dans le sens de l'union des réformateurs
va dans le bon sens", a dit Jacques Chirac.
Premier chef d'Etat occidental à se rendre à Belgrade
depuis la chute de Slobodan Milosevic, le 5 octobre 2000, il a
défendu la participation de la France aux bombardements
de l'Otan contre la Yougoslavie en 1999.
L'Alliance, a-t-il affirmé, n'a pas fait "la guerre
au peuple serbe mais à un homme et un système qui
étaient indignes de la Yougoslavie et de l'Europe".
Il a rendu hommage au rôle des intellectuels dans la "lutte
contre l'oppression".
Le président a décoré cinq intellectuels
serbes de l'ordre de chevalier de la Légion d'honneur,
notamment Radivoje Konstantinovic, un professeur de l'université
de Belgrade qui s'était illustré durant les protestations
du printemps 1999 en "sauvant" les livres du Centre
culturel français, mis à sac à l'époque.
Jacques Chirac a inauguré samedi matin le nouveau Centre
culturel français de Belgrade.
CONFÉRENCE
DE PRESSE CONJOINTE
DE
MONSIEUR JACQUES CHIRAC
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
ET
DE MONSIEUR STJEPAN MESIC
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE CROATIE
***
ZAGREB
- CROATIE
SAMEDI
8 DÉCEMBRE 2001
LE PRÉSIDENT MESIC - Mesdames, Messieurs,
c'est avec un grand plaisir que j'ai reçu aujourd'hui Monsieur
le Président français, Monsieur Jacques CHIRAC,
qui est un invité à qui nous portons toute notre
estime et notre amitié. C'est la deuxième fois que
le Président français se rend en Croatie mais il
était venu la première fois pour assister au sommet
de Zagreb consacré à la réunion de l'Union
européenne et des pays des Balkans occidentaux.
Certes,
le séjour du Président CHIRAC à Zagreb se
limite à quelques heures mais ceci ne nous a pas empêchés
d'aborder, dans une ambiance tout à fait ouverte et amicale,
toutes les questions essentielles qui touchent aux relations entre
la Croatie et la France, qui concernent la situation dans la région,
voire sur la scène internationale, en nous intéressant
avant tout à la lutte contre le terrorisme.
S'agissant
des relations politiques entre nos deux États, aucune question
en particulier en suspens n'est à mentionner, il n'y a
aucun problème. Après tout, la visite effectuée
aujourd'hui par le Président français le confirme.
Je suis heureux de pouvoir dire que la France soutient les changements
qui se sont produits en Croatie depuis à peine deux ans
et qu'elle soutient entièrement notre volonté de
garantir la démocratie, les droits de l'Homme et l'état
de droit ici. Une politique qui a été lancée
en Croatie suite aux élections qui se sont tenues au début
de l'année dernière.
J'ai
le plaisir de constater aujourd'hui que la France suit avec sympathie
et qu'elle soutient le rapprochement de la Croatie avec l'Europe.
Bien entendu, c'est à nous qu'incombe la majeure partie
de la tâche, donc c'est à nous d'assumer la plus
grande partie du travail concernant ce rapprochement de la Croatie
avec l'Europe. Cependant, un soutien fourni par des amis fiables
est plus que bienvenu.
Un
certain nombre de questions en suspens restent dans le domaine
de l'économie mais toutes ces questions peuvent trouver
leur solution avec l'appui des deux parties et en respectant les
intérêts des deux parties. Nous sommes d'accord sur
le fait que nous ne permettrons pas que ces questions entachent
l'ensemble de nos relations. Je me permets de souligner que ces
relations sont très bonnes et que nous avons constaté
l'existence des possibilités et d'une volonté de
continuer à les améliorer.
Nous
avons trouvé que nous étions parfaitement d'accord
sur le fait que la Croatie avait un rôle à jouer
important pour ce qui est de la stabilisation de la situation
dans la région et, dans ce contexte, nous avons abordé
la question de l'importance de la poursuite de la normalisation
des relations entre Zagreb et Belgrade. Certes, il peut paraître
de prime abord que l'approche de cette normalisation est entachée
d'une certaine indécision mais la Croatie est parfaitement
consciente de la nécessité de cette normalisation.
Elle est également consciente de l'avantage politique et
économique qu'elle apporte. J'ai dit à mon hôte
que la stabilisation durable ne pourra pas avoir lieu tant que
nous n'aurons pas trouvé le courage de faire face de manière
claire au passé récent et, là, je ne suis
pas du tout en train de mettre sur un pied d'égalité
les parties ayant participé aux guerres au cours de la
décennie passée.
Je
me suis permis de souligner à quel point il était
incontournable d'accepter et d'appliquer le principe de la responsabilité
individuelle afin que cessent des accusations contre des peuples
entiers. Bien entendu, cela nécessite que les points de
vue changent, cela nécessite que change la politique de
ceux qui sont toujours prêts à tolérer que
des criminels de guerre accusés se promènent librement
chez eux. Une pleine coopération avec le Tribunal pénal
n'est pas le test auquel nous soumet simplement la communauté
internationale, c'est quelque chose que nous nous devons à
nous, si nous ne souhaitons pas devenir otages de ceux qui ont
cherché à justifier des crimes en appliquant des
conceptions, des visions politiques erronées.
J'ai
pu informer le Président CHIRAC de l'état de nos
relations avec la Bosnie-Herzégovine, des relations qui
se fondent aujourd'hui sur une politique définie de manière
tout à fait claire et qui exclut toute sorte de prétention
à l'égard des portions du territoire de cet État
voisin. Il va de soi que nous attendons des autres États
de la région qu'ils nourrissent le même type de relations
et d'attitudes à l'égard de la Bosnie-Herzégovine.
Enfin,
qu'il me soit permis de dire que nous nous associons pleinement
à l'activité de la coalition anti-terroriste dont
la France est un des membres actifs. Nous estimons qu'une réponse
globale était une réaction inévitable face
à la menace d'un terrorisme global. À chacun de
réagir conformément à ses possibilités
réelles, à chacun d'assumer sa part de responsabilités
dans la lutte contre le terrorisme, dans la lutte contre ceux
qui l'appuient de quelque façon que ce soit. Il convient
cependant de se pencher dès à présent de
manière tout à fait sérieuse sur une politique
à long terme qui nous permettra d'éliminer les causes
qui ont contribué à la naissance du terrorisme sur
le plan planétaire.
Pour
conclure, je me félicite des entretiens que nous avons
pu avoir aujourd'hui. Je suis convaincu qu'à l'avenir,
nous saisirons toutes les occasions qui se présenteront
afin de poursuivre notre dialogue, en respectant les intérêts
de la Croatie et de la France mais aussi de la paix et de la stabilité
dans notre région et dans le monde. Merci.
LE
PRÉSIDENT CHIRAC - Je voudrais tout d'abord remercier
chaleureusement le Président MESIC et le Premier ministre
RACAN pour leur accueil ici aujourd'hui.
Les
relations entre nos deux pays sont des relations denses, importantes.
En témoigne d'ailleurs le fait qu'en moins de deux ans,
le Président MESIC et moi nous sommes rencontrés
trois fois.
Le
Président a parfaitement résumé nos entretiens.
Je serai donc très bref. Pour dire que nous avons parlé,
d'abord, de l'engagement déterminé de la Croatie
sur la voie de la démocratie, de la paix et du développement.
Cela justifie le soutien sans réserves de la France à
la Croatie pour l'adhésion à l'Union européenne
et sa satisfaction que l'accord de stabilisation et d'association
ait pu être récemment signé.
De
la même façon, cela justifie l'appui de la France
à la candidature de la Croatie à l'OTAN.
Par
ailleurs, j'ai appelé l'attention des autorités
croates sur l'importance que nous attachions à une bonne
coopération avec le Tribunal pénal international.
Nous
avons également évoqué ce qui est l'inquiétude
des Européens, à savoir la capacité de l'ensemble
de la région de répondre à un impératif
prioritaire qui est celui de la coopération régionale.
Enfin,
nous avons évoqué naturellement nos relations bilatérales.
Elles sont excellentes. Nos échanges sont en augmentation
sensible, les investissements se présentent de mieux en
mieux et nous avons décidé de tout faire pour faciliter
cette orientation.
Sur le plan culturel, enfin, grande satisfaction également
pour notre coopération, notamment dans le domaine universitaire
où elle s'est sensiblement approfondie.
Comme rien n'est parfait, j'insiste sur l'importance qu'il y a
en Croatie à apprendre davantage le français dans
les écoles.
Voilà, autrement dit, d'excellentes relations d'estime
et d'amitié réciproques. C'est bien le message que
j'étais venu apporter aux autorités croates, aujourd'hui,
de la part de la France et du peuple français.
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