7/07/2000
Intervention du président
Mesic à lOTAN
Allocution
à loccasion de la session du Conseil de lAtlantique Nord, sous la
présidence du Secrétaire général Lord George Robertson
Monsieur
le Secrétaire général,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Cest
avec une très grande satisfaction que jai accepté votre invitation, qui
mhonore en me permettant dêtre le premier président croate à sadresser
à cette plus haute assemblée intergouvernementale de lAlliance atlantique,
et à y exposer ses vues concernant la place de la Croatie dans les relations internationales
et ses perspectives en matière de politique étrangère.
Il y a
de cela encore quelques mois, une telle communication entre le sommet de lÉtat
croate et les représentants de la plus grande alliance militaire de tous les temps
paraissait difficilement envisageable. La Croatie était alors considérée comme
lun des points guère brillants du sud-est européen, dont lespace,
en comparaison avec lEurope de lOuest, est malheureusement associé
à linstabilité politique et au marasme économique. Non seulement dans les
cercles des dirigeants politiques internationaux, mais également dans lopinion
publique étrangère, notre pays était naguère perçu comme une partie du problème
de cette région accablée, dont nous pensons tous quil est nécessaire de
la stabiliser et de leuropéaniser au plus tôt.
Cependant,
au début de cette année, les citoyens croates ont confirmé aux
élections parlementaires et législatives lexistence dun
énorme potentiel démocratique et ont clairement exprimé le désir
dinfléchir lorientation de la politique de leur pays :
à la place dun égocentrisme stérile et nuisible, ils ont
opté pour louverture politique et économique, pour l'accélération
de la démocratisation et de la transformation économique. Après
tout, ma présence parmi vous aujourdhui nillustre-t-elle
pas le fait que la communauté internationale ait reconnu que la
Croatie sest désormais engagée sur lunique voie qui
vaille celle de la démocratie, du respect des droits de
lhomme et des minorités,
ainsi que du renforcement de la société civile ?
La Croatie
a donc sensiblement modifié son image sur la scène internationale : en une
période relativement brève elle a cessé dêtre une partie du problème de
cette région encore instable du sud-est de lEurope, pour en devenir une
partie de la solution. Cela fut possible grâce à la métamorphose politique, que
joserai qualifier de spectaculaire, notamment sur le plan de la politique
étrangère.
Ainsi,
le gouvernement et moi-même, en tant que président de la République, avons-nous
de concert profondément redéfini la politique croate à légard de la Bosnie-Herzégovine,
avec laquelle nous souhaitons bâtir de véritables relations de partenariat. Ceci
implique le respect absolu et sans équivoque de son intégrité territoriale, ainsi
que le financement transparent des institutions de la communauté croate autochtone.
Non moins important est le changement de la politique officielle en matière de
retour des réfugiés : nous nous sommes engagés à encourager la réintégration
de tous les réfugiés sans discrimination aucune, ce qui sadresse aussi bien
aux Croates et aux Bosniaques de Bosnie-Herzégovine, qu'aux citoyens croates dorigine
serbe qui ont quitté leur foyer à la suite du fiasco de la politique impérialiste
de Milosevic. Nous avons également adopté une nouvelle attitude à légard
du Tribunal pénal international de La Haye pour lex-Yougoslavie, avec lequel
nous avons, dans un souci dintérêt mutuel, établi une pleine coopération.
Enfin, la Croatie a commencé à mener une politique constructive et dapaisement
dans la région, souhaitant ainsi contribuer activement à la mutation démocratique
de celle-ci.
Aussi notre
engagement dans la région témoigne-t-il précisément du désintéressement de la
Croatie, cest-à-dire de sa détermination à partager avec ses voisins les
retombées positives de sa transformation politique et économique. Permettez-moi
dans ce contexte dattirer votre attention sur la réunion qui sest
tenue à Dubrovnik la semaine dernière, à laquelle javais convié les présidents
de la République tchèque, de la Slovénie et du Monténégro, et à la suite de laquelle
nous avons, sous la forme dun communiqué croato-tchéco-slovène, réaffirmé
notre soutien à lactuelle politique de la direction monténégrine. En particulier
vis-à-vis de ses récentes et courageuses mesures destinées à améliorer davantage
ses relations avec les États démocratiques du territoire de lancienne Yougoslavie
et de toute la région. Étant donné que seuls les citoyens yougoslaves ont le droit
de se prononcer, par voie démocratique, sur le destin de la République Fédérale
de Yougoslavie, il est inacceptable que son président, inculpé de crimes contre
lhumanité par le Tribunal pénal international de La Haye pour lex-Yougoslavie,
fasse non seulement obstruction au processus de démocratisation et deuropéanisation
de son pays, mais menace de surcroît le Monténégro et la stabilité de lensemble
de la région.
Jestime
quil est de la responsabilité de la communauté internationale, qui consacre
des efforts considérables à la normalisation de la situation dans le sud-est de
lEurope, de veiller au respect des droits de lhomme, des droits civiques
et constitutionnels de tous les citoyens de la République Fédérale de Yougoslavie,
et par voie de conséquence du Monténégro. Cest pourquoi elle devrait adresser
à Slobodan Milosevic, lhomme qui est à la tête de la fédération yougoslave
et qui a provoqué quatre guerres au cours des dix dernières années, un message
quil pourra et devra comprendre.
La situation
instable au Kosovo, les pressions à lencontre de la direction pro-européenne
du Monténégro et les efforts visant à empêcher les forces démocratiques serbes
darticuler librement leurs aspirations, ainsi que la nécessité de se confronter
aux aspects positifs de lunification de l'Europe idée qui est à lorigine
même de lactuelle Union européenne illustre à quel point est bienvenue
et utile linitiative du président français Jacques Chirac dorganiser
une rencontre au sommet qui réunirait, à lautomne, à Zagreb, les pays de
lUnion et les États issus de lancienne Yougoslavie les plus avancés
dans leur évolution démocratique. Dans lintérêt dune véritable consolidation
de la paix et du renforcement de la coopération dans le lEurope du Sud-Est,
jestime toutefois judicieux, ainsi que je lai déjà souligné à plusieurs
reprises, dy convier non seulement les pays de lancienne Yougoslavie,
mais également les voisins immédiats de la République Fédérale de Yougoslavie,
qui sont de manières diverses intéressés par la stabilité de la région. Je pense
en premier lieu à la Hongrie, à la Roumanie, à la Bulgarie et à lAlbanie,
pays qui sont clairement orientés vers Bruxelles et indirectement touchés par
le régime des sanctions prises à lencontre de la République Fédérale de
Yougoslavie. Il me semble naturel dinclure les pays mentionnés dans les
travaux de la conférence envisagée qui, nous semble-t-il, devrait souligner la
perspective européenne des pays de la région ainsi que limportance qui est
attachée à la normalisation de la situation en République Fédérale de Yougoslavie.
Monsieur
le Secrétaire général,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
La
nouvelle orientation politique des autorités croates, que je viens dexposer
dans les grandes lignes, nous a rapprochés de la réalisation de nos deux principaux
objectifs, piliers de notre politique étrangère : lintégration dans
les structures de lAlliance atlantique et ladhésion à lUnion
européenne. Je me réjouis tout particulièrement du fait que cest précisément
lAlliance atlantique, sous le mandat de son Secrétaire général, Lord George
Robertson, qui sest, la première, résolue à répondre aux efforts jusquà
présent fournis par les autorités croates. Voici à peine deux mois, la Croatie
était admise, au sommet de Florence, dans le Partenariat pour la Paix, et débutait
ainsi le laborieux, mais exaltant processus dadaptation aux standards de
lOTAN, organisation dont elle aspire ouvertement à devenir membre. Nous
ne sommes que trop conscients des obligations que nous avons contractées, mais
non moins des possibilités qui soffrent désormais à nous. Dune part,
pour que nous puissions atteindre linteropérabilité avec lOTAN il
nous faut renforcer le contrôle parlementaire sur nos forces armées et opérer
une réforme fondamentale de notre système de défense ; dautre part,
dorénavant souvre à nous la perspective dune contribution croate à
la sécurité régionale, par exemple à travers la participation dunités de
larmée croate dans les opérations de maintien de la paix, menées sous légide
de lAlliance atlantique. A cet égard, je suis convaincu que larmée
croate, après sa victoire dans la guerre défensive quelle a menée, montrera
le même degré de professionnalisme et defficacité dans les missions de paix.
Cependant,
en accédant au programme du Partenariat pour la Paix, la Croatie na pas
uniquement entamé, conformément à son souhait déclaré, son intégration dans les
structures de lOTAN. Ce faisant en raison de la vocation même de
lAlliance, qui selon les mots de son secrétaire général réside dans ce quelle
représente de fondamental pour la sécurité de notre continent , notre pays
a également fait un grand pas vers son adhésion à lUnion européenne. Un
mois avant que la Croatie ne rejoigne le Partenariat pour la Paix, le Conseil
des ministres de lUnion entérinait létude de faisabilité sur la Croatie
et ouvrait ainsi la voie aux négociations entre la Zagreb et Bruxelles sur lAccord
de stabilisation et dassociation, lesquelles devraient selon toute vraisemblance
débuter au plus tard à lautomne.
Ne doutant
guère de lissue favorable de ces pourparlers, je ne cacherai pas mon espoir
de voir notre pays signer très prochainement lAccord de stabilisation et
dassociation selon des prévisions optimistes mais réalistes, cela
pourrait intervenir dès la première moitié de lannée prochaine. Lofficialisation
de nos relations avec lUnion représenterait un encouragement supplémentaire
important aux efforts de modernisation entrepris par les nouvelles autorités croates
et améliorerait du même coup les chances de succès pour le second objectif fondamental
de politique étrangère de la Croatie : son adhésion à lUnion européenne.
De même, les citoyens croates, qui aspirent à un avenir meilleur et à une amélioration
plus rapide de leurs conditions de vie seraient assurés que les considérables
efforts fournis et les sacrifices consentis nauront pas été vains.
Permettez-moi
dattirer votre attention sur la question de la modernisation économique,
bien quelle puisse à première vue sembler triviale. Je pense en effet quil
est essentiel pour lavenir démocratique et européen de la Croatie que sa
transformation économique, récemment mise en uvre, soit couronnée de succès.
Le nouveau gouvernement croate sest dailleurs consacré avec opiniâtreté
à cette tâche ingrate, bien conscient que la mise en place dune économie
moderne et efficace reste en étroite corrélation avec la poursuite dune
mutation démocratique réussie de la société. Car seules les sociétés prospères
sont en mesure aussi bien dassurer leur rôle de fondement du renforcement
de la démocratie et de lÉtat de droit, que celui de rempart face au développement
de lextrémisme politique le plus néfaste. Cest pourquoi jen
appelle aux partenaires étrangers de la Croatie, dont une grande partie dispose
de représentants au sein de ce Conseil, pour quils viennent constater par
eux-mêmes le potentiel naturel, économique et humain dont dispose notre pays.
Je suis convaincu que parmi les divers projets à létude, ceux de la construction
de lautoroute adriatico-ionienne, de la réouverture de limportante
voie fluviale que constitue le Danube, du prolongement de loléoduc croate
vers la Hongrie et la Roumanie jusquà la Mer Caspienne ou encore de la construction
du gazoduc Norvège-Pologne-Europe centrale-Adriatique, constitueront ainsi
non seulement une contribution significative au renforcement de léconomie
croate, mais aussi à la stabilisation et à la redynamisation de toute la région.
Je conclurai
en nourrissant lespoir que nous continuerons de renforcer notre coopération,
et bâtirons ensemble une Europe sûre et prospère, dans laquelle une Croatie elle-même
sûre, prospère et européenne aura sa place.
Je vous
remercie de votre attention.
Traduit
par le service de presse
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