24/02/2003
CONFÉRENCE
"La Croatie
et l'Europe"
A
l'occasion de la venue à Paris du président croate, reçu
à l'Elysée lundi 24 février 2003, au lendemain de la candidature
de la Croatie à l'adhésion à l'Union européenne, M. Stipe
Mesic a donné à l'IFRI une conférence sur le thème
"La Croatie et l'Europe". Il est revenu sur les points qui réclamaient
encore des efforts et dressé un inventaire des domaines où la Croatie
a enregistré des progrès notables ces dernières années.
Le président croate a plaidé en faveur de la poursuite de l'élargissement
à l'est, et a prôné l'instauration d'un véritable partenariat
avec la Croatie, qu'il espère voir renforcer son rôle de pôle
de stabilité dans l'Europe du Sud-Est. Sur la crise irakienne, il a rappelé
que la Croatie, si elle n'excluait pas le recours à la force, ne l'envisageait
qu'en ultime ressort et avec l'aval de l'ONU.
Intervention
de Monsieur Stjepan MESIC
Président de la République de Croatie
Institut
français des relations internationales
Paris,
lundi 21 février 2003
"Monsieur
le Directeur,
Messieurs les diplomates,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec grand plaisir que j'ai accepté l'invitation de cet éminent
institut qui m'offre l'occasion de vous faire part de mes réflexions sur
la Croatie et l'Europe, et plus précisément, de répondre
à la question : Que peut apporter la Croatie à l'Europe réunifiée?
La candidature
de la Croatie à l'UE
Il y a
quelques jours mon pays a posé sa candidature
d'adhésion à l'Union européenne. Nous l'avons fait après
avoir reçu des signes encourageants de l'Union elle-même et de nombreux
pays membres, notamment de la France. Nous nous attendons, par conséquent,
que notre candidature soit reçue favorablement. Je considère qu'elle
le sera d'autant plus que les Quinze auront clairement à l'esprit les avantages
qu'il y a pour l'Union à accorder à la Croatie le statut de candidat
officiel.
Il va
de soi que notre candidature ne saurait être prise en considération
qu'une fois que l'Europe aura été convaincue de notre détermination,
mais surtout de notre aptitude à satisfaire aux critères d'adhésion.
Je vais donc dans un premier temps passer en revue les points qu'il nous reste
encore à satisfaire pour obtenir le statut de candidat, avant d'aborder
les avantages que l'Europe peut tirer de notre
candidature.
Il nous
faut de manière générale encore avancer dans
le domaine de l'application des normes démocratiques européennes,
ce qui suppose aussi, en ce qui nous concerne, de poursuivre notre
pleine coopération avec le Tribunal
pénal de La Haye, d'engager une réforme profonde
du système judiciaire, de garantir le respect des droits
des minorités, de tout mettre en oeuvre pour faciliter
le retour des derniers réfugiés et leur permettre
de recouvrer leur biens, ou encore d'achever la transformation
de la Radiotélévision croate en un véritable
service audiovisuel public.
Certains
de ces points ont par le passé donné lieu à quelques malentendus
entre le gouvernement croate et l'Union européenne. Je suis convaincu que
cela est aujourd'hui oublié. Pour ma part, j'ai toujours considéré
que la Croatie devait honorer, sans réserves, ses engagements internationaux,
notamment envers le TPI, sans aucune exception.
Je considérais, comme je l'ai d'ailleurs déclaré publiquement
à maintes reprises, que la Croatie devait engager un effort afin de d'achever
de dépolitiser son système judiciaire et son armée, qu'elle
devait permettre à tous ses citoyens, quelle que soit la raison de leur
exil, de rentrer chez eux s'ils le souhaitent, et de reprendre possession de leurs
biens sans entraves.
Si j'ai
évoqué des malentendus sur certaines de ces questions, je le répète,
ce n'est plus à l'ordre du jour. Nous avons prêté attention
aux conseils qui nous ont été donnés au cours de la procédure
d'évaluation de notre candidature. Et nous savons parfaitement ce qu'il
nous reste à faire. Nous y sommes déterminés et capables
de le mettre en oeuvre. Nous rencontrerons inévitablement des difficultés,
mais je n'ai aucun doute quant à notre aptitude à les surmonter
et à poursuivre sur la voie qui est la nôtre, la seule sur laquelle
nous puissions nous engager.
Pour être
tout à fait clair, j'ajouterai que tout ce que nous accomplissons et que
nous accomplirons encore pour remplir les
conditions d'adhésion à l'Union européenne, nous le faisons
avant tout pour nous-mêmes, conscients que nous n'avons d'autre horizon
que l'Europe, mais également convaincus que cela suppose de faire nôtres
les valeurs et les critères européens.
La Croatie
et l'élargissement
Après
avoir énuméré ce qui nous reste encore à accomplir,
je tenterai de répondre à la question que pose l'intitulé
de mon intervention, "la Croatie et l'Europe", autrement dit,
qu'elle est notre contribution, quels bénéfices pour l'Europe notre
candidature et notre adhésion apportent-elles ?
Cela peut
paraître un effet de manche, mais ce n'en est pas un. La première
et la plus évidente des contributions que peut apporter la Croatie c'est
un pas supplémentaire vers l'achèvement du projet d'élargissement
de l'Europe.
Du temps
du monde bipolaire, divisé en deux blocs, parler d'Europe réunifiée
ne pouvait se concevoir que dans sa seule partie occidentale et démocratique.
Aujourd'hui ce n'est plus de mise. La chute du mur de Berlin et l'effondrement
du communisme a durablement bouleversé la scène politique du Vieux
continent.
Nous sommes
dorénavant engagés dans la réalisation de la vision d'un
Charles de Gaulle, qui évoquait déjà l'Europe de l'Atlantique
à l'Oural. Cette Europe, réunifiée, ne saurait être
imaginée et a fortiori réalisée tant qu'elle présentera
une vacuité sur son flanc sud-est, dénommé parfois Balkans
occidentaux.
L'Europe
de l'Atlantique à l'Oural n'est concevable que si elle englobe véritablement
tous les États européens.
Une avancée
sensible dans cette voie a été accomplie à
la fin de l'année dernière au Sommet
de Copenhague. Je n'ignore pas que nombre de voix s'élèvent
pour réclamer une pause afin de permettre à l'Union
de "digérer" ce premier élargissement
à l'est. Je dois dire que je ne partage pas cet avis. Au
contraire je suis convaincu que c'est maintenant, après
le "round" de Copenhague, qu'il faut persévérer
et poursuivre. Il faut sans délai oeuvrer pour créer
les conditions préalables aux élargissements futurs
- il y va aussi bien de l'intérêt de l'Union que
de celui de ses membres potentiels, qui pour la plupart sont des
pays en transition.
Combien
de fois n'a-t-on pas entendu que l'Union européenne commence à se
lasser de ses élargissements successifs, que j'appelle pour ma part réunification.
Je suis sûr, et vous me comprendrez, que les pays en transition n'en sont
pas moins las de leur interminable transition. Ces pays, et parmi eux la Croatie,
n'y mettront un terme qu'en rejoignant l'Union, qui par la même occasion
en aura enfin fini de ses élargissements. Il nous faut donc ensemble continuer
à déployer nos efforts, faire preuve d'ardeur et de volonté
politique, afin que cette noble aspiration à établir une Europe
unie devienne enfin réalité. A notre niveau, par notre adhésion
nous proposons à l'Union de faire un nouveau pas dans cette direction.
La Croatie
et l'Europe du Sud-Est
En outre,
nous souhaitons donner une chance l'Europe de Sud-Est, théâtre des
derniers conflits qu'a connus le Vieux continent, afin qu'elle se transforme en
une zone de stabilité, de paix et de sécurité. Point n'est
besoin de rappeler qu'une Europe unie ne peut voir le jour tant que des questions
ouvertes et de profonds différends opposeront ses États membres.
Je n'ignore
pas que nombre de voix s'élèvent pour réclamer une pause
afin de permettre à l'Union de "digérer" ce premier élargissement
à l'est. Je ne partage pas cet avis car je suis convaincu qu'il faut, après
le "round" de Copenhague, persévérer et oeuvrer pour créer
les conditions préalables aux élargissements futurs.
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Par la
politique qu'elle mène dans la région, la République de Croatie
contribue à surmonter une situation à certains égards encore
fragile, celle d'une paix instaurée au lendemain de guerres
brutales et meurtrières. Aussi oeuvrons-nous au rétablissement de
relations normalisées, et d'une coopération motivée par la
recherche de l'intérêt commun.
A ce jour,
la Croatie a conclu plusieurs dizaines d'accords de libre-échange, d'abord
avec ses voisins immédiats, mais aussi avec de nombreux pays de son voisinage
plus large, centre-européen. Elle a également adopté une
politique tout autre à l'égard de la Bosnie-Herzégovine voisine,
renonçant clairement à toute revendication territoriale, sans pour
autant refuser son soutien aux Croates de Bosnie-Herzégovine, soutien par
ailleurs respectueux de l'intégrité cet État.
La Croatie
progresse sur la voie de la normalisation de ses relations avec la Serbie-Monténégro.
La libéralisation du régime transfrontalier des visas entre les
deux États constituera le prochain pas important dans cette voie ce qui
facilitera davantage la coopération économique d'ores et déjà
établie et qui s'accroît. Nous avons par la voie diplomatique abouti
à une solution transitoire du litige frontalier sur la péninsule
de Prevlaka. Avec le départ des casques
bleus, cette question ne constitue plus un problème international, tandis
que l'accord conclu ne préjuge en rien du règlement définitif.
C'est
avec la même détermination que nous entendons régler par la
négociation avec la Slovénie la question du tracé frontalier
maritime dans la baie de Piran, animés du souci de ne léser aucune
des deux parties, qui, j'en suis convaincu, feront preuve de sagesse comme il
sied à des pays aspirant à rejoindre l'Union Européenne.
En encourageant la coopération régionale, un de
ses objectifs diplomatiques prioritaires, la Croatie souhaite
entraîner les autres pays de la région dans son sillage.
A terme, cela devrait aboutir à la mise en place d'un réseau
de relations bilatérales et multilatérales de nature
à reléguer dans les livres d'histoire l'expression
de "poudrière" longtemps associée au sud-est
européen, et notamment aux Balkans. Il ne s'agit donc pas
pour la Croatie de couper les ponts avec eux ; il s'agit au contraire
de les rapprocher de l'Europe, en participant à leur transformation,
en leur apportant "plus d'Europe".
Consolider
la démocratie
Pendant
la première décennie de son indépendance, mon pays était
dans sa forme un État doté d'un système pluraliste. Dans
les faits, il se rapprochait davantage d'un État autocratique.
C'est la raison pour laquelle, nous nous éloignions alors de l'Europe tout
en déclarant nous en rapprocher. Ce n'est qu'avec l'alternance démocratique
survenue début 2000 que nous avons pu nous engager de plain pied sur la
voie de la démocratisation et du rejet de l'autoritarisme.
On peut
à la rigueur se demander si nous avons su profiter de cette occasion pleinement
et suffisamment vite. Il n'y a cependant aucun doute que nous en avons tiré
toutes les leçons, que nous continuons à renforcer notre démocratie
et que nous renouons chaque jour davantage avec les valeurs qui fondent l'Europe.
Je tiens
à cet égard à souligner notre attachement au combat de toutes
formes d'extrémisme politique. Si j'évoque cette question c'est
que les conflits qui ont accompagné l'effondrement de l'ancienne Yougoslavie
ont vu l'émergence d'une certaine complaisance, voire d'un soutien, à
l'égard de diverses formes d'extrémisme politique, auquel nous sommes
encore parfois confrontés. Peut-être hélas le seront nous
encore à l'avenir, à l'instar de ce que connaissent d'autres pays
européens où la démocratie n'est pas moins profondément
enracinée. Quoi qu'il en soit, l'État se doit d'être vigilant
et veillera à sanctionner toute manifestation d'intolérance.
Ainsi
la Croatie souhaite une fois encore favoriser la stabilisation de la région
et aider à l'arrimer solidement à l'Europe, n'ignorant pas que les
récents conflits ont également ravivé l'extrémisme
politique dans d'autres pays des Balkans occidentaux.
Les
minorités, une chance pour l'avenir
Depuis
notre victoire aux élections de l'an 2000, nous nous sommes
attachés à engager une politique respectueuse des
droits de l'homme et des minorités.
Celles-ci jouent en effet un rôle important non seulement
dans notre région, mais sur l'ensemble de notre continent.
Sans entrer dans l'analyse fine que requiert le sujet, l'histoire
nous enseigne que les minorités ont souvent été
perçues comme des ferments d'instabilité, parfois
non sans raison. Aujourd'hui, grâce au projet européen,
les minorités sont appelées à devenir un
élément essentiel dont la vocation est de lier et
d'unir les peuples.
En faisant
siennes les normes démocratiques européennes, et
je dois dire en allant même parfois au-delà avec
sa politique ambitieuse à l'égard des minorités,
la Croatie est une nouvelle fois en mesure de montrer le chemin
à suivre à ses voisins méridionaux. Nous
ne saurions pour autant nous satisfaire de l'adoption d'une législation
tolérante, encore faut-il, et c'est là un point
essentiel, parvenir à la faire appliquer sans faillir.
J'ajouterai
à cet égard qu'il nous incombe la lourde tâche de parvenir
à dissiper le ressentiment et la méfiance qui ternissent encore
les relations avec la minorité serbe. Cette situation est évidemment
la conséquence directe de la guerre, mais également de l'exploitation
qu'en ont fait certains médias. On ne peut que regretter le fait qu'une
certaine intolérance soit encore très largement partagée
de part et d'autre.
C'est
pourquoi nous sommes déterminés à faire évoluer les
choses, à tourner une nouvelle page dans ce domaine. Nous souhaitons vivement
que notre exemple en matière de relations intercommunautaires serve de
déclencheur chez nos voisins méridionaux.
La période
tragique de la guerre au cours de laquelle notre pays a accédé à
son indépendance ne présentait, certes, pas les conditions idéales
pour bâtir un véritable État de droit. Nous en ressentons
d'ailleurs toujours les effets en Croatie comme dans le reste de la région.
Pour notre part, nous nous efforçons de faire en sorte que cela change.
Le défi est d'autant plus grand que ni nous ni les autres pays ex-yougoslaves,
ne connaissions ni à l'époque communiste ni au début de la
guerre en ex-Yougoslavie, les normes démocratiques et juridiques qui sont
celles de l'Union européenne.
Nous sommes
engagés dans l'édification d'un État qui soit à chaque
instant soucieux de tous ses citoyens, sans discrimination de quelque sorte que
ce soit, et nous sommes sur la bonne voie. Nous rencontrons, il est vrai, des
oppositions çà et là, notamment de ceux qui, dans les milieux
politiques ou criminels, ont naguère su tirer profit de la situation, mais
rien ne saurait néanmoins nous détourner de notre objectif.
C'est
aussi là notre contribution à l'européanisation de la région,
car nous ne sommes pas les seuls, loin s'en faut, à avoir souffert par
le passé des défaillances de l'État de droit.
Rénover
l'espace médiatique
Enfin,
nous oeuvrons à la rénovation de l'espace médiatique. Après
l'effondrement du régime communiste, l'aspiration légitime à
la liberté de la presse à donné lieu à tous les excès.
La disparition de tous les interdits qui caractérisaient ce régime,
y compris censure et autocensure, a hélas parfois conduit à l'émergence
d'un sensationnalisme débridé et surtout très lucratif, ne
laissant pas au journalisme d'investigation la place qui lui revient. Le vide
ainsi crée par la disparition du parti communiste, jusque-là omniprésent,
a inévitablement laissé le champ libre aux nouvelles forces politiques,
lesquelles sont, avec un certain succès, parvenues à prendre le
contrôle d'organes de presse ou de médias audiovisuels respectables.
Ce fut notamment le cas de la radiotélévision publique jusqu'en
l'an 2000.
Aujourd'hui
la Croatie doit encore relever le défi délicat mais non moins nécessaire
qui consiste à achever de transformer la Radiotélévision
croate en véritable service public. Nous sommes convaincus que la loi récemment
adoptée par le Parlement, si elle est perfectible, constitue néanmoins
un grand pas dans cette direction. Elle nous permet en effet d'appliquer les normes
européennes en la matière. Incidemment, elle peut encourager d'autres,
qui sont en butte aux mêmes difficultés, à nous emboîter
le pas dans ce domaine. Cela vaut également pour les associations de journalistes
qui ont déployé beaucoup d'efforts pour redorer le blason de la
profession, en réaffirmant haut et fort les règles de l'éthique
professionnelle.
Irak
: sauvegarder l'ONU et privilégier les inspections
Je
suis certain que vos attentes ne seraient pas tout à fait satisfaites si
je n'évoquais pas la position de la Croatie
quant à la crise irakienne, notamment dans le contexte des relations
actuelles entre l'Europe et les États-Unis, ainsi qu'au sein même
de l'Union européenne. Je tiens ici à rappeler que rien ne saurait
remettre en question notre ferme détermination à combattre le terrorisme
international, ceux qui le soutiennent ou qui le financent. Rien davantage ne
saurait remettre en cause notre position, à savoir que ni la production
incontrôlée ni la possession d'armes de destruction massive ne peuvent
être tolérées. Comme je l'ai dit à maintes reprises,
je le répète aujourd'hui : si ce contrôle ne pouvait être
assuré, ces armes ainsi que leurs sites de production doivent être
détruits.
Pour ma
part, je n'exclus nullement l'option de guerre, celle-ci étant quelquefois
l'unique solution, et mieux vaut recourir à la force plus tôt que
plus tard. Je rappellerai simplement que la politique d'apaisement envers Hitler
ne l'a pas plus empêché de déclencher la Seconde guerre mondiale
que les atermoiements de la communauté internationale n'ont empêché
la guerre et ses horreurs de se produire lors de l'éclatement de l'ancienne
Yougoslavie.
Ceci étant
dit, je le rappelle : la guerre n'est que l'ultime option, celle du non-retour.
Dans le monde dans lequel nous vivons, elle n'est concevable ou acceptable que
si elle est l'expression de la volonté d'un groupe de pays et dont l'action
est menée dans le cadre d'un mandat des Nations unies. Si le régime
irakien coopère et si le danger qu'il pourrait représenter non seulement
pour ses voisins mais aussi pour le monde entier est écarté, nous
avons toutes les raisons de ne pas nous précipiter dans une guerre.
La guerre
n'est que l'ultime option, celle du non-retour. Elle n'est concevable que si elle
est menée dans le cadre d'un mandat des Nations unies. Si le régime
irakien coopère et si le danger est écarté, nous avons toutes
les raisons de ne pas nous précipiter dans une guerre.
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Il convient
donc de procéder à une analyse sérieuse et approfondie, avant
d'en tirer toutes les conclusions. En tout état de cause, l'Irak ne doit
pas constituer la pomme de discorde entre les États-Unis et l'Europe, et
pas plus susciter de clivages entre les gouvernements des Quinze ou parmi les
pays membres l'Otan. Chacun doit en être conscient - aussi bien dans ce
que certains ont qualifié de "Vieille Europe", que dans la nouvelle
; de ce coté de l'Atlantique comme de l'autre.
L'Irak
ne doit pas non plus remettre en question la raison d'être des Nations unies,
quoi que pensent certains de l'opinion qui y prévaut en ce moment. C'est
ainsi que je résumerai notre attitude et notre détermination à
ce moment-là de la crise irakienne.
Pour
un véritable partenariat à l'UE
Le moment
est venu de récapituler dans les grandes lignes ce que je vous ai exposé
jusqu'ici: ce que la Croatie est en mesure d'apporter à l'Europe.
Tout d'abord
notre adhésion à l'Union européenne sera un nouveau pas vers
la réalisation du projet de réunification de l'Europe.
Notre
politique de coopération régionale contribue à la stabilisation
d'une région marquée encore par les récents conflits et participe
à la transformer en une zone qui soit demain en mesure de rejoindre l'Europe.
Le climat
cordial des relations que nous entretenons avec nos voisins nous permet, d'une
part, de les aider à surmonter les séquelles de la guerre sur tous
les plans, notamment politique et économique, et, d'autre part, de les
aider à avancer vers leur objectif européen, tout en nous efforçant
de convaincre l'Europe de s'ouvrir elle-même à cette région.
Par notre
politique cohérente visant à consolider la démocratie et
l'État de droit, nous souhaitons favoriser le développement d'un
climat régional susceptible d'y enraciner la démocratie et la justice
comme des valeurs durables et sans alternative.
Par la
politique qui est la nôtre en matière de droits de
l'homme et des minorités,
nous voulons encourager d'autres à porter un regard différent
sur les minorités dans cette partie de l'Europe, notamment
en leur accordant la place qui est habituellement la leur dans
l'Union européenne, et celle qu'elles doivent avoir si
l'Europe a l'ambition d'être davantage qu'une simple expérience
sans lendemain.
Par les
positions que nous défendons dans la crise irakienne, nous souhaitons à
la fois affirmer nos ambitions euro-atlantiques et préserver notre attachement
profond à nos racines européennes et aux intérêts fondamentaux
de l'Union européenne. Nous aspirons à entretenir de bonnes relations
avec les États-Unis du fait de leur position et de leur rôle particuliers,
sans pour autant vouloir remettre en question les principes sur lesquels repose
le monde moderne. Nous souhaitons à notre niveau contribuer à réaffirmer
les valeurs qui fondent l'Union européenne sans davantage remettre en cause
notre détermination à lutter contre le terrorisme international,
mais en combattant aussi ses causes profondes.
J'arrêterai
là mon énumération. Je crois avoir été suffisamment
clair. La Croatie ne conçoit pas sa relation avec l'Union européenne
uniquement en position de demandeur. Nous avons aussi conscience de ce que nous
pouvons apporter, en aidant d'abord au rapprochement de la région avec
l'Union européenne, puis à son adhésion. Vous l'aurez remarqué,
j'ai à plusieurs reprises déclaré que nous sommes en mesure
d'apporter notre contribution, et non pas que nous l'apportons ou que nous l'apporterons.
C'est à dessein, car il était question de notre potentiel, de nos
possibilités. Allons-nous les développer ? Cela dépend en
partie de nous-mêmes, mais aussi de l'Europe.
Pour notre
part, il nous faut poursuivre sur cette voie en continuant de mettre en uvre
la politique qui est la nôtre, afin de pouvoir un jour apprécier
les avantages que nous apportera la qualité de membre de l'Union européenne.
De son côté, l'Europe doit prendre conscience de ce que nous sommes
en mesure de lui apporter, à notre niveau, et manifester sa volonté
d'en tirer parti.
En d'autres
termes, je vois le cheminement de la Croatie vers l'Union européenne comme
un processus dans lequel chacun donne et reçoit en retour. J'ai la certitude
que c'est précisément cette réciprocité qui constitue
la base la plus solide pour notre intégration à l'Union européenne.
Je vous
remercie./."
(Traduit
par le service de presse de l'ambassade)
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