10/12/2002
DIPLOMATIE
Zagreb et Belgrade
s'accordent sur le statut de la presqu'île de Prevlaka
La mission d'observation de l'ONU s'achève le 15 décembre
2002, après dix ans de surveillance.
Le
protocole intérimaire signé le 10 décembre par les ministres
des affaires étrangères des deux pays, définissant le statut
démilitarisé de ce territoire situé à l'extrémité
méridionale de la Croatie, met un terme à dix années de statu
quo. Il permet le retrait des observateurs de l'ONU dont le mandat expire
le 15 décembre 2002. Ce succès diplomatique, qui contribue à
la stabilité de la région, a aussitôt été salué
par l'ONU, l'UE, la France et les États-Unis.
Après
neuf mois de négociations, un protocole intérimaire a été
conclu entre la Croatie et la République fédérale de Yougoslavie
(Serbie et Monténégro) sur le statut de la presqu'île de Prevlaka
et des eaux territoriales avoisinantes. L'accord instaure notamment une Zone d'exclusion
maritime à l'intérieur des Bouches de Kotor ainsi qu'une Zone frontalière
démilitarisée et prévoit le retour de la presqu'île
de Prevlaka sous souveraineté croate dès le 15 décembre,
quand s'achève
le mandat de la MONUP, Mission d'observation des Nations unies
à Prevlaka, qui était chargée de surveiller la zone frontalière
(Zone bleue). Pour la Croatie, le document autorise enfin le libre accès
à ce dernier fragment de territoire soustrait à sa juridiction depuis
l'indépendance, en 1991.
Symboliquement,
le protocole a été signé à Konfin, au poste-frontière
croato-monténégrin, le 10 décembre 2002, par les chefs de
la diplomatie croate et yougoslave, MM. Tonino Picula
et Goran Svilanovic, maîtres-d'oeuvre du compromis historique. "Il
s'agit d'un grand pas en avant vers le règlement de tous les différends
avec nos voisins" a déclaré le Premier ministre croate, M.
Ivica Racan, lors d'une conférence de presse donnée au Palais
du Ban, siège du gouvernement à Zagreb. Il a ajouté que cet
accord apportait une contribution importante à la stabilisation régionale
et à la normalisation des relations entre les deux pays.
Pierre
d'achoppement
Sur le
même ton, le Haut
représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union
européenne, M.
Javier Solana, a pour sa part estimé que l'accord conclu montrait qu'une
"avancée significative" avait été réalisée
dans cette voie, considérant qu'il s'agissait-là d'un préalable
à tout rapprochement avec l'UE. Il s'est félicité que l'accord
fût le fruit d'une négociation bilatérale croato-yougoslave.
Le Secrétaire
général de l'ONU,
M. Kofi Annan, a également salué le "pas en avant" accompli
qui contribue, a-t-il ajouté, à l'établissement de relations
de bon voisinage. Dans un communiqué du Quai
d'Orsay, la France a quant à elle insisté sur « l'actualité
du message délivré lors du sommet de Zagreb en novembre 2000 : 'démocratie,
réconciliation et coopération régionale d'une part, rapprochement de chacun de
ces pays avec l'Union européenne d'autre part, forment un tout.' »
Enfin, le porte-parole du Département
d'État américain, M. Philip Reeker, a estimé que
l'accord était le reflet de "nouvelles et bonnes relations" qu'entretiennent
désormais les deux États.
LE COMMUNIQUÉ DU QUAI D'ORSAY |
PARIS,
le 11 décembre 2002 - La France se félicite du protocole intérimaire
sur la péninsule de Prevlaka auquel sont parvenues hier les autorités
croates et yougoslaves. Ce protocole est un succès pour les diplomaties
croate et yougoslave. A la veille de la discussion au Conseil de sécurité
sur le départ de la mission des Nations unies à Prevlaka, il illustre
la normalisation des relations entre ces deux pays et témoigne de l'actualité
du message délivré lors du sommet de
Zagreb en novembre 2000: 'démocratie, réconciliation et coopération
régionale d'une part, rapprochement de chacun de ces pays avec l'Union
européenne d'autre part, forment un tout.' La France tient à saluer
également le rôle important joué par la mission des Nations
Unies à Prevlaka qui a contribué à établir un climat
favorable aux négociations.
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Ceci fut
loin d'être le cas par le passé. La presqu'île de Prevlaka,
a en effet longtemps constitué une pierre d'achoppement entre les deux
pays. Situé à la frontière croato-monténégrine,
à l'extrême-sud du territoire croate et protégeant l'accès
aux Bouches de Kotor, ce territoire côtier a été occupé
en 1991 par l'armée yougoslave, dès le début de la guerre.
Le 30 septembre 1992, une déclaration conjointe à Genève
des présidents croate et yougoslave, MM. Tudjman et Cosic, ouvrit
la voie à la démilitarisation de la zone, qui fut confiée
à la FORPRONU (Force de protection des Nations unies en ex-Yougoslavie)
en vertu de la résolution 779 du Conseil de sécurité de l'ONU
(6 octobre 1992). En 1995, l'ONURC (Opération des Nations unies pour
la restauration de la confiance en Croatie) prit officiellement le relais
de la FORPRONU, alors dissoute (résolution 981 du 31 mars 1995). Depuis
le 1er février 1996, cette mission est confiée à la MONUP
(Mission d'observation des Nations unies à Prevlaka) par mandats
de six mois renouvelables (résolution 1038). Le dernier en date, reconduit
le 11 octobre 2002 (résolution 1437), a été écourté
et prendra solennellement fin le 15 décembre 2002.
Le protocole intérimaire
comprend plusieurs volets :
Zone
d'exclusion maritime
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Le
15 décembre 2002, après
dix ans d'observation, la MONUP quitte la presqu'île de Prevlaka, rendue
à la juridiction croate | photo Vecernji List |
Le protocole
instaure, à l'intérieur des Bouches de Kotor, une Zone d'exclusion
maritime interdite aux forces de police ou de sécurité, et placée
sous contrôle d'une patrouille navale mixte composée de quatre policiers
(2 fonctionnaires croates et 2 yougoslaves). Cette zone est limitée
à l'ouest par la presqu'île de Prevlaka et à l'est par une
ligne reliant le Cap Konfin à un point (noté P sur la carte) situé
à 3 encablures (555 m) du Cap Ostro, sur
la ligne virtuelle Cap Ostro-Cap Veslo (voir carte). La baignade
et la plaisance y sont autorisées (voir restrictions au chapitre "Périmètre
de libre-navigation et de plaisance"), tandis que la pêche sportive
y est permise pour les riverains, munis d'autorisations spéciales délivrées
par les autorités des deux parties ;
Zone
démilitarisée
Il est établi une Zone démilitarisée de part et d'autre de
la frontière : celle-ci s'étend jusqu'à 5 km à
l'intérieur du territoire croate, et 3 km côté yougoslave.
Les bâtiments militaires de la marine yougoslave sont autorisés à
transiter par l'entrée des Bouches de Kotor selon un régime spécial
(pas de manifestations ostentatoires de la force armée, navigation en surface
des submersibles) ;
Presqu'île
de Prevlaka
Le protocole prévoit, à partir du 15 décembre 2002, le retour
sous la juridiction de Zagreb de la zone croate de la presqu'île de Prevlaka,
jusque-là placée sous contrôle de la MONUP ;
Frontière
terrestre
L'accord confirme le tracé frontalier terrestre entre les deux pays, confirmant
par la même occasion les frontières de la Croatie, dont le statut
international a été reconnu et validé en 1991 par la Commission
d'arbitrage présidée par Robert Badinter ;
Ligne
de démarcation maritime
Il est fixé une ligne de démarcation maritime intérimaire
entre les eaux territoriales croates et monténégrines (yougoslaves) :
celle-ci a pour origine un point (noté P, voir ci-dessus "Zone d'exclusion")
et se prolonge en ligne droite, selon un azimut de 206°, en direction des
eaux internationales, situées à 12 milles nautiques de la ligne
côtière ;
Périmètre
de libre navigation et de plaisance
Enfin, le protocole instaure un régime de libre navigation et de plaisance
dans un périmètre situé à environ deux milles nautiques
part et d'autre de la ligne de démarcation maritime (entre le Cap Ziganat,
côté croate, et le Cap Veslo, côté monténégrin),
et ce entre la limite des eaux territoriales et la ligne reliant, à l'intérieur
des Bouches de Kotor, le Cap Konfin et le Cap Djurov Kam. Afin de faciliter la
circulation des touristes, les parties ont convenu d'appliquer, du 1er avril au
31 octobre, un régime préférentiel assouplissant les contrôles
douaniers et policiers dans le périmètre côtier.

Notes
- L'encablure représente un dixième du mille
nautique, soit une distance de 185,2 m.
- Sur le mandat
de la MONUP, voir les résolutions
du Conseil
de sécurité de l'ONU n° 1038, 1066, 1093, 1119, 1147,
1183, 1222, 1252, 1285, 1307, 1335, 1362, 1387, 1424 et 1437, ainsi que 981, 1088
et 1357.
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