REVUE
DE PRESSE
Le Figaro, 16/10/2002
Un
entretien avec le ministre croate des Affaires étrangères
Tonino Picula : «Nous
visons l'adhésion au 1er janvier 2007»
Le ministre croate des Affaires étrangères
Tonino Picula, qui était en visite à
Paris hier, a expliqué au Figaro les ambitions de son pays de rejoindre
l'Union européenne à l'horizon 2007.
Propos recueillis par
Luc de Barochez
LE FIGARO.
Des réticences vis-à-vis de l'élargissement de
l'Union européenne vers l'Est se font jour en France. Comment la Croatie,
qui prépare sa candidature à l'adhésion,
peut-elle apaiser ces appréhensions?
Tonino
PICULA. Nous partageons ces craintes. Si nous voulons mener le processus
d'adhésion à son terme, nous savons que nous devons consolider des
institutions stables et démocratiques
dans notre pays, ce qui sous-entend une lutte contre la corruption et le crime
organisé. Mon gouvernement mène ce
travail. Mais ce qui nous fait peur, c'est que la première vague d'élargissement
en 2004 crée une certaine lassitude, et que nous, au moment où nous
aurons mené à leur terme nos réformes, nous nous trouvions
victimes de cette fatigue et que la deuxième vague de l'élargissement
soit remise à plus tard.
A quelle date pensez-vous être prêts à adhérer à
l'UE et à l'Otan ?
Pour l'adhésion à l'Union européenne, nous visons le
1er janvier 2007. Auparavant, la Croatie aura dû remplir ses engagements.
Si nous y réussissons, nous serons prêts fin 2006 pour l'adhésion.
Mais l'UE sera-t-elle prête ? Quant à l'Otan, il est vraisemblable
que notre adhésion aura eu lieu auparavant.
Le refus
de la Croatie de livrer au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
(TPIY) le général croate Janko Bobetko, inculpé de crimes
de guerre, implique-t-il une remise en cause de la coopération entre Zagreb
et la cour de La Haye ?
Non, il n'y a pas de réticences de notre côté. Dans le cas
Babetko, nous avons fait appel car nous avons des arguments juridiques. Le cas
doit être résolu dans les huit jours. Nous avons ouvert nos archives
et fourni pratiquement 10 000 pages de documentation au TPIY. Nous avons à
Zagreb un bureau qui ne s'occupe que de faciliter la coopération. Certes,
celle-ci n'est pas idyllique. Les tensions sont normales car les cicatrices
de la guerre sont réelles chez
nous. Mais il ne fait aucun doute que le gouvernement croate entend coopérer
avec le TPIY. Les différends, qui sont résolus au cas par cas, ne
remettent nullement en question la coopération.
La poussée
des nationalistes aux dernières élections en Bosnie vous inquiète-t-elle
?
Les résultats reflètent la situation réelle en Bosnie-Herzégovine,
que cela nous plaise ou non. L'électeur moyen a toutes les raisons d'être
frustré et inquiet. Il ne faut pas se cacher que le système démocratique
n'a pas encore été consolidé dans notre région. Cela
suscite des préoccupations. Mais lorsque nous aurons rétabli nos
économies, nous engrangerons aussi des résultats politiques.
Les
entreprises françaises rechignent à investir
en Croatie. Comment pouvez-vous les convaincre ?
Au niveau politique, la France et la
Croatie ont surmonté un certain nombre de préjugés qui, dans
le passé, les poussaient à choisir d'autres partenaires privilégiés.
Les relations bilatérales progressent.
Mais les 500 millions de dollars d'échanges
commerciaux annuels sont loin d'en refléter l'importance. Cela ne représente
qu'un quart de notre commerce avec l'Italie
ou l'Allemagne. Nous aimerions que les Français soient plus présents
chez nous, les touristes comme les hommes
d'affaires.
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