29-31/10/2001
LE
PRÉSIDENT CROATE AU PROCHE-ORIENT
Visite historique
en Israël
Stjepan Mesic, premier président
croate à s'être rendu dans l'Etat hébreu,
a
rencontré le président Moshe Katsav, le premier
ministre, Ariel Sharon et le chef de la diplomatie, Shimon Pérès.
Lors de sa visite, il s'est également recueilli solennellement
au mémorial de Yad Vashem. Dans un discours à la
Knesset, il a regretté et condamné les crimes oustachis
perpétrés à l'encontre des juifs croates
pendant la seconde guerre mondiale. Il y a également rappelé
à cette occasion le droit des Palestiniens à avoir
leur propre État.
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Le
président croate, M. Stjepan Mesic accueilli par
son homologue israélien, M. Moshe Katsav. (Jérusalem,
30/10/2001). |
La
visite d'État du président croate en Israël,
qui s'est déroulée du 29 au 31 octobre 2001, est
une étape majeure sur le plan bilatéral israélo-croate
depuis l'établissement, en 1997, des relations diplomatiques
entre les deux pays. Elle marque sans aucun doute un réchauffement
sensible de leurs relations et donne une impulsion propice au
renforcement des échanges économiques. Ce séjour
fut aussi pour la Croatie l'occasion d'affirmer avec force son
orientation démocratique, celle d'un pays qui pour être
tourné vers l'avenir n'en est pas moins résolu à
assumer les pages les plus sombres de son passé.
Après une première journée consacrée
à un programme principalement historique et culturel (visite
d'un kibboutz sur les rives de la Mer morte, cérémonie
à la mémoire de Itzhak Rabin, ascension de la forteresse
historique de Massada),
ce n'est qu'au deuxième jour de son séjour que le
chef de l'Etat croate, accompagné de son épouse
Milka, a entamé le volet proprement politique de sa visite,
inauguré par la rencontre avec son homologue israélien,
M. Moshe Katsav.
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Le
président croate, M. Stjepan Mesic et son homologue
israélien, M. Moshe Katsav. (Jérusalem,
30/10/2001). |
A
l'issue de l'entretien, le président croate, répondant
à une question de la presse sur les crimes
oustachis, a déclaré qu'il saisissait "chaque
occasion qui se présentait pour demander pardon à
tous ceux à qui des Croates ont causé du tort, notamment
aux juifs", en rappelant que durant la Seconde Guerre
mondiale, le régime collaborationniste installé
au pouvoir en Croatie avait participé au crime de l'Holocauste.
"La Croatie actuelle et la Croatie
antifasciste née pendant la guerre le condamnent",
a-t-il ajouté. Le président de la République,
dont la délégation comptait également des
membres de la communauté juive de Zagreb, s'est aussi dit
"particulièrement fier" d'être le
premier président croate à se rendre en Israël.
Le président Katsav a pour sa part salué la détermination
du président Mesic et celle
du gouvernement croate à assumer les heures les plus noires
de l'histoire de la Croatie, et s'est par ailleurs prononcé
en faveur d'un approfondissement des relations politiques et économiques
entre les deux pays.
Nouvelles
relations
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Conférence
de presse conjointe du président croate et du ministre
des affaires étrangères israélien (30/10/2001). |
Le
président Mesic s'est également entretenu avec le
chef de la diplomatie et vice-premier ministre israélien,
M. Shimon Pérès, qui s'est également félicité
des déclarations du chef de l'État croate. S'exprimant
lors d'une conférence de presse conjointe donnée
à l'issue de leur rencontre, le ministre israélien
des affaires étrangères a souligné qu'il
s'agissait-là "d'une nouvelle
Croatie et de nouvelles relations". Ajoutant que
"les deux États doivent en finir une fois pour
toutes avec leur passé et construire ensemble un nouvel
avenir", il a salué le retour de la Croatie "à
la démocratie et à l'Europe". M. Pérès
a précisé que la question de l'ouverture d'une ambassade
d'Israël à Zagreb allait être désormais
sérieusement considérée, d'autant plus qu'un
accord de coopération culturelle, scientifique et technique
bilatéral a été signé à cette
occasion par le chef de la diplomatie israélienne et Mme
Cvjetkovic-Kurelec, vice-ministre croate des affaires étrangères.
De
son côté, le président croate a rappelé
que "la Croatie a difficilement survécu à
deux régimes totalitaires, l'un fasciste, l'autre communiste"
et qu'au moment même où elle s'apprêtait à
rejoindre le concert des nations démocratiques, elle fut
la cible d'une agression armée, suivie d'une tentative
de redéfinition de sa propre histoire. "La guerre,
a-t-il souligné, nous a été imposée
de l'extérieur et nous l'avons gagnée ; la redéfinition
de l'histoire, quant à elle, nous ne l'avons pas accepté,
c'est pourquoi nous sommes revenus à la démocratie".
Répondant à la question d'un journaliste de savoir
si la Croatie devait ou non, selon lui, demander pardon aux juifs
pour les crimes perpétrés au cours de l'Holocauste,
le président croate a rappelé que durant la seconde
guerre mondiale, la Croatie fut certes divisée, la
majorité des Croates s'étant rangés du
côté de la coalition antifasciste. Mais en même
temps un "État indépendant de Croatie"
avait malgré tout été crée sous l'égide
de l'Axe, et son régime s'est rendu coupable de nombreux
crimes, notamment à l'encontre des non-croates (principalement
Serbes et Tziganes) et des Croates antifascistes ou juifs.
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Allocution de
M. Ariel Sharon à la Knesset, en présence
du président croate. (31/10/2001). |
Dans
la suite de son programme, le président croate a donné
une conférence à l'université hébraïque
de Jérusalem où il a évoqué la conjoncture
politique internationale. S'exprimant sur le thème de la
"redéfinition des relations internationales dans
le contexte de la menace terroriste mondiale", il a opposé
la nécessité d'une "réponse globale
à toute menace globale"
en rejetant toutefois la thèse, infondée selon lui,
du "choc des civilisations", lui préférant
celle du "choc des civilisations contre la barbarie".
Il s'est également entretenu avec M. Ehoud Olmert, maire
de Jérusalem, ainsi qu'avec M. Ephraïm Zuroff, directeur
du centre Simon Wiesenthal, qui a salué les déclarations
du président croate à propos des crimes
oustachis.
Responsabilité
et pardon
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Le président
croate coiffe une kippa
en entrant au mémorial de Yad Vashem (31/10/2001). |
Au
dernier jour de sa visite en Israël, le chef de l'Etat croate
s'est rendu au mémorial
de Yad Vashem où il a solennellement rendu un hommage
aux victimes de l'Holocauste : "La Croatie d'aujourd'hui
et son président ont pleinement conscience de la tragédie
sans précédent endurée par le peuple juif
au cours de la Seconde Guerre mondiale. Nous n'ignorons pas que
les juifs tués sur le territoire contrôlé
par le régime collaborationniste oustachi figurent au nombre
des victimes de l'Holocauste ; C'est un fait que nous regrettons
et ne taisons pas." a notamment déclaré
le président Mesic. Il a tenu à préciser
que sa visite au mémorial n'avait rien de "protocolaire",
mais traduisait avant tout sa volonté sincère de
rendre hommage au millions de victimes de la Shoah, notamment
à celles frappées par une main croate, devant lesquelles
il s'inclinait "en tant que président de la République
de Croatie et, partant, en son nom".
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M. Stjepan Mesic
et son épouse se
recueillent à Yad Vashem, accompagnés par le
directeur du centre mémorial, M. Avner Shalem. (31/10/2001). |
"Je
le redis ici, a-t-il ajouté, non pas parce qu'on
s'attendrait que je le dise, mais parce que je le pense et le
crois sincèrement - je demande pardon à tous ceux
à qui des Croates ont causé du tort. Ici et aujourd'hui,
cela s'adresse en particulier aux juifs croates tués au
cours de la Seconde Guerre mondiale". Le président
de la République a souligné que le peuple croate
ne saurait pour autant être tenu pour responsable de ces
crimes, "car aucun peuple n'est collectivement responsable",
précisant que les criminels coupables de ces forfaits doivent
en répondre personnellement.
LES
VICTIMES JUIVES DES OUSTACHIS |
D'après
les travaux du démographe croate, Vladimir Zerjavic,
qui a consacré de nombreux ouvrages à l'étude
du nombre des victimes de la Seconde
Guerre mondiale en ex-Yougoslavie et fait autorité
en la matière, en tout 57 000 juifs originaires
de l'ensemble de la Yougoslavie ont péri au cours de
la guerre, entre 1941 et 1945. Il estime à 26 000
le nombre de juifs tués ou déportés sur
l'ensemble du territoire contrôlé par les oustachis,
soit 16 000 en Croatie et 10 000 en Bosnie-Herzégovine. |
Après
la visite à Yad Vashem, le président croate a eu
l'occasion de s'exprimer à la Knesset,
le parlement israélien, où il a réitéré
ses regrets et sa condamnation des crimes oustachis, rappelant
que la Croatie actuelle est, par sa Constitution même, l'héritière
de la Croatie antifasciste, née
dans le maquis comme l'expression de la majorité des Croates,
qui a largement mérité sa place aux côtés
des Alliés, vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale."Au
nom de la République de Croatie, je tends une main amicale
et ouverte à la coopération" a lancé
le président croate, exprimant ainsi sa conviction que
cette collaboration se montrera profitable à Israël
autant qu'à la Croatie.
État
palestinien
RENCONTRE
MESIC-ARAFAT À NEW YORK |
Le
président croate, qui lors de son séjour en
Israël n'a pas rencontré le président de
l'autorité palestinienne, s'est entretenu avec Yasser
Arafat dix jours plus tard, le 11 novembre, à New York
à l'occasion de la 56e session l'Assemblée générale
des Nations unies. M. Mesic a rapelé que sa visite
en Israël et à l'Autorité
palestinienne avait été prévue il
y a un an, à l'occasion de la dernière session
de l'Assemblée générale. Il a ajouté
que cette visite a finalement eu lieu dans des conditions
quelque peu modifiées "avec un nouveau gouvernement
en place en Israël et à un moment où M.
Arafat ne se trouvait pas sur place". Le président
croate a transmis au dirigeant palestinien la position croate
quant à la double nécessité de parvenir
à une solution politique durable et pacifique, dans
le respect des aspirations du peuple palestinien, d'une part,
et, d'autre part, de tenir compte du besoin légitime
d'Israël de vivre dans un environnement pacifique et
des garanties que cela suppose. Le président de l'Autorité
palestinienne a estimé qu'une solution politique était
à ses yeux "envisageable", mais, selon lui,
à la condition d'une implication plus grande des Etats-Unis.
Allocution
du président Mesic devant l'Assemblée générale
de l'ONU (New
York, 11/11/2001, en anglais) |
Abordant la question des relations israélo-palestinienne,
le président Mesic a plaidé en faveur de la création
d'un État palestinien aux côtés de l'État
hébreu. "L'État d'Israël et ses citoyens,
a-t-il déclaré, ont le droit à une existence
pacifique et à une vie en sécurité. De même,
les Palestiniens ont ce même droit de vivre en paix et en
sécurité, et, à l'instar des autres peuples,
ils ont aussi le droit de vivre dans leur propre État".
L'horizon du Proche-Orient, comme d'ailleurs celui du monde entier,
doit être, selon le président croate, "l'instauration
d'une paix durable et juste".
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Discussions
entre M. Ariel Sharon, premier ministre israélien,
M. Moshe Katsav, président israélien et M. Stjepan
Mesic, président
croate, |
Le
chef du gouvernement
israélien, M. Ariel Sharon, a pour sa part souligné
devant la Knesset que l'existence de l'État d'Israël
constituait la meilleure assurance contre le retour de persécutions
antijuives, comme celles "infligées par le régime
oustachi". Il s'est toutefois dit convaincu que, le moment
venu, l'entrée de la Croatie dans l'Union européenne
concourra à la stabilité et à la paix en
Europe. Aussi les discussions entre M. Sharon et M. Mesic ont-elles
principalement porté sur le renforcement des échanges,
notamment économiques, entre les deux pays. Ceux-ci se
concentrent actuellement sur les secteurs de la défense,
du commerce et du tourisme et sont, selon le président
croate, "loin du possible et de l'optimal". Le
volume d'échanges total ne représentant aujourd'hui
que 12 millions de dollars par an, la Croatie ne cache pas qu'elle
souhaiterait voir ce montant progresser rapidement et de manière
sensible, afin qu'il traduise plus justement le véritable
potentiel que recèlent selon le président croate
les relations commerciales israélo-croates.
Le
service de presse.
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