| REVUE 
DE PRESSE Le Monde, 01/11/2002
 PROCÈS MILOSEVIC
 Comment les Serbes de Croatie étaient dirigés depuis Belgrade
  La 
Haye correspondance De Tito 
à Milosevic, Slobodan Lazarevic, qui témoignait mercredi 30 octobre 
à La Haye, devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, 
a servi comme agent des services secrets militaires de la Serbie. En 1995, 
il servait comme officier de liaison dans l'armée serbe de Krajina, en 
Croatie. De retour en Serbie après la débâcle infligée 
à cette armée par les forces croates, il est arrêté 
par la police serbe et livré au "camp de concentration" de Dalj 
pour 100 deutschemarks, le prix fixé "par tête de Serbe" 
apportée à la milice d'Arkan. Ici, après leur reddition en 
Croatie, "des milliers de Serbes de la Krajina" viendront transporter 
"des rocs", sous prétexte de réentraînement, dans 
ce camp gardé par des hommes en armes et cerné de barbelés. 
Après cet épisode, Lazarevic quitte les services secrets pour lesquels 
il uvrait depuis 1968 et devient, pour le procureur du TPIY, un témoin 
d'exception. A la barre, il raconte comment les Serbes de Croatie étaient 
dirigés depuis Belgrade.  C'est depuis 
Belgrade que l'armée serbe de la Krajina est alimentée en armes, 
munitions, matériel logistique, explique-t-il. C'est à Belgrade 
que se rendent les délégations chargées de représenter 
les Serbes de Krajina lors de quatre négociations secrètes menées 
sous l'égide de la communauté internationale. C'est de Belgrade 
que viennent les instructions. "Vous 
étiez l'auteur de la politique menée en Krajina", lance le 
témoin à Slobodan Milosevic. L'accusé 
s'étonne que les responsables politiques et militaires aient pu prendre 
ordre de lui. "Indirectement, oui, réplique Lazarevic, on disait Belgrade. 
Et Belgrade était synonyme de vous monsieur Milosevic." Dans le box, 
l'ex-président de Serbie réprime un sourire. "Ah ! C'est un 
synonyme bien important", lance-t-il ironiquement. Le témoin évoque 
celui qu'on appelait "le chef, le boss", lors des négociations 
menées avec les Croates. Sourire à nouveau ravi de l'accusé. 
Les instructions de Belgrade dans les négociations étaient élémentaires 
: "L'idée générale était de ne pas être 
d'accord, c'était très simple à suivre". Pour Lazarevic, 
la guerre en Croatie permettait de faire oublier à l'opinion publique les 
problèmes yougoslaves. A chaque étape des négociations, les 
unités anti terroristes de l'armée de la Krajina montent toutes 
sortes d'incidents "pour arrêter les discussions avec les Croates" 
et re-mobiliser les forces serbes. Mais le plan Vance vient troubler les aspirations 
sécessionnistes des Serbes de Croatie: la démilitarisation est au 
centre de ce plan. Les militaires engagés en Krajina au service de la Serbie 
échangent leurs uniformes "vert olive contre le bleu des forces de 
police" et continuent d'occuper la place.  Slobodan 
Lazarevic a alors pour mission d'infiltrer les forces des Nations unies qui ont 
été déployées en Croatie. "Je me rapprochais 
d'eux pour devenir ami, leur rendais des services, recherchais leurs points faibles" 
pour pouvoir "exercer un chantage sur eux." Contrats en poche, interprètes, 
gardes, plongeurs, chauffeurs, engagés par les Nations unies vont remettre 
leurs rapports réguliers à Lazarevic. Le témoin 
raconte encore comment les forces internationales ont laissé faire une 
prétendue "opération humanitaire" destinée à 
déporter 75 vieillards croates de la Krajina sous prétexte 
d'un examen médical à l'hôpital de Karlovac. Ils ne reviendront 
pas. En 1994, 
Lazarevic a participé à la commission chargée de l'échange 
de 100 cadavres, à remettre aux familles meurtries. L'agent des services 
serbes a besoin de six corps. Il se rend chez les hommes d'Arkan. Le colonel en 
charge "n'avait pas de cadavres, mais il avait six personnes vivantes dont 
je pouvais me servir." Six cadavres "trop frais " sont mis à 
sa disposition. "On m'a dit de les mettre dans un réfrigérateur 
et de les conduire sur le lieu de l'échange."  Stéphanie Maupas |