Revue de presse française
Le président croate en visite
à Paris
LA
TRIBUNE, 09/05/2000
La
Croatie espère signer un accord d'association avec lUE avant 2001
Le président
croate Stipe Mesic sera jeudi et vendredi en France. Dans un entretien à « La
Tribune », il déclare compter sur la France pour accélérer son intégration
à lUE. Il n'est pas satisfait du niveau des fonds accordés à Zagreb.
La
Tribune : En quoi la France peut-elle aider la Croatie à sintégrer à
lEurope ?
Stipe
Mesic : Notre plus cher désir est de rejoindre lOtan et lUnion
européenne. La France peut nous y aider. Notamment en ce qui concerne le respect
des normes européennes. Mais aussi nous appuyer pour que nous signions au plus
vite un accord de stabilisation et dassociation avec la Commission européenne.
Au plus tard, avant la fin de lannée. Ce que nous attendons de la France,
cest quelle nous aide à raccourcir les délais dadhésion aux
institutions européennes.
Ladhésion
de la Croatie à lOrganisation mondiale du commerce (OMC) a été bloquée jusquà
présent par le contentieux sur le dossier de laudiovisuel. Avez-vous bon
espoir que cette question se résolve rapidement ?
Notre adhésion
à lOMC nest pas un problème entre la Croatie et la France. Mais entre
les Etats-Unis et lUnion européenne. Avec de la bonne volonté de part et
dautre, on peut arriver à une solution... La Croatie fera tout en ce sens.
Une
transition démocratique à la croate est-elle exportable à la Serbie ?
Lévolution
sera la même en Serbie. Le problème vient du fait que Milosevic est toujours très
puissant : il continue de contrôler larmée, la police. Et quune partie
de lopposition le critique non pas parce quil a fait la guerre mais
parce quil na pas atteint ses objectifs ! Tant que la Serbie naura
pas condamné le régime de Milosevic pour avoir annexé des territoires, elle ne
sera pas acceptée par la communauté internationale.
Votre
pays sest engagé à favoriser le retour de plusieurs milliers de réfugiés
serbes sur le territoire croate ? Cela inclut-il les Serbes de Croatie actuellement
au Kosovo ?
Oui, car
cest notre politique de favoriser le retour des citoyens croates de nationalité
serbe et de faire en sorte quils puissent récupérer leurs biens. Mais pas
sans laide de la communauté européenne. Les Serbes qui reviendront en Croatie
expliqueront aux Serbes restés en Serbie que la démocratie paye : quils
sont libres, quils peuvent travailler et que tous les citoyens sont égaux
devant la loi. Ce serait un moyen plus efficace que les missiles pour renverser
le régime de Milosevic.
Etes-vous
satisfait de la part obtenue par la Croatie lors de la première conférence des
pays donateurs qui a eu lieu à Bruxelles, fin mars ?
Non, nous
ne sommes pas satisfaits. Ces fonds ne nous permettent pas de jouer un rôle moteur
dans la région comme nous le souhaiterions. Je pense quil faudrait que nous
organisions une autre conférence des pays donateurs exclusivement pour la Croatie.
On pourrait ainsi à la fois régler le problème du retour des réfugiés et lever
une hypothèque sur lensemble de la région.
Propos
recueillis par Christine Holzbauer-Madison
AP,
11/05/2000
Jacques
Chirac félicite le président croate Stipe Mesic des réformes démocratiques entreprises
par son pays
PARIS (AP)
-- Le président croate Stipe Mesic, qui a entamé jeudi une visite officielle en
France, a été reçu à lElysée par Jacques Chirac qui la félicité des
réformes démocratiques engagées par son pays.
« Lévolution
démocratique de la Croatie est un signal despoir dans les Balkans et a valeur
dexemple pour le sud-est de lEurope », a dit le président
de la République dont les propos étaient rapportés par le service de presse de
lElysée. M. Chirac, qui a qualifié son invité de « symbole de
la Nouvelle Croatie », sest dit convaincu que « lavenir
de la région est dans le rapprochement avec lEurope quand les conditions
le permettront ».
Le président
Mesic, qui effectue sa première visite dans un pays de lUnion européenne
depuis son élection en février, sest dit « très satisfait »
de son entretien avec son homologue français et a confié à la presse que la Croatie
pouvait compter sur la France pour écourter tous les délais de son intégration
dans lUnion européenne.
Les 19
ambassadeurs de lOTAN et les pays membres du Partenariat pour la paix ont
donné cette semaine leur feu vert à lentrée de la Croatie dans ce programme
de coopération avec les pays de lex-bloc de lEst, créé en 1994. Pour
beaucoup danciens membres du Pacte de Varsovie, ce programme est une première
étape vers lentrée dans lOTAN.
La Croatie
a élu en janvier une coalition réformatrice au Parlement après neuf ans de pouvoir
autocratique du président Franjo Tudjman décédé en décembre 1999.
AFP,
11/05/2000
Le
président Mesic à lElysée : M. Chirac donne la Croatie en exemple
PARIS,
11 mai (AFP) - Jacques Chirac a donné la Croatie en « exemple pour le Sud-Est
de lEurope » et la encouragée à « jouer un rôle pour influer
de façon positive sur la région », en recevant jeudi à lElysée, pour
un entretien suivi dun déjeuner de travail, le nouveau président croate
Stipe Mesic.
« Lévolution
démocratique de la Croatie est un signal despoir dans les Balkans et a valeur
dexemple pour le Sud-Est de lEurope », a déclaré le chef dEtat,
cité par le porte-parole de lElysée Catherine Colonna.
Jacques
Chirac a formé le voeu « que senclenche une dynamique dans la
région à partir de lexemple croate ». « La Croatie peut
jouer un rôle pour influer de façon positive sur la région », a-t-il estimé,
faisant valoir que lavenir des Balkans était « dans le rapprochement
avec lEurope quand les conditions le permettont ».
La France,
a souligné Catherine Colonna, souhaite que les négociations en vue dun accord
dassociation avec lUnion européenne (UE) « puissent souvrir
sous présidence française dici à la fin de lannée ». Le ministre
croate des affaires étrangères, Ivan Jakovcic, sera invité à cette fin en France
en septembre.
En ce qui
concerne lOTAN, le chef dEtat français sest félicité de ladhésion
de Zagreb, deux jours auparavant, au partenariat pour la paix, et a salué le « développement
de relations actives » entre la Croatie et lAlliance atlantique.
Il a exprimé
sa satisfaction et celle de lUE face aux « nouvelles orientations »
de la politique croate, sagissant notamment du respect de ses obligations
au titre des accords de Dayton et de Paris qui ont mis fin au conflit en Bosnie.
La France,
a-t-il dit, « souhaite la réussite de cette nouvelle politique » et
apporte, avec ses partenaires de lUnion européenne, son « complet soutien ».
A sa sortie
de lElysée, le président Mesic a déclaré à la presse que son entretien avec
Jacques Chirac avait été « très fructueux ». « Nous sommes très
satisfaits et nous sommes convaincus de pouvoir compter sur lappui de la
France afin dabréger tous les délais pour toutes les intégrations de la
Croatie aux institutions européennes », a-t-il dit.
Il a invité
le président Chirac « à venir en Croatie, à Zagreb et à Dubrovnik, ce quil
a accepté bien volontiers ».
Cette visite
officielle en France du président croate, jeudi et vendredi, constitue son premier
déplacement dans un pays de lUE et le « premier contact bilatéral de
niveau politique » entre la France et la Croatie depuis son élection en février.
Jacques
Chirac a souhaité quelle marque aussi le début dune relance des relations
économiques entre les deux pays. Sixième partenaire commercial de la Croatie avec
2 milliards de francs dexportations et 700 millions dimportations,
la France y détient 5% de parts de marché.
Bouygues,
Dumez, Spie Batignolles, Vivendi, la Lyonnaise, lEDF, Alstom et Accor, notamment,
sont sur les rangs pour des projets dans les domaines des routes, ports, aéroports,
du traitement des eaux, des centrales thermiques et hydro-électriques, ainsi que
du tourisme.
Jacques
Chirac a invité la Croatie à « développer davantage encore la confiance des
investisseurs étrangers ». M. Mesic lui a indiqué que son gouvernement préparait
une nouvelle législation sur les investissements, parallèlement à un programme
de privatisations déjà engagé.
LA
CROIX, 11/05/2000
La
France doit nous aider économiquement
Récemment
élu président de la Croatie sur un programme visant à tourner le dos à tous les
excès de lère Franjo Tudjman, Stipe Mesic entame aujourdhui sa première
visite officielle en France
La
Croix : Comment jugez-vous les relations actuelles entre votre
pays et la France ?
Stipe
Mesic : Elles sont insuffisantes. Cest particulièrement vrai pour
les échanges économiques ou les investissements privés directs français, quasi
absents en Croatie. Jusquà présent, la Croatie avait mené une politique
isolationniste. Lorsquelle souvrait cétait vers lAutriche
ou lAllemagne. Nous souhaitons désormais que la France soit présente, notamment
dans le tourisme, lagriculture ou les industries de transformation.
En quoi
la France peut-elle aider la Croatie à sintégrer à lEurope.
Ce que
nous attendons, cest que la France nous aide à raccourcir les délais dadhésion
aux institutions européennes. Nous nous sommes fixé comme objectif la fin de lannée,
au plus tard, pour signer un accord de stabilisation et dassociation avec
Bruxelles.
On dit
que vous pourriez vous rendre au Kosovo. Quel sera lobjet de votre visite ?
Jai
été le dernier président de lex-Yougoslavie et suis, donc, lun des
meilleurs connaisseurs de tous les problèmes dans la région. Mon message sera
le suivant : pendant le régime de Milosevic, les Albanais ont beaucoup souffert...
Mais cela nempêche pas que les Serbes, surtout ceux qui sont favorables
à une multi-ethnicité, aient le droit de rester citoyens du Kosovo sils
le désirent. En dautres termes, je lancerai un appel à la tolérance et à
la réconciliation. Car ni les Serbes ni les Albanais ne sont responsables de cette
guerre. Les deux nationalités ont été victimes de la politique génocidaire de
Milosevic.
Que
direz-vous aux réfugies serbes de Croatie qui se trouvent aujourdhui au
Kosovo ?
Le plan
de Milosevic était de faire partir 2 millions dAlbanais du Kosovo et de
le repeupler avec des Serbes de Croatie. Seules les frappes de lOTAN len
ont empêché. Aujourdhui, ces Serbes sont bienvenus en Croatie. Puisque cest
notre politique de favoriser le retour des citoyens croates de nationalité serbe
et de faire en sorte quils puissent récupérer leurs biens. Mais pas sans
laide de la Communauté européenne. Car il faut que nous puissions relancer
notre économie et offrir de réelles possibilités à tous ces gens pour quils
vivent en paix. Cela constituerait une contribution à la démocratisation de la
région... et un moyen plus efficace que les missiles pour renverser le régime
de Milosevic.
Craignez-vous
des débordements lors des manifestations contre la politique actuelle du gouvernement
visant à coopérer avec le Tribunal pénal international (TPI) pour lex-Yougoslavie ?
La Croatie
est heureuse de coopérer avec le tribunal de La Haye à partir du moment où lon
sachemine vers une plus grande individualisation des crimes. Je ne suis
pas inquiet des débordements quune coopération avec le TPI pourrait entraîner.
Les associations danciens combattants qui sont derrière les récentes manifestations
de rue ou leurs menaces me laissent indifférent. Leur représentativité est limitée.
Et comme elles ont dépensé jusquà ce jour sans contrôle, elles veulent faire
peur aux autorités pour quon continue à leur verser des millions afin quelles
se taisent.
Les
récents résultats de municipales en Bosnie vous font-ils craindre une résurgence
du nationalisme chez les Croates en Bosnie ?
Le HDZ
(Union démocratique croate de Bosnie, proche du parti fondé par Franjo Tudjman
en Croatie) a une fois encore remporté les élections. Mais il ne sagit pas
dune résurgence de nationalisme. Plutôt dune question dargent...
La Croatie ne veut plus et ne peut plus continuer à financer larmée dans
la partie croate de la fédération. A la place, nous voulons favoriser les investissements
directs. Les Croates de Bosnie doivent financer eux-mêmes leurs affaires étrangères,
leur défense, en respectant les procédures législatives de la fédération croato-musulmane.
Ils ne peuvent plus dépendre uniquement de laide budgétaire versée par Zagreb.
À long terme, cela est nuisible aussi bien pour eux que pour la Croatie.
Le style
résolument « citoyen » de présidence que vous avez adopté est-il suffisant
pour satisfaire la demande des Croates de voir réduire les pouvoirs de président
au profit du Parlement ?
Nous nous
y sommes engagés pendant la campagne électorale. Moi le premier ! Nous sommes
donc tenus de remplir nos promesses... Le problème majeur de la Croatie, cest
son économie : réduire le chômage, décentraliser le pouvoir et les moyens
financiers, traduire en justice tous ceux qui ont abusé de leur position. Pour
le reste, cest facile de se mettre daccord.
Recueillis
par Christine Holzbauer-Madison (à Zagreb)
LE
FIGARO, 11/05/2000
Zagreb
enterre son passé
Dix ans
après léclatement de la Yougoslavie et le cortège atroce de guerres sest
ensuivi, lapaisement est-il en vue ? formulée il y un an, en plein
conflit du Kosovo, semblable interrogation aurait paru absurde. Lengagement
direct de lOTAN dans les Balkans semblait marquer le franchissement dun
nouveau palier. Les tensions avec la Russie, alors en pleine dérive, amenaient
certains à craindre la résurgence de clivages oubliés depuis la fin de la guerre
froide.
Un an plus
tard, pourtant, et à défaut dêtre pacifié, lensemble yougoslave sest
apaisé. Retranché en Serbie comme en une forteresse médiévale, le président « yougoslave »
Slobodan Milosevic a indéniablement perdu de sa capacité de nuisance. Privé de
chaudrons ethniques où il pouvait à sa guise allumer le feu, il sest vu
contraint de renforcer sa mainmise sur la Serbie afin de parvenir à simplement
durer. De plus en plus crispé, de plus en plus isolé, il reste enfermé dans ses
rêves de grandeur déchue, mais il parvient de moins en moins à les faire partager
à une Serbie qui sous le coup des défaites successives semble, peu à peu sextirper
de sa torpeur.
Témoin
de cet apaisement dans lespace yougoslave, la Croatie a choisi den
finir avec dix ans de guerre et de rhétorique. Mort en décembre dernier, le président
Tudjman a été prestement enterré et aussitôt oublié.
Élu le
7 février, son successeur de 65 ans, Stipe Mesic, lhomme qui en 1991 fut
le dernier président dune fédération yougoslave encore unie, nhésite
pas à mettre en cause le passé. Reprochant à son prédécesseur davoir pactisé
avec Milosevic, il tourne son pays vers lEurope. Et sintéresse plus
aux investissement nécessaires pour relancer le tourisme et léconomie quau
financement dune armée dont il a promis de réduire le budget.
Cest
que la guerre a laissé la Croatie exsangue. Lindépendance est là, certes,
mais il faut bien vivre. Et donc cesser dausculter les mânes du passé afin
de se tourner vers lavenir.
Pour cette
même raison, le Monténégro séloigne de plus en plus de la Serbie. Après
avoir opté pour le mark au détriment du dinar yougoslave, la petite république
multiplie les échanges avec lEurope. Sans rompre pour autant définitivement
avec la Serbie en passe de devenir un ogre de papier.
Patrick
de Saint-Exupéry
LE
FIGARO, 11/05/2000
Milosevic
peut finir pendu par les siens
Élu en
février dernier à la présidence croate, Stipe Mesic, 65 ans, fut le dernier président
dune Yougoslavie encore unie. En visite officielle en France, il rencontre
le président Jacques Chirac.
Propos
recueillis à Zagreb par Patrick de Saint-Exupéry
Le
Figaro : Quel bilan tirez-vous de vos cent premiers jours à la
présidence croate ?
Stipe
MESIC : Il a dabord fallu faire létat des lieux. Nous sommes
en train den finir, mais ça a été difficile : les circuits financiers
utilisés par lancien gouvernement étaient particulièrement opaques. Nous
tentons déclaircir tout cela et voulons avancer sur trois points : revoir
les procédures de privatisation, décentraliser et ouvrir la Croatie au monde.
Nous en avons besoin. La Croatie est en pleine dépression et son économie est
ruinée. Nous mettons donc au point une loi qui devrait permettre une relance.
Cette loi devrait favoriser nos échanges vers lOccident. Nous visons lintégration
européenne.
Mais tous
les indicateurs économiques sont mauvais. La dette extérieure représente 45 %
du PIB, le taux de chômage est supérieur à 20 % et des faillites dentreprises
sont annoncées tous les jours...
Les chiffres
sont mauvais, mais nos chances sont bonnes. La mise en harmonie de notre législation
avec celles des économies occidentales avance. De plus, nous sommes en train de
renforcer la démocratie. La population est déçue à cause de la lenteur des reformes
en cours, mais la tâche est énorme.
La coopération
avec le Tribunal pénal international (TPI) va saméliorer ?
Cette coopération
était verbalement bonne sous lancien régime. Elle est bonne maintenant.
Nous voulons en finir avec la culpabilité collective que les criminels de guerre
Croates, Serbes, et Bosniaques soient identifiés nommément le plus vite possible.
Cest à eux dassumer leurs responsabilités.
Vous
êtes donc prêt à remettre à la Haye tous les documents permettant didentifier
les coupables de crimes ?
Absolument.
Nous répondrons rapidement à toute demande de La Haye. Cela vous
paraîtra peut-être étrange, mais lancien régime ne voulait
même pas donner le chiffre exact des victimes croates. Pourquoi ?
Pour ne pas embarrasser M. Milosevic. Si celui-ci parvenait à
créer la grande
Serbie, alors une grande Croatie pouvait émerger. Nous navons
pas ces ambitions-là.
Mais
le TPI sest plaint à plusieurs reprises du manque de coopération croate ?
Tous les
documents seront remis au TPI. Aucun secret dÉtat ou militaire nest
à même protéger un criminel de guerre.
Quand
bien même des officiers croates seraient inculpés ?
Il ny
a pas de restriction. Je ne vois pas selon quelle logique un simple soldat devrait
être tenu pour responsable, et pas un colonel.
Vous
parlez souvent de « lancien régime ». Vous en voulez à Franjo
Tudjman ?
Le président
Tudjman a été impressionné par les « succès » de Milosevic
au début de la guerre et il a voulu profiter de cette situation.
Il sest dit que, si tous les Serbes vivaient dans un Etat,
alors tous les Croates devaient vivre dans un autre Etat. Tous
deux se sont imaginé pouvoir écrire lhistoire aux dépens
de la Bosnie-Herzégovine. Ils nont pas compris quune
minorité nationale vivant
de lautre côté de la frontière, loin dêtre une entrave,
formait au contraire un pont permettant de relier deux nations.
Franjo
Tudjman naurait été quun pâle suiveur de Milosevic ?
Exactement.
En 1991,
quand vous étiez président de la Fédération yougoslave, vous aviez prédit un funeste
destin à Milosevic...
Oui, jai
lui avais dit que son rêve de grande Serbie était impossible et quil allait
perdre beaucoup, que la Serbie allait se réduire comme une peau de chagrin à la
seule circonscription de Belgrade. Je lui avais lancé : « Lorsque les
Serbes auront compris qui est responsable de cette tragédie, ils te pendront. »
Lui fumait une cigarette. Il ma simplement répondu : « Reste à
voir qui sera pendu. »
Cette
prédiction date de neuf ans. Elle va bientôt saccomplir ?
Oui, chaque
jour qui passe rapproche Milosevic de sa fin. Le Monténégro est en train de se
tourner vers lEurope. Les plus naïfs à Belgrade ont compris que le Kosovo
était perdu. Quant à la Voïvodine, elle va bientôt devenir autonome. Pour la Serbie
le résultat est catastrophique. Milosevic na rempli aucun de ses objectifs
de guerre. Il peut être renversé...
Et être
pendu par les siens ?
Pourquoi
pas ? Cest un criminel. Il a agi comme un criminel qui aurait réussi
en politique. Cest lui qui a planifié la guerre, cest lui qui a ordonné
les massacres. Je lai observé à Belgrade : il se nourrissait de lillusion
que seul le vainqueur écrit lhistoire. Seulement, il nest pas le vainqueur.
Les
Serbes sont victimes de Milosevic ?
Absolument.
Les civils serbes payent le prix dune politique erronée. Un peuple peut
avoir un passé et une histoire, mais cela ne lempêche pas de commettre des
erreurs. En Allemagne, le peuple a soutenu Hitler et il a fallu un choc, une catharsis,
pour que les Allemands comprennent leur erreur. Cette même catharsis doit se produire
en Serbie. Quand lopposition serbe reprochera à Milosevic davoir commencé
la guerre, et non de lavoir perdue, nous aurons fait un grand pas.
Vous
désirez que la Croatie intègre lEurope. Est-ce possible en solitaire si
la situation régionale devait durer ?
Ce serait
difficile, car toute la région doit être assainie. La Croatie a une rôle à jouer
en favorisant louverture. A nous de prouver que la démocratie est une solution
en convainquant nos citoyens serbes, réfugiés en Serbie, de revenir dans de bonnes
conditions en Croatie. Si nous parvenons à prouver quen démocratie tous
les citoyens sont égaux en droit, alors nous démolirons plus sûrement quà
coups de missiles le régime de Milosevic.
Quel
est lavenir des Croates de Bosnie-Herzégovine ?
Lintérêt
des Croates et des Serbes de Bosnie, cest de se tourner vers Sarajevo, pas
vers Zagreb ou Belgrade.
Vous
allez maintenir le droit de vote à Zagreb des Croates de Bosnie ?
Non, il
est sûr et certain que les Croates de Bosnie nauront plus le droit de voter
en Croatie. Quant à leur passeport croate, ils pourront peut-être le garder, cela
va dépendre de laccord bilatéral que nous sommes en train de négocier avec
Sarajevo.
REUTERS,
11/05/2000
La
France semploiera à rapprocher la Croatie de lUE
PARIS (Reuters)
- Paris souhaite que des négociations pour un accord dassociation entre
les Quinze et la Croatie souvrent durant la présidence française de lUnion
européenne (UE) au second semestre, a-t-on appris à lElysée.
Jacques
Chirac a reçu son homologue croate Stipe Mesic, successeur du président défunt
Franjo Tudjman, et qui effectue en France son premier voyage officiel dans lUE
depuis son entrée en fonctions le 18 février.
Le chef
de lEtat lui a dit sa « conviction que lavenir de la région
est dans le rapprochement avec lEurope, quand les conditions le permettront »,
a déclaré Catherine Colonna, porte-parole de lElysée, qui a indiqué que
« M. Mesic partage cette analyse ».
Le président
français a assuré son homologue croate du « soutien de la France »
pour la conclusion dun « accord de stabilisation et dassociation
entre lUE et la Croatie », dont il a souhaité que « les
négociations puissent souvrir sous présidence française, dici la fin
de lannée ».
Le processus
a été relancé lors du Conseil européen de Lisbonne, en mars. Les aides communautaires
à la Croatie ont été augmentées et une « étude de faisabilité »
a été engagée.
Le ministre
croate des Affaires européennes, Ivan Jakovcic, se rendra en France en septembre
pour faire le point, a indiqué Catherine Colonna.
« Exemple
croate »
Jacques
Chirac a souligné que Stipe Mesic était « le symbole de la nouvelle
Croatie et lui a dit sa joie de laccueillir ».
Le président
français a accepté le principe dune visite à Zagreb.
Ce premier
contact politique de haut niveau depuis lentrée en fonctions du président
croate « montre que la France a pris toute la mesure des changements
en cours à Zagreb », a dit Jacques Chirac.
Il a souhaité
un « rapprochement » entre les deux pays et a estimé que
« »lévolution démocratique de la Croatie est un signal despoir
dans les Balkans (qui) a valeur dexemple pour le sud-est de lEurope ».
Il a dit
« combien la France et ses partenaires de lUnion européenne appréciaient »
les nouvelles orientations de la Croatie dans le cadre du suivi des accords de
Dayton et Paris et a formé le voeu que « senclenche une dynamique dans
la région à partir de lexemple croate ».
Le président
Mesic a confirmé ses orientations.
« Celui
qui a commis un crime doit être puni et la Croatie ne peut pas être lotage
de celui qui a commis un crime », a-t-il dit, cité par la porte-parole
de lElysée.
Les deux
chefs dEtat ont évoqué le développement des relations économiques bilatérales.
Stipe Mesic a indiqué que son pays préparait une nouvelle législation sur les
investissements, quil était engagé dans un processus de privatisation et
souhaitait attirer davantage les investisseurs étrangers.
LA
TRIBUNE, 11/05/2000
La
Croatie souhaite ranimer ses relations avec la France
Le président
croate Stipe Mesic entame aujourdhui une visite officielle de deux jours
en France. Il a auparavant tenu à rencontrer des patrons français susceptibles
dinvestir en Croatie à un moment où les relations bilatérales sont au plus
bas.
Avec son
cortège de privatisations frauduleuses, lère Tudjman a laissé un goût amer
aux investisseurs français. Dans un secteur particulièrement sensible, le tourisme,
le groupe Accor, qui voulait reprendre des hôtels en gestion dans la région de
Dubrovnik en 1997 sest fait, selon les propres termes du responsable du
poste dexpansion économique français de Zagreb, Dimitri Verdet, « éconduire
comme un malpropre ». Résultat : sur la période 1993-1999, la France a rétrogradé
au 8e rang pour les investissements directs privés étrangers en Croatie, alors
quelle était encore au 5e rang en 1995. Pour le nouveau président croate,
cette situation nest plus acceptable : « Jusquà présent, la Croatie
a mené une politique isolationniste. Et lorsquelle souvrait, cétait
vers lAutriche ou lAllemagne. Nous souhaitons que la France, désormais,
soit présente, notamment dans des secteurs comme le tourisme, lagriculture
ou les industries de transformation », précise-t-il dans un entretien à La Tribune.
Malgré
cette offensive de charme, la pente va être difficile à remonter. Deux contrats
en cours dexécution, lun avec Bouygues pour la construction dune
voie rapide en Istrie, lautre avec Spie Batignolles pour le percement de
trois tunnels autoroutiers sur laxe Zagreb-Rijeka, se heurtent à de gros
problèmes de paiement. « Il ny a pas eu dappel doffres au moment
où la Croatie a signé avec ces deux compagnies, ce qui est mal perçu par lopinion
publique croate », estime Stipe Mesic. Une pratique apparemment généralisée par
le précédent gouvernement qui a signé des accords de gré à gré avec dautres
compagnies étrangères. Une solution provisoire évitant de mettre la Croatie en
état de « carence » a finalement été trouvée consistant à « compenser » chaque
mois sur le budget de lEtat des travaux qui auraient dû, initialement, être
payés par linstauration dun péage, formule aujourdhui abandonnée.
Donnant-donnant.
Plus grave pour limage de la Croatie en France, lexistence de toute
une série de barrières non tarifaires qui constitue un véritable frein aux échanges.
« Après les cas de listériose détectés en France, la Croatie a été le seul pays
au monde à imposer un embargo sur tous les produits laitiers et carnés », ajoute
Dimitri Verdet. Malgré lintérêt manifesté par la grande distribution (un
centre Leclerc ouvrira à Zagreb dans un an), la plupart des investisseurs français
préfère adopter une position dattente. « Notre effort en Croatie est très
inférieur à ce que nous réalisons dans un pays voisin comme la Slovaquie. Il faut
que cela change », commente un diplomate. Pour le président croate, qui attend
un soutien de la France pour aider son pays à sintégrer aux institutions
communautaires et mener à bien sa démocratisation, louverture doit être
à double sens : « Nous offrons un pôle de stabilité dans la région aux investisseurs
français. Mais nous avons besoin de capitaux pour nous développer ».
Christine
Holzbauer-Madison, à Zagreb
LES
ECHOS, 12/05/2000
Le
président croate en visite à Paris
Le président
croate Stipe Mesic est arrivé jeudi à Paris pour une visite officielle de deux
jours (lire Les Echos du jour). Son premier voyage dans un pays de lUnion
Européenne illustre le retour à grand pas de Zagreb dans la famille européenne.
Le président croate a ainsi déjà évoqué, jeudi, avec le président français Jacques
Chirac et Lionel Jospin les perspectives dintégration de la Croatie dans
les instances internationales. Jacques Chirac a dailleurs confirmé quil
espérait quun accord dassociation entre lUnion Européenne et
Zagreb, prélude au processus dadhésion, soit signé sous présidence française
au second semestre.
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