Le
Moci, 21/06/2001
Un entretien
avec
Ivica Racan
Premier ministre
croate
L'économie,
priorité des priorités
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Ivica
Racan,
le Premier ministre croate |
Dans
le cadre d'un dossier de dix pages consacré à la Croatie, le Moci
publie également un entretien exclusif avec le chef du gouvernement croate.
Nous le reproduisons ici en intégralité.
Du
fait de son positionnement au carrefour de l'Europe centrale, de la Méditerranée
et des Balkans, la Croatie entend jouer un rôle de charnière.
L'économie croate a d'ores et déjà enregistré de bons
résultats. Le gouvernement a pris des mesures pour encourager les investissements
et joue la transparence en matière de privatisations.
La
Croatie, qui se prépare à rejoindre à terme l'UE, est intéressée
par les savoir-faire français.
Le Moci.
Qu'en est-il de vos relations avec vos voisins, la Bosnie et la Serbie, et à
quelles conditions la stabilité de la région, condition essentielle
du développement économique, peut-elle être durable ?
Ivica
Racan. La Croatie démocratique est stable et elle entend contribuer
à la stabilisation de toute la région. C'est d'ailleurs notre intérêt
: nous avons 1 200 km de frontières avec la Bosnie-Herzégovine,
la démocratie ne peut pas s'arrêter à nos frontières
orientales ! Mais ce processus n'est ni facile ni rapide. Nous soutenons la coopération
régionale, outil de stabilisation ; la Croatie appartient à l'Europe
centrale, à la Méditerranée, aux Balkans. Du fait de ce positionnement,
nous avons un rôle de charnière. Nous signons d'ailleurs des accords
de libre-échange avec la plupart des pays européens et nous espérons
faire de même avec la Serbie. Mais nous ne répéterons pas
la Yougoslavie ! Par ailleurs, nous collaborons avec l'ensemble de nos partenaires
de la communauté internationale ; la guerre
d'indépendance que nous avons dû mener était juste mais
elle a comporté des pages sombres que nous assumons aujourd'hui. La stabilité
et la démocratie dépendent de la capacité de tous les pays
de la région à assumer ces pages sombres du passé.
Le Moci.
Quelles sont les priorités de votre gouvernement pour les quelques années
à venir ?
« La
guerre d'indépendance que nous avons dû mener était juste
mais elle a comporté des pages sombres que nous assumons aujourd'hui. »
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Ivica
Racan. L'économie avant tout. Nous sommes aujourd'hui au bord du précipice
sur le plan économique. À cela, il y a plusieurs raisons : les circonstances
historiques, la guerre d'indépendance, la criminalité économique
qui a pu exister plus récemment. Mais il ne faut pas oublier que, il y
a dix ans, nous étions en tête de la transition ; la Croatie dispose
donc d'un potentiel important que nous voulons faire fructifier rapidement. Nos
fondamentaux se sont d'ores et déjà
améliorés et nous avons enregistré quelques résultats.
Nous avons pris des mesures pour encourager les investissements et la transparence
est la règle en matière de privatisations. Nous souhaitons donc
nouer des alliances stratégiques et, dans ce contexte, les savoir-faire
français nous intéressent. Par ailleurs, nous venons de signer à
Bruxelles notre accord de stabilisation et d'association
avec l'Union européenne ; désormais, notre objectif sera de remplir
scrupuleusement les engagements que nous y avons souscrits, et qui nous prépareront
à rejoindre à terme l'Union européenne.
Le Moci.
Quels sont les freins au passage à l'économie de marché et
comment entendez-vous les débloquer ?
« il
y a dix ans, nous étions en tête de la transition ; la Croatie dispose
donc d'un potentiel important que nous voulons faire fructifier rapidement. »
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Ivica
Racan. II nous faut trouver la bonne mesure entre les encouragements aux investissements
et la prévention des problèmes sociaux qui pourraient être
liés aux restructurations. C'est pourquoi nous avons aussi besoin d'un
développement économique accéléré. Nous avons
déjà pris des mesures impopulaires, comme la limitation des dépenses
publiques qui a conduit à la réduction du déficit budgétaire.
Or, vous savez, les gens sont toujours d'accord, en théorie, pour les réformes
mais il suffit d'en lancer une concrètement pour être confronté
à des réticences puissantes. Nous avons aussi engrangé quelques
résultats en matière de lutte contre le chômage.
Pour l'instant,
l'économie grise et le marché du travail clandestin sont énormes
en Croatie et jusqu'à très peu des personnalités haut placées
étaient corrompues et pillaient les biens publics. Le seul fait d'avoir
un gouvernement honnête est un point important pour faire comprendre aux
gens la nécessité et l'intérêt des réformes.
Par ailleurs, la coopération avec les institutions financières n'est
pas facile ; pour la signature de notre accord stand-by avec le FMI, nous
avons failli à plusieurs reprises quitter la table des négociations
! Mais il n'y a pas d'alternative ; nous avançons résolument vers
l'intégration dans l'Union européenne.
Propos
recueillis par Christine Murris
©
LE MOCI - N°1499 - 21 JUIN 2001
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