La
Croix, 19/04/2002
PARTIR
Les îles croates
réinventent la Méditerranée
La sérénité
a remplacé le bruit des canons
Dubrovnik
(Croatie)
Emmanuelle REJU, envoyée spéciale
C'est
samedi soir à Dubrovnik. La rue
principale de la vieille ville sert de décor magistral à un ballet
bien réglé. Des grappes de toutes jeunes filles, accrochées
par la taille ou par la main, procèdent à de consciencieux allers-retours.
Elles croisent leurs partenaires masculins en feignant l'indifférence,
disparaissent derrière l'église Saint-Blaise avant de resurgir.
Costume de rigueur : pantalon taille basse, semelles compensées et petit
sac noir. Le magnifique pavé blanc et luisant qui couvre l'ancienne rivale
de Venise illumine la scène. Dans les ruelles adjacentes, une foule joyeuse
s'écoule de bars bondés.
|
Le
Stradun, artère principale de Dubrovnik |
C'est dimanche
midi à Dubrovnik. La rue principale sert cette fois de podium aux élégantes.
Avant ou après la messe, c'est l'heure du défilé, l'instant
où l'on se montre. Protégée par ses remparts, Dubrovnik parade.
De la guerre, nulle trace. Il y a dix
ans pourtant, l'artillerie serbe pilonnait des collines environnantes, terriblement
proches, cet entrelacs du ruelles au charme incomparable. Un plan en témoigne
à l'entrée : près de 70 % des maisons ont été
touchées. Elles ont depuis été restaurées à
l'identique, leur toit de tuiles orange rutilant au soleil. A l'extérieur
des remparts, l'hôtel Imperial, haut lieu du tourisme
croate depuis la fin du XIXe siècle, porte en revanche les stigmates des
bombardements. Racheté par la chaîne Hilton, lui aussi ne tardera
pas à retrouver sa splendeur passée.
On peut louer un îlot et son phare
EN
PRATIQUE |
Y
aller : en avion, il faut moins de deux heures pour aller de Paris à
Zagreb, et deux heures trente pour aller à Dubrovnik par vol direct.
Climat
: la température moyenne varie de 27 à 33 degrés en été.
La
monnaie : la kuna, divisée en 100 lupas. Une bonne surprise pour
les Français, la kuna étant à peu près équivalente
à notre ancienne monnaie nationale.
Attention
: les capacités d'accueil étant inférieures à
la demande, il faut penser à préparer son voyage à l'avance.
Adresses
utiles :
- Office de tourisme
de la Croatie, 48, avenue Victor-Hugo, 75016 Paris. Tél.
01.45.00.99.55, www.ot-croatie.com
- Croatie Tours, agence de voyages spécialisée,
5, place Charras, 92400 Courbevoie. Tél. 01.46.67.39.10, www.croatie.com
- Nomade
Aventure. Le spécialiste du voyage à pied propose à
partir du mois de mai deux circuits en Croatie. Renseignements : 01.46.33.71.71)
|
Posé
sur une mer limpide, le joyau de l'Adriatique diffuse aujourd'hui une douceur
toute méditerranéenne. Sans la foule et sans le béton. Le
constat vaut pour toute la côte de Dalmatie, qui s'étend de Dubrovnik
à Zadar et qui s'agrémente de centaines d'îles. Ici, on peut
encore louer un îlot et son phare
pour la semaine, à un prix raisonnable. On peut dénicher des criques
isolées et profiter d'une des eaux les plus pures du monde sans enjamber
ses voisins de serviette.
Les férus d'histoire chercheront les traces des occupations romaine, byzantine,
hongroise ou vénitienne. Y compris sous l'eau, des épaves des flottes
austro-hongroise et italienne reposant sur les fonds de l'île de Vis. Les
ermites partiront explorer les îles sauvages et désertes de l'archipel
de Kornati, ignorant villes et trafic routier. Les fous de nature sillonneront
des forêts épaisses de lauriers, cyprès, pins ou romarins.
Ainsi
à Korcula, à quatre heures de ferry de Dubrovnik, grande île
couverte d'une végétation luxuriante, posée sur l'ancienne
route commerciale entre l'Europe centrale et Athènes, Tchèques et
Autrichiens, y ont été, au XIXe siècle, les premiers touristes
éclairés, attirés par sa forêt provençale et
ses rivages turquoises. L'île a deux fiertés : elle dispute à
Venise le titre de lieu de naissance de Marco Polo ; et de manière plus
tangible, elle produit deux grands crus, le Grk (imprononçable) et le Posip.
Les vignobles sculptent les collines de l'intérieur de l'île, surplombant
la grande bleue omniprésente. A quelques encablures de là, c'est
le grand calme de l'île de Mljet, à peine habitée : un espace
transformé en parc national, aux merveilles emboîtées les
unes dans les autres comme des poupées russes. Au milieu de l'île,
bordée de forêts, se nichent deux lacs d'eau salée. Et au
milieu de l'un d'eux trône le monastère bénédictin
Sainte-Marie-au-Milieu-du-Grand-Lac. Transformé en hôtel sous l'ère
communiste, il revient à sa vocation première et attend l'arrivée
de deux nouveaux moines. Dans la sérénité... C'est bien l'attrait
principal de cette « autre » Méditerranée,
où ne résonne plus depuis longtemps le bruit des canons.
|