M. Ivo Sanader : Le HDZ a changé,
nous avons réformé le parti dans plusieurs domaines.
Nous l’avons démocratisé. Auparavant, toutes
les décisions concernant les collectivités locales
étaient prises à Zagreb – ce qui n’avait
pas de sens. Nous devons permettre aux autorités locales
de prendre les décisions qui les concernent. Ma priorité
lorsque j’ai repris le parti a été de mettre
le principe de subsidiarité en application. Il y avait
d’ailleurs un consensus à ce sujet. Nous avons réorganisé
le dialogue politique avec les autres partis du centre et du centre
droit en Croatie.
J’ai toujours soutenu un régime politique
fondé sur la coalition. Lorsque j’étais le
chef de l’administration présidentielle en 1995,
j’ai fait des propositions en faveur d’une coalition,
bien que nous n’en avions pas besoin à l'époque,
mais elles n’ont pas été acceptées.
Un régime de coalition empêche un parti d’acquérir
tous les pouvoirs.
La troisième réforme que j’ai
proposée était d’adhérer au Parti populaire
européen et cela a été décidé
en octobre 2002, au congrès de Lisbonne. Laissez-moi vous
dire que l’intégration bénéficie d’un
large et profond consensus en Croatie. Les sondages montrent que
80 % de la population est en faveur de l’intégration
européenne.
Donc, le HDZ n’est absolument plus un
parti nationaliste, mais est bien devenu un parti conservateur,
libéral ?
- Le HDZ est un parti de centre – centre
droit, comme la CDU en Allemagne ou l’ÖVP en Autriche.
Qu’en est-il des criminels de guerre
? Vous avez promis de coopérer avec le Tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Dans ce dossier, l’attitude
de l’ancien gouvernement social-démocrate n'a pas
été jugée satisfaisante. Avez-vous l’intention
d’agir différemment ?
- Ma politique est très claire : nous coopérerons
pleinement. Peu importe que la personne accusée soit croate
ou serbe, ma politique est de coopérer pleinement avec
le Tribunal pénal international. Bien que l’ancien
gouvernement n’ait pas montré qu’il coopérait,
on peut dire aujourd’hui qu’il a essayé de
remplir ses obligations envers la justice internationale.
Le cas du général Ante Gotovina,
que le TPIY a accusé de crimes contre l’humanité,
est généralement considéré comme un
test de votre bonne volonté à coopérer avec
le TPIY. Le général est en effet considéré
comme un héros national, notamment par des militants et
des responsables de votre parti et de nombreux officiers de l’armée.
-Tout d’abord, nous sommes en contact avec
le bureau du procureur du TPIY. Nous voulons résoudre cette
affaire dès que possible. Nous sommes également
en contact avec les avocats du général Gotovina
et avec le bureau du président Mesic, qui s'est occupé
de ce dossier au cours des derniers mois. Nous ne savons toujours
pas où le général se trouve. Nous avons des
éléments qui nous permettent de croire qu’il
est prêt à coopérer avec le TPIY. C’est
ce que nous souhaitons et mon gouvernement et moi-même nous
sommes d’ailleurs engagés fermement dans ce sens.
Bien que la communauté internationale
ait confiance dans vos engagements démocratiques et vos
réformes du HDZ, la présence dans votre gouvernement
et l’administration nationale de personnes liées
à la période de la guerre en Croatie reste préoccupante.
Comment avez-vous l’intention de répondre à
ces inquiétudes ?
- Certes oui, il y a dans mon entourage des personnes
qui ont été proches de l'ancien régime, mais
elles me soutiennent pleinement. Il n’y a pas, au sein du
HDZ, d’opposition à ma politique. Il y a eu une certaine
opposition à cette nouvelle orientation dans l’aile
droite, mais ils ont été exclus du parti ou ont
créé leur propre parti. Ils ont d’ailleurs
été mis en échec lors des dernières
élections, ils n’ont en effet pas pu dépasser
le seuil de 5 % des voix. Ils ont essayé d’obtenir
les votes de la diaspora croate à l’étranger,
mais c’est à nous qu'ont été attribué
les quatre sièges qui lui sont dévolus. En Croatie,
l’autre parti de droite n’en a que huit.
La reconnaissance et le respect des minorités
nationales sont d’importants critères pour adhérer
à l’UE. Sous ce rapport, les institutions européennes
examineront de très près la politique de votre gouvernement
à l’égard des minorités nationale présentes
en Croatie, avec une attention toute particulière pour
la minorité serbe. Quelles sont vos intentions à
cet égard ?
-J’ai signé un accord avec les représentants
des groupes minoritaires, et surtout avec les Serbes, qui ont
trois représentants au Parlement. Tous trois soutiennent
mon gouvernement. Je voudrais souligner que j’ai proposé
cet accord avant les
élections. Dès lors, le peuple croate connaissait
mes intentions. Les huit représentants des minorités
nationales soutiennent tous mon gouvernement. Nous nous préparons
maintenant au retour des Serbes qui se sont enfuis pendant la
guerre.
L’attitude de l’Eglise, qui continue
à promouvoir ici et là une sorte de nationalisme
religieux, suscite l’inquiétude en Europe. Avez-vous
l’intention de clarifier vos relations avec l’Eglise
en dépit du soutien qu’elle vous a apporté
au cours de la campagne électorale ?
- Nous n’avons reçu aucun soutien
de la part de l’Eglise. L’Europe se trompe si c’est
ce qu’elle croit. Je n’ai entendu aucune déclaration
publique de la hiérarchie ecclésiastique au cours
de la campagne électorale. Je suis tout à fait favorable
à la sécularisation et de la séparation claire
entre l’Etat et l’Eglise. L’Eglise a sa propre
hiérarchie et je n’ai pas à interférer.
Il y a sans doute eu des déclarations inacceptables dans
le passé, mais ce n’est pas une position générale.
La situation économique que vous avez
trouvée lorsque vous êtes entré en fonction
est-elle une cause de préoccupation sur la capacité
de la Croatie à entrer dans l’UE vers 2007 ? Par
exemple, la dette nationale est deux fois plus élevée
qu’en 2000…
- Mon gouvernement est très ambitieux.
Il y a des problèmes et des difficultés, mais on
ne ralentira pas le rythme des préparatifs en vue de l’adhésion
à l’UE. Nous nous sommes engagés à
faire tout ce qui est possible pour entrer dans l’Union
en 2007.
Quelles sont les réformes à l’ordre
du jour ?
- Sans aucun doute, la réforme de la justice.
Je suis venu à Bruxelles aujourd’hui pour présenter
à la Commission nos propositions – informelles -
sur les réformes que nous avons l’intention de mettre
en œuvre.
L’ancien gouvernement n’a pas
tenu ses promesses d’examiner certains programmes controversés
de privatisation ou de lutte contre la corruption. Quelles sont
vos intentions sur ces questions ?
- Je ne suis pas un homme du passé. Je
préfère me préparer à l’avenir.
S’il y a des affaires controversées, le pouvoir judiciaire
devra les examiner et enquêter en toute indépendance.
Il ne m’appartient pas de le faire.
En automne dernier, le Parlement croate avait
décidé unilatéralement de créer une
zone économique exclusive au-delà de ses eaux territoriales.
Cette décision a provoqué une vigoureuse réaction
de la Slovénie voisine. Ce pays deviendra membre de l’UE
dans quatre mois. Pensez-vous que cette décision affectera
la position de la Croatie vis-à-vis de l’UE ?
- J’ai rencontré le président
slovène et nous préparons une réunion avec
son Premier ministre. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour
trouver une solution sur une base bilatérale. Si ce n’est
pas possible, nous pourrons toujours demander un arbitrage international.
Et je m’engage à accepter sa décision. La
Slovénie est un pays ami, il n’y a donc pas d’inquiétude
à avoir pour nos relations.
Traduction
: E. Dusart