8/02/2004
COUPE
DAVIS
La
Croatie s'incline à Metz
La France s'impose 4-1 face aux coéquipiers
d'Ivan Ljubicic
Par
la qualité de jeu dont ils ont su faire preuve, Arnaud
Clément, Nicolas Escudé et Mickaël Llodra ont mis fin
au parcours de la Croatie en Coupe
Davis lors du premier tour les 6, 7 et 8 février,
devant un public messin particulièrement chaleureux.
La "bande à Forget" s'est imposée 4-1 sur terre battue
face à des Croates qui n'ont jamais vraiment su trouver
leurs marques, handicapés par l'absence de Goran Ivanisevic.
C'est Arnaud Clément qui donna à la France le troisième
point, synonyme de victoire, en battant en quatre sets
Ivan Ljubicic 6-2, 3-6, 7-6, 6-4, qui remporta, deux
jours plus tôt, face à Thierry Ascione, la seule victoire
croate.
REVUE
DE PRESSE
05/02/2004
L'EQUIPE
Le
cerveau croate
Ivan
Ljubicic est à la fois le leader et le maître
à penser de l'équipe de Croatie.
METZ
- envoyé spécial
Malgré
son mètre quatre-vingt-treize d'altitude,
Ivan Ljubicic,
le numéro 1 de l'équipe croate,
fait un peu court à côté des 196
centimètres de Mario
Ancic et, surtout, des 2,08 m d'Ivo
Karlovic. Cela ne l'empêche pas d'être
le patron de la troupe (avec le capitaine Niki Pilic).
Un statut que son classement de 35eme mondial et son
maintien constant dans le top 50 depuis trois ans lui
valent tout autant que son expérience en Coupe
Davis.
Après
des débuts précoces à l'âge
de dix-huit ans, en 1998, il a continué a servir
fidèlement son équipe et a largement
contribué, aux côtés de Goran Ivanisevic,
à faire remonter, depuis l'an 2000 la Croatie
de la Troisième à la Première
Division que constitue le groupe mondial.
TOUS LES RÉSULTATS |
Résultats
des matches disputés dans le cadre de
la rencontre du premier tour du groupe mondial
de la Coupe Davis France-Croatie: A Metz, terre
battue : France bat Croatie 4-1
Vendredi
6 février 2004
Simples :
- Arnaud Clément, France,
bat Mario Ancic, Croatie, 6-4, 6-3, 6-3.
- Ivan Ljubicic, Croatie, bat
Thierry Ascione, France, 7-5, 6-4, 6-4.
Samedi
7 février 2004
Double :
- Mickaël Llodra et Nicolas Escudé,
France, battent Mario Ancic et Ivo Karlovic,
Croatie, 6-1, 7-6 (5), 6-3.
Dimanche 8 février 2004
Simples inversés :
- Arnaud Clément, France,
bat Ivan Ljubicic, Croatie, 6-2, 3-6, 7-6 (3),
6-4.
-
Nicolas Escudé, France,
bat Ivo Karlovic, Croatie, 7-6 (5), 6-2.
|
S'il
compte naturellement parmi les fans de l'incomparable
Goran, Ljubicic s'en distingue par un look en opposition
complète avec celui de son idole. Aux coiffures
"palmier" et autres excentricités
d'Ivanisevic, il oppose une calvitie précoce,
qui lui fait donner bien plus que les vingt-cinq ans
qu'il fêtera le 29 mars, et une gravité
un rien monacale sans rapport avec le portrait d'humoriste
sympathique qu'en font ses proches.
Son
penchant pour la plaisanterie ne l'empêche pas
de faire preuve d'un sérieux et même d'une
sagesse étonnante en matière d'entretien
physique. Notamment en ce qui concerne son épaule,
formidable catapulte à aces. "J'ai
toujours des problèmes pendant deux ou trois
semaines en début d'année, explique-t-il,
parce que, pendant la période de novembre et
de décembre ou je n'ai pas besoin de mon service
(vu qu'il n'y a pas de tournois), je m'entraîne
en l'utilisant au minimum. Si on sollicite son épaule
douze mois sur douze, on finit toujours par avoir des
problèmes qui peuvent mener à une opération."
En bon élève, il a su tirer intelligemment,
la leçon des déboires de maître
Goran.
ÉLÈVE
SUR TERRE
Bien
sûr qu'il ne nie pas avoir une préférence
pour les surfaces rapides, Ljubicic prend plaisir à
souligner qu'il est loin d'être manchot sur terre
battue: "L'an dernier, c'est sur terre que
j'ai obtenu mes meilleurs résultats. C'est là
que j'ai marqué le plus de points (ATP): j'ai
fait un quart de finale à Rome après
avoir battu Coria. Je me suis qualifié pour
le troisième tour à Monte-Carlo ou j'ai
eu balle de match contre Spadea pour aller en quart
et j'ai atteint le troisième tour à Roland
Garros. En fait, je me sens tout à fait à
l'aise sur terre. Mon service y reste une arme efficace
et j'ai plus de temps pour frapper mes coups de fond
de court. C'est le cas de nous tous dans cette équipe.
Les gens pensent que nous ne devons pas être
bons sur terre parce que, physiquement, nous sommes
tous grands et costauds, mais il ne faut pas oublier
que nous avons tous appris à jouer au tennis
sur terre battue. En ce qui me concerne, la première
fois que j'ai joué sur dur, j'avais seize ans..."
Ses statistiques en Coupe Davis indiquent 9 victoires
pour 8 défaites en simple à enjeu et
7 victoires pour 4 défaites en double. On peut
relever parmi ces résultats, à côté
de certaines contre-performances, des "perfs"
(Chela, Blake et Fish, tous sur terre battue) qui permettent
de classer Ljubicic dans la catégorie des joueurs
de Coupe imprévisibles et donc dangereux.
Il analyse la rencontre à venir avec sérénité,
mais sans faire d'intox:
"C'est évident que l'équipe
de France est handicapée par l'absence de Grosjean.
De plus, il me semble qu'il aurait été
bon d'avoir Santoro dans l'équipe. Mais le capitaine
a fait son choix. Il a ses raisons. Je n'ai pas à
m'en mêler et, à vrai dire, je m'en fiche.
Toujours est-il que je pense que nous avons de bonnes
chances. Je crois même que, si le capitaine français
avait su que Grosjean ne pourrait pas jouer, il n'aurait
sans doute pas choisi la terre battue."
On perçoit, lorsqu'il prononce cette dernière
phrase, un léger soulagement... Sans doute qu'il
n'avait guère envie de se retrouver face à
Escudé, qui l'a battu trois fois sur trois,
toujours sur surface rapide et sans jamais perdre un
set.
Francis
Haedens
6/02/2004
L'ÉQUIPE
Le fantôme de l'Opéra
L’ombre
de Goran Ivanisevic planera ce week-end à Metz.
Rencontre, à Zagreb, avec le « parrain
» du tennis croate.
|
C'était
le 10 juillet 2001. Vainqueur surprise à
Wimbledon, Goran Ivanisevic rentre en héros
en Croatie, où 200 000 personnes
l'attendent à sa descente d'avion, dans
sa ville natale de Split. © Sipa
Press |
Figure
emblématique du tennis en Croatie, véritable
star et idole nationale depuis sa victoire à
Wimbledon en 2001, Goran Ivanisevic sera l’un
des grands absents du premiers tour de Coupe Davis
contre la France, ce week-end à Metz. Toujours
blessé, il a mis sa carrière en pointillé
et ne rêve plus que de deux choses : rejouer
à Wimbledon en pleine possession de ses moyens
et disputer, à Athènes, ses cinquièmes
Jeux Olympiques.
Zagreb
- envoyé spécial
Il
a encore un petit peu neigé, ce matin-là
à Zagreb, et la ville engourdie semble s’être
assoupie sous son grand manteau blanc. Dehors, il gèle
à pierre fendre, mais Goran Ivanisevic, chaleureux,
a tôt fait de briser la glace : « Et si
on se jetait quelques chose de bien chaud derrière
la cravate ? »
Confortablement
assis dans un moelleux fauteuil du Diana Bar de l’hôtel
Opéra, à deux jets de raquette du centre
historique de Zagreb, le Croate ne semble guère
avoir beaucoup changé. Petite barbiche en pointe
et regard furtif. Affûté comme jamais,
aussi, dans un survêtement noir et sous un bonnet
blanc vissé sur le crane, il n’est plus,
non plus, tout à fait le même. Le joueur
Ivanisevic a, depuis belle lurette, branché
sa carrière sur l’alternatif. Dans la
vie, pourtant, le grand Goran, lui, continue…
Le Croate rentre à peine d’une séance
d’entraînement dans un club voisin et,
dans les trois jours qui viennent, le destin de ses
amis de l’équipe de Coupe Davis se jouera
dans les Arènes de Metz contre la France. Mais
sans lui. « Et pourtant, j’aurais tellement
aimé être là-bas ! »
REPÈRES |
Goran
Ivanisevic
a 32 ans. Il est né le 13 septembre 1971
à Split (Croatie). Il mesure 1,93 m et
pèse 81 kg.
Après s’être illustré
chez les juniors (n°3 mondial de la catégorie),
il passe professionnel fin 1988. Il remporte
son premier titre en 1990, sur la terre battue
de Stuttgart. Serveur émérite (il
a régulièrement dépassé
le millier d’aces annuels), c’est
toutefois sur le gazon de Wimbledon qu’il
a réalisé ses plus hauts faits
d’armes. Trois fois battu en finale (1992,
1994, et 1998) il s’y impose enfin en 2001,
à la surprise générale puisque,
125ème à l’ATP avant le tournoi,
il avait bénéficié d’une
wild-card pour entrer dans le tableau ; Victorieux
de 22 titres tout au long de sa carrière,
dont deux Master Series (Stuttgart indoor 1992
et Bercy 1993) il a obtenu son meilleur classement
(n°2 ATP) en juillet 1994. Très attaché
à son pays, la Croatie, depuis son indépendance
en 1991, Ivanisevic en est le porte-drapeau aux
Jeux Olympiques de Barcelone en 1992, ou il remporte
deux médailles de bronze (en simple et
en double aux côtés de son compère
Prpic.) Il a aussi disputé 44 matches
(33 victoires) de Coupe Davis pour la Yougoslavie
entre 1989 et 1991, puis pour la Croatie de 1993
à 2003. |
Pour
ça, il a tout fait, Goran, tout essayé.
« Même les magiciens, rigole-t-il. Mais
rien n’y a fait. C’est encore un peu juste.
Je n’aurais pas été utile. Alors,
à quoi bon… »
Sa rentrée, il préfère la différer
à la semaine prochaine, à Milan, où
il a obtenu une wild-card. « Parce que là,
ça n’engage que moi. « Et parce
qu’une Coupe Davis « ça mérite
tout de même autre chose que de faire de la figuration
dans les gradins. »
Mais qu’on ne s’y trompe pas : l’ombre
de Goran Ivanisevic planera bien, ce week-end, sur
les Arènes de Metz. « Et les gars savent
bien que je serai là, avec eux, même si…je
ne suis pas là ! » Tout ce que «
les gars » savent, aussi, c’est ce qu’ils
doivent aujourd’hui à Goran Ivanisevic,
le « grand frère » comme il se définit
volontiers lui-même, converti de la première
heure à la religion de la Coupe Davis. «
J’ai toujours adoré cette épreuve,
rappelle aujourd’hui ce fan invétéré
de basket et de football, les deux sports collectifs
majeurs dans son pays. Ne serait-ce que pour les valeurs
de solidarité et de fraternité qu’elle
véhicule. »
Mais,
il aime aussi, pour toute la fierté qu’elle
lui procure. « Ah, mouiller le maillot pour la
Croatie ! », se plait-il soudaine à évoquer,
avant de faire mine de s’interroger : «
Je ne sais pas si tous les joueurs de certains autres
pays peuvent comprendre… » Le regard se
fait alors plus vague, sur une époque révolue,
certes, mais qu’il n’a en rien oubliée.
« La Croatie a traversé une période
très difficile, avec la guerre et tout ça.
Nous avons vécu des moments extrêmement
dramatiques. Alors, pour moi, jouer pour mon pays a
toujours eu un sens très fort qu’il n’a
peut être pas eu pour d’autres. »
Encore
aujourd’hui, le Croate ne peut pas songer sans
émotion à son entrée dans le stade
olympique de Barcelone, en 1992, lorsqu’il eut
ce qu’il considère comme « le suprême
honneur » : porter le drapeau de la première
délégation croate aux JO
« ce fut, rappelle-t-il encore aujourd’hui,
le plus beau jour de ma vie. » Plus beau, encore,
que ce lundi 9 juillet 2001, lorsqu’il devint,
contre toute attente et après déjà
trois finales perdues et autant d’ « assiettes
» récoltées sur le gazon du temple
londonien, à vingt-neuf ans révolus,
le tout premier joueur bénéficiaire d’une
wild-card de l’histoire à remporter Wimbledon
? « Il y a un match, c’est sûr !
» rigole-t-il avant de concéder, le plus
sérieusement du monde : « Wimbledon relève
du rêve, presque de l’irréel. C’est
un plaisir immense, très pur. Très personnel
aussi. Mais jouer pour son pays, que ce soit en Coupe
Davis ou aux Jeux, c’est tout autre chose ! »
D’ailleurs,
Goran Ivanisevic, ne s’en est jamais caché
: « Toute ma vie, j’ai joué pour
quelqu’un ou pour quelque chose : ç’a
d’abord été mon père, puis
ma sœur, puis mes amis, puis mon pays. »
Mais, cette fois, le Croate l’a joué perso.
Par nécessité. « Et j’y crois
! Les copains feront très bien sans moi. »
Un soupir avant de bien rigoler : « Et ce n’est
que partie remise, je serai avec eux au deuxième
tour ! » Le temps de tremper ses lèvres
dans sa tasse de thé encore brûlante,
Ivanisevic savoure l’effet d’annonce et
se marre encore : « Non, sérieusement,
ce sera difficile, bien sûr, et les Français
restent les favoris. » Mais, « qui sait,
en Coupe Davis, tout peut arriver » récite-il
un peu mécaniquement. L’absence de Grosjean
le réjouit, bien sûr. « C’est
tout bon pour nous ! » Celle de Santoro le laisse,
en revanche, plus que perplexe ; « Étrange,
étrange… » L’euphémisme
fleurit alors, au détour du propos goguenard
: « Dans ce contexte, la rencontre risque d’être…
disons… intéressante ! »
A
Split ou à Zagreb, à l’en croire,
elle l’eut été plus encore. «
Je ne dis pas que nous somme invincibles, proclame-t-il
avec fierté, mais, à domicile, nous sommes
pratiquement imbattables ! » Bon sang ne saurait
mentir : Croates et fiers de l’être, les
Ivan Ljubicic, Mario Anic, Ivo Karlovic ou autre Roko
Karanusic, ont en effet hérité du
grand Goran l’esprit de groupe chevillé
au corps. « Je les aime comme des petits frères
» insiste Ivanisevic. Et les petits frères
le lui rendent bien, eux qui ont toujours vu en lui
le symbole, l’idole, le vainqueur de Wimbledon,
bien sûr, mais aussi le dur au mal, celui qui
ne fut jamais épargné par les coups durs,
les pépins physiques. Celui, surtout, qui a
toujours jeté sur eu un regard bienveillant.
« J’ai toujours tenu à leur consacrer
du temps, à leur donner des conseils. J’étais
déjà dans le top 10 mondial quand les
mecs de l’équipe actuelle disputaient
les tournois chez les juniors. Tu en connais beaucoup,
toi, des joueurs du top 10 qui restent regarder des
matches de juniors dans un tournoi du Grand Chelem
? » Les liens naturels se sont créés.
« Je leur parle souvent, ils m’appellent
et s’inquiètent de ce que je fais, de
ce que je deviens. »
Ils n’ont rien raté, bien sûr, des
pérégrinations de leur mentor depuis
quelques saisons. Les années de galère,
les joies, les peines, les triomphes, les doutes aussi
et les interrogations, forcément. Partir, oui,
mais pour aller où ? « Goran, il lui a
souvent fallu remettre un peu d’ordre entre les
deux oreilles », ne rate jamais une occasion
de rappeler, avec autant d’humour que d’affection,
Gérard Tsobanian, son agent et ami. Religieux
en diable, Goran Ivanisevic, n’a, de fait, longtemps
jamais trop bien su à quel saint se vouer.
"Ce
que je voudrais, c'est jouer à Wimbledon
en pleine possession de mes moyens et participer
à mes cinquièmes Jeux Olympiques" |
Mais
celui qui n’a jamais voulu voir qu’une
« punition de Dieu » dans ses échecs
ou toute la bienveillance de la Divine Providence dans
ses succès a aujourd’hui bien fait le
mélange entre les deux oreilles. Apaisé
et un brin fataliste, il annonce : « Je me donne
une nouvelle chance de revenir. Bon sang, je n’ai
tout de même pas envie de m’être
fait opérer pour rien ! Mais
ce sera la dernière ! » Un rêve
passe, auquel il s’accroche désormais
de toutes ses forces.
« En fait, lâche-t-il enfin, ce que je
voudrais, c’est jouer de nouveau à Wimbledon
en pleine possession de mes moyens et participer à
mes cinquièmes Jeux Olympiques.
Mais attention, hein, pas pour y faire de la figuration
! Quand je vois qu’Agassi est toujours là,
à trente-trois ans, pour créer des problèmes
aux petits jeunes, je me dis : pourquoi pas moi ? »
Pour peu que le corps suive. « Et si Dieu le
veut », bien sûr… Le temps est passé
et le thé a fini par refroidir un peu dans la
tasse que Goran Ivanisevic laissera, finalement, à
moitié pleine avant de déplier sa grande
carcasse et enfoncer son bonnet jusqu’aux oreilles.
« C’est pour moi ! », lance-t-il
à la serveuse qui a manifestement reconnu en
lui l’idole de tout un peuple. En sortant de
l’hôtel Opéra, les visages s’éclairent
et les saluts se font complices. Ivanisevic, lui, s’en
étonne toujours un peu. « Quand on me
parle de ma victoire à Wimbledon, en 2001, il
m’arrive, je le jure, de me demander, ne serait-ce
que pendant quelques secondes, si c’est bien
de moi qu’il s’agit ! »
Le souvenir du retour triomphal à Split, sa
ville natale, reste en revanche particulièrement
vivace dans son esprit. 200 000 personnes en délire,
un strip-tease d’enfer et quatre nuits blanches
à l’avenant, ça ne s’oublie
pas. « Quand on a vécu un truc pareil
une fois dans sa vie, après, on peut mourir
tranquillement ! »
Ivanisevic, depuis n’est pas mort, loin s’en
faut. Il revit, même, et revit bien. Pour l’heure,
c’est le biberon de Nina, sa fille née
il y a neuf mois, qui le préoccupe. «
Être papa, ça occupe bien son homme, tout
de même, fond-il. Allez, il faut que j’y
aille ! » rendez-vous est alors pris pour Milan.
Au port de l’angoisse, aussi. « Je dois
avouer que j’ai un peu la trouille ! »
De mal faire. De ne pas pouvoir, une dernière
fois, aller au bout de ses rêves.
Avant de s’enfoncer dans la froidure extrême
de l’hiver croate et de regagner sa voiture qui
l’attend, sagement rangée entre deux blocs
de neige, Goran Ivanisevic finit par avouer, pour solde
de tout compte : « C’est ça, tu
comprends, la peur de mal faire, de ne pas être
à la hauteur. » Celle qui poussera le
fantôme de l’Opéra à ne pas
être aux arènes de Metz, aujourd’hui.
Mais devant son poste de télévision,
à Zagreb. « Parce qu’autrement,
tu comprends, ça n’avait pas de sens….
»
Marc
Beaupère
1)
La Croatie, qui faisait partire de la Yougoslavie,
est devenue indépendant officiellement le 8 octobre
1991
2) Surnom des trophées remis
aux perdants des finales à Wimbledon.
3) De l’épaule gauche,
en mai 2002
4) A Athènes, après ceux
de Séoul, Barcelone, Atlanta et Sydney
6/02/2004
AP
Coupe Davis: Français et Croates dos
à dos
par Samuel Pétrequin
METZ
- La logique a été respectée vendredi
sur la terre battue de Metz, où la fougue et
le tempérament offensif du néophyte Thierry
Ascione se sont avérés insuffisants pour
assurer à l'équipe de France un avantage
décisif dans le premier tour de Coupe Davis
qui l'oppose à la Croatie.
A l'issue des deux premiers simples disputés
vendredi, Français et Croates se sont quittés
dos à dos, une victoire partout.
En bon numéro un, Arnaud Clément a parfaitement
ouvert le bal en maîtrisant le jeune Mario Ancic
6-4, 6-3, 6-3. Mais la confrontation entre le leader
de l'équipe croate Ivan Ljubicic et Ascione
s'est ensuite déroulée selon un scénario
opposé et le nouveau-venu dans la compétition
s'est incliné 7-5, 6-4, 6-4.
»Beaucoup de gens s'attendaient à avoir
ce résultat ce soir», a déclaré
le capitaine de l'équipe de France, Guy Forget.
«La logique a été respectée
et le double sera crucial samedi».
Face à la puissance des coups de Ljubicic, qui
a servi 20 aces, Ascione, 82e joueur mondial, a tenu
la comparaison un set. Après avoir perdu son
service à 3-3, le jeune homme de 23 ans originaire
de Villeurbanne a réussi à revenir à
5-5 après avoir sauvé trois balles de
set. Mais il a perdu dans la foulée sa mise
en jeu pour s'incliner 7-5, sur une accélération
de coup droit de son adversaire.
Ljubicic, 35e au classement ATP et finaliste à
Doha cette saison, s'est ensuite contenté d'un
break dans chaque set pour conclure tranquillement
la partie malgré ses sautes de concentration,
bien aidé par les fautes grossières d'Ascione.
»Je fais deux grosses erreurs dans le premier
set, deux énormes fautes dans le 2e et dans
le 3e il y a un jeu où je sors un peu du match»,
a résumé le Français, battu sous
les yeux de Paul-Henri Mathieu qui, comme lui, avait
connu l'échec lors de sa première titularisation
contre la Russie en finale de la Coupe Davis 2002.
Après la défaite d'Ascione, Forget a
déclaré qu'il n'était pas encore
certain de le faire jouer dimanche en simple. Totalement
convaincu au contraire par la performance de Clément,
il a laissé planer l'hypothèse de titulariser
l'ancien finaliste de l'Open d'Australie en double
samedi, aux dépens de Nicolas Escudé
ou de Mickaël Llodra.
»Je ne vous dirai pas ce soir qui je vais mettre
en double», a dit Forget. «Mais il est
certain qu'Arnaud peut jouer trois matches et tenir
la distance. Et mon choix sera fait par rapport à
des qualités tennistiques».
Contre Ancic, après un début de match
un peu crispé, Clément a impressionné
Forget en parvenant parfaitement à maîtriser
le jeu très offensif du jeune Croate.
»Je suis très content de mon niveau tennistique»,
a déclaré l'Aixois, qui n'avait plus
joué en Coupe Davis depuis la demi-finale contre
les Etats-Unis en 2002. «Après le premier
set, j'ai ensuite pu libérer mes frappes. Ça
s'est super bien passé pendant le stage et je
suis très heureux que ça se traduise
sur le terrain».
Dans la première manche, attaquée tambour
battant par le géant Ancic (1m96), Clément
a été mis en difficulté et a dû
sauver quatre balles de break grâce à
des premières balles de très bonne qualité,
avant de prendre le service du Croate à 4-4
sur un magnifique passing de revers dans les pieds,
puis de conclure 6-4.
»C'est bien d'avoir réussi à sauver
ces balles de break en servant très bien avant
de lui passer dessus», a poursuivi Clément,
qui semble avoir parfaitement digéré
son élimination prématurée à
l'Open d'Australie, où il a été
battu au premier tour.
Dans la 2e manche, «La Clé» n'a
pas laissé son adversaire reprendre ses esprits
et lui a pris sa mise en jeu d'entrée, avant
de la lui ravir à nouveau pour conclure 6-3
sur un retour de coup droit gagnant.
Le dernier set s'est déroulé sur un scénario
semblable. Clément a fait le break pour mener
2-0 en sortant deux très beaux passings de revers
et a ensuite conservé son avantage avant de
conclure 6-3.
»Il courait partout et a trouvé des solutions
pour tout ce que j'ai tenté», a commenté
Ancic après le match. AP
© AP - The Associated Press.
7/02/2004
REUTERS
Davis-Pilic
ménage Ljubicic, Forget garde les mêmes
METZ - Nikola Pilic, le capitaine de l'équipe
de Croatie, a choisi de ménager sa pièce
maîtresse Ivan Ljubicic et a renoncé à
l'aligner dans le double qui doit affronter la France
samedi, lors de la rencontre de premier tour de la
Coupe Davis qui oppose les deux équipes.
Pour
épauler Mario Ancic, Pilic a choisi de lancer
Ivo Karlovic, 65e mondial et qui, du haut de ses 208
centimètres, pourrait faire des ravages au service
sur la terre battue de Metz.
Guy
Forget, son homologue français, qui avait laissé
planer le doute sur la composition de son équipe,
a pour sa part décidé de maintenir celle
qu'il avait désignée lors du tirage au
sort, Nicolas Escudé et Mickaël Llodra.
7/02/2004
AFP
Coupe
Davis: la France remporte le double face à la
Croatie
METZ
- Le point remporté par Nicolas Escudé
et Mickaël Llodra face à Mario Ancic et
Ivo Karlovic pour la France au premier tour du Groupe
mondial de la Coupe Davis de tennis, a compté
double, samedi, à Metz.
Vainqueurs
6-1, 7-6 (7/5), 6-3, en 1 heure et 57 minutes, Escudé
et Llodra ont permis à leur équipe de
mener 2-1 devant la Croatie à l'issue de la
deuxième journée. Ils ont également
levé la sérieuse hypothèque qui
pesait sur la paire qu'ils formaient après l'éviction
de Fabrice Santoro.
Vendredi, Arnaud Clément avait donné
le premier point à la France en battant Mario
Ancic 6-4, 6-3, 6-3, et Ivan Ljubicic mis les équipes
à égalité en dominant Thierry
Ascione 7-5, 6-4, 6-4.
Escudé
et Llodra, qui n'avaient jamais joué ensemble
sur terre battue et n'avaient remporté que deux
des six matches qu'ils avaient déjà disputés
associés en double, se sont bien entendus face
à une paire croate aussi maladroite que haute
par la taille. Deux fois seulement, au sixième
jeu du deuxième set et au tout dernier jeu du
troisième, les rouages de leur association furent
pris en défaut. Ce qui est très peu.
Le
géant Ivo Karlovic (2,08 m) avait remplacé
au dernier moment Ivan Ljubicic, soucieux de ménager
son épaule avant le troisième simple
qui l'opposera à Arnaud Clément dimanche
et pourrait s'avérer décisif.
Le
double croate n'y gagna certainement pas en efficacité
au service, et encore moins en retour de service.
Au
cours du premier set, Karlovic ne marqua ainsi que
25 % des points avec sa première balle de service,
principalement en raison de l'inefficacité d'Ancic
au filet.
Et
sur l'ensemble de la partie, malgré son application
pour ne pas taper trop fort, il ne retourna dans les
limites du carré adverse que 50 % des balles
de service.
Très
inégal dans le premier set, le match s'équilibra
rigoureusement dans le deuxième. Encore mis
en demeure de sauver deux fois le service de Karlovic
dans le premier jeu, les Croates obtinrent leurs deux
première balles de break sur le service d'Escudé
dès le jeu suivant.
La
troisième, au sixième jeu, toujours avec
Escudé au service, resta aussi improductive
que ces deux-là. Dans le jeu décisif,
un retour gagnant de Karlovic procura enfin à
son équipe, qui mena 2-1 puis 3-1, son seul
avantage minime de la partie. Il n'allait pas tarder
à fondre, Escudé concluant ce jeu d'une
volée cinglante.
Il
n'y eut dans la dernière manche qu'une seule
balle de break en faveur des Français. Il revint
à Llodra, dont l'efficacité ne cesse
de s'affirmer en double, de la concrétiser d'un
retour de service gagnant le long de la ligne.
8/02/2004
REUTERS
La
France en quart de finale de la Coupe Davis
METZ
- La France s'est qualifiée dimanche pour les
quarts de finale de la Coupe Davis de tennis, après
qu'Arnaud Clément eut apporté le troisième
point, synonyme de victoire, en battant le Croate Ivan
Ljubicic.
Le
Français, 30e mondial, s'est imposé 6-2
3-6 7-6 (7-3) 6-4 sur son adversaire, 35e de la hiérarchie
internationale, après deux heures et 52 minutes
de jeu.
Clément
avait déjà apporté le premier
point en battant vendredi Mario Ancic (6-4 6-3 6-3),
avant que Ljubicic ne remette les deux équipes
à égalité en s'imposant à
Thierry Ascione (7-5 6-4 6-4).
Samedi
en double, Nicolas Escudé et Mickaël Llodra
avaient permis à la France de virer en tête
en battant le double croate composé d'Ancic
et Ivo Karlovic (6-1 7-6 6-3).
9/02/2004
LIBERATION
Clément
prend son quart
En
l'absence de Grosjean, il qualifie la France en Coupe
Davis à Metz, face à la Croatie
Par Gilles
DHERS
Ce
serait un gros mensonge d'affirmer qu'Arnaud
Clément est le plus doué, le plus brillant
et le plus spectaculaire des tennismen français.
En revanche, question opiniâtreté, goût
de la bagarre, intensité à l'entraînement
et esprit d'équipe, il n'a de leçons
à recevoir de personne. Des qualités
de ce genre façonnent les bons joueurs de Coupe
Davis. Mais elles n'avaient, avant ce week-end, jamais
permis à Clément de rapporter à
l'équipe de France un point décisif,
à l'occasion des onze simples qu'il avait disputés
depuis ses débuts dans l'épreuve, en
2000. Depuis hier, c'est chose faite : vainqueur d'Ivan
Ljubicic en quatre sets, 6-2, 3-6, 7-6 (7/3), 6-4,
en deux heures cinquante-deux minutes, «la Clé»
a envoyé la France en quarts de finale. Du 9
au 11 avril, la France rencontrera la Suisse
qui est allée s'imposer en Roumanie sur
terrain helvétique.
Téméraire.
Sur le court, encore ruisselant de la douche au champagne
que lui avaient réservée ses coéquipiers,
Arnaud Clément commentait : «ça
ne m'était jamais arrivé de rapporter
le point de la victoire. C'est un grand bonheur, c'est
génial, fantastique.» Il faudra retenir
de ce week-end messin que, promu patron de l'équipe,
Arnaud Clément a parfaitement tenu une baraque
qu'on pouvait craindre menacée d'effondrement
en l'absence de Sébastien Grosjean, forfait
pour blessure, et de Fabrice Santoro, écarté
pour excès d'individualisme. «Arnaud a
fait un immense week-end. Même si ce n'est pas
dans sa nature, il a été un leader»,
déclarait, après la victoire, un Guy
Forget qui sort également renforcé de
cette rencontre.
Se
priver de Santoro, pourtant l'un des meilleurs joueurs
de double du monde et récent vainqueur de l'Open
d'Australie avec Mickaël Llodra, était
risqué. Rester ferme sur cette position après
le forfait de Grosjean, cela devenait téméraire.
Choisir, dans ces conditions, comme deuxième
joueur de simple un Thierry Ascione novice en Coupe
Davis, cela pouvait tourner au casse-gueule.
Epaules.
Et la première journée de la rencontre,
vendredi, n'avait pas de quoi rassurer Forget. Si Clément
avait proprement corrigé Ancic, Ascione, face
à Ljubicic, avait paru bien trop tendre et prouvé
qu'il n'avait pas les épaules assez larges pour
supporter la responsabilité d'un éventuel
cinquième match décisif. Preuve du doute
qui l'habitait ou coup d'intox ? Forget entretenait
encore vendredi le suspense sur la composition du double
qui devait jouer samedi. Il a finalement choisi d'associer
Nicolas Escudé et Mickaël Llodra, qui n'avaient
joué que sept matchs ensemble jamais en
Coupe Davis et n'en avaient gagné que
deux. Face à Ancic et Karlovic, qui eux n'avait
jamais joué ensemble Ljubicic, à
l'épaule fragile, avait été ménagé,
pour le simple , la paire française se
montra impeccable pour s'imposer 6-1, 7-6 (7/5), 6-3.
Llodra prouvant à cette occasion combien il
avait progressé et comment il avait désormais
dans la cervelle un peu du plomb qu'il réservait
autrefois à son seul bras gauche. Forget : «Micka
a progressé, il a mûri. On le sent plus
sûr de lui sur le terrain. Il a été
parfait.»
Le
point du double acquis, ne restait plus à Clément
qu'à finir le boulot, ce qu'il fit joliment
contre Ljubicic, en maîtrisant mieux que le Croate
les moments délicats, notamment le tie-break
du troisième set. Prochaine étape, la
Suisse. Pour une revanche du quart de finale remporté
par les Helvètes l'an dernier à Toulouse.
Une défaite à l'occasion de laquelle
étaient apparues les tensions ayant conduit
à l'exclusion de Santoro. «Ce n'était
pas une très belle défaite, elle avait
un petit goût amer», disait Clément
hier.
Clémence.
Mais la Suisse, c'est surtout l'équipe de Roger
Federer, «le plus grand joueur actuel»,
dixit Clément. Qui voit cependant une raison
de se réjouir du voyage à venir. La plupart
des joueurs français étant installés
en Suisse pour la clémence de son climat fiscal,
Clément plaisante : « On sera pratiquement
à domicile. »
©
Libération
|