L’Union européenne
va entamer début 2005 les négociations d’adhésion
avec la Croatie. Celle-ci s’est lancée dans une spectaculaire
intégration internationale depuis cinq ans.
Quelques heures avant d’en
découdre avec l’équipe de France de football,
la Croatie a reçu, hier, une bonne nouvelle du Conseil
des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne,
à Bruxelles : les négociations d’adhésion
avec Zagreb vont commencer dans six mois, et la Croatie s’est
vu confirmer le statut de candidat que la Commission lui avait
attribué en avril.
La Croatie, qui a déposé sa candidature
en février 2003, pourrait fort bien réussir à
monter dans le « deuxième train » des pays
de l’Est, avec la Roumanie et la Bulgarie, destiné
à entrer dans l’Union en 2007. Le « premier
train », fort des trois Etats baltes de l’ex-URSS,
de la Slovaquie, de la Pologne, de la République tchèque,
de la Hongrie, de la Slovénie, sans oublier Chypre et Malte,
est arrivé à destination il y a à peine six
semaines, et Bruxelles compte prendre en compte l’expérience
de ce récent élargissement lors des discussions
avec Zagreb, en définissant d’ici à janvier
prochain le « cadre général » de négociations.
Vague de bons indicateurs
Au final, la Croatie aura accompli un chemin
remarquable, puisqu’elle peut espérer entrer dans
l’Union d’ici à trois ans environ, alors qu’elle
menait, il y a à peine huit ans, une guerre d’indépendance
particulièrement destructrice contre Belgrade. En outre,
elle a été longtemps dirigée par un Franjo
Tudjman à peu près aussi infréquentable que
Slobodan Milosevic, ce qui n’avait contribué ni à
son intégration internationale ni au redressement d’une
économie dévastée par la guerre.
L’économie a pourtant opéré,
à partir de janvier 2000, un redressement spectaculaire,
sous la houlette de la coalition de centre-droit dirigée
par Stipe Mesic. La Croatie, qui jouissait jadis du triste privilège
d’être le pays de l’ex-bloc soviétique
ayant bénéficié du plus faible volume d’investissement
étrangers depuis la chute du Mur, et où le chômage
était le plus élevé, surfe maintenant sur
une vague de bons indicateurs. L’inflation est sous contrôle
et la croissance vigoureuse, même si la dette internationale,
équivalente à 76 ù du PIB, demeure préoccupante
et si les retraites pèsent sur les finances publiques.
De nombreuses PME privatisées
En outre, les infrastructures du pays ont été
modernisées, notamment grâce à de gigantesques
chantiers routiers, et Zagreb a privatisé de nombreuses
PME et des banques, cédées aux étrangers
malgré la méfiance de l’opinion publique,
tout en adhérant à l’Organisation mondiale
du commerce. Le parti HDZ, jadis nationaliste mais désormais
favorable à l’intégration internationale,
de feu Franjo Tudjman, semble déterminé à
continuer sur la voie des réformes depuis son retour aux
affaires en janvier dernier.
La dernière pierre d’achoppement
avec l’Union européenne, outre une réforme
de la justice, de l’administration et de l’attribution
des marchés publics permettant de lutter contre la corruption,
s’appelle Ante Gotovina. Ce général, en fuite
depuis trois ans, est le dernier Croate inculpé à
ne pas être entre les mains du Tribunal pénal international
(TPI)à de La Haye, en charge des crimes de guerre de l’ex-Yougoslavie.
L’Union a rappelé hier que Zagreb, qui, après
des années d’hésitation, s’est lancé
dans une collaboration avec le TPI, devait absolument le rattraper.
Yves Bourdillon