Jean-Baptiste
Naudet
correspondant à Zagreb
De crainte de devoir abdiquer
un peu de leur " indépendance ", les Serbes sécessionnistes
de Krajina (Croatie) ont fait échouer, jeudi 16 juin, la
deuxième partie (économique) de négociations
avec les autorités croates, censées mener à
une solution politique du conflit à l'intérieur
des frontières de la Croatie. La première phase,
militaire, s'est conclue le 29 mars par un cessez-le-feu global
et généralement respecté. Officiellement,
c'est le refus des Serbes d'autoriser la présence de la
presse croate dans leur " République serbe de Krajina
", où devait se tenir les négociations (c'est-à-dire
en territoire croate contrôlé par les forces serbes)
qui a fait échouer la rencontre de jeudi, déjà
retardée de près de deux mois. " Je ne comprends
pas sur quel principe est basé le comportement de M. Martic
", " président " de la Krajina, a dit, en
constatant le refus serbe, l'ambassadeur russe à Zagreb.
La Russie avait organisé, au lendemain de la signature
de l'accord croato-musulman en Bosnie, ces négociations
sur la Krajina. Pour signer l'accord de fédération
et de confédération avec les Musulmans de Bosnie,
la Croatie avait exigé _ et, selon elle, obtenu _ des garanties
des grandes puissances sur le retour de " territoires occupés
" dans ses frontières.
Zagreb considère que ces négociations
(militaires, économiques et politiques) forment un tout.
Et qu'après avoir accepté un cessez-le-feu qui lui
est défavorable _ l'interposition des " casques bleus
" rend difficile une opération militaire de "
récupération " _ les Serbes de Krajina doivent
négocier une solution politique à l'intérieur
des frontières croates " internationalement reconnues
".
Selon le chef des négociateurs croates,
Hrvoje Sarinic, " nous avons dit [aux Serbes] que nous étions
prêts à considérer une normalisation d'ensemble
des relations, ce qui inclut les problèmes économiques
et politiques ". Zagreb voulait parler jeudi, non seulement
de questions limitées (comme l'échange d'eau contre
de l'électricité) mais aussi de l'ouverture des
routes (qui pose le problème politique du contrôle),
du rétablissement du téléphone _ qui soulève
la question du code d'appel : par la Croatie ou par la Serbie,
comme c'est le cas aujourd'hui ? _ ou encore du paiement par Zagreb
des retraites, ce qui implique l'utilisation de la monnaie croate
en Krajina, où le " super-dinar " de Belgrade
a actuellement cours.
M. Sarinic, qui paraît fort de l'appui (ouvert)
américain et (timide) des Russes, a cherché à
dédouaner Belgrade de cet échec, estimant que l'attitude
des Serbes de Krajina est " très différente
de la politique officielle de la Serbie ". En revanche, Peter
Galbraith, ambassadeur des Etats-Unis en Croatie, a directement
mis en cause le président serbe : " Tant que M. Milosevic
ne sera pas prêt à accepter une solution juste, il
n'y en aura pas ", a-t-il déclaré.
Le
président yougoslave indésirable en Suisse.
_ Le gouvernement suisse a refusé un visa d'entrée
au président de la Yougoslavie (Serbie et Monténégro),
Zoran Lilic, qui souhaitait participer à un forum international
à Crans-Montana, a annoncé, jeudi 16 juin, la mission
yougoslave au siège européen des Nations unies.
Selon celle-ci, les autres personnalités de la délégation
yougoslave ont obtenu un visa mais ont décidé de
ne pas se rendre au forum, qui a débuté jeudi. _
(Reuter.)
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Monde