15/06-2001
Allocutions
prononcées
à l'occasion de l'inauguration de l'exposition l'Europe des Anjou
Fontevraud, 15 juin 2001
- M.
Michel DUFFOUR
Secrétaire d'État au patrimoine et à la décentralisation culturelle
Intervention
de Monsieur André LARDEUX
Président du Conseil général de Maine et Loire
Monsieur
le Président de la République de Hongrie,
Monsieur le Président de la République de Croatie,
Monsieur l'Ambassadeur de la République Italienne,
Monsieur le chargé d'affaires de la République de Pologne,
Monsieur le Secrétaire d'État au patrimoine et à la décentralisation culturelle,
Monsieur le Président du Conseil régional,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les commissaires de l'exposition,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un honneur et une grande joie de vous accueillir cet après midi
pour le vernissage de l'exposition consacrée à l'Europe des Anjou. Je veux ici
au nom de tout le département de Maine et Loire adresser mes vifs remerciements
à leurs excellences Messieurs les Présidents Madl et Mesic pour leur présence
à Fontevraud. Elle témoigne de l'intérêt que vos pays ont prêté à notre initiative,
elle couronne leur implication dans la préparation de l'exposition, elle donne
à son inauguration la dimension européenne que nous lui souhaitions.
Mes remerciements vont aussi à Monsieur Michel Duffour dont les responsabilités
au sein du gouvernement, le patrimoine et la décentralisation culturelle, correspondent
parfaitement à la réalité de cette manifestation.
Merci encore à Monsieur l'ambassadeur d'Italie et à Monsieur le chargé d'affaire
de l'ambassade de Pologne dont les pays ont été de précieux partenaires. Merci
enfin a chacun d'entre vous d'être ici présent.
* * *
C'est une
intense satisfaction d'admirer aujourd'hui le résultat d'un considérable travail
de préparation qui mobilise tant de personnes à travers toute l'Europe depuis
plus de trois ans. Ce résultat est à la hauteur de nos attentes. Les oeuvres présentées
sont chacune d'un éclat, d'une rareté et d'un intérêt exceptionnels ; rassemblées,
elles forment un ensemble jamais présenté et qui mérite qu'on vienne de loin le
contempler. Voilà le fruit d'une exemplaire coopération européenne.
Je veux exprimer ma gratitude aux pays qui y ont pris part, ils sont au nombre
de onze, ils mont compté ni leur temps ni leurs efforts pour rendre possible notre
exposition.
Merci
à ces pays pour les objets qu'ils ont bien voulu mettre à notre disposition, dont
certains n'avaient encore jamais franchi leurs frontières nationales. Merci à
toutes les personnalités politiques, diplomatiques et scientifiques qui se sont
impliquées dans cette préparation passionnante et fort prenante.
Mes remerciements vont encore au ministère de la culture et au ministère des affaires
étrangères qui ont facilité la réalisation de la manifestation, ils vont aussi
au Conseil régional des pays de la Loire et au Centre culturel de l'ouest, gestionnaire
de ce merveilleux écrin de tuffeau qu'est l'abbaye de Fontevraud.
Merci enfin au service de la conservation des objets d'art et antiquités de Maine
et Loire, dirigé par Guy Massin le Goff, grand architecte de l'exposition.
*
* *
Un site
d'une exceptionnelle majesté, l'abbaye royale de Fontevraud, des objets d'art
éblouissants de beauté, aussi variés par leur provenance géographique que par
leur technique, une histoire commune, celle des princes d'Anjou de 1265 à 1480.
Il ne restait qu'à faire le lien entre le lieu, les œuvres et l'histoire. Le défi
était considérable et n'avait jamais été relevé. Il appartenait au Département
de Maine et Loire, heureux héritier de l'Anjou historique, d'en avoir l'ambition.
Permettez moi de voir dans la réussite de cette initiative audacieuse le modèle
de ce que la décentralisation culturelle peut apporter de mieux à nos provinces,
à notre pays. Certes, les collectivités locales ne sauraient se lancer dans de
tels défis que très exceptionnellement, mais elles fourmillent d'idées, d'énergie
et de passion. Elles ont de plus à répondre à la demande d'un public toujours
plus exigeant. Pourvu qu'on leur en donne les moyens, elles sont disposées à prendre
toute leur part à la diffusion culturelle sur l'ensemble du territoire français.
La démocratisation de la culture est notre objectif commun, elle ne se décrète
pas depuis Paris, elle est le fruit des libertés locales.
Je vois encore dans cette exposition la célébration de l'histoire. Histoire des
princes, histoire des peuples, histoire européenne, histoire locale, parfois si
différentes mais qui ne font qu'une : l'histoire des hommes attachés à leur terre.
Le Maine et Loire a l'immense fierté de redécouvrir les richesses de son passé
prestigieux et d'un étonnant destin. Celui d'une province du val de Loire, si
totalement et si profondément française, par sa qualité de vie, la douceur de
ses paysages et de son architecture, par la renommée de sa gastronomie et de ses
vins, l'étonnant destin de ce concentré de France disais-je, qui au XIème siècle
vit Henri Plantagenêt devenir roi d"Angleterre, entre le XIIème et le XVème siècle
vit ses comtes et ducs étendre leur influence sur une grande partie de l'Italie
et de l'Europe centrale.
Cette histoire est source de fierté, mais d'une fierté qui ne souffre ni arrogance
ni nostalgie. Elle favorise plutôt une meilleure compréhension de ce que nous
sommes aujourd'hui, elle suscite enfin l'amitié. Oui, l'histoire des Anjou que
célèbre cette exposition éclaire d'une lumière nouvelle cette période extraordinairement
riche que fut le passage du moyen âge à la renaissance, ce temps qui préfigure
l'apparition des états modernes, qui sert de cadre à la lente maturation des identités
nationales.
Cette histoire suscite surtout l'amitié tant elle met à jour la profondeur des
liens qui nous unissent, en dépit de la langue, des kilomètres... et de l'histoire
elle même.
Et c'est par là que je souhaite en terminer en voyant dans cette exposition la
célébration de l'Europe qui unit, de l'Europe réelle, celle de nos identités diverses
et de nos racines communes. Cette exposition ne démontre-t-elle pas et ne démonte-t-elle
pas à la fois cet apparent paradoxe qui veut que plus nous consolidons nos identités
propres, mieux nous découvrons ce qui nous unit et plus nous renforçons notre
destin commun. Je ne sais si le fait de compter en Euros nous rendra plus européens,
je suis certain en revanche que l'approfondissement de la connaissance de notre
héritage commun, de ce qui au fond et depuis tant de siècles nous réunit, est
le plus fécond des ferments pour notre vieux continent.
Démonstration du dynamisme local, célébration de l'histoire et de l'âme européenne,
voilà ce que nous propose cette exposition. Puisse son message convaincre le plus
grand nombre.
Je vous remercie de votre attention.
Allocution
de M. Michel DUFFOUR
Secrétaire d'État au patrimoine et à la décentralisation culturelle
Monsieur
le Président de la République de Hongrie,
Monsieur
le Président de la République de Croatie,
Monsieur l'Ambassadeur d'Italie,
Monsieur le Chargé d'affaires de l'Ambassade de Pologne,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président du Conseil régional des Pays de la Loire,
Monsieur le Président du Conseil général du Maine et Loire,
Madame la Directrice du Centre Culturel de L'Ouest,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais au terme de cette visite somptueuse de l'Abbaye et de l'Exposition
l'Europe des Anjou, vous dire ici ce mélange d'émotion et d'émerveillement qui
me saisit. Nous sommes là au coeur de notre imaginaire d'Européens. Comment exprimer
cette puissance des lieux qui, dans leur aspect et dans leur histoire, constituent
notre patrimoine, bien sûr culturel mais aussi identitaire. Non pas ce patrimoine
de l'identité racornie des nationalismes étriqués et violents mais celui de l'histoire
un temps commune, d'une culture partagée, d'un fonds commun. Lorsque l'UNESCO
a inscrit le Val de Loire et donc l'Abbaye de Fontevraud au patrimoine mondial
de l'humanité, c'est bien pour la trace mémorable et imposante des siècles, certes,
mais c'est aussi parce que ces monuments, ces sites sont le creuset d'une histoire
: la nôtre. D'une histoire commune : l'Europe.
Je voudrais partager avec vous ce sentiment d'appartenance dont nous sommes les
continuateurs, et les héritiers. Avec ce que cette notion d'héritage nous impose
de respect, d'accueil, d'ouverture.
Je suis très impressionné, et je voudrais dire aussi rasséréné, par notre initiative
commune, celle de la restauration de l'Abbaye de Fontevraud.
L'Abbaye de Fontevraud fête ses 900 ans d'existence.
J'observe que se poursuit - dans nos codes contemporains de l'accueil et de la
mise à disposition du public - cette dialectique constamment entretenue entre
légitimité du passé et ouverture à l'avenir, une sorte de va et vient fondateur
entre séculier et spirituel, entre ouverture et retraite, entre rencontre et assimilation.
Fontevraud est un lieu témoin. Témoin privilégié de l'histoire de la construction
de notre pays comme de nos alliances et de notre ouverture au monde européen en
gestation.
Ce qu'est devenue l'Abbaye de Fontevraud aujourd'hui doit beaucoup à l'impulsion
donnée par le Conseil régional, présidé alors par Olivier Guichard. Pour ma part,
je me félicite du partenariat exemplaire noué par cette collectivité avec l'État.
Il s'enracine dans cette passion constante déployée autour de Fontevraud, de la
création, en 1975, du centre culturel de l'ouest, jusqu'à la restauration et la
mise en valeur du site, menées de concert par la région et l'État.
Nous partageons ensemble une détermination pour préserver et valoriser la richesse
patrimoniale de cette région. L'Anjou est une des sources historiques de l'Europe
de la modernité. Du 13ème au 15ème siècle, la Maison d'Anjou a dessiné
les contours politiques du continent de la Provence à l'Europe centrale en passant
par l'Italie.
Le tumulte des conquêtes, des conflits et des heurts n'épuise ni le sens ni la
profondeur de cette aventure. Elle fut hier une fenêtre historique où se nouèrent
bien des rencontres, des rapprochements, des métissages. Elle reste aujourd'hui
un des fondements de la culture et de l'identité européenne.
Les princes d'Anjou n'ont pas imposé un modèle politique à d'autres peuples européens.
Cette dynastie a contribué à façonner l'Europe car elle a su, d'une certaine manière,
en respecter la diversité de cultures, de coutumes et de valeurs.
Il n'est pas d'autre chemin pour parvenir à l'unité de l'Europe. Cette conviction
dont nous héritons n'a pas pris une ride à mon sens.
Ce que nous sommes aujourd'hui porte la marque de cette épopée médiévale. A cet
égard, je suis, comme vous l'êtes, je suppose, frappé par la méconnaissance qui
entoure cette étape de l'émergence de la culture européenne.
L'exposition l'Europe des Anjou le révèle avec éclat. C'est à mes yeux un de ses
plus grands mérites. L'histoire de la province d'Anjou, son rayonnement européen
n'avaient pas, jusqu'à ce jour, fait l'objet d'une exposition. Cette histoire
nous est désormais accessible au travers des oeuvres réunies à Fontevraud. Les
oeuvres qui jalonnent cette histoire sont en effet dispersées à l'image des alliances
européennes de la Maison d'Anjou, d'Aix-la-Chapelle à Zagreb, en passant par Angers,
Budapest, Cracovie, niais aussi Naples, Milan et Rome, ou encore Vienne et Oxford.
La qualité de cette exposition doit beaucoup à la diversité des formes d'expressions
artistiques qu'elle recèle. Elle rassemble des peintures, des sculptures, des
enluminures, de l'orfèvrerie. des dessins et des gravures. Cette profusion donne
toute la mesure du rôle joué par les Angevins dans la création artistique médiévale.
Une contribution qui est en tous points inséparable de leur rôle politique. A
cet égard, l'exposition est exemplaire et riche d'enseignements : elle nous apprend
que l'art est toujours intimement lié à l'évolution des sociétés humaines. Les
oeuvres sont des ponts jetés entre les hommes ; elles les rapprochent.
L'actuelle modernité européenne ne déroge pas à cette règle. L'exposition l'Europe
des Anjou nous invite donc, et de quelle manière, à porter un autre regard sur
nous-mêmes et à renouveler ce lien organique entre la création artistique et la
société.
En aiguisant ce regard, on découvre la proximité de ceux dont on pense communément
être à distance. Je ressens ainsi beaucoup de fierté à accueillir parmi nous nos
hôtes hongrois, croates, italiens et polonais.
Je veux vous remercier, Monsieur le Président de la République de Hongrie qui
avez voulu terminer ici, en point d'orgue, votre visite d'État en France, et vous
remercier également, Monsieur le Président de la République de Croatie, d'avoir
ainsi accepté de participer à cette initiative et d'avoir permis que soient présentées
dans leur évidence artistique et leur épaisseur historique ces oeuvres qui ont
jalonné les deux siècles de rayonnement de l'Anjou. Vous avez tenu à visiter l'exposition
l'Europe des Anjou lors de votre venue en France. C'est un geste qui me touche,
qui touche notre pays, car il a la valeur du signe. Il symbolise à mon sens la
vigueur de la mémoire. Je me suis rendu dans différents pays d'Europe pour participer
aux congrès des ministres chargés du patrimoine, j'ai eu l'occasion de proposer
au nom de la France la mise en oeuvre de modalités d'échanges entre spécialistes
et usagers du patrimoine, qu'il s'agisse de l'UNESCO ou du Conseil de l'Europe.
Ce que je sais c'est que la protection ou la conservation du patrimoine n'a de
valeur sociale que par le partage de cette préoccupation et la mise en commun
des moyens et des savoirs.
La conception et la " fabrication " de l'Europe des Anjou me semble en être une
illustration je disais somptueuse tout à l'heure, je veux ajouter exemplaire.
Madame la Directrice du Centre Culturel de L'Ouest, chère Chantal Colleu-Dumond,
je suis enclin à inscrire votre travail dans la démarche de protection et de classement
telle que nous la devons, ici à Fontevraud, à Prosper Mérimée.
Et s'il devait y avoir lignage, je le situerais quant à moi dans la généalogie
des centres culturels de rencontres, aux côtés de la chartreuse de Villeneuve-Lès-Avignon,
de l'Abbaye de Royaumont. C'est en effet dans cette alliance, parfois paradoxale,
du patrimoine bâti et de la culture vivante que réside la lignée.
Je voudrais dire ici combien en effet le Ministère de la Culture est attaché au
projet que vous portez, Madame la Directrice, parce qu'au-delà du paradoxe apparent
il conjugue mémoire patrimoniale et technologies, " mémoire " et " projet ". Il
y a en effet quelque chose de surprenant à trouver ici dans ce vaste ensemble
conventuel conduisant à une sorte d'austérité et de retraite, tous les termes
de la continuité de patrimoine, de sa vitalité contemporaine. Centrée sur le thème
de l'image du patrimoine, l'Abbaye accueillera, à terme, un centre européen de
formation et de création d'oeuvres multimédia au service du patrimoine. Et là
encore nous rejoignons cette tradition du rayonnement international lorsque de
résidences en échanges, le Centre se trouve ainsi à la confluence de la création
et des disciplines scientifiques et raisonnées. La dimension européenne de votre
projet de centre de création et de formation me tient particulièrement à coeur.
Des artistes et des chercheurs, des spécialistes du multimédia liés au patrimoine,
vont résider à Fontevraud. Ils vont s'employer à mettre les nouvelles technologies
au service de l'intelligibilité du passé, de son appropriation par tous.
L'Abbaye de Fontevraud va ainsi devenir, permettez-moi de vous emprunter cette
formule, la " Villa Médicis du numérique ".
C'est un bel exercice de coopération européenne. Je crains d'avoir abusé de votre
temps à tous, mais je tenais à exprimer ici l'engagement qui est le mien et la
volonté de notre ministère de la Culture de poursuivre cette entreprise, à vos
côtés Mesdames et Messieurs les élus, en appui de votre démarche, Madame la Directrice
et remercier nos hôtes pour l'honneur qu'ils nous font par leur présence.
II me semble que nous avons les uns et les autres engagé là une coopération culturelle
dans une voie qui, pour n'être plus royale, n'en est pas moins prestigieuse.
Je vous remercie.
Allocution de Monsieur François FILLON
Président de la Région des Pays de la Loire
Monsieur
le Président de la République de Hongrie,
Monsieur le Président de la République de Croatie,
Monsieur le Ministre,
Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement honoré et heureux de vous accueillir, ce soir, en cette
Abbaye de Fontevraud qui fête cette année ses neuf cents ans. Neuf cents ans d'histoire
passionnante et mouvementée, liée aux grands moments de l'Histoire de notre pays,
qu'il s'agisse du Moyen Âge qui mena en ces lieux le fondateur du Monastère :
Robert d'Arbrissel, prédicateur inspiré entraînant après lui hommes et femmes
de toutes conditions, qu'il s'agisse de la période des Plantagenêt, qui fit de
Fontevraud la nécropole des Rois d'Angleterre, au coeur d'un empire qui s'étendait
de l'Écosse aux Pyrénées, qu'il s'agisse de la Renaissance et de la période des
Bourbons qui donnèrent six Abbesses de renom à l'Abbaye, ou de l'époque brillante
de Louis XIV.
Fontevraud, qui avait essaimé de nombreux monastères à l'étranger, en Angleterre
et en Espagne, fut de tout temps une abbaye puissante et liée aux grands débats
et interrogations de son époque. Elle accueillit même au XVIIIème les filles de
Louis XV, tant était grande la réputation de cette Abbaye, qui était, à la veille
de la Révolution, la plus importante et la plus riche de France.
Fontevraud fut un monastère du Moyen-Age à la Révolution. Ce lieu eut aussi sa
part d'ombre. Napoléon en fit une prison en 1804. Elle le resta jusqu'en 1965.
Elle devint enfin par la volonté de la Région et de celle de son président Olivier
Guichard, présent parmi nous ce soir, un Centre culturel, qui nous permet d'accueillir
aujourd'hui cette remarquable exposition sur l'Europe des Anjou voulue par André
Lardeux, le Président du Conseil général du Maine et Loire, et conçue par la conservation
des antiquités et objets d'art du Maine et Loire.
Fontevraud fut d'abord un lieu de prière, de silence et de contemplation. Ce fut
ensuite lieu de souffrance et d'enfermement du temps de la prison. Elle est aujourd'hui
un lieu d'ouverture et de création. Tel est le triple destin de l'Abbaye de Fontevraud.
C'est un honneur pour nous, Messieurs les présidents, Messieurs les Ambassadeurs,
de vous accueillir en ces lieux, renouant ainsi avec la tradition européenne qui
a marqué le passé de Fontevraud et de redécouvrir ces liens autrefois tissés avec
vos pays par la dynastie des Anjou, grâce aux chefs-d'oeuvre venus de tous les
horizons d'Europe ici rassemblés par cette exposition.
Par-delà la respiration des empires, la mobilité des hommes et des idées doit
être pour nous tous un exemple pour construire l'Europe de demain, une Europe
favorisant la circulation des hommes, mariant ses cultures et valorisant son patrimoine.
Une Europe où règne la paix, où s'affirme le développement économique et social
de tous, un développement conforme à l'idéal humaniste. Cette Europe, je ne puis
la concevoir qu'élargie, c'est-à-dire ouverte à ces états de l'Est-européen qui
ont, comme la Hongrie et la Croatie, (représentées ici au plus haut niveau) pleinement
vocation à rejoindre l'Union européenne. Dans notre Europe de l'Ouest, parfois
un peu fatiguée, désillusionnée et en manque d'ambition, je dis que l'élargissement
de l'Europe est le projet le plus décisif, le plus généreux de ces cinquante dernières
années et le plus prometteur des 50 prochaines années. A cet égard, je place notre
rencontre d'aujourd'hui sous le signe de l'Europe en mouvement.
Nous avons l'ambition de faire de Fontevraud, en liaison étroite avec l'Etat,
qui restaure magnifiquement ce lieu depuis des années, un centre européen de recherche
de création et de formation sur le patrimoine et son image en recourant notamment
aux nouvelles technologies. Nous souhaitons faire de Fontevraud une sorte de villa
Médicis du numérique dédiée au patrimoine. Ne dîtes vous pas vous même M. le Président
que " les vrais créateurs de progrès sont ceux qui se fondent sur un immense
respect du passé " (citation discours du président hongrois à l'Elysée).
Ce lieu européen sera aussi le vôtre, et nous souhaitons y accueillir les créateurs
de vos pays.
" L'art, disait René Char, est ce qui ouvre à l'homme une porte plus grande ".
II nous ouvre une porte sur la beauté, sur l'histoire et sur l'avenir. Mesdames
et Messieurs nous allons ensemble faire vivre l'âme européenne et culturelle de
Fontevraud.
Allocution
de Monsieur Stjepan MESIC
Président de la République de Croatie
Monsieur
le Président,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Madame la Directrice,
Mesdames, Messieurs,
Il est quelquefois utile de faire appel à l'histoire pour redécouvrir l'origine
des liens qui unissent à présent nos peuples. En mettant en lumière avec talent
l'héritage commun partagé jadis par certains d'entre eux, cette exposition nous
incite activement à adopter un point de vue différent, plus ouvert, à l'égard
du paysage culturel européen désormais réunifié. Si l'histoire de notre continent
n'a pas toujours été paisible, loin s'en faut, « l'Europe des Anjou »
nous révèle ici qu'on ne saurait pour autant la réduire simplement à d'incessantes
guerres ou rivalités, comme on a trop souvent tendance à le faire.
De fait, l'époque angevine considérée, qui s'étend essentiellement du XIIIe au
XVe siècle, nous laisse aujourd'hui une image bien différente : c'est en effet
à cette époque que s'articule de manière précise l'idée novatrice d'une nécessaire
Europe politique. Sans doute n'est-elle alors guère plus que le rêve audacieux
d'un empire continental utopique où régnerait une pax europea, de l'Anjou
à la Sicile, de l'Adriatique à la Baltique. Mais cela laisse néanmoins déjà présager
l'évolution heureuse que ce projet connaîtra par la suite, surtout à partir du
XVIIe siècle, en passant par le fameux Grand Dessein du duc de Sully, pour finalement
aboutir à l'édification de cette maison Europe commune que nous érigeons patiemment
depuis un demi-siècle.
En regroupant sous son sceptre à la veille de la Renaissance des pays aussi éloignés
que le sont à l'époque la France, le sud de l'Italie avec la Sicile, la Pologne,
la Hongrie et la Croatie, la maison d'Anjou fait en effet véritablement figure
de héraut, avant l'heure, de la construction européenne. Or, hier comme aujourd'hui,
celle-ci s'opère en premier lieu par le truchement de la culture, assurément le
domaine où notre identité commune, dans le respect de nos diversités, s'avère
la plus manifeste et la plus généreuse.
Je me réjouis que cette exposition, qui coïncide avec le 700e anniversaire de
l'avènement des Anjou sur le trône croate, offre à la Croatie l'occasion de révéler
à quel point notre pays a pris, au cours des siècles passés, une part active aux
courants artistiques qui caractérisent l'Europe angevine. Les ors de Zadar et
la châsse de saint Siméon en sont certainement parmi les plus belles illustrations.
Sur le plan politique, les règnes de Charles-Robert d'Anjou et de son fils Louis
Ier, ont été d'une importance exceptionnelle pour la Croatie : ils rétablirent
son orientation méditerranéenne et renforcèrent ses liens avec l'Europe occidentale.
Le royaume hungaro-croate est alors le plus puissant État situé entre le Saint
Empire germanique et Byzance. Les Anjou favorisent par ailleurs en Croatie l'essor
des villes, y introduisent la chevalerie, renforcent le rôle de la petite noblesse
et réunifient toute la Dalmatie aux terres croates. Il semblerait qu'une même
« douceur angevine » réunît alors Angers, l' « Athènes
de l'Ouest », comme on la dénomme ici, et Dubrovnik, l' « Athènes
croate », comme nous avons coutume d'appeler l'ancienne Raguse.
Aussi n'est-ce pas tout à fait un hasard si, rentrant de Terre sainte, Richard
Cœur de Lion, dont le tombeau est conservé ici-même à Fontevraud, trouva refuge
à Dubrovnik après un naufrage et y fit bâtir, selon la légende, une église romane
à l'emplacement de l'actuelle cathédrale.
Pour la Croatie d'aujourd'hui, l'exposition l'Europe des Anjou revêt une importance
particulière. Elle met en évidence de manière saisissante la contribution de l'Europe
centrale - Pologne, Hongrie ou Croatie - au rayonnement culturel de notre continent.
Elle réaffirme par la même occasion l'appartenance de la Croatie à cette Europe
unie dont elle a toujours fait partie. Puissions-nous nous en souvenir à l'heure
de l'élargissement européen.
C'est pourquoi j'exprime ma chaleureuse reconnaissance aux organisateurs, et avant
tout au Conseil général de Maine-et-Loire, à son président, M. André Lardeux,
ainsi qu'au Commissaire général de l'exposition, M. Guy Massin-Le Goff, dont le
moindre des mérites n'a pas été de rassembler tant de joyaux relevant de notre
patrimoine européen, et ce pour les offrir au public français dans le cadre prestigieux
du plus grand ensemble monastique de l'Occident chrétien, que fut jadis l'Abbaye
royale de Fontevraud.
Merci de votre attention.
Allocution
de M. Ferenc MÁDL
Président de la République de Hongrie
Monsieur
le Président,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
L'exposition " Les Anjou et l'Europe " qui s'ouvre à nos yeux constitue un événement
artistique et politique d'une rare importance : elle présente au visiteur une
tranche peu connue jusqu'ici, dans son ensemble, du patrimoine historique européen,
de la civilisation et du système de relations particulièrement riche des cinq
pays concernés : France, Italie, Hongrie, Croatie, Pologne.
Vous n'êtes pas sans savoir que, tout au long de leur histoire, les Hongrois s'attachaient
d'une force particulière à leur passé, et ils ont souvent eu besoin de puiser
renfort de courage, d'élan, de force créative dans les grandes époques de l'histoire
de Hongrie. Sous cet angle, rien n'a changé. Confrontée à de nouveaux défis, la
Hongrie fête le millénaire de la fondation de l'État hongrois. Mais le couronnement
du roi Étienne Ier, (le futur saint Étienne), ce n'est pas seulement le millénaire
de la fondation de l'État hongrois, c'est aussi le symbole de la survie de notre
peuple et le début d'un processus global de modernisation. II marque le commencement
des changements fondamentaux et irréversibles à la suite desquels le peuple hongrois
s'est intégré en Europe.
C'est après l'extinction de la dynastie des Árpád qu'est montée sur le trône de
Hongrie la maison d'Anjou capétienne de Naples et de Sicile, connue dans notre
histoire sous la dénomination de dynastie d'Anjou hongroise. Le règne des Anjou
constitue l'âge d'or du royaume médiéval de Hongrie.
Ce n'est pas un hasard si, à la fin du XXe siècle, au seuil de la liberté, les
pays d'Europe centrale sont remontés à l'époque des Anjou. Sur l'initiative du
premier ministre József Antall, la rencontre royale de Visegrád erre les rois
de Bohême, de Pologne et de Hongrie (1er novembre 1335) est devenue ainsi le symbole
de la coopération centre-européenne au sens moderne du terme. Ainsi est né un
concept politique nouveau, contemporain : le " processus de Visegrád " qui symbolise,
au début du XXIe siècle la coopération des mêmes territoires, appelés à l'époque
Bohême, Hongrie, Pologne, Croatie et Dalmatie et appelés aujourd'hui République
tchèque, Slovaquie, Pologne, Hongrie et Croatie.
L'exposition " Les Anjou et l'Europe " qui s'ouvre à nos yeux ici, présente
des valeurs extraordinaires et qui n'ont rien perdu de leur actualité. Voilà la
découverte professionnelle de l'exposition. D'autre part, cette Europe des Anjou
englobe, dans son esprit et pour ce qui est de son territoire, la région qui se
trouve dans la direction définitivement déclarée au sommet de Nice de l'élargissement
administratif de l'Union européenne. Elle laisse donc deviner, en quelque sorte,
le passé de l'Europe de demain. C'est probablement le principal message que l'exposition
envoie à l'époque d'aujourd'hui.
J'aimerais remercier toutes les institutions françaises, le Conseil Général de
Maine-et-Loire, la Région des Pays de la Loire, l'Abbaye de Fontevraud qui accueille
l'exposition, le Ministère français de la Culture et de la Communication et le
Ministère français des Affaires étrangères du concours apporté à la réalisation
de l'exposition. Et mes remerciements vont tout particulièrement aux amis français
angevins, en reconnaissance de leurs efforts particuliers d'organisation.
Je trouve qu'il est symbolique que cette exposition d'importance exceptionnelle
puisse avoir lieu dans le cadre des manifestations de la Saison culturelle hongroise,
avec la contribution de nos amis français, italiens, croates et polonais, dans
un "esprit de Visegrád " et avec une perspective européenne.
Je vous souhaite de trouver beaucoup de plaisir dans ce monde d'une richesse et
dune diversité inouïe de l'Europe des Anjou.
Merci de votre attention.
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