Elle a 36 ans, un ministère
à 70% composé de femmes et c'est une Européenne
convaincue. Une représentante type, diraient les néoconservateurs
américains, de la «jeune Europe» dynamique
et ambitieuse. Kolinda Grabar-Kitarovic, ministre de l'Intégration
européenne de Croatie, s'est déplacée à
Paris pour convaincre son homologue français des efforts
réalisés par Zagreb pour remplir les critères
d'adhésion à l'Union européenne.
Longtemps élève modèle des
Balkans, la Croatie vient de subir un revers à l'ONU, où
elle s'est fait épingler par Carla Del Ponte, venue faire
un rapport sur la coopération des Etats balkaniques avec
le Tribunal pénal international (TPI).
«Un accusé de haut rang a été à
aperçu en Croatie. Ante Gotovina a disparu en juin 2001
après que les autorités croates l'eurent informé
de l'existence d'un acte d'accusation établi à son
encontre. Il est primordial qu'il soit jugé à La
Haye. Son arrestation lèverait le dernier obstacle entravant
la coopération entre la Croatie et le Tribunal»,
a affirmé le procureur du TPI.
Ante
Gotovina est l'un des généraux qui ont mené
l'opération de reconquête de la Krajina en 1995.
Neuf ans après la fin du conflit, cette offensive est considérée
comme une guerre sacrée en Croatie et les généraux
qui l'ont menée comme des héros. «Nous
avons déjà envoyé neuf Croates à La
Haye. Le cas de Gotovina est la seule chose qui empêche
la normalisation entre Zagreb et le TPI.
Nous faisons tout ce que nous pouvons pour clore le dossier. Mais
nous ne savons même pas si Gotovina est en Croatie»,
explique Kolinda Grabar-Kitarovic.
Carla Del Ponte prétend, elle, le savoir.
«Tout porte à croire, affirme-t-elle, que Gotovina
bénéficie d'un réseau de soutien organisé,
y compris au sein des organes de l'Etat. Tant qu'il ne sera pas
transféré à La Haye, on pourra dire que les
membres des réseaux qui assurent la protection des criminels
de guerre sont plus influents que les membres du gouvernement
croate qui aspirent à coopérer avec le Tribunal.»
Les capitales européennes ont repris à
leur compte les critiques de Del Ponte. Londres a réclamé
une coopération sans faille de Zagreb. Bruxelles, qui doit
se prononcer sur la date d'ouverture des négociations d'adhésion
lors de son sommet les 16 et 17 décembre, a prévenu
que les pourparlers ne seraient engagés que si la Croatie
transférait le général à La Haye.
Zagreb avait pourtant réalisé un
parcours presque sans faute dans sa marche vers l'Europe. Ses
efforts ont été récompensés en juin
par l'obtention du statut de pays candidat à l'Union. Vainqueur
des dernières élections, la Communauté démocratique
croate (HDZ), le parti au pouvoir pendant la guerre, a prouvé
qu'il avait su se transformer en un mouvement moderne et européen
de centre droit. Son leader, le premier ministre Ivo Sanader,
a appelé les Serbes de Croatie à revenir en Krajina.
Il s'est aussi rendu, le mois dernier, à Belgrade pour
normaliser les relations entre les deux frères ennemis
des Balkans. «Nous voulons faire de la Croatie un modèle
pour la région. Mais nous ne voulons pas rompre avec nos
voisins. Il est dans notre intérêt de les aider à
avancer vers l'Europe et de leur transmettre nos méthodes,
qui ont fonctionné puisque la Croatie est en train de devenir
une démocratie moderne», explique le ministre.
Les nationalistes croates, leur rhétorique
anti-européenne et anti-TPI, constituent pourtant un obstacle.
Leurs réticences à lâcher le général
Gotovina risquent de retarder l'ouverture des négociations
d'adhésion. Un contre-temps que Zagreb préférerait
éviter : les derniers sondages révèlent une
forte baisse du soutien apporté par les Croates aux efforts
de rapprochement avec l'UE.
Mais le ministre de l'Intégration européenne
se dit confiant : «Tout cela fait partie du processus
démocratique. Mais il y a un consensus au Parlement et
dans la société sur la nécessité d'entrer
en Europe. Et sur le prix à payer pour en devenir membre.»