Europolitique,
15/02/2007
ENTRETIEN
avec la ministre croate des Affaires étrangères
et
de l'Intégration européenne
Kolinda Grabar-Kitarovic
"La
Lassitude de l'élargissement n'empêchera pas la Croatie
d'adhérer"
La
ministre croate des Affaires étrangères et de l'Intégration
européenne Kolinda Grabar-Kitarovic donne à Europolitique
son point de vue sur une série de dossiers, dont les perspectives
d'adhésion de son pays à l'UE, la reprise des négociations
UE-Serbie de l'Accord de stabilisation et d'association (ASA)
et le statut futur du Kosovo.
Propos recueillis par Joanna
Boguslawska-Kania
Les
ministres des Affaires étrangères de l'UE étudient
une éventuelle reprise des négociations d'un ASA
avec la Serbie avant que Ratko Mladic ne soit livré au
Tribunal de La Haye. Quel est votre sentiment ?
La
Croatie s'oppose à ce que des raccourcis mènent
à l'adhésion à l'UE et à l'OTAN. Nous
avons respecté les critères et estimons que les
mêmes exigences valent pour tous.
Le
Kosovo est sur la voie de son indépendance. Craignez-vous
qu'une séparation du Kosovo par rapport à la Serbie
ne déstabilise la région ?
La Croatie appuie les travaux du Président Ahtisaari. Concernant
l'issue finale des négociations, notre intérêt
est le maintien de la paix et de la stabilité de la région.
Nous ne voulons pas faire du Kosovo un conflit oublié.
Pas plus que nous ne voudrions, en résolvant un problème,
en voir d'autres surgir dans la région. Il ne faut pas
établir de liens avec d'autres questions internes des pays
voisins, ou accepter de marchandages. Nous invitons dès
lors Pristina et Belgrade à faire preuve de responsabilité
et de retenue dans la recherche d'une solution à la question
du statut. Nous comptons, avec d'autres pays de la région,
aider les deux parties à atteindre cet objectif.
Depuis
le début des négociations
d'adhésion de la Croatie à l'UE, deux des 35
chapitres ont été provisoirement fermés.
Ce rythme de travail vous satisfait-il ?
Trois
chapitres ont été clos provisoirement et trois autres
ont été ouverts. Nous nous estimons en mesure d'aller
plus vite et sommes prêts à le faire. Nous espérons
qu'au premier trimestre de cette année nous recevrons les
rapports sur l'examen analytique des chapitres, qui sont la base
des positions de négociation. Les institutions européennes
ont acquis plus d'expérience et d'aptitude à mener
des négociations, mais nous espérons que notre coopération
continue de s'améliorer. De notre côté, il
importe de constituer une "coalition pour l'Europe"
unissant tous les parlementaires pour l'adhésion de la
Croatie à l'Union. Elle nous permet d'accélérer
notre rythme de travail en vue de l'adhésion.
Quels
sont les obstacles majeurs qui freinent les négociations
?
Je ne parlerais pas en termes d'obstacles. Je pense que certains
processus doivent être mieux définis, comme la vérification
de l'étalonnage en vue de l'ouverture de chapitres. Il
y a eu dans le passé des malentendus quant à la
teneur des étalonnages. En outre, le processus de vérification
des étalonnages déjà accomplis par la Croatie
devrait connaître moins d'accrocs.
Où
en êtes-vous dans la mise en œuvre de vos réformes
internes ?
Nous ne sommes pas au début de ce processus, ce qui est
une bonne chose. Lors du lancement des négociations, nous
avions déjà entamé depuis quelques années
l'harmonisation de notre législation. Nous sommes avancés
dans les réformes en faveur de la capacité administrative
et de la restructuration du système judiciaire. Nous gagnons
constamment en efficacité dans la lutte contre la corruption
et la criminalité organisée.
L'année
2009 est citée comme date à laquelle la Croatie
serait prête à adhérer. L'UE pourra-t-elle
achever ses réformes internes d'ici là ?
Nous savons qu'une réforme interne de l'UE doit être
terminée avant que la Croatie ne puisse devenir le 28e
membre du club. Je suis convaincue que nous pourrons faire notre
travail et je suis également sûre que l'UE a cette
force intérieure pour adopter ses nouvelles dispositions
constitutionnelles dans le délai accepté au Conseil
l'année dernière. Si jamais cela ne devait pas se
produire pour l'une ou l'autre raison, nous estimons que l'UE
trouvera d'autre moyen d'accueillir son 28e membre.
Ne craignez-vous pas que la lassitude de
l'élargissement ne retarde l'adhésion de la Croatie
?
La Croatie a éprouvé plus de difficultés
que d'autres pays en transition car nous avons connu une double
transition - nous étions non seulement une économie
socialiste planifiée, mais aussi victimes d'une agression
et d'une occupation dans les années '90. Je pense toutefois
que nous avons prouvé que la Croatie est capable de résoudre
ses propres problèmes et de contribuer au développement
de l'Europe. Je crois dès lors que les citoyens d'Europe
percevront la Croatie comme une valeur ajoutée à
l'UE, à l'avenir.
Il
est de plus en plus fréquent que le monde politique incite
l'UE à définir ses frontières définitives.
Qu'en pensez-vous ?
Je pense que définir les frontières de l'UE ne serait
pas bénéfique pour l'Union. L'élargissement
a démontré son côté bénéfique
pour tous les Etats membres. Je crois que l'UE doit poursuivre
ce processus et son élargissement autant que possible.
Elle doit aussi continuer d'encourager les pays extérieurs
à poursuivre leurs réformes. En gardant sa porte
ouverte, l'Union contribue à la prospérité
et à la stabilité de l'Europe dans son ensemble.
Beaucoup
affirment pourtant que la Turquie et l'Ukraine n'ont pas leur
place dans l'UE...
Des membres prospectifs ne devraient pas être perçus
dans le sens d'une adhésion future, comme c'est le cas
aujourd'hui. Tous ces pays passent actuellement par une transition
et notre respect des critères en est à différents
stades. Pour nous tous, l'adhésion n'est pas une fin en
soi. Nous continuerons nos réformes après l'adhésion.
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