30/10/2002
BIOLOGIE
MOLÉCULAIRE
Miroslav Radman élu
à l'Académie des Sciences
Pionnier de la réparation de l'ADN, il est le premier Croate
à entrer à l'Institut de France.
Spécialiste
incontournable de la mutagenèse et des mécanismes de la réplication
génétique (système SOS), découvreur de la nature moléculaire
de la barrière génétique entre les espèces, Miroslav
Radman, 58 ans, a été élu membre régulier de l'Académie
de Sciences le 15 octobre 2002, au sein de la section de Biologie cellulaire
et moléculaire. Il est le premier Français d'origine croate à
rejoindre les Immortels du quai Conti.
L'élection
de Miroslav Radman parmi les cent-cinquante membres réguliers de l'Académie
des sciences de Paris, le 15 octobre 2002, vient consacrer l'oeuvre scientifique
majeure d'un des pionniers de la biologie moléculaire. Directeur d'une
équipe de recherche au Laboratoire de génétique moléculaire,
évolutive et médicale de l'INSERM à la Faculté de
médecine Necker, Miroslav Radman a notamment découvert les mécanismes
de conservation de l'information génétique, de même que les
mécanismes des mutations génétiques responsables des maladies
héréditaires, du cancer, ainsi que ceux régissant l'évolution
de la vie sur Terre. On lui doit aussi bien la découverte du système
cellulaire de correction des erreurs de réplication génétiques
(SRM), que celle du système SOS de production des mutations, deux concepts
qui figurent aujourd'hui dans tous les manuels de biologie moderne. Mais la plus
spectaculaire de ses contributions fut certainement la découverte du mécanisme
moléculaire d'apparition de nouvelles espèces (spéciation).
Les travaux
novateurs de Miroslav Radman ont en particulier permis, dès
le début des années 1970, de rejeter le dogme selon
lequel la mutation était un événement aléatoire
et inévitable. Tout au contraire, son système SOS,
paradigme alors nouveau dans la génétique moléculaire,
a montré que la mutagenèse (mutation génétique)
était un processus cellulaire génétiquement
contrôlé. Autrement dit, « les cellules
peuvent "décider" de muter, ou pas, quand leur
survie est en danger », selon la formule de Claude
Grischelli, l'ancien Directeur Général de l'INSERM.
Cela a permis de comprendre l'évolution adaptative des
bactéries, et donc leur faculté de muter, afin notamment
de mieux résister aux antibiotiques ou aux attaques du
système immunitaire.
Cancer
et mutations
En 1976,
ses expériences avec M. Meselson et R. Wagner ont abouti à la découverte
du Système de réparation des mésappariements des bases (SRM),
mécanismes fondamentaux qui permettent à la cellule de réparer
automatiquement les erreurs qui se produisent lors de la réplication (copie)
des brins d'ADN. Il identifie les gènes-clés (mutS, L, H) qui entrent
en oeuvre dans ce processus.
Événement
remarquable dans le domaine de l'évolution moléculaire, il découvre,
en 1989, la nature moléculaire de la barrière génétique
entre les espèces : il montre le rôle majeur joué par
le SRM, dont le corollaire est la stabilité globale des génomes
(donc des espèces vivantes) et l'établissement de barrières
génétiques entre les espèces proches.
LES CROATES À L'INSTITUT |
Fait
rarissime, Miroslav Radman a été élu
membre régulier à l'Académie française
des Sciences sans en avoir au préalable été
membre correspondant. Il est aussi le premier Croate, naturalisé
français, a rejoindre les Immortels du quai Conti.
Ses illustres prédécesseurs, l'astronome Louis
Nicolic (-1751), membre associé dès 1746,
et surtout Rudjer Boskovic (1711-1787),
nommé directeur de l'Optique Royale de la Marine
par Louis XV, et l'archéologue Frane Bulic (1846-1934),
n'avaient pour leur part été que membres correspondants.
Aujourd'hui, parmi les membres de l'Institut, on compte
un autre scientifique croate, l'archéologue Emilio
Marin, membre associé de l'Académie des
Inscriptions et Belles Lettres.
|
En 1994,
Miroslav Radman fait partie de la première équipe qui parvient à
fabriquer la souris transgénique mutatrice déficiente en SRM. L'année
suivante le rongeur fournit la preuve directe que l'activité mutatrice
provoque le cancer.
Miroslav
Radman étudie aujourd'hui les mécanismes de l'évolution moléculaire
responsables des maladies infectieuses (pathogènes émergents, multirésistance
aux antibiotiques, etc.), du cancer et du vieillissement. Scientifique international,
auteur de quelque 150 publications, il a collaboré avec une douzaine de
laboratoires américains.
Biographie.
Né à Split (Croatie) en 1944. 1966 : diplômé
de la Faculté des Sciences de l'Université de Zagreb. 1967 :
diplôme de 3e cycle en Biologie expérimentale à l'Institut
Rudjer Boskovic. 1969 : docteur ès Sciences de l'Université
Libre de Bruxelles. 1966-67 : assistant du professeur Ivan Supek, à
l'Académie yougoslave
(1966-67). Il quitte ensuite Zagreb et poursuit sa spécialisation à
Bruxelles, Paris et Harvard.
L'ACADÉMIE DES SCIENCES |
Fondée
en 1666 sous l'égide de Colbert, l'Académie des sciences de Paris
fut consacrée comme institution royale par Louis XIV, en 1699. La Convention
supprime les académie en 1793. Cependant dès 1795 était fondé
l'Institut national des sciences et des arts, dont les sciences formaient la première
classe. La Restauration rétablit en 1816 l'Académie des sciences
comme une institution indépendante. En 1918, une section des applications
des sciences à l'industrie y voit le jour. En 2002, soucieuse de s'adapter
aux exigences du monde d'aujourd'hui, elle adopte de nouveaux statuts. L'Académie
des sciences, présidée par M. Hubert Curien, comporte deux
divisions (sciences mathématiques et physiques ; sciences chimiques,
naturelles, biologiques et médicales), chacune divisée en quatre
sections. Elle compte en tout 150 membres, 195 correspondants et 138
associés étrangers. L'Académie des sciences forme avec les
quatre autres académies l'Institut de France, situé quai Conti,
face au Pont des Arts.
Le
site de l'Institut de France
|
1967-69 :
chercheur doctorant à l'Université Libre de Bruxelles dans le Département
de biologie moléculaire; 1969-70 : chercheur post-doctoral chez le
professeur Devoret au CNRS à Gif-sur-Yvette; 1970-73 : chargé
de recherche (Research Fellow) auprès du professeur Meselson, à
Harvard (Cambridge), Département de biochimie et de biologie moléculaire.
1972-1983 : professeur de génétique moléculaire
à l'Université Libre de Bruxelles où (1973-1982) il dirige
le Laboratoire d'enzymologie de l'ADN au sein du Département de biologie
moléculaire. 1981-83 : professeur associé à l'Université
de Paris-Sud, à Orsay. 1983-89 :
directeur scientifique CNRS, dirige le Laboratoire de Mutagenèse à
l'Institut Jacques Monod à l'Université Paris 7. 1988-90 :
professeur visiteur au National Institutes of Environmental Health Sciences, National
Institutes of health, (Caroline du Nord, USA). 1990 : Directeur des recherches
au CNRS. 1998 : professeur des universités à la Faculté
de Médecine Necker-Enfants malades (Université Paris-5) où
il dirige une équipe de recherche au Laboratoire de génétique
moléculaire, évolutive et médicale de l'INSERM (U 571).
Prix
et décorations : - 1979 : prix Antoine-Lacassagne de la Ligue nationale francaise
contre le cancer, pour la découverte du système mutagène SOS chez les bactéries.
- 1986 : médaille de la faculté de médecine de l'université de Tokyo. - 1990 :
"Eurêka d'Or de l'Innovation". - 1992 : Grand prix de l'Académie
des sciences, "Charles-Léopold-Meyer" pour la découverte du système de correction
des erreurs génétiques (mismatch repair). - 1998 : Grand Prix de l'ARC Léopold-Griffuel
pour les contributions à la recherche des mécanismes de réparation de l'ADN. -
1998 : Médaille "Spiridion Brusina" à l'occasion du 100ème
anniversaire de la Société Croate des Naturalistes. - 2000
: Grand Prix Richard-Lounsbery de l'Académie des sciences et de la National Academy
of Sciences USA, pour les "contributions conceptuelles et expérimentales dans
la compréhension des mécanismes de la réparation de l'ADN, mutagenèse, cancer
et évolution moléculaire". - 2000 : prix Science Award 2000 de l'US Environmental
Mutagen Society pour "les contributions fondamentales à la compréhension des conséquences
profondes de la mutation et la recombinaison dans les réponses globales génomiques,
réparation de l'ADN, cancer et évolution".
Sociétés
savantes. Movement Pugwash (1966), EMBO (1978), Académie croate des
Sciences et des Arts (1992), Academia Europaea (1999), The New York Academy of
Sciences (1993), American Association for Advancement of Science, Société
française de Génétique, Genetic Society of America (1973),
European Environmental Mutagen Society, American Environmental Mutagen Society.
Comités
scientifiques. Conseil Scientifique de l'Institut Curie-Biologie (1983-88)
- Comité Scientifique de la Communauté Européenne:Sciences
de la Vie : "Scientific Panel Committe for Life Sciences" (1991-95)
- Conseil Scientifique du Département de Toxicologie du C.E.A. (1994-)
- Coordinateur du Projet n°8 du GREG (Instabilités Génétiques
Provoquées par les Séquences Répétées) (1994-96)
- Comité de l'Académie des Sciences sur les Effets Biologiques
des Radiations (1996-98) - Conseil Supérieur d'Hygiène Publique
de France auprès le Secrétariat d'Etat à la Santé
(Ministère de l'Emploi et de la Solidarité) (1997-).
Bibliographie
: Il est l'auteur de nombreux articles dans des revues spécialisées nationales
et internationales. Depuis 1994, il est éditeur du journal DNA Repair. Il a aussi
écrit des articles de vulgarisation, notamment pour la revue Pour la science.
Associations et comités : - Conseil scientifique de l'Institut Curie-Biologie
(1983-88) - Communauté européenne : Sciences de la vie (1991-95) - Conseil scientifique
du département de toxicologie du CEA (1994) - Coordinateur du projet du GREG (instabilités
génétiques provoquées par les séquences répétées (1994-96) - Conseil supérieur
d'hygiène publique de France auprès du secrétariat d'Etat à la santé (ministère
de l'emploi et de la solidarité ) (1997)
Il a participé
à de nombreux séminaires et conférences : environ 400 en trente ans en Europe,
aux Etats-Unis, au Japon, au Canada, en Australie et au Brésil, portant sur la
réparation, la réplication, la recombinaison, la mutagenèse et la méthylation
de l'ADN, la cancérogenèse, la bactériologie, les tests de génotoxicité, le vieillissement
et l'évolution.
|