19/09 -
24/11/2002
EXPOSITION
Knifer prend
le Maquis
"Maquis",
l'actuelle exposition du Plateau, à Paris, réunit cinq artistes
sous les vastes thématiques du temps, de l'espace et du territoire, dont
Julije Knifer, qui a représenté la Croatie à la dernière
Biennale de Venise. Aux côtés de Yvan Salomone, Fiorenza Menini,
Paola Yacoub et Michel Lasserre, l’artiste néo-constructiviste croate nous plonge
dans son univers géométrique par des variations nouvelles de ses
célèbres « méandres » monochromes.
MAQUIS,
jusqu'au 24 novembre, Le Plateau, angle de la rue des Alouettes et de la
rue Carducci, 75019 Paris, tél. 01 53 19 84 10, 14h-19h du mercredi au
vendredi, 11h-19h les samedi et dimanche.
REVUE
DE PRESSE
Journal
des Arts, n°155 du 27 septembre au 10 octobre 2002-09-30 p. 12
EXPOSITIONS
Tapis dans la lisière
entre l'espace et le temps
Avec le concours de
cinq artistes, Le Plateau prend le Maquis au cur de la ville
PARIS.
Faudrait-il conférer une signification métaphorique aux méandres
tracés par Julije Knifer depuis une quarantaine d'années ? Ancrée
dans l'histoire de l'abstraction, l'uvre de l'artiste dessine à travers
ce motif un rythme qui fleure bon l'abstraction géométrique la plus
littérale. Pourtant, la peinture murale noire et blanche qu'il a réalisée
dans la première salle du Plateau prend des allures de démonstration
quant au propos général de l'exposition et à sa réflexion
sur le temps de l'image et de sa vision. Intitulée "Maquis",
la manifestation prend aussi une connotation clandestine et résistante
bienveillante. Elle ne camoufle d'ailleurs pas son propos politique, notamment
à travers les diaporamas de Paola Yacoub et Michel Lasserre. Engagé
dans une topographie photographique de la frontière entre Israël et
le Liban, le duo s'attache au paysage comme élément d'expression
du conflit. Écorchées par des textes adjoints, leurs images distantes
et antispectaculaires dégagent des traces de violence, de danger et parfois
d'histoire. Plus qu'à un héroïque Chant des Partisans, c'est
en fait à une végétation de l'entre-deux, à un seuil
brouillé et chargé que se réfère le titre de "Maquis".
Il est aussi largement question de paysage dans les grands formats accrochés
en série par Yvan Salomone. Creusant un peu plus le sillon déjà
large d'une esthétique de la friche, ce dernier s'attache à des
terrains industriels sans réels autres attributs que ceux de lieux de transport,
de stockage et de passage ; des zones franches dont la faillite est encore renforcée
par la déliquescence de l'aquarelle employée pour les dépeindre.
Dans des
performances où interviennent des corps et des rôles comme autant
de balises flottantes, ou dans l'expérience un peu vaine d'une projection
qui se dissout dans un ralentissement frôlant l'immobilité (Crossing
Fade), Fiorenza Menini suggère, elle, des épaisseurs physiques et
temporelles multiples. Le sujet trouve un écho tout autre chez Gary Hill.
Souvent absorbée par la question de la perception et de la description,
l'uvre de l'Américain a su à de multiples reprises s'enrichir
du sentiment et de la présence d'un autre. Composé de cinq projections
simultanées, Accordions (The Belsunce Recordings, July 2001), l'environnement
qu'il a disposé au Plateau, rejoint en cela son désormais classique
Viewer (1996), une installation dans laquelle une série de personnages
en pied fait face au spectateur. Mais, à la fixité abrupte de Viewer,
Accordions substitue des effets de dilatation et de raccourci : zoom avant ou
arrière en phase avec des interruptions plus ou moins rapides de l'image
et du son. Saisis à la volée sur le cours Belsunce de Marseille
(où l'uvre avait été présentée l'été
dernier par l'association La compagnie dans une disposition moins concentrée)
ou filmés devant le fond noir d'un studio, les visages d'enfants, d'hommes,
de femmes et de vieillards font feu commun dans un rythme stroboscopique. Parfois,
la caméra laisse voir l'environnement, délimite le quartier, s'enfonce
à travers la porte d'Aix, mais revient toujours à la figure.
Frustrant
dans ce déni quasi complet d'un environnement photogénique, agaçant
par la froideur implacable de son dispositif, Accordions produit un scintillement
pourtant bien humain.
Olivier
Michelon
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