27/10/1997
COMMÉMORATION
Rugjer
Josip BOSKOVIC
(1711-1787)
Allocution
de S. E. Monsieur Smiljan SIMAC, Ambassadeur de Croatie
en France, prononcée le 27 octobre 1997, à
l'occasion de l'inauguration de la plaque commémorative
en l'honneur du philosophe et homme de sciences croate,
Rugjer Josip BOSKOVIC, sur la façade de l'immeuble
sis au 6, rue de Seine, Paris VI, à l'initiative
de l'association AMCA.
Célèbre homme de sciences, jésuite
et philosophe croate, Rugjer Josip Boskovic (Roger
Joseph Boskovic / Ruggero Boscovich) fut en effet astronome,
mathématicien, physicien, géodète,
hydrotechnicien, homme de lettres, archéologue,
poète et diplomate. Il fut surtout un personnage
exceptionnel auquel Nietzsche lui-même a cru
rendre justice en le qualifiant, à l'instar
de Copernic, de "génial et victorieux
adversaire des illusions des sens". Car Boskovic
fait partie de ce petit nombre d'illustres scientifiques
dont les concepts, même lorsqu'ils ne sont pas
repris en totalité, représentent des
étapes incontournables dans le développement
de l'esprit humain.
Né
le 18 mai 1711 à Dubrovnik dans une famille
croate, il a suivi jusqu'à l'âge de quinze
ans des études au collège jésuite
de sa ville natale. C'est alors qu'il part pour Rome
où il étudie à l'institut jésuite
Collegium Romanum la rhétorique, la philosophie
et la théologie. A 25 ans, il publie des articles
(disertationes) dans les domaines des mathématiques,
de l'astronomie, de la physique et de la géodésie.
En 1740, il sera nommé professeur et dirigera
le lectorat de mathématiques du Collegium avant
même son ordination, en 1744. C'est alors qu'il
commence à développer des intérêts
polyvalents, entamant de nombreux voyages qui le mèneront
dans les grandes capitales européennes, ainsi
que dans sa Dubrovnik natale. Et c'est en 1758 qu'il
publiera son uvre capitale, sa fameuse Theoria
philosophiae naturalis.
En 1772, il se rend à Paris et, l'année
suivante, acquiert la nationalité française.
Deux ans plus tard, Louis XV le nomme directeur de
l'Optique de la Marine Royale. Il y inventera notamment
la lunette achromatique, offrant tant aux astronomes
qu'aux navigateurs une qualité d'image jusque-là
inconnue. Il jouit alors d'une grande réputation
parmi les scientifiques français ce qu'attestent
ses vifs débats avec d'Alembert et Laplace ou
ses liens avec Buffon. En outre, comme il le fit auparavant
pour le compte d'autres pays, il accomplit au service
de la France plusieurs missions diplomatiques. Néanmoins,
il conservera toute sa vie également son statut
de diplomate de la République de Raguse (Dubrovnik).
En 1782, il regagne l'Italie et y prépare un
recueil de ses uvres en cinq tomes. Mais la maladie
le guette alors sérieusement. Il mourra le 13
février 1787 à l'âge de 76 ans
et sera enterré en l'église Sainte-Marie
Podone de Milan.
L'œuvre de Roger Joseph Boskovic est si impressionnante
qu'elle le place parmi les plus illustres esprits croates,
esprit universel aux pôles d'intérêts
multiples. Il s'est, pour n'en citer que quelques-uns,
intéressé de près à la
vie des abeilles, perfectionna la gamme musicale, étudia
les hiéroglyphes de l'obélisque d'Auguste
à Rome et les Villas romaines de Toscane, contribua
à localiser l'antique Troie, simplifia la trigonométrie
sphérique, calcula la statique de l'église
Sainte-Geneviève de Paris, consolida la coupole
de la Basilique Saint-Pierre de Rome, la flèche
centrale du Duomo de Milan ou encore la bibliothèque
impériale de Vienne, construisit l'observatoire
de Brera à Milan, compta avec René Descartes
et Daniel Bernoulli parmi les partisans marquant de
l'atomisme...
Il composa également des poèmes en latin,
dédia ses Eclipses à Louis XVI
et fut membre de l'Arcadie, la société
des poètes romains. En tant que scientifique
reconnu par ses contemporains, il fut également
membre ordinaire ou correspondant de nombreuses institutions
illustres parmi lesquelles figurent l'Académie
des Sciences de Paris, la Royal Society de Londres,
l'Académie des Sciences et des Arts de Bologne
ou l'Académie Impériale des Sciences
de Saint-Pétersbourg.
De par sa dimension européenne, Boskovic est
le témoin par excellence des liens qui unissaient
les intellectuels croates et la France des Lumières.
Tout en étant un polyglotte attesté,
il cultivait avec fierté sa langue maternelle
qu'il n'a jamais oublié, ce que confirme la
correspondance échangée avec sa famille.
Dans sa dernière lettre, peu avant de s'éteindre,
il lui écrivit humblement en guise d'adieu :
"Moja se svrha priblizava. Imam 76 godina.
Vec cutim slabost. Zbogom." que l'on pourrait
traduire ainsi : "Ma fin est proche. J'ai 76
ans. La faiblesse me gagne. Adieu."
Je
tiens ici, en tant qu'ambassadeur de Croatie en France,
à exprimer ma reconnaissance à l'Association
des Anciens Étudiants des Universités
croates (AMCA),
à l'origine de cette belle initiative, qui n'a
ménagé aucun effort pour la mener à
bien - efforts qui ont finalement trouvé aujourd'hui
leur aboutissement dans l'inauguration de cette plaque
commémorative. Ma reconnaissance va également
aux autorités de la Ville de Paris qui ont généreusement
répondu à cette requête et ainsi
permis qu'après la Lune, où un cratère
porte son nom, et à l'instar d'autres cités
européennes, la Ville lumière à
son tour rende hommage à cet éminent
scientifique, Croate d'origine et Français d'adoption,
en souvenir de son séjour parisien, métaphore
des liens historiques entre nos deux pays.
Voir
aussi le site Internet de l'Institut
de recherche scientifique Rugjer Boskovic
Le
Saviez-vous? > Rudjer
Boskovic
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