30/06/2000
JAZZ
Helen Merrill,
à la santé dHelen Milcetic
Née
à New York en 1930, la grande chanteuse de jazz rend hommage à ses parents croates,
qui lui ont tout appris. Sa mère : le goût du chant ; son père :
le goût du rêve et des voyages.
« C
était au tout début de ma carrière, dans un lieu qui sappelait le 45 Club.
Bud Powell était au piano, Oscar Pettiford à la contrebasse. Miles Davis était
aussi de la partie. Et soudain, cétait moi la chanteuse. Je navais
rien répété. Mais il sagissait de morceaux que tout le monde savait par
cur, comme What Is This Thing Called Love ou My Funny Valentine.
Je commence à chanter tandis que Bud était en train de jouer. Tout à coup,
tout sinterrompt. Puis, il se tourne vers moi et me décoche le plus beau
sourire que jai jamais eu de ma vie. à cette époque, jutilisais encore
mon ancien nom, Helen Milcetic. Bien des années plus tard, alors que jétais
à Paris, un soir je tombe sur Bud . En me voyant, il est resté presque muet.
Puis, dune voix denfant, il a chuchoté : "Helen Milcetic". Après
tant dannées il se rappelait de mon ancien nom. »
Ce souvenir
émouvant, Helen Merrill ne le raconte pas par hasard. Cette grande dame du jazz,
née à New York en 1930 de parents croates, a enregistré lan passé un magnifique
album intitulé Jelena Ana Milcetic a.k.a. Helen Merrill (Verve/Polygram),
dans lequel elle évoque ses origines balkaniques.
« Je
nai jamais vécu en Croatie, et ma culture est avant tout américaine, explique-t-elle.
Cependant, mes parents mont laissé une très profonde impression du lieu
doù ils venaient. Ma mère chantait souvent. Bien sûr, ce nétait pas
une professionnelle et elle naurait dailleurs jamais voulu que je
le devienne. Pourtant, ces airs quelle chantait mont beaucoup influencée.
Elle avait une voix très puissante et pouvait chanter de façon passionnée sans
jamais tomber dans lexagération ou le ridicule. Cela sortait de lintérieur.
Cest delle que jai tout appris. Cest pour ça que ce disque
a été très dur à enregistrer, car jy reprends des airs quelle aimait. »
Voici donc
le secret de cette voix exceptionnelle, cette voix qui se prend dans le souffle
et, naviguant entre la retenue et laudace, charrie un fabuleux pouvoir démotion.
Dès ses débuts, en pleine explosion bop, Helen Merrill a chanté avec les plus
grands. « John Lewis, Milt Jackson, Thelonious Monk, Oscar Pettiford, Charlie
Parker…Tout le monde était là. Ces figures légendaires étaient simplement
les gens avec qui je travaillais. Nul dentre nous nétait connu, à
lépoque. On se découvrait les uns et les autres, et nous faisions de la
musique ensemble. Peut-être que le talent mattire… Quand jai
vécu en Italie, jai chanté avec Enio Morricone, qui était alors un
parfait inconnu. »
Helen Merrill
croise ainsi la route du trompettiste Clifford Brown, avec qui elle enregistre
son premier album sous la houlette de Quincy Jones. Entre-temps, elle avait fait
partie de lorchestre dEarl Hines, et Billie Holiday lavait engagée
dans son club, The Holliday Room. Parmi les nombreux accompagnateurs de la chanteuse,
celle-ci distingue tout particulièrement le pianiste Bill Evans. « Il ne
cherchait pas à tirer la couverture à lui, mais jouait toujours avec vous. »
Il convient aussi de citer le saxophoniste Steve Lacy, dont les contrechants saccordent
de façon particulièrement heureuse avec la voix de Helen Merrill. « Steve
et moi, nous nous connaissons depuis presque quarante ans. Peut-être cette proximité
entre sa sonorité et ma voix est-elle due à nos origines slaves », dit-elle
en riant. On retrouve justement Steve Lacy, ainsi que le contrebassiste Georges
Mraz (lui aussi originaire de lest de lEurope), pour un concert consacré
au dernier album de la chanteuse. Elle y évoquera cette Croatie où elle nest
allée que deux fois dans sa vie, mais qui a tellement marqué son enfance, et notamment
cette île de Krk, dont ses parents sont originaires. Un passé chargé démotions
et de rêves, qui habite ses chansons Kirje, Long Long Ago, Imagining
Krk ou My Father. » Ces morceaux contiennent tout ce qui est important
pour moi : lenfance, la religion, les histoires que mon père nous racontait.
Des histoires chargées des rêves, dont il nous enchantait. Cest lui qui
ma donné lenvie de voyager, de connaître le monde. Ce concert, pour
moi, cest tellement démotion. »
Hugues
Le Tanneur
Le
Monde - supplément aden, du 28 juin au 4 juillet 2000
Wilson
Pickett et Helen Merrill lancent le « La Villette Jazz Festival »
PARIS,
28 juin (AFP) - Le chanteur de rythmn blues Wilson Pickett et la chanteuse
Helen Merrill doivent lancer vendredi la cinquième édition du La Villette Jazz
Festival, une édition éclectique qui se poursuivra jusquau vendredi suivant
avec relâche les 3 et 4 juillet.
Ce festival
donne la parole à toutes les formes du jazz moderne, depuis le be-bop et le hard-bop
des années 40/50, jusquau dernières évolutions d'un jazz ouvert à lélectronique
et à la techno, en passant par le jazz modal, le free-jazz, le jazz-fusion, le
jazz contemporain, le jazz manouche.
Pour cette
5e édition, une nouvelle formule est proposée: les grands concerts de 22H30 dans
lespace Charlie Parker (3.500 places) sont avancés à 20H30. A la même heure
a lieu une autre représentation dans la salle de concerts de la Cité de la Musique
(1.000 places). Le spectateur devra choisir lun ou l'autre, mais aura accès
à tous les concerts en deuxième partie de soirée, le principe de la déambulation
étant maintenu.
Le Trabendo,
lex-Hot Brass rénové qui a rouvert ses portes au printemps, est associé
à l'événement. La salle Boris Vian ne lest plus. La formule des concerts
gratuits est amplifiée : il y en aura deux chaque soir, au lieu dun
jusquà présent.
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