05/04/2005

THÉÂTRE
Radovan Ivsic
Gallimard publie l'oeuvre dramatique de l'auteur surréaliste croate

Après "Poèmes", édité en 2004, Gallimard récidive en réunissant dans un seul ouvrage la production théâtrale de Radovan Ivsic, figure emblématique du surréalisme en Croatie, installé à Paris depuis un demi siècle. Selon Jean-Paul Goujon l'ouvrage "est avant tout remarquable par sa profonde diversité. Il contient non pas un théâtre, qui serait régi par une formule préconçue, mais plusieurs théâtres, où se joue un langage d'une liberté extrême... Comme l'a souligné Annie Le Brun, les pièces de Radovan Ivsic sont d'abord un voyage, un vrai voyage au pays du langage. Et ils sont bien rares, ceux qui, comme leur auteur, s'embarquent seuls pour une telle aventure, «les yeux fixés au large et les cheveux au vent». Au lecteur, à présent, de s'immerger dans le courant des mots, afin de découvrir un théâtre à l'image même de son auteur : libre et solitaire, mais relié aux autres par la force et la plénitude multiple de son langage. La voix qui s'y fait entendre est, d'un bout à l'autre, celle d'un poète qui, pour paraphraser le mot de Breton, n'a jamais démérité, n'a jamais cessé de ne faire qu'un de la chair de l'être aimé et de l'eau glissant sur les feuilles et les fougères."
Gallimard, NRF, 2005, 24,50 €.

REVUE DE PRESSE

Le Nouvel Observateur, 25/05/2005

DEUX LIVRES DE RADOVAN IVSIC
Le dernier surréaliste
Les fascistes oustachis comme les censeurs staliniens ont tenté de faire taire ce poète et dramaturge qu’admirait Breton

« Seule, elle ne sera jamais tout à fait nue.» C’est cela un poète. L’encre de Radovan Ivsic s’enfonce profondément dans la page en creusant des sentiers qui se gravent dans la mémoire. «Je ne peux bouger qu’à la manière du tournesol, en suivant le soleil.» Seul le poète écrit des choses impossibles à défaire, inoubliables à la manière d’une mélodie dans les ruelles. «Sous la feuille de la nuit», «le fer d’une flèche», «rouge comme la joie», «le rêve de l’écorce», on en trouve à chaque page, à chaque paysage, de ces audaces. «D’un cyprès sort un cerf. De son regard tranquille poussent des fougères.» Nul procédé chez Ivsic, les engendrements poétiques défient les lois de la nature, voilà tout.

«Les couleurs m’encerclent et me soulèvent.» Ivsic est de ceux qui connaissent leur propre musique à la virgule près, il se souvient de tout ce qu’il a écrit, en croate comme en français, et même de tous les textes issus de l’écriture automatique, en partie détruits. «Les phrases d’Ivsic s’égrènent une à une comme si elles étaient énoncées dans le silence nocturne», précise Etienne-Alain Hubert dans sa préface à cette édition Gallimard franco-croate des «Poèmes» (1). «Mais que s’élève l’autre paupière…»

La grande histoire, on le sait, n’est pas tendre avec les rêveurs de cette envergure. Ayant eu la malchance de naître à Zagreb en 1921, Radovan Ivsic a réussi à être interdit aussi bien pendant l’occupation allemande que par le régime titiste. «Interdit par le régime fasciste de Pavelic, bridé et censuré par le régime communiste de Tito, dont l’image flatteuse répandue à l’Ouest faisait sourire amèrement ceux qui savaient, Ivsic a cherché dans l’écriture non l’évasion et l’oubli du présent, mais le moyen de "rejoindre le vrai" dans les périodes troublées», poursuit le préfacier. En 1942, son poème «Narcisse» est interdit par le régime oustachi comme symbole de l’art décadent. Dès 1945, les chantres du réalisme socialiste lui ferment pour trente ans les portes du théâtre. Faute de pouvoir exercer son art, Ivsic devient traducteur vers le croate : Rousseau, Molière, Maeterlinck, Marivaux, Apollinaire, Breton, Césaire… Et il écrit de nombreuses pièces (2) dont la plus célèbre, «le roi Gordogane», sera citée par André Breton comme un événement. Pour Ivsic, le théâtre est le «lieu concret de la poésie».

En 1954, il quitte la Yougoslavie de Tito et s’installe à Paris, où il rencontre André Breton et Benjamin Péret et participe à toutes les manifestations du mouvement surréaliste, notamment l’exposition «Eros» à la galerie Cordier en 1959-1960. Désormais, il écrira exclusivement en français. Longtemps après la mort de Breton, avec Goldfayn, Annie Le Brun, qui deviendra son épouse, et Toyen, Radovan Ivsic poursuivra l’aventure surréaliste à travers la collection «Maintenant». C’est à l’intervention personnelle d’Antoine Gallimard, un admirateur d’Ivsic et Le Brun, que nous devons de redécouvrir cette œuvre irréductible.

Catherine David

(1) «Poèmes», par Radovan Ivsic, Gallimard, 254 p., 23 euros.
(2) Son «Théâtre», préfacé par Jean-Paul Goujon, paraît aussi chez Gallimard, 346 p., 24,50 euros.
Né en 1921 à Zagreb, Radovan Ivsic vit en France. Il a publié notamment «le Roi Gordogane» (1943) et «Pouvoir dire ou Aiaxaia» (1982).

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