16/03/2005

CROATIE-UNION EUROPÉENNE
Report du lancement des négociations
Les 25 ont adopté le cadre de négociation d'adhésion avec Zagreb en attendant de constater une pleine coopération avec le TPIY

"En l'absence d'un commun accord", le Conseil des ministres de l'Union européenne réuni à Bruxelles le 16 mars 2005, a décidé de reporter l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Croatie, qui devaient commencer le lendemain. Cette décision intervient en dépit des efforts entrepris, jusqu'ici sans succès, par le gouvernement croate pour localiser le général Gotovina, recherché par le Tribunal pénal de La Haye (TPIY) et en fuite depuis 2001. L'échec à répondre à cette exigence du Tribunal, la seule sur 626 à n'avoir pas été honorée, a conduit le Conseil à décider que les négociations débuteront dès qu'il "aura constaté que la Croatie coopère pleinement avec le TPIY". Le Conseil a néanmoins souhaité adresser un signal positif en adoptant le cadre de négociation avec la Croatie, selon lequel l'acquis communautaire est désormais divisé en 35 chapitres.

CONCLUSION DU CONSEIL CONCERNANT LA CROATIE, 16 mars 2005

BRUXELLES - Le Conseil a rappelé les conclusions du Conseil européen de juin 2004 suivant lesquelles la Croatie est un pays candidat à l'adhésion et qu'une conférence intergouvernementale bilatérale devrait être convoquée afin d'entamer les négociations. Il réaffirme l'engagement de l'Union européenne en faveur de l'adhésion de la Croatie.

Le Conseil s'est félicité que les travaux concernant le cadre de négociation présenté par la Commission aient été menés à bien et a adopté ce cadre.

Le Conseil a rappelé l'importance d'une coopération pleine de tous les pays des Balkans occidentaux avec le TPIY ; il s'agit d'une exigence essentielle pour la poursuite de leur rapprochement de l'UE. Le Conseil a également rappelé les conclusions du Conseil européen de décembre 2004.

A cet titre, après délibération du Conseil et en l'absence d'un commun accord, l'ouverture des négociations d'adhésion est reportée.

La conférence intergouvernementale bilatérale sera convoquée d'un commun accord dès que le Conseil aura constaté que la Croatie coopère pleinement avec le TPIY.

La Croatie "va de l'avant et il n'y a aucune raison de se montrer triste ou déçu", a déclaré le premier ministre croate Ivo Sanader en réaction à la décision de l'Union européenne de repousser l'ouverture des négociations d'adhésion avec Zagreb.

Réagissant à la décision des ministres des affaires étrangères de l'UE de reporter la date d'ouverture des négociations avec Zagreb, le premier ministre croate Ivo Sanader a déclaré que, même s'il "ne pouvait pas être heureux" d'une telle issue, il se satisfaisait néanmoins du fait que l'Union ait adopté un "cadre de négociation" devant servir de base à de futures discussions. Selon M. Sanader, les ministres européens des affaires étrangères n'ont pas conclu que "la Croatie n'a pas fait tout son possible [pour capturer le général Ante Gotovina, accusé de crimes de guerre par le TPI de La Haye]", et seuls quatre ou cinq Etats membres se sont opposés à une ouverture immédiate des négociations (sept Etats y étant favorables, le reste demeurant neutre).

Le ministre croate des affaires étrangères et de l'intégration européenne, Mme Kolinda Grabar-Kitarovic, a également indiqué que les autorités de Zagreb n'entendaient pas intensifier leur efforts en vue de la capture de Gotovina, pour la simple raison qu'elles "coopéraient déjà pleinement avec le tribunal de La Haye".

LIENS

La Croatie, près du but? ("Cause commune", France Culture, 17/03/2005), avec avec Georges-Marie Chenu, ancien ambassadeur de France à Zagreb, Marc Gjidara, juriste, Doris Pack, député européenne, Louise L. Lambrichs (Nous ne verrons jamais Vukovar - ed. Philippe Rey - janvier 2005), Jean-Arnaud Dérens, rédacteur en chef du Courrier des Balkans, Joseph Krulic, historien - écouter l'émission.

Gotovina arrêté en Espagne

Le président croate, Stjepan Mesic, a estimé que son pays ne devait "pas se désespérer, mais plutôt faire en sorte de remplir les critères requis".

Démocrates pro-européens

Les dirigeants des deux principales formations politiques du pays ont déclaré que Zagreb devait continuer ses préparatifs en vue de sa future entrée dans l'UE. "Ce n'est pas parce que Bruxelles se trompe au sujet de la Croatie que la Croatie doit se tromper à propos d'elle-même", a ainsi affirmé Ivica Racan, chef de file du Parti social-démocrate (opposition).

LA COOPÉRATION AVEC LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L'EX-YOUGOSLAVIE (TPIY)

En proie à une agression militaire meurtrière en 1991, la Croatie fut le premier pays d'Europe a être confronté aux violations massives du droit humanitaire et des droits de l'homme après la Seconde Guerre mondiale. L'expulsion de centaines de milliers de Croates de chez eux et le meurtre massif de 13 000 personnes, a conduit la Croatie à être la première à réclamer, dès l'automne 1991, l'instauration d'un tribunal international pour juger les nombreux crimes de guerre commis sur son territoire par l'armée yougoslave et les milices serbes.

Le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) a finalement instauré le 22 février 1993, par la résolution 808 du Conseil de sécurité de l'ONU, et la Croatie compte parmi ses pays fondateurs. Celle-ci est aussi, à ce jour, le seul pays à avoir promulgué, dès le 19 avril 1996, une Loi constitutionnelle de collaboration avec le TPIY. Par plusieurs fois, le Parlement croate a réaffirmé son attachement à la pleine coopération avec le TPIY, notamment dans ses résolutions et déclarations adoptées en 1999, 2000, 2001 et en 2002. La Croatie a par ailleurs ratifié le statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Cas unique, en octobre 2002, le président croate Stipe Mesic s'est rendu en personne au TPIY, pour y déposer en tant que témoin. Fin 2002, la Cour constitutionnelle croate a confirmé la primauté du TPIY sur les instances juridiques nationales. Cette collaboration a été facilitée par l'ouverture à Zagreb d'un bureau du Procureur du TPIY, dont les enquêteurs sont habilités à mener leurs investigations sans être tenus d'en informer le gouvernement croate ni la Direction pour la collaboration avec le TPIY instaurée au sein du ministère de la Justice.

Le gouvernement croate a par ailleurs ouvert ses archives dans lesquelles une quarantaine d'enquêteurs du TPIY ont pu travailler un an durant et y copier quelque 57.000 documents. La plupart des 626 demandes soumises à Zagreb par le TPIY jusqu'en mars 2005 ont été traitées dans un délai compris généralement entre 25 et 60 jours. A ce jour, la seule d'entre elles que la Croatie n'a pas été en mesure d'honorer concerne la localisation du général Gotovina, en fuite depuis l'été 2001.

Dès son élection à la tête du gouvernement croate en décembre 2003, Ivo Sanader s'est engagé à intensifier ses efforts dans ce domaine et promis une pleine coopération avec le TPIY. En avril 2004, le Procureur général du TPIY a d'ailleurs considéré que la Croatie "coopère pleinement" avec le Tribunal. Ceci a été confirmé par la Commission européenne dans son Avis positif sur la base duquel le Conseil européen de juin 2004 a octroyé le statut de candidat à la Croatie. Depuis, le gouvernement croate n'a cessé ses recherches dans l'affaire Gotovina, sans aboutir à une piste tangible. En dépit de l'intensification de ces efforts qui ont atteint un degré jusqu'ici inégalé, la coopération de la Croatie avec le TPIY a cette fois-ci été jugée insuffisante.

Le leader de la minorité serbe de Croatie, Milorad Pupovac, député au Parlement croate, a regretté la décision du Conseil des ministres de l'UE et renouvelé son soutien au gouvernement croate, estimant que "l'UE est une priorité absolue" pour tous les "patriotes croates démocrates et pro-européens". "Nos amis européens doivent comprendre qu'un dilemme 'UE ou Gotovina' n'est pas bon", a-t-il ajouté.
(avec Euractiv)

REVUE DE PRESSE

La Croix, 11/03/2005
UNION EUROPÉENNE
La Croatie dit coopérer « pleinement » avec le TPI

Le président croate se défend de vouloir soustraire le général Gotovina à la justice internationale. Bruxelles exige qu'il soit livré avant de parler d'adhésion à l'UE.

ZAGREB, envoyé spécial.

Une semaine, c'est ce qu'il reste à la Croatie pour retrouver le général Ante Gotovina, héros de la libération du pays lors de la courte guerre de 1995 contre les Serbes, mais accusé de crimes de guerre par le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye. La Croatie devrait, en principe, être invitée à engager des négociations d'adhésion à l'Union européenne jeudi prochain. Mais si elle ne livre pas le général Gotovina au tribunal, Bruxelles devrait repousser l'ouverture de négociations à une date non précisée. La décision sera prise mercredi par le Conseil européen. D'ici là, les autorités croates s'efforcent de prouver qu'elles font bien tout leur possible pour retrouver le général en fuite. Et tentent de minimiser, par avance, l'impact d'un éventuel refus.

« Il ne faut pas faire un fétiche de la date du 17 mars, indique ainsi le président croate Stipe Mesic, recevant un petit groupe de journalistes. Le plus important pour nous est d'avoir reçu un avis positif qui nous ouvre une possibilité d'adhésion à l'Union européenne. » Un détachement qui semble un peu forcé.

La Croatie est incapable de mettre la main sur le général. « Ante Gotovina possède un passeport français (1). Il a vécu au Paraguay et il a acquis un passeport paraguayen. C'est un aventurier qui ne prend en compte que ses intérêts. Nous ne savons pas encore combien de passeports il possède... Mais la Croatie est aujourd'hui la dernière adresse où il pourrait être », plaide le président croate, ajoutant cependant : « C'est un fait que nous n'avons pas livré Ante Gotovina lorsque nous aurions pu le faire, lorsque l'acte d'accusation nous est parvenu. À ce moment, la réaction de nos autorités fut lente. »

Stipe Mesic veut convaincre qu'aujourd'hui la Croatie fait tout pour remplir cette condition qui lui a été posée par l'Union européenne. Il explique que des investigations ont été engagées pour vérifier si une partie de l'argent versé par la diaspora pour payer l'effort de guerre, en 1995, n'a pas été détourné pour financer la fuite du général. Ce mercredi soir, il est déjà 19 heures et le président s'apprête à animer un conseil de sécurité où, à nouveau, avec l'ensemble des ministres concernés, les différentes pistes seront examinées.

LE CAS GOTOVINA

Le général Gotovina a été inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité par le TPIY, le 21 mai 2001, pour son rôle de commandant de la Zone opérationnelle de Split durant l'opération "Tempête", déclenchée en août 1995 pour libérer les territoires de la Croatie occupés par l'armée serbe depuis 1991. Nommé Inspecteur général de l'armée croate le 12 mars 1996, il a été mis à la retraite le 29 septembre 2000.

Initialement confidentielle, l'accusation a été rendue publique le 26 juillet 2001. Le 23 juillet 2001, le Tribunal de grande instance de Zagreb a délivré un mandat d'arrêt, suivi le 21 août par Interpol. Néanmoins, le général Gotovina, sans doute alerté par des rumeurs, avait pris la fuite peu avant et n'est pas réapparu depuis. Ancien légionnaire, ayant acquis la nationalité française à ce titre, il s'était vu renouveler son passeport français, quelques semaines auparavant.

Depuis, les plus hautes autorités croates l'ont appelé à se rendre à La Haye par des appels publics. La police a mis ses proches et ses avoirs sous étroite surveillance dans l'intention de retrouver sa trace. Sans succès. En juin 2003, un journaliste du magazine croate Nacional parvient cependant à entrer en contact avec lui et à l'interviewer "dans un pays de l'UE", selon ses dires. C'est sa dernière manifestation publique en date. Le 28 août 2003, la résolution 1503 du Conseil de Sécurité cite pour la première fois le nom de Gotovina, aux côtés de ceux des criminels bosno-serbes Ratko Mladic et Radovan Karadzic, accusés de génocide en Bosnie-Herzégovine, où près de 200.000 personnes ont été tuées. Dès lors le cas Gotovina, jusque-là relativement secondaire, devient une des affaires prioritaires du TPIY. Le 24 février 2004, le TPIY modifie l'acte d'accusation initial.

Peu après, le gouvernement croate fixe à 50.000 euros la prime pour toute information susceptible d'aider à sa localisation et à son interpellation. A cet effet, deux lignes téléphoniques spéciales joignables 24h/24 sont mises en place à la cellule du ministère de l'Intérieur chargée de coordonner les efforts de recherche. La totalité des 22.000 policiers croates ont reçu des consignes réclamant d'eux la plus haute mobilisation sur cette affaire et leur enjoignant de signaler tout indice susceptible de retrouver sa trace. Chaque rumeur est en effet systématiquement vérifiée, même la plus fantaisiste.

Etant donné que les noms de plusieurs pays d'Europe et d'Amérique ont circulé, la police croate a demandé l'aide des pays concernés. Le gouvernement croate a même proposé l'établissement d'une "task force" réunissant les services européens, qui serait chargé de le retrouver. Pour le seul mois de février 2005, la police croate a procédé à plus de 2200 perquisitions et vérifications, 65 000 contrôles ciblés de voitures, 3 000 inspections de bateaux, 23 000 contrôles de personnes aux frontières (cette intensification des contrôles ayant entraîné une baisse de la criminalité de 10%).

Malgré ces efforts, aucune piste indiquée, anonyme ou provenant du TPIY, ne s'est jusqu'à présent révélée convaincante ni digne de foi. S'alignant sur une mesure européenne d'octobre 2004 permettant de geler les avoirs des personnes inculpées par le TPIY, une loi similaire a dernièrement été votée en Croatie, afin de l'appliquer au cas Gotovina. Le président croate Stipe Mesic a souligné cependant à plusieurs reprises que la Croatie était certainement le pays le moins sûr pour Gotovina, compte tenu du fait qu'il y serait reconnu par le premier venu. N'étant pas en mesure produire l'impossible preuve de sa "non-présence" sur le territoire croate, Zagreb a tout au plus pu faire part de ses fortes présomptions laissant penser que Gotovina ne s'y trouvait pas.

L'opération Tempête. Menée du 4 au 7 août 1995 sur ordre du gouvernement croate, l'opération "Tempête" a permis à la Croatie de libérer près d'un quart de son territoire occupé depuis 1991 par l'armée serbe. Un mois après le massacre de la Zone de sécurité de Srebrenica, en Bosnie, l'opération a également permis de secourir 230 000 Bosniaques assiégés pendant plus de 3 ans dans la Zone de sécurité de l'ONU de Bihac. Enfin, elle a permis de mettre un terme à quatre ans de guerre en ex-Yougoslavie en créant les conditions militaires qui ont conduit aux accords de paix de Dayton-Paris.

La libération du territoire croate s'est cependant accompagnée de l'exode de 90 000 civils serbes et de 30 000 militaires et paramilitaires qui ont procédé à cette évacuation planifiée avant l'arrivée des troupes croates (qualifiée parfois d'auto-nettoyage ethnique) et malgré les appels radiotélévisés de la présidence croate invitant la population serbe à attendre l'arrivée de l'armée croate.

C'est dans les semaines qui ont suivi la reconquête de ce territoire (grand comme deux fois la Corse) et alors que les troupes d'assaut de l'armée croate participaient déjà à la libération de la Bosnie occidentale aux côtés de l'armée bosniaque, que des dizaines d'exactions à l'encontre des rares Serbes restés sur place et disséminées sur l'ensemble territoire sont venues entacher cette victoire militaire, loin derrière le front. La plupart des crimes commis furent le fait de groupes ou d'individus incontrôlés, de profiteurs de guerre. Pour la vingtaine de cas élucidés, la justice croate a condamné les auteurs de ces crimes à des peines allant de 4 à 20 ans de prison. Trois mois plus tôt, lors de l'opération "Eclair" menée par l'armée croate pour libérer la Slavonie occidentale, les observateurs indépendants avaient conclu à son caractère militairement exemplaire.

L'accusation contre Gotovina. Selon l'acte d'accusation du TPIY Ante Gotovina aurait "participé avec d'autres personnes, dont [...] le président Franjo Tudjman, à une entreprise criminelle commune dont l'objectif assigné était de chasser définitivement par la force la population serbe de Krajina. [...] L'accusé agissant seul et/ou de concert avec d'autres personnes dont [...] le président Franjo Tudjman, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter ces expulsions et déplacements forcés de la population serbe de Krajina". Selon l'accusation encore, "entre le 4 août 1995 et le 15 novembre 1995, les forces croates ont tué au moins 150 Serbes de Krajina". L'acte d'accusation fait néanmoins spécifiquement référence au meurtre de 32 personnes, dont 8 demeurent non identifiées.

Pour l'opinion publique croate, l'ouverture de ce procès est d'autant plus importante que ce n'est qu'à la barre du Tribunal que pourront être contestées les formulations les plus graves de l'accusation (expulsion délibérée des Serbes), celles qui tendent à remettre en question la légitimité de la libération du territoire croate en l'assimilant à "une entreprise criminelle commune".

En effet, nombreux sont ceux qui en Croatie espèrent que l'ouverture du procès permettra d'établir une distinction claire entre les objectifs politiques légitimes de l'opération militaire croate (restauration de l'intégrité territoriale et de la souveraineté croate sur les territoires occupés par la force et le nettoyage ethnique en 1991) et les exactions commises par certains. Une raison supplémentaire à la détermination du gouvernement croate à rechercher activement le général Gotovina.

« Nous avons reçu 626 demandes d'aide de la part du tribunal et nous avons répondu positivement à 625, plaide-t-il. Gotovina est la seule demande non remplie. Nous avons bien une pleine coopération avec le TPI. Il existe une telle pression sur ce cas. C'est vrai que jusqu'en l'an 2000, la Croatie n'était pas un État de droit. Il y existait des structures entières qui aidaient le général Gotovina. Mais aujourd'hui, les choses ont changé. C'est quelque chose que Carla Del Ponte (NDLR : procureur du TPI) et Bruxelles devraient prendre en compte. » Stipe Mesic contre-attaque en indiquant qu'un éventuel renvoi du début des négociations d'adhésion de la Croatie à une date ultérieure ferait le jeu, dans son pays, des nationalistes qui n'espèrent qu'une occasion de revenir au pouvoir. « Certaines forces veulent une Croatie isolée, où les standards européens ne sont pas respectés, où les lois sont mises en oeuvre de façon sélective, où l'on n'observe plus les règles d'un État de droit. De telles forces profitent de la situation actuelle. » À l'appui de sa démonstration, il cite les sondages d'opinion. Depuis quelques semaines, le soutien à l'UE est passé en dessous des 50 % dans son pays.

Alain Guillemoles

(1) Il a servi dans la Légion étrangère.

Le Monde, 16/03/2005
La fuite d'un chef de guerre entrave l'adhésion de la Croatie à l'UE

Le report de l'ouverture des négociations d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne apparaît désormais quasi inéluctable, malgré le baroud d'honneur du premier ministre croate, Ivo Sanader, pour plaider la cause de son pays mardi à Bruxelles.

Thomas Ferenczi
envoyé spécial à Zagreb

En Croatie, l'opinion publique ne comprend pas pourquoi l'Union européenne subordonne l'ouverture des négociations d'adhésion à l'arrestation du général Ante Gotovina et à son transfert devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye, où il est accusé de crimes de guerre commis en 1995 lors de la reconquête par les Croates de la Krajina. Le Conseil européen avait donné son feu vert en décembre 2004 pour que ces négociations commencent officiellement le 17 mars, "pour autant que la Croatie coopère pleinement" avec le TPIY.

Lundi 14 mars, le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, président en exercice du Conseil européen, a jugé que ce n'était pas le cas et déçu les derniers espoirs des Croates. "Les négociations commenceront le 17 mars, à condition que le général Gotovina soit transféré. Et cela doit être fait", a affirmé M. Juncker à Bruxelles devant des parlementaires européens. A Paris, le ministre français des affaires étrangères, Michel Barnier, a tenu ce lundi des propos similaires. Tout en estimant que la Croatie était "sur le bon chemin", M. Barnier a rappelé qu'une coopération totale était nécessaire avec le Tribunal pénal international. "C'est une condition importante sur laquelle personne ne peut transiger avant que les négociations commencent", a-t-il dit. La décision d'ouvrir ou non des négociations sera prise mercredi 16 mars par les ministres des affaires étrangères des Vingt-Cinq.

A Zagreb, on souligne que la Croatie a répondu positivement à 625 des 626 demandes du tribunal. La punir pour ne pas avoir été capable de localiser le général Gotovina serait injuste, estiment ceux qui croient à l'Europe et s'inquiètent des retards que risquent de prendre les négociations.

"Le choix ne doit pas être entre l'Europe et Gotovina, soulignait la semaine dernière le président croate, Stipe Mesic, recevant une délégation du club français Grande Europe. La grande majorité de la population est pour l'adhésion. J'espère que Bruxelles en tiendra compte." Selon Milorad Pupovac, chef de la minorité serbe, deux erreurs de méthode ont été commises : la Croatie a eu tort de se focaliser sur la date du 17 mars et l'Union européenne sur le cas du général Gotovina. Le danger, ajoute-t-il, est que le blocage, s'il persiste, favorise les forces les plus anti-européennes, qui ne veulent pas des réformes auxquelles la perspective d'entrer dans l'Union contraint la Croatie. M. Pupovac n'est pas le seul à redouter la montée d'une vague d'euroscepticisme, alors même que les sondages montrent un net recul, en quelques mois, du sentiment pro-européen.

La Croatie a-t-elle vraiment tout fait pour retrouver la trace du général Gotovina ? "Nous pouvons démontrer que nous avons fait le maximum", affirme la nouvelle ministre des affaires étrangères, Kolinda Grabar-Kiratovic. Le porte-parole du ministère de l'intérieur, Zlatko Mehun, explique que, depuis l'émission d'un mandat d'arrêt par le tribunal de Zagreb, en 2001, la police a multiplié les opérations, promettant même une importante récompense à toute personne qui apporterait une information pouvant conduire au général Gotovina. Dragutin Cestar, chef de la police criminelle, estime que la police a fait et continue de faire son travail sans la moindre complaisance à l'égard du fugitif.

Il suffit de parcourir la chronologie présentée par Zlatko Mehun pour constater que les recherches sérieuses n'ont vraiment commencé qu'en 2003, deux ans après l'émission du mandat d'arrêt. Le président Mesic reconnaît lui-même que la Croatie n'a pas livré le général Gotovina quand elle aurait pu le faire. "Plusieurs occasions ont été manquées", note Milorad Pupovac. Certains secteurs de l'Etat, en particulier les services spéciaux, sont accusés d'avoir protégé le fugitif.

Selon Jacques Wunenburger, chef de la délégation de la Commission européenne à Zagreb, le changement de premier ministre, en décembre 2003, a donné un coup d'accélérateur aux recherches, ce qui a conduit Carla Del Ponte, procureure du Tribunal de La Haye, à porter un jugement positif et la Commission, suivie par le Conseil, à rendre un avis favorable. Mais, une fois ces résultats acquis, les efforts se sont relâchés dans la seconde moitié de l'année 2004. Il a fallu attendre ces dernières semaines, indique-t-on à l'ambassade de France pour que, sous la double pression de Bruxelles et de La Haye, de nouvelles mesures soient prises par Zagreb, comme le gel des avoirs de Gotovina, et qu'un langage plus ferme soit tenu.

VOIR AUSSI

 Le Conseil européen fixe au 17 mars 2005 l'ouverture des négociations
 Le Conseil européen accorde le statut de candidat à la Croatie
 L'Avis de la Commission européenne sur la candidature croate (en anglais, 1,27 Mo) [PDF]
 Le résumé de l'avis (anglais)
 Le Partenariat européen avec la Croatie (en anglais, 193 Ko) [PDF]
 Le Rapport Baltas du Parlement européen sur la candidature croate [PDF]
 Le gouvernement croate
 Le ministère croate des intégrations européennes
 La Délégation de la Commission européenne à Zagreb
 L'Union européenne

N'est-il pas trop tard pour que la date du 17 mars soit respectée ? "Il ne faut pas faire de cette date un fétiche", affirme le président Mesic. Selon le directeur du département Europe au ministère des affaires étrangères, Zoran Bosnjak, l'essentiel est que la Croatie soit en mesure de participer aux institutions européennes en 2009, c'est-à-dire lors du renouvellement du Parlement et de la Commission. Même volonté d'apaisement du côté de l'Union. En cas de report, dit l'ambassadeur de France en Croatie, François Saint-Paul, il faudra indiquer des perspectives, fixer un échéancier, "surtout ne pas décourager ceux qui sont en faveur de l'Union européenne".

En attendant, les Croates se plaignent d'être mal aimés. Certains vont jusqu'à imaginer que la Croatie est victime d'un complot ourdi par les Etats-Unis et les Britanniques, qui ne lui auraient pas pardonné son opposition à la guerre en Irak.

Le Monde, 16/03/2005
Des "efforts considérables" seront encore nécessaires
Si l'économie de marché fonctionne, la justice et la politique sociale affichent de sérieux retards.

L'ouverture des négociations d'adhésion de la Croatie à l'Union européenne (UE), quelle que soit sa date, sera l'aboutissement d'une longue démarche. Celle-ci a commencé en 1999 par la mise en route d'un "processus de stabilisation et d'association" destiné à soutenir les réformes indispensables. Elle s'est prolongée en 2001 par la signature d'un "accord de stabilisation et d'association" définissant les engagements mutuels des deux partenaires. Elle s'est conclue en 2004 par la décision de l'UE de reconnaître la Croatie comme un pays candidat et d'ouvrir avec elle en 2005 des négociations d'adhésion.

Comme tous les pays candidats, la Croatie doit respecter les critères politiques (liberté, démocratie, droits de l'homme) et économiques (une économie de marché viable et concurrentielle), fixés à Copenhague en 1993. Mais, à l'instar des autres pays de l'ex-Yougoslavie, elle doit aussi démontrer sa pleine coopération avec le Tribunal pénal international de La Haye. C'est sur ce point qu'achoppe le processus de négociation.

Démocratie. La Commission européenne estime que "la Croatie est une démocratie qui fonctionne et qui dispose d'institutions garantissant la primauté du droit". Toutefois Zagreb "doit faire des efforts supplémentaires dans les domaines des droits des minorités, du retour des réfugiés, de la réforme du système judiciaire, de la coopération régionale et de la lutte contre la corruption".

Sur le plan économique, la Croatie peut être considérée, selon la Commission, "comme dotée d'une économie de marché qui fonctionne". Elle devrait être "en mesure de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union à moyen terme", pourvu qu'elle parvienne à surmonter "certaines faiblesses persistantes".

Les atouts de la Croatie sont, selon la Commission, l'"assez bon niveau de formation" de sa population active, de "bonnes infrastructures routières et de télécommunications", "un secteur bancaire bien développé" et "une industrie touristique concurrentielle".

Justice. Ses principales faiblesses concernent notamment son appareil judiciaire, dont l'efficacité doit être renforcée, et son administration, sur laquelle pèsent de lourdes charges.

INTERVIEW
LE PRÉSIDENT CROATE

Les Echos – 9/03/2005

STIPE MESIC : « Nous avons la preuve que Gotovina n’est pas en Croatie »

Le Pocureur du Tribunal pénal international (TPI) a eu des mots très durs pour la Croatie, qui refuserait de livrer le général Ante Gotovina, soupçonné de crimes de guerre. Bruxelles menace de reporter l’ouverture des négociations d’adhésion. Qu’allez-vous faire ?
C’est un obstacle politique. La Croatie remplit toutes les conditions pour ouvrir ces négociations. Au sujet de Gotovina, nous coopérons avec le TPI. Malheureusement, il n’est pas accessible : nous avons la preuve que le général n’est pas en Croatie. Du moins, c’est ce que nous disent nos services secrets. S’ils se trompent et qu’il s’y trouve, nous le livrerons.
Si vous livrez Gotovina, craignez-vous des manifestations de la population croate en sa faveur qui puissent menacer la démocratie?
Si on livre Gotovina il ne se passera rien. Lors du procès du général Norac qui a eu lieu à Rijeka, des milliers de personnes sont descendues dans la rue. Mais finalement, comme la procédure a été transparente et que les adversaires de ce procès ont pu témoigner devant le tribunal, les esprits se sont calmés.
Croyez-vous qu’il y ait d’autres raisons à ce durcissement du TPI et de l’Union européenne.
Il est probable que certains en Europe pensent que nous n’avons pas complètement mis en œuvre les réformes que nous avons promises. Celles de l’armée et de la police sont faites, les privatisations touchent à leur fin, nous nous sommes convertis à l’économie de marché. Mais je reconnais qu’il y a peut-être du retard dans la réforme du système judiciaire et de l’administration.
La presse croate disait que vous alliez demander le soutien du président Chirac.
La France a soutenu les efforts de la Croatie et lui a fourni une assistance pour qu’elle puisse se conformer aux standards européens. J’ai adressé une lettre au président Chirac dans laquelle je lui explique mon point de vue.
Croyez-vous que certains pays d’Europe de l’Ouest préféreraient que la Serbie et la Croatie deviennent membres de l’Union européenne simultanément ?
Certains aimeraient probablement traiter l’Europe du Sud-est comme un bloc homogène. Mais, dans le passé, on a dit clairement que les pays de la région rejoindraient l’Union européenne sur la base du cas par cas et selon leurs performances. La Croatie est l’un des pays qui devraient bénéficier de ce principe. En Serbie, le principal parti politique dit encore publiquement qu’il rêve de voir passer la frontière avec la Croatie au milieu de notre pays. Alors que nous n’avons aucune revendication territoriale.
Quels bénéfices attendez-vous d’un statut de pays candidat à l’Union européenne ?
L’octroi de fonds de pré-adhésion, carr la Croatie a un besoin urgent d’aides structurelles, de transferts de technologies et de nouveaux marchés pour nos produits. Mais, avant tout, nous souhaitons faire partie de cette Europe.
Quelle est votre vision de l’Europe ? Un vaste marché commun ou une Europe puissance?
Il n’y a jamais eu dans l’histoire de l’Europe un tel processus d’intégration. Certains avaient essayé d’y parvenir par la force, ils ont échoué. Maintenant que l’intégration se fait pacifiquement, elle devient un facteur de paix, une alternative aux Etats-Unis. Toutes les guerres en Europe ont toujours eu lieu pour des questions territoriales ou de minorités. L’Union met fin à tout cela. Les minorités peuvent garder leur identité au sein de l’Europe.

Propos recueillis par Martine Royo

L'acquis communautaire. Les négociations à venir porteront sur la capacité de la Croatie à adopter et à mettre en œuvre, au moment de son adhésion, les droits et les obligations de l'Union européenne, qui forment l'acquis communautaire. Elles commenceront par un examen détaillé de la législation croate, qui permettra d'identifier les différences la séparant de la législation communautaire et de définir les adaptations nécessaires. Les normes et les lois de l'Union seront divisées en trente-cinq chapitres. Les négociations seront menées, comme ce fut le cas pour les précédents pays candidats, chapitre par chapitre. Les décisions devront être prises à l'unanimité.

La Croatie devra consentir des "efforts considérables", souligne la Commission, pour aligner sa législation sur l'acquis, notamment dans les domaines de la politique sociale et de l'emploi, de la fiscalité, de l'environnement, de la justice et des affaires intérieures. Des mesures transitoires et des dispositions particulières pourront être envisagées. Les pourparlers pourront être suspendus si la Croatie enfreint, par des violations graves et persistantes, les principes de liberté et de démocratie.

Thomas Ferenczi

Libération, 16/03/2005
La Croatie dans le purgatoire européen
L'Europe menace de différer les pourparlers d'adhésion de Zagreb pour son manque de coopération avec le TPI.

Par Jean QUATREMER

C'est une rebuffade sans précédent dans l'histoire communautaire. Les Vingt-Cinq s'apprêtent à mettre à exécution leur menace de différer le début des pourparlers d'adhésion à l'Union avec la Croatie, prévus demain. Ils jugent insuffisante la coopération des autorités de Zagreb avec le Tribunal pénal international de La Haye pour lui livrer le général Ante Gotovina accusé de crimes de guerre. Dans une offensive désespérée, le Premier ministre croate, Ivo Sanader, a répété, hier à Bruxelles, que son pays avait «tout fait» pour coopérer avec le TPI. Mais selon le Premier ministre luxembourgeois et Président en exercice de l'Union, les jeux sont faits : «Les négociations commenceront le 17 mars à condition que le général Gotovina soit transféré, et cela doit être fait», soutient Jean-Claude Juncker.

Général fugitif. Pourtant, la porte de l'UE paraissait grande ouverte à la Croatie tant ce pays semble poser peu de problèmes, aussi bien du point de vue de la démocratie que de l'économie, comparé, par exemple, à la Roumanie. A tel point que certains prédisaient des négociations express. Mais les autorités croates ont sous-estimé la détermination des Vingt-Cinq à ne pas admettre en leur sein un Etat qui n'a pas réglé ses comptes avec son passé. C'est lors du Conseil européen de décembre que les chefs d'Etat et de gouvernement ont posé comme préalable à l'ouverture des négociations la livraison à La Haye de Gotovina ou, à défaut, la coopération pleine et entière des autorités croates dans la recherche de ce général fugitif .

Jusqu'au bout, Zagreb n'a pas cru en la détermination de l'UE. Encore aujourd'hui, presque aucun des nouveaux Etats membres ne respecte totalement «l'acquis communautaire», condition pourtant préalable à l'adhésion. Mais cette fois, l'affaire est différente, comme on l'admet à la Commission : «Si on se montre laxiste avec Gotovina, la Serbie pourra, elle aussi, refuser de nous livrer Karadzic et Mladic. Il faut montrer qu'on ne plaisante pas avec les criminels de guerre.» Le geste spectaculaire du Premier ministre du Kosovo, qui a démissionné la semaine dernière avant de se rendre au tribunal de La Haye, où il est inculpé de crimes de guerre, a accru la pression sur Zagreb.

Solution médiane. Aucun des Vingt-Cinq n'est prêt à céder dans cette affaire même si un petit groupe de pays (Slovénie, Italie, Hongrie, Slovaquie) pourrait proposer aujourd'hui, à l'occasion du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l'UE, une solution médiane, moins vexatoire qu'un claquement de porte : par exemple, la promesse à Zagreb d'une date de «revoyure», tandis que le camp des «durs» (incarné par le Royaume-Uni et les Pays-Bas), exige la remise de Gotovina avant tout pourparler d'adhésion. La grande majorité, elle, est décidée à attendre un feu vert du TPI. Même l'Allemagne, très proche des Croates (elle a reconnu unilatéralement ce pays en 1991, lors de l'éclatement de la Yougoslavie, à la fureur de ses partenaires), en fait une question de principe.

Le Figaro, 16/03/2005
L'introuvable «héros» d'une «guerre sacrée»
Inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, titulaire d'un passeport français, il est en fuite depuis 2001

Isabelle Lasserre

L'avenir européen de la Croatie repose en grande partie sur ses épaules. Mais le général croate Ante Gotovina n'en a cure. En refusant de se rendre au Tribunal pénal international (TPI) de La Haye, il a choisi d'assumer une responsabilité pourtant lourde de conséquences pour son pays.

Cet ancien légionnaire, qui a servi «avec honneur et fidélité» pendant cinq ans au 2e Régiment étranger de parachutistes, connu pour entretenir des sympathies avec l'extrême droite française, titulaire depuis 1979 d'un passeport français, est en fuite depuis qu'il a été inculpé par le TPI de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. On lui reproche des crimes commis contre les Serbes à l'été 1995, pendant la reconquête de la Krajina, qui avait été conquise par les séparatistes serbes en 1991.

Revenu au pays à la veille de la guerre, en 1990, Gotovina a commandé les troupes de l'opération «Tempête» («Oluja» en croate). L'offensive éclair qui en deux jours avait permis aux tanks croates d'écraser les lignes ennemies, déclenchant l'exode d'environ 200 000 civils serbes, avait à l'époque pratiquement mis fin à la guerre ayant opposé Zagreb aux forces serbes (1991-1995). Gotovina est accusé d'être responsable de l'assassinat de 150 Serbes de Krajina et de la disparition de plusieurs centaines d'autres. Un chef d'inculpation mineur par rapport à ceux des anciens chefs serbes de Bosnie Radovan Karadzic et Ratko Mladic, mais auquel la communauté internationale n'est pas prête à renoncer.

En Croatie, Ante Gotovina est pourtant considéré comme un héros. «Personne ne doit oublier que le général Gotovina est un de ceux qui ont fait le plus pour la libération de la Croatie», a rappelé Ivo Sanader, le chef du gouvernement. Dix ans après la fin du conflit serbo-croate, les opérations militaires qui ont permis de reconquérir les territoires occupés par les forces serbes sont toujours considérées à Zagreb comme une guerre sacrée et «patriotique». Et ce d'autant plus que l'offensive «Tempête» avait à l'époque été déclenchée avec le feu vert, si ce n'est plus, de l'Administration américaine.

Depuis 2001, les milieux nationalistes se sont mobilisés pour défendre le général Gotovina et empêcher son extradition à La Haye. Parmi les plus grandes réussites du folklore nationaliste local, on compte la mise en bouteille d'une cuvée de bordeaux «Gotovina». Sur l'étiquette, un portrait du général flanqué des armes de la Croatie ainsi qu'un petit texte : «Pour notre liberté et la liberté de notre patrie.» Les supporteurs du héros de la guerre «patriotique» ont constitué une équipe de football, le «MNK Ante Gotovina». Ils sont aussi à l'origine d'une pétition de soutien, signée par 555 universitaires, généraux, artistes et sportifs.

CROATIE - DE L'INDÉPENDANCE AUX NÉGOCIATIONS D'ADHÉSION AVEC L'UE

1989 - Chute du mur de Berlin - vents démocratiques sur l'Europe centrale - putsch à Belgrade
1990 - Premières élections libres - défaite du PC (22/04) - Franjo Tudjman (HDZ) élu président (30/05) - insurrection armée des séparatistes serbes avec le soutien de l'armée yougoslave (17/08)
1991 - 94% de "oui" au référendum sur l'indépendance (19/05) - déclaration de souveraineté de la Croatie (25/06) - intervention de l'armée yougoslave (3/07) - indépendance de la Croatie (8/10) - occupation d'un quart du territoire croate par Belgrade - chute de Vukovar (18/11) - 13 000 morts et 500 000 réfugiés

1992 - Cessez-le feu (3/01) - la Communauté européenne reconnaît l'indépendance de la Croatie (15/01) - déploiement des Casques bleus (mars) - admission à l'OSCE (24/03) puis à l'ONU (22/05) - début de la guerre en Bosnie (6/04) - adhésion à l'Initiative centre-européenne (18/07)
1993 - La Croatie devient membre du FMI (15/01) et de la Banque mondiale (24/03)
1994 - Les accords de Washington scèllent l'alliance croato-bosniaque (18/03)

1995 - Libération des territoires occupés en Croatie (4-7/08) - fin de la guerre - accords de Dayton (21/11) - début de la reconstruction et du retour des réfugiés - retour des premiers touristes étrangers
1996 - Zagreb et Belgrade normalisent leurs relations (23/08) - la Croatie devient le 40e membre du Conseil de l'Europe (16/10)
1998 - Réintégration pacifique de la Slavonie orientale (en bordure du Danube) - l'ensemble du territoire national est réunifié (15/01).
1999 - Mort du président Franjo Tudjman (10/12)
2000 - Victoire des sociaux-démocrates (2/01) - Stipe Mesic élu président (7/02) - création d'un groupe de travail commun UE-Croatie (15/02) - fin du monitoring du Conseil de l'Europe (26/09) - sommet de Zagreb (24/11) et début des négociations sur l'Accord de Stabilisation et d'Association (ASA) - la Croatie rejoint l'OMC (30/11)
2001 - Le gouvernement croate paraphe (14/05) puis signe l'ASA (29/10) avant qu'il ne soit ratifié par le Sabor (5/12) et le Parlement européen (12/12)
2002 - Premier rapport annuel de la Commission sur la Croatie (3/04) - début de la ratification de l'ASA par les pays membres de l'UE - OTAN: la Croatie rejoint le MAP (14/05) - adhésion à l'Association centre-européenne de libre-échange (5/12) - à l'unanimité, le Sabor (parlement croate) appelle le gouvernement à soumettre la candidature croate à l'adhésion à l'UE (18/12)
2003 - La Croatie dépose sa candidature (21/02) - Sommet de Salonique (21/06) - Romano Prodi se rend à Zagreb pour y remettre le questionnaire de la Commission européenne (10/07) - le premier ministre Ivica Racan remet à Bruxelles les 4600 réponses au questionnaire d'évaluation (9/10) - victoire des conservateurs du HDZ (23/11) - Ivo Sanader nommé Premier ministre (23/12)
2004 - La candidature croate reçoit le soutien marqué de la France et de l'Allemagne (16/03) - Le Parlement européen adopte un rapport favorable à la demande d'adhésion de la Croatie (22/03) - La Commission recommande l'ouverture de négociations d'adhésion (20/04) - Le Conseil européen accorde officiellement à la Croatie le statut de candidat et fixe l'ouverture des négociations au "début 2005" (18/06) - Le Conseil européen fixe au 17 mars 2005 le début des pourparlers (17/12)
2005 - Le Conseil des ministres de l'UE entérine le cadre de négociations avec la Croatie, mais reporte l'ouverture des négociations d'adhésion (16/03)

Le gouvernement de centre gauche d'Ivica Racan, qui avait pourtant fait de l'intégration à l'Europe une priorité pour la Croatie, aurait renoncé à arrêter Gotovina par peur d'une réaction des milieux nationalistes, notamment les services secrets, l'armée et la police, qui n'ont été que partiellement réformés depuis la mort de l'ancien président Franjo Tudjman. En Croatie, tout le monde se souvient que la livraison au TPI de Slobodan Milosevic avait coûté la vie au premier ministre serbe Zoran Djindjic. Le nouveau pouvoir nationaliste réformé d'Ivo Sanader affirme quant à lui qu'Ante Gotovina ne se trouve pas en Croatie.

Selon le journal Le Monde, qui citait l'an dernier dans un article une note des services de contre-espionnage français, Gotovina se serait installé dans le sud-est de la France, où il bénéficierait de la protection de ses amis légionnaires, mais aussi de la bienveillance des milieux d'extrême droite et des mafias locales. Le passeport français de Gotovina a d'ailleurs été renouvelé, à l'ambassade de France de Zagreb, le 11 avril 2001, quelques semaines seulement avant son inculpation par le TPI, que la France, comme les autres capitales européennes, savait imminente.

Déjà régulièrement montrée du doigt pour ses positions proserbes pendant et juste après la guerre, la France est embarrassée aujourd'hui par une affaire dont elle se serait bien passée, elle qui n'a jamais vraiment défendu les positions de la Croatie pendant la guerre contre Belgrade.

La Croix, 16/03/2005
Dix ans après la guerre, la Croatie se rapproche lentement de l'Europe.

Le pays doit franchir aujourd'hui une étape pour son adhésion à l'Union européenne. Mais les autorités n'ont pas pu présenter un officier réclamé par la justice internationale.

Zagreb, envoyé spécial.

Dans les pages des journaux, dans les cafés du centre-ville ou dans les ministères, on ne parle plus que de lui. Ante Gotovina, ce général croate, va-t-il faire une réapparition surprise à quelques heures de l'ultimatum fixé par l'Union européenne à la Croatie ? Bruxelles, en effet, doit confirmer aujourd'hui la date d'ouverture des négociations d'adhésion pour la Croatie. Pour donner le dernier feu vert, le Conseil européen exige de la Croatie une « coopération pleine et entière » avec le Tribunal pénal international (TPI), créé à La Haye pour juger les criminels de guerre des Balkans.

Cela implique de livrer le général Gotovina, inculpé par le TPI, et qui demeure le dernier accusé croate à ne pas encore avoir été entendu par le Tribunal. Or il n'est pas réapparu depuis le début de l'été 2001, selon le chef de la police criminelle croate, Dragutin Cestar, qui coordonne les recherches.

Le sort de la Croatie est donc suspendu à ce général de 50 ans. L'affaire est d'autant plus délicate que cet inculpé est loin d'être un militaire classique, à la carrière rectiligne et au profil discipliné de patriote. Il est plutôt un de ces héros poussés en graine à la faveur de la guerre, moitié aventurier, moitié voyou. Né dans un petit village de la cote dalmate, Ante Gotovina a quitté sa famille à 16 ans pour prendre la mer. C'est en France qu'il a trouvé un port d'attache : il s'est engagé dans la Légion étrangère, ce qui lui a permis d'acquérir la nationalité française en 1979. Puis il a navigué dans les eaux troubles de l'extrême droite française, du mercenariat, voire du banditisme. Un temps installé au Guatemala, il y a dispensé ses conseils pour former des paramilitaires. On trouve sa trace en Colombie et en Argentine. À la même époque, il a été condamné à cinq ans de prison, à Paris, pour un vol avec effraction chez un bijoutier, commis en 1981.

Le général Ante Gotovina, inculpé pour crime de guerre

C'est cet homme qui, en 1990, lorsque la Croatie se prépare à devenir indépendante, rentre chez lui pour s'engager dans l'armée. Il y gagne rapidement le grade de général. Il est surtout connu pour avoir commandé l'opération Tempête qui, en trois jours, au mois d'août 1995, libère la Krajina occupée depuis quatre ans par les Serbes. Dans les heures qui suivent cette opération, des exactions ont lieu dans le territoire libéré : 150 civils serbes qui n'avaient pas fui sont tués, des maisons sont brûlées.

Ces actes valent une inculpation pour « crimes de guerre » à Ante Gotovina. En temps que commandant de l'opération, le Tribunal le considère comme responsable, même si lui plaide une série de dérapages individuels. Ce sera tout le débat lors de son procès, s'il a lieu. Car Ante Gotovina n'est pas homme à aller se livrer. À Zagreb, il a une femme et un enfant. « Ante Gotovina n'a pas pris contact avec eux depuis que nous les surveillons, soit un an », affirme Dragutin Cestar. Selon le policier, il aurait été signalé en Bosnie, en Italie, en France, en Allemagne, en Suisse et aux États-Unis.

Pour l'arrêter, il est clair que les autorités croates auraient dû agir plus vite. Beaucoup de temps a été perdu : l'acte d'accusation du TPI fut transmis à la Croatie le 8 juin 2001. Le 23 juillet de la même année, le tribunal de Zagreb a émis un mandat d'arrêt. Mais c'est seulement le 9 mai 2003 que le ministère de l'intérieur a publié un avis demandant à tous les policiers d'arrêter Gotovina. Et ce n'est que tout récemment, le 2 février dernier, que les plus hautes autorités du pays ont pris conscience de l'urgence. Le président et le premier ministre ont publié un communiqué conjoint demandant aux forces de l'ordre d'arrêter le fugitif. Mais à un mois et demi du Conseil européen chargé d'examiner le cas Croate, c'était bien tard.

À quelques heures de l'échéance, le ministre des affaires étrangères, Kolinda Grabar-Kitarovic tente encore de rattraper ce temps perdu. « Nous avons vérifié et revérifié toutes les pistes. Nous pensons qu'Ante Gotovina n'est pas en Croatie », assure-t-elle. Elle avance par ailleurs que l'échec à présenter cet accusé est le seul qu'ait connu son pays. « Toutes les autres demandes du TPI ont été remplies de façon satisfaisante. Neuf Croates se sont rendus grâce à notre médiation. » Et elle tente de porter le débat sur le terrain politique : « Si les négociations avec la Croatie ne sont pas ouvertes, cela aura un impact négatif sur la région », argumente-t-elle, soulignant encore qu'à cause de cette affaire, le soutien à l'intégration européenne fléchit dans le pays, alors que se diffuse lentement l'idée, parmi les Croates, que l'Europe ne veut pas d'eux.

Les arguments, pourtant, ne suffisent pas à fléchir les Vingt-Cinq. Car du côté de la diplomatie européenne, on estime toujours que la Croatie, après avoir montré des changements positifs au début de l'année 2004 a laissé « retomber le soufflé ». À l'appui de sa démonstration, un diplomate en poste à Zagreb cite une série d'affaires où l'on a vu les services secrets croates être utilisés pour surveiller les enquêteurs du TPI et les journalistes. « Ils ont voulu prouver que ceux qui affirment que Gotovina se cache en Croatie ont tort. Ils auraient mieux fait d'utiliser leurs compétences à chercher le fugitif », dit-il avec acidité. « Les services secrets ne sont pas vraiment contrôlés », confirme Zarko Puhovski, président du Comité d'Helsinki à Zagreb. Avant-hier soir, Jean-Claude Juncker, le premier ministre du Luxembourg, dont le pays assume ce semestre la présidence de l'Union européenne, s'est montré très ferme. « Les négociations commenceront le 17 mars, à condition que le général Gotovina soit transféré au TPI », a-t-il déclaré.

Malgré l'essor touristique, l'économie peine à repartir

Pourtant, beaucoup de choses se sont améliorées en Croatie depuis dix ans. L'économie, tirée en particulier par le retour des touristes, connaît une croissance de 4 % par an. L'an dernier, plus de huit millions de touristes ont choisi cette destination à la mode et cela devrait encore augmenter l'an prochain.

Sur le plan politique aussi, les progrès sont évidents : les relations avec la Serbie se sont améliorées. Et à l'intérieur du pays, un parti serbe a rejoint la coalition au pouvoir. Environ un tiers des réfugiés serbes qui avaient fui le pays en 1995 sont aujourd'hui rentrés. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) estime que parmi les deux tiers qui ne sont pas rentrés, très peu veulent encore revenir, soit parce qu'ils se sont finalement réintégrés en Serbie, soit parce qu'ils savent qu'il leur sera difficile de trouver du travail en Croatie. Souvent, les maisons des Serbes avaient été occupées par des Croates. Petit à petit, les contentieux se règlent devant la justice, grâce à la pression constante de l'OSCE : « Sur 18 000 cas de maisons occupées illégalement il y a dix ans, il en reste 1 000 aujourd'hui », indique Peter Semneby, ambassadeur de l'OSCE à Zagreb.

Restent de nombreux problèmes. Dans les zones où passaient les anciennes lignes de front, beaucoup de maisons sont détruites. Il faudra des années pour enlever les mines restantes. Dans ces localités rurales, l'économie n'est toujours pas repartie. Le chômage peut toucher 90 % de la population. Les Serbes qui sont revenus cohabitent avec les Croates, mais la guerre est toujours présente dans les esprits. Dès que l'on s'attarde à parler avec quelqu'un, le souvenir des exactions revient comme s'ils s'étaient déroulés la veille. « Des criminels de guerre, il y en a eu, y compris du côté croate », indique Anton Bobetko, 65 ans, président de la chambre de commerce de Sisak à 60 km au sud de Zagreb. Il a fait partie des premiers défenseurs de Sisak. Il raconte être monté au front, en dépit de son âge et de l'armement dérisoire dont il disposait. Malgré cela, il soutient que les enquêtes du TPI doivent aller jusqu'au bout. Il a d'autant plus de mérite à le faire que son oncle était le chef d'État-major de l'armée croate. Le général Bobetko fut le principal inculpé croate par le TPI. Il est mort avant de se rendre à La Haye. « Si c'est moi qui avais été inculpé, j'y serais allé pour faire face aux accusations », affirme Anton Bobetko.

Alain Guillemoles

Libération, 17/03/2005
L'honneur perdu du «Patton croate»
Héros national en Croatie, le général Gotovina est accusé de crimes de guerre par le TPI.

Par Hélène DESPIC-POPOVIC

Il était le plus brillant des généraux croates. Désormais il est l'homme qui bloque la route vers l'UE, rêve caressé par presque tous les Croates. Le général Ante Gotovina a été célébré comme un héros après la reprise, en 1995, de la Krajina, un territoire de Croatie peuplé de Serbes, qui échappait au contrôle de Zagreb depuis 1991. Mais depuis son inculpation, en 2001, pour crimes de guerre par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPI), cet officier supérieur, qui possède également la nationalité française en tant qu'ancien de la Légion étrangère, n'est plus qu'un fugitif.

Les autorités croates clament que le général Gotovina n'est pas en Croatie et qu'elles sont donc dans l'impossibilité de l'appréhender. La version officielle veut que quelques jours avant sa mise en accusation par le TPI, l'officier, qui se trouvait sur la côte dalmate, a pris la mer vers une destination inconnue. Il a été, dit-on, alerté par les fuites dans la presse sur l'imminence de son inculpation. En fait, il semble qu'il ait bénéficié d'aides, parfois haut placées.

Entreprise criminelle. Le TPI accuse Gotovina de crimes commis contre des Serbes lors de l'opération «Tempête» contre la province rebelle de Krajina en 1995. «Pendant et après, Ante Gotovina a participé avec d'autres personnes, dont (...) le président Franjo Tudjman, à une entreprise criminelle commune dont l'objectif assigné était de chasser définitivement et par la force la population serbe de la Krajina, notamment en pillant, en endommageant ou en détruisant totalement leurs biens, afin de les dissuader ou de les empêcher de revenir vivre chez eux», dit l'acte d'accusation élargi en 2004. Pendant cette offensive, 150 civils serbes ont été tués, 200 000 ont dû prendre la fuite. L'accusation s'appuie notamment sur les transcriptions d'un entretien mené quelques jours avant l'offensive dans lequel le président Tudjman demande à ses généraux de laisser un corridor ouvert pour que les civils serbes puissent quitter le pays.

LA CROATIE
FAÇADE MÉDITERRANÉENNE DE L'EUROPE CENTRALE

Ancien légionnaire. L'inculpation du général Gotovina a indigné une partie de la population, surtout au sein de la droite nationaliste qui reproche au TPI de «criminaliser la guerre d'autodéfense» de la Croatie. A son retour au pouvoir en 2003, la droite dirigée par la Communauté démocratique croate (HDZ), le parti fondé par Franjo Tudjman, avait pourtant mis de l'eau dans son vin pour obtenir le statut de pays candidat à l'UE. Le gouvernement d'Ivo Sanader avait transféré au TPI, en 2004, deux généraux poursuivis pour les mêmes actes reprochés à Gotovina. La même année, la Croatie était devenue officiellement candidate.

L'ancien légionnaire, dans une interview retentissante publiée par un journal de Zagreb qui l'a rencontré, affirme qu'il ne se rendra pas. On le dit à Vienne, en Italie ou en Irlande, voire en France, pays qui lui a donné un passeport quelques mois avant sa fuite, mais surtout pas en Croatie, ou dans les parties croates de la Bosnie, où la procureure du TPI Carla del Ponte s'obstine à le localiser.

Pour ses partisans, Gotovina est le «Patton croate», un aventurier polyglotte qui a traîné ses guêtres à travers l'Europe, l'Afrique et l'Amérique latine. Ses concitoyens découvrent aujourd'hui qu'il a été condamné pour des crimes de droit commun. Né en 1955 sur la côte adriatique, Gotovina a fui ce qui était alors la Yougoslavie communiste pour s'engager dans la Légion étrangère en 1973. Plongeur et parachutiste, il l'a quitté cinq ans plus tard avec le rang de caporal-chef et a obtenu, en 1979, la nationalité française. Comme de nombreux anciens paras, il a travaillé ensuite pour des boîtes de sécurité. Plus grave, il a fait un coup de main en 1981 contre un couple de bijoutiers parisiens. Dénoncé par ses complices, capturé, il a été condamné en 1986 à cinq ans de prison pour vol à main armée, avant de bénéficier l'année suivante d'une libération conditionnelle. Le quotidien Jutarnji list affirme qu'il aurait été impliqué dans deux autres affaires d'extorsion de fonds.

Trafic d'armes. Rentré en Croatie en 1991, dès le début de la guerre qui suit la proclamation de l'indépendance, il a entraîné d'abord les jeunes recrues. Un an plus tard, il est commandant de la défense de la région de Split, la grande ville de la côte adriatique. Il doit sa promotion rapide à ses liens avec le ministre de la Défense, Gojko Susak, dont il a épousé la secrétaire, aujourd'hui colonelle. Selon le Quai d'Orsay, Ante Gotovina est recherché à double titre en France. Il fait l'objet d'un mandat international lancé en 2001 par le TPI, mais il est aussi recherché par la DST depuis 2002 pour trafic d'armes, disent les diplomates sans autre détail.

Certains faits restent obscurs, notamment le parcours criminel de Gotovina en France, qui n'a fait l'objet d'aucune publicité alors que l'officier accomplissait une belle carrière dans son pays. Faute de transparence, la France est aujourd'hui pointée du doigt par la Croatie, trop heureuse de se défausser de ses responsabilités. Etre suspectée de protéger des criminels de guerre croates après l'accusation d'avoir laissé échapper des criminels serbes, notamment Karadzic, est certainement embarrassant.

Libération, 17/03/2005
UE : le cas Gotovina retarde les négociations avec la Croatie
Bruxelles attend que Zagreb livre le criminel à la justice internationale.

Par Véronique SOULÉ
Zagreb envoyée spéciale

Jusqu'au bout les Croates auront voulu y croire. Mardi, le Premier ministre Ivo Sanader débarquait ainsi à l'improviste à Bruxelles pour mobiliser ses alliés conservateurs. Néanmoins les ultimes tentatives de Zagreb pour prouver sa bonne foi, c'est-à-dire sa volonté de coopérer avec le TPI (Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie) mais son incapacité à remettre le chef de guerre Ante Gotovina volatilisé dans la nature, ont été vaines. Zagreb a réalisé trop tard l'enjeu que représentait ce général.

Image. Le président croate Stipe Mesic, recevant la semaine dernière des journalistes du club Grande Europe, tentait déjà de dédramatiser : «A quoi bon s'inquiéter si ce sera le 17 ou le 27 mars ? Cette date n'est pas si importante. L'essentiel est qu'il y aura bien des négociations.» Il reconnaissait pourtant que son pays avait été «un peu lent à réagir» après l'émission par le TPI, en juin 2001, du mandat d'arrêt contre Gotovina, soulignant que les Croates avaient du mal à reconnaître que «des crimes ont été commis aussi de leur côté».

Pour Zagreb, ce report est un coup dur. D'abord pour son image. Le pays commençait à tourner la page de la guerre (1991-1995) et à retrouver sa place au sein des nations civilisées. Le gouvernement risque en outre de payer cet échec aux municipales du 15 mai. Toute la classe politique, proeuropéenne, redoute une remontée de l'extrême droite, qui est aujourd'hui très affaiblie. «L'euroscepticisme est en pleine ascension, s'inquiétait la ministre croate des Affaires étrangères. Il y a un an, nous étions à 72 % de soutien. Ce chiffre est tombé à 47 %.»

Cette histoire ressemble à un énorme malentendu côté croate. En 2001, lorsque la procureure du TPI, Carla del Ponte, réclame le transfert de Gotovina, Zagreb ne s'affole pas. Une cellule spéciale est mise en place au sein de la police criminelle. Puis plus rien. Gotovina, qui a libéré la Krajina occupée par les Serbes lors de l'opération «Tempête» d'août 1995, est un héros national. Le gouvernement de centre gauche d'Ivica Racan ne souhaite pas heurter de front l'opinion.

En mai 2003, une prime de 50 000 euros est promise pour toute information permettant de localiser Gotovina. Deux lignes téléphoniques sont ouvertes, les appels ne donnent rien. Pour satisfaire l'UE, la Croatie adopte une loi sur les minorités, consolide la liberté de la presse... Elle collabore aussi au TPI. Sur les 626 demandes d'informations et de transferts d'inculpés, 625 ont été satisfaites au total, répètent les officiels croates. Toutes sauf une : Gotovina.

Mafia. Fin 2003, un gouvernement HDZ (la Communauté démocratique croate, de l'ex-président Franjo Tudjman) arrive au pouvoir. En raison de ses racines nationalistes, «il était a priori mieux à même de convaincre Gotovina», estime un observateur européen. Durant le premier semestre 2004, Zagreb relance sa coopération avec le TPI. En juin, la Croatie devient officiellement pays candidat à l'UE. «Mais le soufflé retombe», poursuit cet observateur. En octobre, Carla del Ponte rend un rapport négatif.

Peut-être les Croates ne croient-ils pas à la menace européenne. Ou, après avoir si longtemps tergiversé, Gotovina leur a vraiment filé entre les doigts. Beaucoup pointent le rôle opaque des services secrets. Une fraction, dont on ne sait exactement à qui elle répond, aurait voulu protéger Gotovina, qui bénéficierait par ailleurs du soutien de pontes de la mafia et de réseaux proches du pouvoir.

Début février, le pays semble enfin réaliser l'imminence du danger. La police multiplie les contrôles : 22 000 domiciles et 65 000 véhicules sont vérifiés. On parle d'un complot des Britanniques, et derrière eux des Américains, pour faire payer à la Croatie son refus de s'engager en Irak. On évoque aussi la traîtrise des Serbes qui feraient campagne afin que Zagreb attende Belgrade pour rejoindre l'UE. «Si l'on avait ouvert les négociations sans Gotovina, résume un diplomate, adieu à Karadzic et Mladic», les deux grands criminels de guerre serbes toujours en fuite.

La Tribune, 17/03/2005
Zagreb accueille avec résignation le report de ses négociations avec l’UE

La Croatie n’ayant toujours pas livré le général croate Gotovina, en fuite, au Tribunal pénal international, l’UE a repoussé l’ouverture des négociations d’adhésion avec Zagreb. L’adhésion de la petite ex-yougoslave n’est plus envisagée avant 2008-2009.

La Croatie a accueilli sans surprise le report de l’ouverture de ses négociations d’adhésion à l’Union européenne annoncé hier par les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Cinq. La semaine dernière, devant un groupe de journalistes français, le président Stipe Mesic utilisait tout son bagout politique, qui est grand, pour relativiser jusqu'à l’importance même de l’échéance bruxelloise : « Le 17 ou le 27 mars, la date n’est pas d’une importance telle… Le processus européen est long, il s’étend sur plusieurs générations. La Croatie en fera partie, nous y avons notre place. » Le 10 mars, en s’adressant solennellement à la nation, le président de centre gauche, réélu haut la main en janvier (près de 66% des suffrages), exhortait ses concitoyens à soutenir pleinement les efforts des autorités pour répondre aux demandes de l’UE et du Tribunal pénal international (TPI), dans leur traque tous azimuts du général Ante Gotovina, inculpé pour crimes de guerre. Car c’est du sort de ce militaire, « héros » pour de nombreux Croates de la reconquête, en 1995, du territoire national contre les Serbes, et de l’appréciation par Carla Del Ponte, procureur du TPI, des efforts déployés par Zagreb pour le retrouver et le livrer, que dépend en grande partie l’ouverture des négociations avec l’UE ; Un dossier qui a pesé lourd sur le conseil « affaires générales » d’hier qui devait en décider à l’unanimité. Jeudi dernier déjà, les ambassadeurs des Vingt-Cinq n’avaient pu s’accorder sur un feu vert donné à la Croatie. Un scénario qui s’est répété lors de leur ultime réunion du 15 mars.

LES ACTEURS CLÉS

STIPE MESIC
PRESIDENT DU LA REPUBLIQUE

Réélu facilement en janvier face à la candidate conservatrice Jadranka Kosor, demeurée néanmoins vice-Premier ministre dans le gouvernement Sanader, ce septuagénaire à la mine juvénile est un vieux routier de la politique. Engagé dans les mouvements étudiants, puis député au parlement croate à l’époque de la Yougoslavie, il est emprisonné pendant un an pour son opposition au régime. Chef du premier gouvernement libre de Croatie au titre du partie de droite HDZ, il quitte ce dernier en 1994. C’est sous la bannière du petit parti populaire HNS qu’il est élu pour un premier mandat présidentiel en 2000, succédant alors à Franjo Tudjman.

IVO SANADER
PREMIER MINISTRE
A la tête du gouvernement de droite formé après la victoire du HDZ aux législatives de novembre 2003, et soutenu par la minorité serbe, il a réussi, selon les observateurs, à recentrer son parti en gommant les éléments les plus nationalistes du programme du parti de Tudjman. Sous sa férule, Zagreb a coopéré plus étroitement avec la justice internationale et plusieurs inculpés croates pour crimes de guerre ont pris des allers simples pour La Haye.

KOLINDA GRABAR-KITANOVIC
MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES ET EUROPEENNES
En charge simplement de l’intégration européenne depuis décembre 2003, elle vient d’être promue à l’occasion d’un récent remaniement à la tête de la diplomatie croate. Cette femme blonde et énergique de 36 ans, diplomate de formation, maîtrise six langues et s’est fixé un objectif simple : faire en sorte que les critères pour l’intégration européens soient remplis, en devançant les souhaits de Bruxelles. Selon elle, Zagreb sera prête à adhérer dès 2007.

Retournement. Même l’ultime annonce, le 14 mars, du gel des avoirs de Gotovina par le procureur de Zagreb a été jugée comme intervenant « trop tard », par Carla Del Ponte...
Quel retournement de situation pour la petite Croatie (4,4 millions d’habitants) qui ambitionnait de rejoindre la Bulgarie et la Roumanie dans la prochaine fournée de l’élargissement, à l’horizon 2007 ! « 2007 ? Techniquement impossible, compte tenu de la durée nécessaire des négociations et des ratifications », s’exclame Jacques Wunenburger, chef de la délégation européenne à Zagreb, qui estime que, au-delà du cas Gotovina, « il n’y a pas de véritable déficit démocratique » en Croatie. Mais, selon lui, il y aura d’autres dossiers, plus classiques mais tout aussi lourds, à régler pendant les négociations, notamment ceux liés au système judiciaire, à l’environnement, à la concurrence, à l’agriculture ou encore aux aides d’Etat aux secteurs industriels tels que les chantiers naval, naguère fierté national du pays, qui occupent encore 18.000 salariés.

De source diplomatique croate, on essayait de se rassurer, la semaine dernière, en évoquant des scénarios de secours, comme un report de la décision d’ouvrir les négociations au Conseil européen du 22 mars. Et, faisait-on valoir, pourquoi ne pas ouvrir les négociations puisqu’il existe avec la Croatie une clause suspensive pouvant remettre en question tout le processus, comme pour le Bulgarie ou la Roumanie ?

Des traces. Ce bras de fer avec l’UE laissera en tout cas des traces dans le pays. Selon Kolinda Grabar-Kitanovic, ministre des Affaires étrangères et européennes, le sentiment pro-européen serait retombé à cause de l’affaire Gotovina, n’enregistrant plus qu’un tiers d’opinions favorables, contre 72% il y dix-huit mois. « Nous avons reçu 626 demandes du TPI et nous avons répondu à 625. La Croatie a pleinement coopéré », s’emporte Stipe Mesic. De son côté, Dragutin Cestar, chef de la police criminelle, affirme que quelque 20.000 policiers – soit la quasi-totalité des effectifs du pays – sont mobilisés pour la recherche de Gotovina, mais qu’il lui est impossible, par essence, de prouver que le fugitif n’est plus en Croatie…

Tous les décideurs croates affirment en outre que cette affaire risque de peser sur les élections locales de mai et de favoriser les mouvements extrémistes antieuropéens.

« Nos amis européens doivent comprendre qu’un dilemme « UE ou Gotovina » n’est pas bon. Il ne faut pas que Gotovina emporte ainsi une victoire. L’UE est pour nous une priorité absolue », assène Milorad Pupovac, député serbe au Parlement de Zagreb, peu suspect de sympathie pour le général en fuite.

Alain Baron
envoyé spécial à Zagreb

Le Monde, 18/03/2005
Le report des négociations de l'UE avec la Croatie est un avertissement à la Turquie et aux Balkans

Les Vingt-Cinq reprochent à Zagreb son manque de coopération avec la justice pénale internationale. Pour Michel Barnier, "il n'y a pas de raccourci" pour adhérer à l'Union européenne.

Bruxelles de notre bureau européen

Les ministres européens des affaires étrangères, réunis mercredi 16 mars à Bruxelles, ont décidé de reporter l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Croatie, qui devaient commencer le 17 mars à condition que Zagreb "coopère pleinement" avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye. Selon l'avis d'une douzaine d'Etats membres, cette condition n'était pas remplie. Le principal reproche fait à la Croatie est de n'avoir pas consacré tous ses efforts à la recherche et à l'arrestation du général Ante Gotovina, poursuivi depuis 2001 pour "crimes de guerre".

Aucune nouvelle date n'a été fixée. Les négociations s'ouvriront "dès que le Conseil aura constaté que la Croatie coopère pleinement avec le TPIY". La décision doit être prise à l'unanimité. Le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, président en exercice de l'Union, s'est dit convaincu que la Croatie sera en mesure de prouver, "dans le courant des semaines à venir", qu'elle coopère "étroitement et entièrement" avec le tribunal. Le ministre britannique des affaires étrangères, Jack Straw, a évoqué le mois de juillet. Le Conseil a "réaffirmé l'engagement de l'Union européenne en faveur de l'adhésion de la Croatie" et adopté, pour montrer sa bonne volonté, le cadre de négociation qui servira de base aux futurs pourparlers.

Plusieurs pays souhaitaient l'ouverture des négociations à la date prévue, notamment l'Autriche, la Hongrie et la Slovénie, tous voisins de la Croatie. Une majorité, conduite par la Grande-Bretagne, la Suède, la Finlande et le Danemark, y étaient hostiles. La France et l'Allemagne, comme l'Espagne et l'Italie, s'étaient ralliées à ce deuxième groupe. Le ministre italien des affaires étrangères, Gianfranco Fini, a parlé d'une décision "difficile, douloureuse mais politiquement inévitable". "Il n'y a pas de complaisance possible, a déclaré son homologue français, Michel Barnier. Des règles ont été fixées. Elles doivent être respectées."

Le ministre luxembourgeois, Jean Asselborn, a estimé que Zagreb est seul responsable de la situation actuelle. "La clé de la coopération avec le tribunal est dans les mains de la Croatie", a-t-il dit.

M. Barnier a souligné que cette décision devait être prise comme un avertissement par tous les pays candidats, à commencer par les autres Etats des Balkans et la Turquie. "Elle prouve, a-t-il dit, qu'on n'entre pas dans l'Union européenne parce que la porte est ouverte mais parce qu'on veut y entrer." Pour ceux qui souhaitent adhérer, "il n'y a pas de raccourci". Un diplomate français précisait que cette mise en garde s'adressait surtout à la Turquie, à laquelle il jugeait important de rappeler qu'elle devait remplir toutes les conditions requises avant d'envisager d'entrer dans l'Union. "Pour la Turquie, on a du temps", a souligné M. Barnier.

RÉSEAUX DE PROTECTION

Le ministre finlandais, Erkki Tuomioja, a mis en cause devant un groupe de journalistes les réseaux qui protègent le général Gotovina et qui perdurent, selon lui, dans les anciens pays communistes, associant les anciens services de sécurité, les milieux du crime organisé et certains cercles gouvernementaux. "Tant que ces réseaux ne seront pas démantelés, a-t-il dit, ces pays ne seront pas de vraies démocraties." "Le message, a-t-il ajouté, doit être entendu par la Bulgarie et la Roumanie, les deux prochains Etats adhérents, mais aussi par la Turquie."

Le premier ministre croate, Ivo Sanader, qui était l'invité de la commission des affaires étrangères du Parlement européen, s'est dit "déçu" et "mécontent" après l'annonce de la décision des Vingt-Cinq. Il a répété que son gouvernement avait pleinement coopéré avec le tribunal de La Haye et nié que des contacts aient eu lieu avec le général Gotovina, comme l'affirme Carla Del Ponte, la procureure du TPIY. La commission des affaires étrangères a critiqué la décision prise par le Conseil et proposé la mise en place d'un comité de surveillance chargé d'examiner si la Croatie coopère pleinement ou non avec le tribunal.

Les négociations devraient commencer, a estimé la commission. Elles pourraient être interrompues s'il apparaissait, selon ce comité, que la coopération de la Croatie avec le tribunal n'est pas suffisante.

Thomas Ferenczi

Le Monde, 18/03/2005
LA CHRONIQUE DE THOMAS FERENCZI
La guerre et les larmes d'un combattant croate

La scène se passe à Sisak, une petite ville de Croatie à une soixantaine de kilomètres au sud de Zagreb où l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) a installé l'un de ses six bureaux régionaux. Sisak est à quelques kilomètres de la ligne de front qui s'est établie en 1991 lorsque les Serbes ont pris le contrôle de la Krajina, en territoire croate, et en ont chassé les habitants croates.

Ce n'est qu'en 1995 que la Krajina a été reconquise par les forces croates, au prix de nouveaux affrontements meurtriers et même de crimes de guerre, pour lesquels l'un des responsables des opérations, le général Ante Gotovina, est poursuivi par le Tribunal pénal international de La Haye.

Dans les faubourgs de Sisak, donc, le chef du bureau régional de l'OSCE, le Français Michel Dreneau, reçoit quelques journalistes français, en compagnie des autorités locales : le maire de la ville, Dinko Pintaric, un dynamique juriste d'entreprise qui incarne la nouvelle droite croate, et le président de la chambre de commerce, Antun Bobetko, un ingénieur chimiste à l'allure énergique.

La presse locale a été conviée, pour donner un peu de publicité à l'événement. Un interprète assure la traduction du croate au français, et inversement. Chacun des intervenants dit ce qu'on attend de lui, comme dans une cérémonie bien rodée. Le maître des lieux, Michel Dreneau, expose la mission de l'OSCE, chargée d'aider la Croatie à progresser vers la démocratie et vers l'Union européenne. Il souligne les effets de la guerre sur la situation économique de la région mais aussi sur les mentalités de ses habitants, partagés entre un passé douloureux, un présent inconfortable et un avenir incertain.

Après lui, le maire de Sisak rappelle l'histoire de sa ville, qui a subi l'assaut des Turcs au XVIe siècle, des fascistes en 1941 et des Serbes en 1991. Il explique les difficultés économiques et sociales provoquées par les affrontements ethniques, évoque la raffinerie bombardée, l'aciérie en crise, le chômage en hausse.

Puis le président de la Chambre de commerce lit avec application un discours qui énumère les ressources de la région et souligne les dégâts qu'elles ont subis. Après lui, c'est le chef de la mission de l'OSCE en Croatie, le Suédois Peter Semneby, qui parle de la grande question des réfugiés. Trois cent mille Serbes ont fui la Croatie lorsque les Croates ont repris le contrôle de la Krajina. Cent vingt mille sont revenus. A Sisak, il y avait douze mille Serbes avant la guerre. Ils sont aujourd'hui quatre mille. Des chiffres, des dates, des statistiques, loin de la passion et des déchirements des années passées.

Soudain Antun Bobetko, le président de la chambre de commerce, redemande la parole. Il a une déclaration personnelle à faire. Il prie l'auditoire de l'excuser pour cette intervention imprévue, mais il tient à raconter son histoire. En 1991, dit-il, deux obus sont tombés sur sa maison, dans son village des environs de Sisak. Il a aussitôt décidé de se battre. Pendant la seconde guerre mondiale, les fascistes ont tué sa mère alors qu'il n'avait que 4 ans. Son père s'est engagé dans la Résistance. A son tour, il a donc pris les armes, à 55 ans, pour défendre son village, malgré une jambe invalide.

Dans son unité, explique-t-il, il n'y avait pas que des Croates, il y avait aussi des Tsiganes, des Musulmans, même des Serbes. Lorsque nous sommes montés au front, dit-il, nous n'avions que quarante kalachnikovs et soixante fusils de chasse. Il y a eu des morts, des blessés. Les mots se bousculent, les souvenirs se pressent, la voix est ferme, mais l'émotion sensible.

Des crimes ont été commis de part et d'autre. Par des Serbes comme par des Croates. "Nous avons du mal à reconnaître que nous avons commis des crimes, dit Antun Bobetko. Mais la guerre, ce n'est que du sang, de la haine et du crime." Il ajoute : "Des criminels de guerre, il y en a eu de notre côté. Ils ont des noms et des prénoms. Ne tombons pas dans le piège de la responsabilité collective." Son oncle, le général Janko Bobetko, ancien chef d'état-major de l'armée croate, a été mis en accusation par le tribunal pénal international. Il est mort en 2003, à l'âge de 84 ans, avant d'avoir été jugé.

Au-delà des allocutions de convenance, les blessures de l'histoire, au cœur du continent européen, s'expriment ainsi à vif dans le cri de cet homme marqué par la tragédie de son pays. Mais Antun Bobetko ne se contente pas de déplorer les drames passés. Il accuse. Il reproche à l'Europe son silence et son inertie. "Si l'Europe l'avait voulu, affirme-t-il, cette guerre ne se serait pas produite." Il ajoute : "La Croatie a sa part de responsabilités, mais l'Europe a plus de responsabilités encore."

L'Europe coupable, mais aussi l'Europe salvatrice. "Les blessures se cicatriseront, affirme Antun Bobetko, mais elles ne disparaîtront pas. L'aide de l'Europe est notre seule issue." La Croatie, comme les autres pays des Balkans, a besoin de l'Union européenne pour panser ses plaies. "Seule l'Europe nous permettra d'effacer ces frontières qui nous divisent", conclut le vieux combattant. Telle est bien la vocation première de la construction européenne.

Courrier international, 18/03/2005
NOUVELLE EUROPE
Bruxelles repousse la Croatie dans les Balkans

La Croatie n’a pu entamer à la date du 17 mars, comme envisagé, les négociations en vue de son adhésion à l’Union européenne. Cette dernière a en effet reporté les discussions en raison du manque de coopération "totale" de Zagreb avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). On reproche notamment à Zagreb de ne pas avoir livré à La Haye le général Ante Gotovina, accusé de crimes de guerre. Un reproche auquel le gouvernement croate répond qu’il ne sait pas où se cache l’ancien légionnaire.

La décision de l’UE provoque évidemment la consternation en Croatie. Le quotidien de centre gauche Novi List titre "L’UE repousse la Croatie dans les Balkans". Le journal constate que la décision de Bruxelles de reporter l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Croatie a brisé les illusions du pouvoir croate, qui espérait une entrée rapide et individuelle dans l’Union. "Contrairement aux attentes de Zagreb, apparemment trop élevées, les ministres de l’UE ont resitué la Croatie, d’une manière humiliante, dans le cadre économique et politique des Balkans, en revenant à l’ancien concept d’un élargissement régional sur les pays de la région", note le quotidien de Rijeka, pour lequel l’actuel rejet a aussi des raisons économiques et financières : "Si l’UE et l’OTAN avaient eu un intérêt économique et politique à intégrer la Croatie, ils lui auraient ouvert la porte dès mercredi, en dépit du cas Gotovina, comme ils l'ont fait lors des négociations avec la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie ou les pays baltes – des pays moins développés il y a quinze ans que la Croatie aujourd’hui."

Mais, poursuit le journal, connu pour son franc-parler, "ni l’UE, ni l’OTAN ne souhaitent détacher la Croatie des Balkans avant d’avoir installé dans la région leurs réseaux bancaires, commerciaux, industriels, médiatiques, sécuritaires et de télécommunications". Pour Novi List, le cas Gotovina n’est donc qu'"un prétexte, car la Croatie vit déjà sous le protectorat mou de l’UE". Désormais, "c’est La Haye qui décide de l’avenir de la Croatie", constate de son côté un autre article du journal, en soulignant que "la Croatie est devenu le premier pays dans l’histoire de l’UE dont les négociations d’adhésion ont été reportées". Le quotidien Vecernji List titre lui aussi "La Haye bloque la Croatie", et estime que le non à Zagreb représente une défaite pour l’UE également.

La presse de Belgrade voit en revanche dans le report des négociations avec la Croatie une occasion pour la Serbie. Sous le titre "L’Europe rappelle la Croatie à l’ordre", Vecernje Novosti croit en effet que le cas Gotovina a amélioré la position de la Serbie. "L’Europe est de plus en plus satisfaite de la coopération renforcée de Belgrade avec le TPIY et pourrait, à la fin du mois, admettre que la Serbie est, elle aussi, capable de devenir membre de l’UE", note le journal, selon lequel "tout cela donne du poids à la théorie d’après laquelle la Grande-Bretagne souhaite l’adhésion de tous les pays des Balkans dans la même vague d’élargissement".

"L'ancienne monarchie soutient en vain la Croatie", note de son côté le site d’information hongrois Origo, rappelant que l’Autriche, la Hongrie, la Slovénie et la Slovaquie, pays membres de l’UE issus, à l’instar de la Croatie, de l’ancien empire austro-hongrois, ont tous appuyé Zagreb lors de la rencontre des ministres des Affaires étrangères de l’Union. Sans résultat.

Rien d’étonnant, donc, à ce que les eurodéputés hongrois, indépendamment de leur appartenance politique, aient signalé à la veille de la décision que "le destin d’un pays ne pouvait dépendre de la situation d’un seul homme" et que "la Croatie ne pouvait être victime de Gotovina". C’est pourtant ce qui s’est passé. Une situation on ne peut plus absurde, selon l’éditorialiste du journal hongrois Népszabadság, pour qui, il n’y a qu’un pas de Gotovina à Godot : "Quant au général en question, il se porte bien, merci. Il n’y a pas longtemps, il a même fait parvenir par son avocat une lettre à Luxembourg. De quelque part. ‘Godot a fait savoir que ce soir il ne viendrait plus, mais demain, sûrement.’" Y a qu'à attendre...

Miklos Matyassy

Libération, 25/03/2005
MONDE
«Des Croates occupent ma maison»

Par Véronique SOULÉ
Sisak (sud de Zagreb) envoyée spéciale

Les cheveux bruns hirsutes, la barbe mal taillée, Branislav Savurdic, 52 ans, fait visiter son minuscule chez-lui. Une pièce aux murs de ciment, meublée d'un lit, d'un poêle à bois, d'une chaise et d'une petite table, avec sur le rebord de la fenêtre un tube de dentifrice, une brosse à dents et un paquet de cigarettes. Il faut aller chercher l'eau au puits. La petite maison en briques du village de Petrinjci, près de Sisak (au sud de Zagreb), où il habite provisoirement, est la sixième que les autorités croates lui ont allouée depuis son retour, le 20 juillet 1998. Branislav Savurdic est un Serbe de Croatie, qui a fui en Serbie en août 1995, lors de la guerre. «Tout ce que je veux, c'est récupérer ma maison, dit-il, mais elle est occupée par des Croates de Bosnie, alors on me dit : "Attendez."»

Candidat à l'Union européenne qui vient de repousser l'ouverture des négociations d'adhésion (lire ci-dessous) et soucieux de montrer son respect des droits de l'homme et des minorités, Zagreb a fait des efforts pour accueillir les Serbes de Croatie qui ont voulu rentrer, la paix revenue. On estime qu'un tiers des membres de la minorité a regagné la république, en particulier la région de la Krajina, où ils étaient traditionnellement majoritaires. «Le bilan est plutôt positif, souligne Peter Semneby, le chef de la mission de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), même si des problèmes subsistent, notamment pour reloger ces Serbes.»

«Occupant temporaire». Sur les 18 000 demandes de récupération de propriétés, 1 000 sont encore en attente, qui ont peu de chances de déboucher rapidement. Le problème tient au fait que Zagreb a installé en Krajina des réfugiés croates qui fuyaient la guerre en Bosnie-Herzégovine. Arrivés dès 1991, ils avaient d'abord été logés dans les hôtels de la côte dalmate ou dans des centres collectifs des grandes villes. Puis, en août 1995, les Croates ont reconquis la Krajina. Les habitants serbes de la région ont alors fui. Zagreb a saisi l'occasion de vider les hôtels de la côte. Et les réfugiés croates de Bosnie-Herzégovine ont été invités à occuper les maisons laissées par les Serbes. Certains ne veulent plus en partir.

La maison de Branislav Savurdic se trouve à moins de cent mètres de celle où il vit actuellement. Mais l'«occupant temporaire» ­ le terme légal ­ ne veut rien entendre. Depuis sept ans qu'il le côtoie, Branislav affirme «ne pas avoir de mauvais rapports avec lui». L'homme a reçu deux propositions de relogement. En vain. De l'autre côté de la frontière, en Bosnie-Herzégovine, sa propre maison serait vide et en bon état. Mais il a pris la nationalité croate et se trouve bien là. Alors Branislav, soutenu par l'OSCE, remplit des formulaires pour réclamer son bien : d'abord, ce fut le «PP1», auquel l'administration a répondu quelques mois plus tard par un «PP2», puis il a renvoyé un «PP3», il attend la réponse. Il y a onze formulaires au total.

Le problème, reconnaît l'OSCE, est que la loi croate favorise nettement l'«occupant temporaire» ­ croate ­ au détriment du propriétaire d'origine serbe. Il n'est pas rare que l'occupant, contraint de rendre la maison, la saccage. Dans ce cas, l'indemnisation du propriétaire est minime. A l'inverse, lorsque l'occupant a fait des investissements, ouvrant par exemple un bar ou une pizzeria, il réclame des indemnités hors de portée du propriétaire. Il existe par ailleurs une agence d'Etat spécialisée dans le rachat des maisons de Serbes qui ne souhaitent pas rentrer, afin, officiellement, de les attribuer aux plus nécessiteux. Mais il y a des abus. Récemment, le maire de la petite ville voisine de Hrvatska Kostajnica a dû démissionner après avoir racheté pour une bouchée de pain la maison d'une vieille dame serbe, pour la donner à quelqu'un de sa famille.

Tout cela permet de parachever, en douceur et en toute légalité, un «nettoyage ethnique» réalisé dans le sang durant les guerres yougoslaves. D'après le recensement de 1991, la commune de Sunja, à laquelle le village de Branislav est rattaché, comptait 57 % de Serbes et 35 % de Croates. Aujourd'hui, les proportions sont plus qu'inversées : 17 % de Serbes et 80 % de Croates, selon le recensement de 2001. Dans ces régions très touchées par la guerre, le HDZ (Communauté démocratique croate), le parti nationaliste de l'ex-président Franjo Tudjman, qui s'est toutefois démocratisé, est majoritaire dans la plupart des municipalités. Mais, depuis 2002, une loi impose que des représentants des minorités siègent dans tous les conseils municipaux.

«Blessures ». Pour Branislav, tout cela est bien loin. Il considère simplement cette terre comme la sienne. Il y est né, ses parents, sa femme ­ dont il a divorcé ­ aussi. Dans cette région où les Empires austro-hongrois et ottoman se touchaient, la Krajina formait des sortes de confins militaires où Vienne utilisait les Serbes pour repousser les Ottomans. A ce titre, les Serbes de Krajina estiment avoir le droit d'y vivre. Leur culture est d'ailleurs plus proche de celle des Croates que des Serbes de Serbie.

En août 1995, avec tous les Serbes de son village, Branislav Savurdic est parti par le corridor traversant la «république serbe de Bosnie». Arrivé à Belgrade, il a été transféré en train à Kosovska Mitrovica, au Kosovo, que le président Slobodan Milosevic, aujourd'hui en procès à La Haye, voulait repeupler de Serbes, pour contrebalancer la majorité albanaise. «Je vivais dans un centre collectif, je travaillais comme journalier, mais ça n'était pas chez moi, je ne pensais qu'à repartir», se souvient-il. Ancien ouvrier de l'usine métallurgique locale, il survit avec une pension d'invalidité qui lui rapporte 180 euros par mois.

«Serbe ou Croate, ce n'est plus la question, tranche Antun Bobetko, qui préside la chambre de commerce de Sisak. La guerre a laissé des blessures qui ne peuvent se refermer que si la vie s'améliore et si l'économie redémarre. Pour cela, nous avons besoin de l'aide de l'Europe. En attendant, des jeunes qualifiés quittent la région où les industries périclitent. Et les autorités remettent à neuf des maisons qui restent vides car, faute de travail, personne ne vient ici.»
© Libération

 Suite de la revue de presse

 

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  La Croatie remporte la Coupe Davis avec Ljubicic, Ancic, Karlovic et Ivanisevic  
  Les stars croates du Mondial 98 font leur cinéma à Paris  
  Cilic vainqueur de Roland Garros Juniors 2005  
  Mondiaux de Ski: 3 médailles d'or pour Janica Kostelic  
  EURO 2004 : France-Croatie 2-2  
  EURO 2004 : décevant Croatie-Suisse  
  Coupe Davis: La Croatie s'incline à Metz  
  Coupe Davis: France-Croatie  
  Euro 2004 : la Croatie rencontrera la France  
  Nikola Tesla, physicien visionnaire  
  Robert Badinter, fait docteur honoris causa à Zagreb  
  Ancic donne des frayeurs à Agassi  
  Janica et Ivica Kostelic remportent trois médailles d'or  
  Handball: la Croatie championne du monde  
  18 novembre 1991, la chute de Vukovar  
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  DANS LES MÉDIAS
  Libération : Plitvice, balade en lacs majeur  
  Libération : Kornati - Prendre le maquis en Croatie  
  Le Figaro : S. Mesic "Un pas de plus vers l'adhésion"  
  Le Figaro : S. Mesic "La Croatie rejoindra l'UE en 2007"  
  Le Monde : "Croatie, objectif Europe!" par Stipe Mesic  
  Le Figaro : Zagreb candidat à l'UE dès 2003  
  La Croix : Prevlaka revient dans le giron croate  
  Dubrovnik, la belle de Dalmatie  
  Escales en Dalmatie  
  Thalassa, 8 semaines à Hvar  
  Heureux comme Robinson aux Kornati  
  Croatie, Riviera Paradiso  
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