23/12/2003
POLITIQUE INTÉRIEURE
Ivo Sanader a formé son gouvernement
La nouvelle équipe ne comptera que 14 ministres
Un
mois après la victoire des conservateurs, le Parlement
a accordé sa confiance au gouvernement nouvellement élu,
dont la plupart des membres sont issus du HDZ. Fidèle à
ses engagements de campagne, le Premier ministre Ivo Sanader a
présenté un cabinet resserré. Fait nouveau,
les représentants de la minorité serbe y font leur
entrée et promettent leur soutien à la nouvelle
majorité. Dans son programme, le Premier ministre a mis
l'accent sur l'économie et la réforme de l'Etat, et fait de l'entrée
de la Croatie dans l'UE et dans l'OTAN les deux priorités de sa
diplomatie.
LE
NOUVEAU GOUVERNEMENT |
Premier ministre
M. Ivo Sanader
Vice-premiers ministres
Mme Jadranka Kosor
- Famille, Solidarité entre les Générations
et Anciens combattants
M. Andrija Hebrang
- Santé et Affaires sociales
Ministres
M. Miomir Zuzul
- Affaires étrangères
M. Ivan Šuker
- Finances
M. Berislav Roncevic
- Défense
M. Marjan Mlinaric
- Intérieur
Mme Vesna Škare-Ozbolt
- Justice
M. Branko Vukelic
- Économie, Travail et Entreprenariat
M. Bozidar Kalmeta
- Mer, Tourisme, Transports et Développement
M. Petar Cobankovic
- Agriculture, Eaux et Forêts
Mme Marina Matulovic-Dropulic
- Environnement, Aménagement du Territoire et
Construction
M. Dragan Primorac
- Recherche, Éducation et Sports
M. Bozo Biškupic
- Culture
Mme Kolinda Grabar-Kitarovic
- Intégrations européennes
Trombinoscope
du gouvernement
Le
site du gouvernement croate
Reuters
: Le
HDZ, réformé, reprend les rênes de la
Croatie |
Réuni
en session extraordinaire le 23 décembre, un mois
jour pour jour après le scrutin législatif qui a
consacré la victoire des conservateurs, le Sabor (Parlement)
a accordé sa confiance au nouveau gouvernement formé
par M. Ivo Sanader, leader du HDZ. En recueillant 88 voix pour,
29 contre et 14 abstentions, celui-ci s'assure d'entrée
de jeu le soutien d'une majorité confortable. Le HDZ ne
disposant que de 66 sièges, cela n'aura cependant été
possible que grâce aux voix non seulement de ses partenaires
centristes (HSLS et DC), mais également de celles du HSS
(parti paysan), membre de la majorité sortante, du HSU
(parti des retraités) et du HDSS, ainsi que de tous les
représentants des minorités nationales, y compris
les trois députés du SDSS (parti autonome et démocratique
serbe).
Avec
seulement 14 ministres contre 19 précédemment,
M. Ivo Sanader a présenté un cabinet resserré,
conforme avec son engagement de réformer l'Etat et d'en
moderniser l'administration. On ne comptera, en outre, plus quatre
mais seulement deux vice-premiers ministres, tandis que plusieurs
ministères verront leurs compétences fusionner.
C'est notamment le cas de l'Education, de la Recherche et des
Sports, des Transports, de la Mer, du Tourisme et du Développement,
ou encore de l'Economie, de l'Emploi et de l'Entreprise. Une des
nouveautés annoncées concerne la suppression des
postes de vice-ministres et de chef de cabinet du Premier ministre
dont les fonctions seront dorénavant assumées par
des secrétaires d'Etat, lesquels refont ainsi leur apparition.
Quant
à leur étiquette politique, la majorité des
membres du gouvernement est sans surprise issue du HDZ, à
l'exception de la centriste Vesna Skare-Ozbolt (DC) qui obtient
le portefeuille de la Justice, et de Dragan Primorac, sans étiquette,
qui se voit confier la Recherche, l'Education et les Sports. Fait
nouveau, les représentants des minorités nationales,
notamment les Serbes de Croatie, devraient quant à eux
se voir réserver plusieurs postes d'adjoints ministériels.
Six
points
Dans
le programme qu'il a présenté dans sa déclaration
de politique générale, le Premier ministre a mis
l'accent sur l'économie et la réforme de l'Etat,
tout en réaffirmant sur le plan diplomatique deux priorités
: faire entrer la Croatie dans l'Union européenne et dans
l'OTAN. Dans un discours qui s'est voulu rassembleur, il a appelé
l'ensemble des forces vives de la nation à une mobilisation
générale, seule susceptible, selon lui, de relever
les défis qui l'attendent. Invitant chacun à dépasser
les querelles partisanes, en commençant par lui-même,
il a rappelé qu'il s'était d'ores et déjà
concerté avec les représentants de tous les partis
parlementaires, des minorités nationales ou des partenaires
sociaux. Insistant sur la confiance en l'avenir à laquelle
tous aspirent légitimement, il a plaidé pour l'instauration
d'un "Etat fiable" ainsi que d'un gouvernement "stable
et efficace". Insistant sur ce point, il a souligné
que la communauté internationale elle-même avait
également tout à gagner d'une Croatie "fiable
et prévisible", qui soit susceptible d'apporter son
concours à la recherche d'une stabilisation durable de
la situation politique dans cette région d'Europe.
INAUGURATION
DE LA 5e LÉGISLATURE |
La
veille de l'intronisation du nouveau gouvernement, le 22 décembre,
qui par le hasard du calendrier correspondait au 13e anniversaire
de la Constitution de 1990, les élus de la nouvelle assemblée
avaient tenu la session inaugurale de la cinquième législature.
A cette occasion Vladimir Šeks, qui fait figure de vétéran
puisqu'il en est à son cinquième mandat, fut élu
nouveau président du Sabor. Cinq vice-présidents l'assisteront,
dont trois issus des rangs de l'opposition (Mato Arlovic,
Vesna Pusic, le 3e n'étant pas encore désigné) et deux,
de la majorité (Luka Bebic et Darko Milinovic). |
Exposant
son programme économique en six points, M. Sanader a tout
d'abord promis de soutenir ses réformes par des mesures
législatives adaptées, en mesure d'assurer la stabilité
du cadre juridique autant que l'efficacité administrative.
En deuxième lieu, il a annoncé le vote d'un budget
destiné à soutenir les programmes de développement
et susceptible d'assurer la stabilité macro-économique
du pays, et s'est engagé à mettre en place immédiatement
un train de mesures censées réduire la dette extérieure,
avant de proposer un plan d'action en faveur de la réduction
des dépenses publiques.
Troisième
point, la croissance du PIB : pour la soutenir, le gouvernement
mettra en oeuvre une ambitieuse politique de stimulation de la
production, dont les effets devraient permettre simultanément
d'abaisser sensiblement le taux de chômage et d'augmenter
les revenus. Les différentes mesures de soutien à
l'entreprise, y compris la simplification des formalités
administratives, seront avant tout destinées à soutenir
l'exportation, réduire les inégalités de
développement entre les régions, augmenter la compétitivité
et épauler l'essor de secteurs économiques stratégiques
en tenant compte des règles du marché. Toujours
pour soutenir un fort taux de croissance, des nouvelles dispositions
viendront doper l'investissement, notamment étranger.
Dans
son programme, le Premier ministre a mis l'accent sur l'économie
et la réforme de l'Etat, tout en réaffirmant sur le plan
diplomatique deux priorités : faire entrer la Croatie dans
l'Union européenne et dans l'OTAN. |
Consacré
à la politique fiscale, la teneur du quatrième volet
est parfaitement cohérente avec le programme économique
général censé avant tout libérer l'entreprise,
mais aussi stimuler une politique nataliste : réductions
d'impôts pour les entreprises, diminution de la TVA de 22 %
à 20 % et mise en place de taux réduits pour
certains secteurs d'activité, simplification de l'impôt
sur le revenu et dispositions avantageuses pour la famille. Le
tout sera couplé à une efficacité accrue
des administrations chargées d'assurer les rentrées
fiscales de l'Etat. Dans le cinquième et avant dernier
point, le Premier ministre a annoncé la mise en oeuvre
d'une nouvelle stratégie en matière de privatisations,
fondée sur la remise à niveau et la restructuration
des grandes entreprises publiques afin d'en accroître la
valeur, avant de procéder à leur privatisation dans
les meilleures conditions.
Convergences
de vues
Enfin,
dernier point, le gouvernement prévoit de mettre en place
un programme d'aide spécifique dans un certain nombre de
régions qui devront faire l'objet d'une attention toute
particulière, afin d'harmoniser le développement
économique et renforcer la cohésion de l'ensemble
du territoire national, notamment par le biais de la création
de nouvelles zones industrielles et de vastes parcs techno-industriels.
Elles devraient également permettre de créer les
conditions propices à une meilleure prise en compte des
revendications exprimées par les minorités nationales.
ACCORD
HISTORIQUE AVEC LES REPRÉSENTANTS DES SERBES |
Les
trois représentants parlementaires de la communauté serbe,
Vojislav Stanimirovic, Milorad Pupovac et Ratko Gajica,
ont signé le 19 décembre un accord qualifié
d' "historique" avec le nouvel hôte du Palais
du Ban, Ivo Sanader. Le Parti autonome et démocratique
serbe (SDSS) devrait ainsi se voir attribuer au moins quatre
postes d'adjoints ministériels, notamment auprès des ministres
de la Justice, de l'Intérieur, de la Culture et de l'Education.
Le texte prévoit en outre des mesures censées permettre
d'achever le processus de retour des réfugiés serbes. D'ici
à juin 2004, les derniers biens immobiliers encore
occupés par des réfugiés croates de
Bosnie devraient ainsi être rendus à leurs
véritables propriétaires. L'accord prévoit
également la restitution des biens nationalisés,
notamment à l'Eglise orthodoxe serbe. Parmi les huit
points de l'accord, deux concernent les orientations générales
de politique étrangère de la Croatie, et réaffirment,
d'une part, sa volonté de rejoindre l'UE et, de l'autre,
celle de poursuivre le développement de la coopération
régionale. Figure emblématique de la communauté
serbe de Croatie, le député Milorad Pupovac s'est félicité
de voir le nouveau gouvernement faire preuve d'ouverture
sur ces nombreux sujets et attacher une grande importance
à ces questions. Il a par ailleurs estimé qu'il s'agissait-là
du document "le plus important jamais conclu entre
la communauté serbe de Croatie et le gouvernement de Zagreb,
juste après l'accord d'Erdut [1995, NdT] et la Lettre d'intention
sur la réintégration de la Slavonie orientale [1997, NdT]". |
Réaffirmant
qu'à tous les échelons son gouvernement s'efforcera
de progresser sur ces questions économiques, M. Sanader
a souligné le rôle que la diplomatie sera naturellement
amenée à jouer pour atteindre ces objectifs. Evoquant
la nécessité de susciter une "nouvelle vitalité
intérieure" du pays, il a souhaité que la Croatie
puisse apporter à la maison européenne commune une
contribution sur au moins trois plans : son propre développement
économique, sa stabilité démocratique et
son concours à la paix et à la coopération
régionales. A cet égard, évoquant à
la fois de son programme de développement économique
et social que de la participation de la Croatie à la construction
de l'édifice européen, il s'est dit confiant sur
la convergence de vues du pouvoir législatif, de l'exécutif
et du Président de la République.
Pour
ce faire, il a tout d'abord annoncé une ambitieuse réforme
de la Justice, allant dans le sens d'une indépendance accrue,
et qui ira de pair avec un programme de lutte contre la corruption
et l'économie grise, et la mise en place d'un code de bonne
conduite dans les administrations de l'Etat et les entreprises
publiques. Ensuite, la réforme de l'Etat et des collectivités
territoriales ira dans le sens d'une plus grande transparence,
susceptible, entre autres, de favoriser les investissements étrangers.
Par ailleurs, la réforme de l'armée, des services
de renseignements et la modernisation de la police devraient encore
amplifier la contribution de la Croatie à la stabilité
et à la paix de cette région d'Europe. Enfin, il
s'est engagé à encourager le développement
de démocratie et les avancées sociales, à
réduire les inégalités, sans perdre de vue
l'intérêt des minorités nationales. De nouvelles
lois devraient consacrer l'adoption de normes européennes,
notamment dans l'éducation et la recherche, la santé,
la culture, le tourisme, la protection de l'environnement et l'habitat,
entre autres.
"e-Croatie"
Le
Premier ministre a également annoncé que son gouvernement
entendait mener une politique active en matière de protection
des minorités nationales, soulignant que celles-ci constituaient,
non un obstacle, mais une richesse, promettant de tout mettre
en oeuvre pour assurer le retour des derniers réfugiés,
et la restitution de leurs biens immobiliers. Dans le cadre d'une
vaste réforme du système des retraites, il s'est
engagé à harmoniser l'augmentation des pensions
de retraites et des salaires.
Le
chef du gouvernement a également annoncé un train
de mesures destiné à améliorer le statut
des femmes par une politique de l'emploi appropriée, la
revalorisation de leur salaire et leur rôle accru dans l'entreprenariat.
Parmi les mesures d'aide à la famille, on note l'augmentation
des diverses allocations (familiales, étudiantes), la réinstauration
du congé maternel de trois ans pour les mères de
trois enfants et plus, ainsi qu'un paquet de mesures censées
enrayer le repli démographique enregistré depuis
plusieurs années.
Sur
le plan général du développement des ressources
naturelles, la traditionnelle orientation maritime du pays devrait
faire l'objet d'une attention toute particulière, comme
en atteste l'inauguration d'un ministère de la Mer, du
Tourisme, des Transports et du Développement. Dénominateur
commun à ces différents domaines de compétence
: la Mer Adriatique. Celle-ci, ainsi que son littoral, fera d'ailleurs
l'objet d'un plan de protection, a-t-il été annoncé.
IVO
SANADER |
Né
en 1953 à Split, M. Ivo Sanader est titulaire d'un doctorat
de lettres à l'Université d'Innsbruck (Autriche), et parle
l'anglais, l'allemand, l'italien et le français.
Fondateur du HDZ dans le Tyrol, élu député en 1992,
nommé ministre de la Recherche et des Technologies
de 1992 à 1993, puis vice-ministre des Affaires étrangères
jusqu'en 1995, il se voit confier de 1995 à 1996 le Secrétariat
général de la Présidence ainsi que le Secrétariat général
du Conseil de défense et de sécurité nationale. De 1996
à 2000, il est de nouveau nommé vice-ministre des
Affaires étrangères. Elu député HDZ en 2000, il assume alors
la fonction de vice-président de la commission des Affaires
étrangères. Fin avril 2000, il est élu à la tête du HDZ,
et reconduit à la présidence du parti deux ans plus tard.
Le 23 décembre 2003, il devient le 8e Premier ministre nommé
depuis l'indépendance de la Croatie, son cabinet étant le
9e du nom. Il est aussi le premier chef de gouvernement
croate originaire de Dalmatie nommé au cours des trente
dernières années (y compris les gouvernements nommés à Zagreb
à l'époque yougoslave). |
Parmi
les grandes réformes annoncées figurent en outre
celle de l'enseignement primaire, secondaire et universitaire
qui devra être harmonisée avec les normes européennes
et celle de la santé qui prévoit notamment la gratuité
des soins pour les plus de 65 ans. Compte tenu de l'importance
du secteur touristique, le gouvernement veillera à encourager
par des mesures incitatives les industries respectueuses de l'environnement
et modernisera le système de veille anti-incendies.
Dans
le souci d'améliorer l'efficacité de l'administration
et lui permettre de se rendre plus proche des citoyens, il est
prévu de mettre en place, d'ici quatre ans, le projet "e-Croatie
2007" : un système informatisé qui donnera
accès à la plupart des services publics, et notamment
à ceux de la justice, de la santé et de l'enseignement.
Consensus
national
Abordant
les questions de politique étrangère, M. Sanader
a promis de mener une politique active en vue d'accélérer
le rythme des négociations d'adhésion aussi bien
avec l'Union européenne qu'avec l'Alliance atlantique,
deux dossiers où il devrait pouvoir compter sur un soutien
unanime au Sabor. Prenant ses fonctions de Premier ministre, le
président du HDZ a d'ailleurs rendu hommage à son
prédécesseur, Ivica Racan, et à son gouvernement
pour les efforts jusqu'ici accomplis sur la voie du rapprochement
de la Croatie et de l'UE. S'il s'est déclaré favorable
à l'adhésion à l'UE et à l'OTAN des
pays voisins de la Croatie, il a insisté sur le fait que
chacun des pays candidats soit jugé individuellement en
fonction de ses propres résultats, et formé le voeu
que nul ne soit tenu d'attendre que d'autres remplissent les critères
d'adhésion. Le nouveau premier ministre croate rencontrera
d'ailleurs Romano Prodi, le président de la Commission
européenne dès le 12 janvier prochain, lequel l'a
d'ores et déjà assuré de son soutien dans
le processus d'intégration de la Croatie dans l'UE.
M.
Sanader a par ailleurs réaffirmé sa volonté
de continuer de développer la coopération de la
Croatie avec l'ensemble de ses voisins. Il s'est dit prêt
à régler toutes les questions encore en suspens
avec la Serbie-Monténégro. Quant à la Bosnie-Herzégovine,
il a exprimé sa volonté d'intensifier les liens
d'amitié qui lient Zagreb et Sarajevo, et souhaité
que les Croates de Bosnie-Herzégovine y conservent leur
statut de peuple constitutif, garantit par les accords de Dayton.
Enfin, il s'est engagé à résoudre dans les
meilleurs délais les questions ouvertes avec la Slovénie.
Le
nouveau premier ministre croate rencontrera Romano Prodi,
le président de la Commission européenne dès le 12 janvier
prochain. |
Réaffirmant
sa volonté de poursuivre la pleine coopération de
la Croatie avec le TPIY de La Haye, Ivo Sanader a précisé
que toute action de son gouvernement en matière de justice
internationale s'inscrira dans le cadre fixé par les statuts
du Tribunal pénal international, les résolutions
de l'ONU et la législation nationale, ajoutant que les
tribunaux croates avaient désormais fait leurs preuves
sur ces questions. Avant de demander un vote de confiance aux
élus du Sabor, il a une dernière fois appelé
à l'ensemble des parlementaires à parvenir à
dégager un consensus autour des grands thèmes jugés
d'intérêt national.
|