17/09/2003

COMMÉMORATION
60e anniversaire de la révolte des Croates à Villefranche-de-Rouergue

M. Ivica Pancic, ministre croate des Anciens combattants, rend hommage aux martyrs croates tombés  pour la liberté | Villefranche-de-Rouergue, le 17 septembre 2003M. Ivica Pancic, ministre croate des Anciens combattants, M. Pavle Kalinic, député au Parlement croate, le lieutenant-colonel Valentino Rajkovic, secrétaire général de la Fédération croate des associations d'Anciens combattants, M. Zvonimir Frka-Petesic, représentant de l'ambassade de Croatie, ainsi que les représentants de plusieurs associations croates de France, se sont rendus à Villefranche-de-Rouergue (Aveyron), à l'occasion de la commémoration du 60e anniversaire de l'insurrection contre les nazis des soldats croates mobilisés de force. Comme les années précédentes, M. Serge Roques, député-maire de Villefranche, a assisté à la cérémonie traditionnelle au Champs des martyrs croates et un office religieux a été célébré en l'église de Villefranche.

Jeudi 17 septembre 2003 à 18 heures, au lieu-dit du « Champ des martyrs croates », en bordure de l’avenue des Croates, à l’entrée de Villefranche-de-Rouergue, eut lieu, en présence du député-maire Serge Roques, la traditionnelle commémoration de la « révolte des Croates » où quelque cent cinquante soldats tombèrent sous les balles nazies.

M. Serge Roques, maire de Villefranche (au centre), en compagnie de M. Ivica Pancic, ministre croate des Anciens combattants (à g.), de M. Pavle Kalinic, député (à d.), et des représentants de la Fédération des associations croates d'anciens combattants.

A l'occasion du 60e anniversaire de la tragédie, un ministre et un parlementaire croates ont fait le déplacement. En mémoire de ces hommes tombés pour la liberté, M. Ivica Pancic, ministre croate des Anciens combattants, M. Pavle Kalinic, député, et le lieutenant-colonel Valentino Rajkovic, ont déposé plusieurs gerbes au nom, respectivement, du gouvernement, du Parlement, et de la Fédération croate des associations d'Anciens combattants.

Par ailleurs, les délégués du Conseil représentatif des Croates de France (CRICCF) ainsi que les membres de l'association Solidarité France-Croatie de Toulouse, présidée par Mme Agnès Cerovecki, se sont, comme chaque année, associés à cet hommage solennel. Quelques dizaines de Villefranchois ont également assisté à la cérémonie, dont quelques témoins des événements. C'est le cas de M. Vidal, installé aujourd'hui à Toulouse (dont la famille recueillit clandestinement l'un des mutins, Bozo Jelenek).

M. Serge roques et M. Ivica Pancic
M. Serge Roques, maire de Villefranche en compagnie de M. Ivica Pancic, ministre croate des Anciens combattants (à g.).

Auparavant, la délégation croate avait été reçue à l'Hôtel de Ville, où M. Pancic a remis à M. Serge Roques, quelques témoignages d'amitié en signe de gratitude pour le souvenir sincère que les Villefranchois continuent à cultiver à l'égard de cet événement et en mémoire des liens profonds qui unissent sa cité à la Croatie.

HOMMAGE À LOUIS FONTANGES

Le 60e anniversaire de la Révolte des Croates fut aussi l'occasion de rendre, immédiatement après la cérémonie au Champs des martyrs, un hommage solennel à Louis Fontanges, qui fut maire de la ville au moment de la mutinerie. Une plaque commémorative a été inaugurée en son honneur par M. Serge Roques, maire actuel, en présence de M. Ivica Pancic et de la délégation croate : symboliquement, le maire et le ministre croate ont dévoilé ensemble le monument. Un office religieux solennel a ensuite été célébré en l'église Notre-Dame de Villefranche-de-Rouergue, en mémoire des martyrs croates.

La révolte du 17 septembre 1943

En 1943, des milliers de Croates originaires de Croatie et de Bosnie-Herzégovine sont enrôlés de force dans la 13e division SS de l’armée allemande, alors puissance occupante en Croatie. D'abord parmi les classes 1924 et 1925, dont les deux tiers sont immédiatement réquisitionnés. Mais l'effectif demeurant insuffisant, des razzias sont menées en juillet et août dans les rues de Zagreb et tous les hommes nés entre 1917 et 1925 sont arrêtés sur-le-champ et convoyés sous bonne garde vers l'Allemagne, pour y être formés avant d'être envoyé sur les théâtres d'opération. Parmi ces hommes dont la plupart n'a pas vingt ans près d'un millier sera envoyé à Villefranche-de-Rouergue, dans le sud de la France, où les Allemands redoutent un débarquement des troupes alliées. Ils y formeront le 13e bataillon de pionniers et s'y prépareront à des manœuvres d’entraînement.

HOMMAGE D'UN VILLEFRANCHOIS


FILS DE CROATIE
Ils avaient dû quitter
Eux aussi leur pays.
Pour aller au combat
Ces fils de Croatie
En étant enrôlés
Dans les troupes nazies
Ils avaient endossé
La tenue vert-de-gris.

Soldats d'une nation
Ne voulant qu'une race
Pour elle vous étiez
De la chair à canon
En vous restait pourtant
D'une façon tenace
La fière volonté
De faire rébellion.

Après un long parcours
Dans l'Europe en guerre
Vous êtes arrivés
Ici dans la cité
Et là vous avez fait
Ce que vous deviez faire
Pour vous débarrasser
Du joug qui vous pesait.

Le malheur a voulu
Que cette tentative
Ne puisse rencontrer
Le succès espéré
Alors s'est déclenchée
La force répressive
Qui vous a fait subir
D'atroces cruautés.

Enfants de Croatie
Vous êtes morts en France
C'est là sur notre sol
Que vous êtes tombés
En chacun d'entre nous
Vivant à Villefranche
Votre geste héroïque
Est à jamais gravé.

Vous resterez toujours
Présents dans nos mémoires
Vous qui avez souffert
Et qui avez péri
Vos morts sont devenues
Des faits de notre Histoire
Et votre souvenir
Fait partie de nos vies.

Yves Mouly,
Villefranche-de-Rouergue

Cependant le ressentiment profond qui oppose ces soldats mobilisés de force et les officiers allemands chargés de les encadrer ne fera que s'accroître à mesure que se multiplient les mauvais traitements dont ils sont l'objet et qui scandalisent la population Villefranchoise, témoin des humiliations et vexations qui leur sont infligées. Bientôt, l'idée d'une mutinerie, imaginée par le groupe de meneurs dès leur déportation en Allemagne, fait son chemin parmi la troupe, bien décidée à s'affranchir de son asservissement et à rejoindre la Résistance française. Mais craignant d'être découverts, les mutins précipitent leur décision et dans la nuit du 16 au 17 septembre 1943, ils se débarrassent de leurs officiers allemands, sommairement jugés et passés par les armes, et prennent le contrôle de la ville.

EN SAVOIR PLUS
Les Révoltés de Villefranche, G. Grmek et L. Lambrichs, Seuil, Paris, 1998

Malgré le succès initialement rencontré par l’opération et la mise sous contrôle de l'armurerie, un officier allemand parvient à s'échapper et donne l'alerte. Alors qu'ils espèrent la venue de guides censés leur faire gagner le maquis, les mutins se retrouvent bientôt pris au piège dans la ville « libérée », cernés par des troupes nazies arrivées en grand nombre de Rodez et des garnisons alentour. Après une impitoyable chasse à l'homme dans les rues de la ville où les insurgés tentent une percée désespérée, la plupart sont soit tués au combat, soit capturés.

Radio-Londres

Seuls quelques dizaines d'entre eux parviendront, grâce à l'aide de la population Villefranchoise solidaire des mutins croates, à en réchapper, gagnant le maquis. Un grand nombre de mutins du 13e bataillon de la 13e Division SS faits prisonniers sont envoyés en camp de concentration à Sachsenhausen et Buchenwald, d'où seuls quelques-uns reviendront. Les autres, seront torturés avant d'être fusillés et ensevelis à l’entrée de la ville au lieu-dit désormais dénommé « Champ des martyrs croates ». L’histoire en a retenu que l’espace d’une journée Villefranche fut la première ville « libérée » de la France occupée.

Au-delà de l’impact relativement limité de l’insurrection sur le plan militaire, celle-ci constitua néanmoins la première rébellion armée au sein des unités allemandes. Redoutant l'écho dévastateur sur le moral des troupes que cette mutinerie aurait pu rencontrer, Himmler ordonna personnellement d'étouffer l'affaire. Peine perdue puisque quelques semaines plus tard radio-Londres diffusa la nouvelle, lui donnant ainsi un retentissement qui déborda largement le cadre régional.

De la révolte à la Résistance

Si les mutins se disaient eux-mêmes croates et que nombre d'entre eux étaient originaires de Croatie, la plupart était néanmoins originaire de Bosnie-Herzégovine, laquelle à l'époque faisait partie de l'éphémère "Etat indépendant de Croatie", instauré sous tutelle allemande et italienne. Ainsi, selon leur état civil retrouvé dans les archives, figuraient parmi les mutins des "Croates catholiques" (ou Croates) et des "Croates musulmans" (ou Bosniaques, selon la terminologie actuelle).

Ferid Dzanic Nikola Vukelic
Eduard Matutinovic Bozo Jelenek
Source : "Les Révoltés de Villefranche", Le Seuil.

Parmi les quatre meneurs se trouvaient ainsi deux musulmans et deux catholiques (trois, si l'on y ajoute Jelenek) : Ferid Dzanic, originaire de Bihac, Luftija Dizdarevic, originaire de Sarajevo, Nikola Vukelic, né à Gospic, et Eduard Matutinovic, de Vinkovci. Les deux premiers furent tués au combat à Villefranche, le troisième y fut torturé et fusillé, seul Matutinovic en réchappa et gagna le maquis, avant de rejoindre la 9e brigade dalmate des partisans de Tito. Il trouvera la mort dans un accident, en 1945, non loin de Vukovar.

Quant à Bozo Jelenek, originaire de Kutina, il parvint également à échapper à la répression allemande en restant caché dans la ville pendant plusieurs jours. Il rejoignit ensuite le maquis français où il entra en contact avec d'autres Croates, anciens des Brigades internationales en Espagne, engagés dans la Résistance : Milan Kalafatic, dit Fernand, Matija Uradin, dit Antoine, et surtout Ljubomir Ilic (Ilitch), dit Conti, né à Split en 1905, membre du Comité militaire national de la Libération, et qui fut commandant des FTP-MOI de la Zone Sud, puis commandant de toutes les unités des immigrants dans les Forces françaises de l'intérieur et seul général des FFI à n'être pas français lui-même. Au printemps 1944, sous le surnom de Léopold, Jelenek participe comme lieutenant des FFI aux opérations au sein du Corps franc de la Montagne Noire. Début 1945, il regagne la Croatie où il est nommé commandant d'un bataillon du 8e corps des Partisans. Principal témoin de la révolte du 17 septembre 1943 ayant survécu à sa sanglante répression, il consignera ses souvenirs dans un manuscrit et participera chaque année, à partir des années soixante, aux commémorations à Villefranche où il fut jusqu'à sa mort, intervenue le 13 mai 1987, accueilli en héros.

Photo : Mirko Jurkic

En mémoire de ce soulèvement, Vanja Radaus, célèbre sculpteur zagrébois et résistant notoire de la première heure, réalisa en 1952 un monument de pierre animé de deux groupes de figures en bronze grandeur nature ; chaque groupe représente deux hommes nus tombant, touchés par des balles. Inauguré en 1955, ce monument a été intégré dans un monument de la Libération situé dans le parc central de la ville de Pula (Croatie).

Voir la commémoration de 2006
(inauguration du nouveau Parc-mémorial)
Le projet de nouveau Parc-mémorial
Voir la commémoration de 2005
Voir la commémoration de 2004
Voir la commémoration de 2001
Voir la commémoration de 2000

 

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