17/09/2004
VILLEFRANCHE-DE-ROUERGUE
Commémoration
de la révolte des Croates
L'ambassadeur de Croatie et le maire de Villefranche
se disent favorables à la création d'un mémorial
Comme
chaque année à la date anniversaire, une cérémonie
du souvenir s'est tenue à Villefranche-de-Rouergue (Aveyron)
où a été commémorée la révolte
des Croates du 17 septembre 1943. Les hommages posthumes à
ces hommes morts pour la liberté ont été
rendus en présence de M. Serge Roques, député
maire de Villefranche, d'un représentant de l'ambassadeur
de Croatie, M. Bozidar Gagro, d'une délégation
de l'Association croate des Anciens combattants et de représentants
d'associations croates de France. Répondant aux questions
du journal Le Villefranchois, M. Gagro et M. Roques se déclarent
favorables à la création d'un mémorial à
Villefranche-de-Rouergue.
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Les
membres de la délégation croate en compagnie
de M. Serge Roques, à la mairie de Villefranche. |
Comme
le veut la tradition, le 61e anniversaire de la « révolte
des Croates » à Villefranche-de-Rouergue a été
commémoré, vendredi 17 septembre 2004 à 18
heures, au lieu-dit du « Champ des martyrs »,
en bordure de lavenue des Croates, à lentrée
de Villefranche-de-Rouergue.
La
cérémonie du souvenir s'est tenue en présence
de M. Serge Roques, député maire de Villefranche,
de M. Zvonimir Frka-Petesic, représentant l'ambassadeur
de Croatie, d'une délégation de l'Association croate
des Anciens combattants emmenée par son secrétaire
général, le lieutenant-colonel Valentino Rajkovic,
de M. Zdravko Cerovecki, au nom du Conseil représentatif
des Croates de France (CRICCF)
et de l'association Solidarité France-Croatie Toulouse,
de membres de la communauté croate de France ainsi que
de Villefranchois anonymes ou témoins des événements
au cours desquels quelque cent cinquante soldats tombèrent
sous les balles nazies.
Auparavant,
la délégation croate avait été reçue
à l'Hôtel de Ville, où quelques témoignages
d'amitié ont été échangés avec
M. Roques au nom des liens que ces tragiques événements
ont tissés entre la Croatie et Villefranche-de-Rouergue.
A la suite des honneurs posthumes, un office religieux solennel
a été célébré en mémoire
des martyrs croates.
Le
Villefranchois, 16/09/2004
ENTRETIEN
AVEC L'AMBASSADEUR
Croates : A
quand un mémorial à Villefranche?
COMMÉMORATION.
L'ambassade de Croatie et la mairie de Villefranche semblent se
rejoindre sur l'idée d'un projet de mémorial rendant
hommage aux révoltés de la division Prince Eugène.
La copie d'une célèbre sculpture pourrait être
offerte à Villefranche par la Croatie à cette fin.
Les interviews de l'ambassadeur de Croatie et du député
maire de Villefranche vont dans ce sens.
Le
Villefranchois : Monsieur l’ambassadeur, serez-vous
présent le 17 septembre à Villefranche?
S. Exc. Monsieur Bozidar Gagro, ambassadeur de Croatie
en France : A mon
grand regret, je serais retenu à Paris par des obligations
auxquelles je ne puis, hélas, me soustraire. Il reste que
l’ambassade sera représentée comme chaque
année à la traditionnelle cérémonie
du souvenir. Mon collaborateur, Zvonimir Frka-Petesic, fera le
déplacement, de même qu’une délégation
de vétérans et d’anciens combattants de Croatie,
au côté des représentants d’associations
croates de France qui entretiennent la flamme de la mémoire
depuis de longues années. Je me réjouis de voir
que la mairie de Villefranche s’associe régulièrement
à cette commémoration solennelle. La présence
également de Villefranchois, anonymes ou témoins
des événements, nous touche et constitue une marque
de solidarité à laquelle nous sommes très
sensibles. Pour ma part, j’espère dans les mois à
venir trouver le temps de me rendre dans votre ville qui dans
les cœurs des Croates de France occupe une place à
part.
Précisément,
quelle place cet événement tient-il dans l’histoire
de votre nation ?
B. G. : Il tient, à vrai dire,
une place particulière aussi bien dans l’histoire
que dans la conscience collective croates. Sans doute cela est-il
ainsi parce que cette tragédie s’est déroulée
loin de nos frontières, que ses protagonistes furent pour
la plupart de très jeunes gens enrôlés de
force lors de razzias, comme à Zagreb, la capitale croate,
et qu’il s’agit d’un acte sans pareil dans l’armée
allemande, auquel Radio Londres donna d’ailleurs un large
retentissement. Sa portée symbolique fut d’autant
plus grande que parmi les rares survivants, quelques-uns rejoignirent
le maquis français, à l’instar de Bozo Jelenek
qui devint lieutenant des FFI au sein du Corps franc de la Montagne
noire. Après la guerre, plusieurs artistes croates ressentirent
le besoin d’honorer ces jeunes martyrs. Dès les années
1950 le peintre naïf Krsto Hegedusic réalisa un dessin
intitulé « Villefranche-de-Rouergue ». Le sculpteur
Vanja Radaus consacra à la « Révolte des Croates
» une œuvre imposante qui trône toujours dans
le parc municipal de Pula. Une littérature abondante a
été publiée en Croatie sur le sujet, plusieurs
documentaires furent diffusés à la télévision,
et un timbre-poste commémoratif a été émis
pour le cinquantenaire de la révolte. L’année
dernière, pour le 60e anniversaire, le ministre croate
des anciens combattants s’est lui-même rendu à
Villefranche et fut invité par M. Serge Roques à
l’inauguration d’une plaque en l’honneur de
son prédécesseur, contemporain de la tragédie,
M. Louis Fontanges.
Que
pourrait-on faire pour mieux traduire cette importance. Existe-t-il
des projets allant dans ce sens ?
B. G. : Avant tout maintenir intacte
la flamme du souvenir et le devoir de mémoire que nous
avons envers ces jeunes héros. Par leur exceptionnel acte
de bravoure ils ont ajouté leurs noms à tant d’autres
qui sont tombés, dans toute l’Europe, sur l’autel
de notre liberté et gagné les honneurs posthumes
qui leurs sont à juste titre rendus. Aussi sommes-nous
très reconnaissants à la Ville de Villefranche pour
l’attachement qu’elle témoigne à cette
commémoration et au souvenir de ces événements
qui ont tissé des liens particuliers entre votre ville
et notre pays. Quant aux projets, puisque vous me posez la question,
je crois savoir que l’année dernière diverses
idées ont été évoquées avec
le ministre croate, comme le jumelage symbolique de Villefranche
avec une ville croate ou encore le don d’une copie du monument
de Radaus qui pourrait prendre place au sein, pourquoi pas, d’un
futur mémorial dédié aux victimes de la répression
et qui en soit véritablement représentatif, où
les noms des martyrs, désormais connus, pourraient figurer.
Bien entendu, ce ne sont pour l’instant que quelques pistes
de réflexion qu’il conviendrait d’approfondir
le cas échéant, toute décision appartenant
exclusivement aux autorités municipales.
Serge Roques
: "construire des projets concrets avec la Croatie"
Le
Villefranchois : Assisterez-vous à la cérémonie
commémorative qui se tiendra au Champ des Martyrs?
Serge Roques : «Oui, comme chaque
année, depuis que je suis élu. Je m'y rendais déjà
en tant que conseiller général ou élu municipal.
Je souhaiterais que davantage de Villefranchois y assistent car
il s'agit d'honorer le souvenir de ceux qui sont toujours enterrés
au pied du monument et qui sont morts pour notre liberté.
»
Quelle place tient cet événement dans l'histoire
de Villefranche-de-Rouergue ?
S.R. : «Une place très
particulière et exceptionnelle. Celle où l'histoire
locale ne fait qu'une avec l'histoire universelle à un
moment particulièrement tragique.
Dans ces circonstances dramatiques, c'était la première
révolte sanglante et victorieuse au sein d'une troupe allemande
Waffen S.S. Les Villefranchois et leur maire Louis Fontanges se
sont montrés particulièrement héroïques.
C'est donc une période très douloureuse, mais dont
nous devons être particulièrement fiers.»
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Photographies
du Mémorial aux victimes de Villefranche-de-Rouergue
tombées lors de la révolte du 17 septembre
1943. Oeuvre du sculpteur croate Vanja Radauš,
inaugurée en 1955 au parc central de Pula (Croatie)
- Don de l'Association croate des anciens combattants à
la mairie de Villefranche-de-Rouergue. |
Comment
pourrait-on mieux traduire cette importance ? Existe-t-il des
projets en gestation et où en sont-ils de leur concrétisation
?
S.R.: «Je souhaiterais effectivement
maintenant que les "problèmes des Balkans" semblent
apaisés, que nous puissions construire des projets concrets
avec la Croatie ou d'autres pays impliqués dans ces événements
de septembre 1943 à Villefranche-de-Rouergue.
On pourrait envisager que le monument – ou sa copie –
prévu pour Villefranche, y soit transféré,
mais aussi que les noms des victimes, maintenant à peu
près établis, soient gravés sur le monument.
Mais nous sommes ouverts à tout autre projet plus ambitieux...
Mais de tels dossiers dépassent les prérogatives
d'une municipalité. Il y faut l'accord du gouvernement.
Il est nécessaire de travailler maintenant à l'échelle
des deux pays.»
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