16/03/2004
ÉLARGISSEMENT
DE L'UNION
Soutien franco-allemand à
l'intégration de la Croatie
Le
président français Jacques
Chirac a assuré, mardi 16 mars, la Croatie du soutien
conjoint de la France et de l'Allemagne quant à ses perspectives
d'intégration dans l'Union européenne. Lors du point
de presse à l'Elysée
à l'issue de sa rencontre avec le chancelier allemand Gerhard
Schröder, le président français a abordé
la question de l'élargissement de l'Union. "S’agissant
de la Croatie, nous avons émis un avis de principe
favorable en attendant le rapport de la Commission.",
a-t-il déclaré. Candidate
déclarée à l'adhésion depuis le
21 février 2003, la Croatie espère obtenir d'ici
quelques semaines le feu vert de la Commission
européenne qui lui permettrait d'entamer les négociations
d'adhésion.
POINT
DE PRESSE
DE
MONSIEUR JACQUES CHIRAC
PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
ET
DE MONSIEUR GERHARD SCHROEDER
CHANCELIER DE LA REPUBLIQUE FEDERALE D'ALLEMAGNE
***
PALAIS
DE L'ELYSEE
Mardi
16 mars 2004
LE PRESIDENT CHIRAC – A l’issue de
cet entretien avec le Chancelier SCHROEDER et en accord avec lui,
je souhaite tout d’abord évoquer les attentats qui
ont frappé Madrid.
Une
nouvelle fois, le terrorisme a montré son visage de haine
et de sauvagerie. Tous, nous avons été révoltés
par cet acte barbare. Nous avons manifesté notre solidarité
à l’égard des victimes et de nos frères
espagnols, dont nous partageons bien sûr le deuil.
Vendredi
dernier, j’ai convoqué un conseil restreint avec
le Premier ministre et les ministres compétents afin de
prendre les décisions qui s’imposaient pour renforcer
nos dispositifs d’alerte, de contrôle et de sécurité,
notamment dans le cadre du plan Vigipirate. Dans le passé,
la France a payé un lourd et douloureux tribut au terrorisme.
Aujourd'hui, elle n'est pas visée spécifiquement
mais, comme toutes les démocraties, elle n’est pas
à l’abri d’actes terroristes. La vigilance
s’impose. Le Gouvernement et tous nos services sont mobilisés.
Ils travaillent bien sûr en liaison étroite avec
nos partenaires.
Avec
eux, nous allons renforcer le plan d’action européen
contre le terrorisme. Nous l’avons notamment évoqué
ce matin. Nous allons, mieux encore, coordonner nos services de
renseignement et de police et aussi nos justices.
Face
à la menace et dans le respect des libertés et de
l’Etat de droit, l’Europe protégera ses citoyens.
Cette exigence sera au cœur des travaux du prochain Conseil
européen.
La
communauté internationale doit se rassembler pour lutter
contre le terrorisme de toutes ses forces et sans relâche.
Mais soyons lucides. Nous devons aussi nous rassembler pour mettre
un terme aux conflits qui alimentent la colère et la frustration
des peuples, pour lutter contre la misère, l’humiliation
et l’injustice qui sont des terreaux de la violence. Nous
devons choisir l’espoir, la solidarité, le dialogue
et notamment le dialogue des cultures contre la prétendue
fatalité d’un choc des civilisations.
Face
au terrorisme, nous devons opposer force et détermination.
Mais nous devons aussi affirmer dans le monde les valeurs de respect,
et notamment de respect de l’autre, de justice et de solidarité.
LE
CHANCELIER SCHROEDER – Je vous remercie, Mesdames
et Messieurs. Nous avons fait avec le Président de la République
la même analyse : nous devons faire attention à ce
que la lutte contre le terrorisme qui est un vrai défi
pour le monde civilisé, que cette lutte soit couronnée
de succès. Je partage tout à fait ce qu’a
dit le Président CHIRAC. Cette lutte contre le terrorisme
suppose qu’on y consacre les forces nécessaires.
Mais pour autant, on ne vaincra pas le terrorisme uniquement par
la force des armes, il faut lutter contre les racines du terrorisme.
Parmi celles-là, sans aucun doute, on trouve le sous-développement
dans le tiers monde. C’est un aspect très important,
incontournable.
L’Allemagne,
comme la France, a renforcé son dispositif de sécurité.
Nous constatons que toute l’Europe, indépendamment
de ses décisions en matière de politique étrangère
et de sécurité, est devenue le théâtre
d’actes terroristes et donc, nous devons, ensemble, Européens,
faire face à ce terrorisme et lutter contre lui. Il faut
que nous ayons un plan européen, ensemble, et aussi l’améliorer.
Il faut que nous soyons très vigilants dans nos pays respectifs,
au plan national. Mais il faut aussi que la coopération
européenne et la coopération transatlantique dans
le domaine de la police et des services de sécurité
soient intensifiées et que notre coopération en
ce qui concerne les services de renseignement soit accentuée
pour le gagner, ce combat contre le terrorisme. C’est un
défi qui va perdurer et qui va peser lourd en Europe. Au
plan politique, nous devons également être à
la hauteur de ce défi.
LE
PRESIDENT CHIRAC – Au-delà de ce problème
vital, nous avons tout d’abord évoqué avec
le Chancelier la préparation du prochain Conseil européen.
Vous connaissez la position de l’Allemagne et de la France
en faveur de la mise en œuvre, aussi rapidement que possible
et sur un texte aussi proche que possible de la Convention, de
la réforme des institutions et de la nouvelle Constitution.
Nous pensons que le plus tôt sera le mieux et nous faisons
confiance à la présidence irlandaise pour trouver
des solutions les mieux adaptées pour atteindre cet objectif.
Nous pensons que, en toute hypothèse, cette réforme
devra être achevée avant la fin de l’année
2004.
Sur
nos positions concernant la double majorité, concernant
la composition de la Commission, concernant la façon de
prendre les décisions à la majorité ou à
l’unanimité au Conseil, les positions de l’Allemagne
et de la France sont identiques et vous les connaissez.
Nous
avons également évoqué, bien entendu, les
problèmes liés à l’élargissement.
Et pour ce qui concerne la Turquie, nous attendons les conclusions
de la Commission qui nous donnera son rapport avant la fin de
l’année. S’agissant
de la Croatie, nous avons émis un avis de principe favorable
en attendant le rapport de la Commission. S’agissant
de la Bulgarie et de la Roumanie, nous avons confirmé notre
désir que les engagements pris à l’égard
de ces deux pays soient tenus, tout en les incitant à faire
un effort soutenu pour tenir les engagements que, par ailleurs,
ils ont pris.
Nous
avons évoqué la relation entre l’Union européenne
et la Russie, au lendemain de l’élection présidentielle
en Russie. Nous avons en particulier souligné l’importance
que nous attachions à la mise en œuvre des quatre
espaces que nous avons définis à Saint-Pétersbourg
au nom de l’Union européenne, de façon à
ce que la relation, le lien entre la Russie et l’Union européenne
soient, autant que faire se peut, renforcés.
Nous
avons, ou plus exactement, nous évoquerons tout à
l’heure pendant notre déjeuner de travail les problèmes
internationaux et notamment ceux qui concernent l’Iraq et
le Proche-Orient. Dans les deux cas, nous échangerons nos
réflexions mais ce que je peux vous dire c’est qu’à
la fois nos approches et nos conclusions sont tout à fait
semblables, aussi bien pour l’Iraq que pour le Moyen-Orient.
Plus généralement, pour les initiatives éventuelles
qui pourraient être prises, soit à Istambul, soit
à Sea Island pour le G8, en ce qui concerne ce qu’on
appelle le grand Moyen-Orient et le soutien à la modernisation
de cette région.
Voilà
ce que nous avons évoqué, mais je vais laisser le
Chancelier donner son sentiment.
LE
CHANCELIER SCHROEDER – Monsieur le Président,
je n’ai de fait rien à ajouter parce que vous avez
rendu compte de façon exhaustive de nos entretiens. Je
n’ai donc rien à y ajouter, laissons aux journalistes
le temps de poser des questions, tant pour la presse écrite
que pour la télévision.
QUESTION
– En ce qui concerne la Constitution européenne,
est-ce que vous croyez que dès la semaine prochaine, à
Bruxelles, on pourrait arriver à un accord ?
LE
CHANCELIER SCHROEDER – Non, pas la semaine prochaine.
Je ne crois pas que ce Conseil de printemps est le moment opportun.
Il faut laisser le temps au futur gouvernement espagnol d’arrêter
ses positions. Traditionnellement, c’est un Conseil consacré
aux questions économiques, à la stratégie
de Lisbonne, donc à la modernisation des économies
européennes. Je pense qu’il y a encore une chance
de boucler l’affaire de la Constitution avant la fin de
la présidence irlandaise, en tout cas la France et l’Allemagne
œuvreront dans ce sens. Vous savez que nous avons souvent
prouvé notre volonté de participer à un compromis,
donc ce n’est pas de nous que cela dépend, cela dépend
de la volonté de l’un ou l’autre partenaire
de bouger un peu, l’un en particulier et l’autre un
peu aussi.
LE
PRESIDENT CHIRAC - Je fais exactement la même analyse
que le Chancelier, je n’ai donc rien à ajouter.
QUESTION
– Monsieur le Président, vous avez évoqué
les initiatives sur le Proche-Orient. Est-ce que vos partenaires
européens sont favorables à l’initiative franco-allemande
? Et est-ce que vous allez mettre à profit cet attentat
douloureux en Espagne pour relancer les efforts de paix, soit
au Proche-Orient, soit en Iraq ? Merci.
LE
PRESIDENT CHIRAC - S’agissant de l’initiative
de paix au Proche-Orient, l’Allemagne et la France font
la même analyse. On ne sortira de la crise grave actuelle
que par un accord négocié et pour négocier
il faut se parler, donc se mettre autour d’une table. Il
faut bien reconnaître que jusqu’ici on a rien trouvé
ou on a rien fait de mieux que la Feuille de route, que nous avons
d’ailleurs tous approuvée, et dont nous souhaitons
la mise en œuvre aussi rapide que possible. Cela suppose
préalablement, naturellement, le retour à la table
des négociations des partenaires palestiniens et israéliens,
avec pour objectif que les Palestiniens puissent obtenir un pays
indépendant et viable et que les Israéliens puissent
être garantis dans la sécurité à laquelle
ils ont droit.
QUESTION
– Monsieur le Président, est-ce que la position du
nouveau gouvernement espagnol face à l’Iraq renforce
la position franco-allemande face à la situation au Proche-Orient
et surtout à l’Iraq ?
LE
CHANCELIER SCHROEDER – Nous nous réjouissons
tous d’avance de la coopération qui va s’instaurer
avec le nouveau gouvernement espagnol, nous en avons longuement
parlé aujourd’hui. Nous avons aussi constaté
avec intérêt que sur les deux questions particulièrement
importantes, c’est-à-dire la Constitution européenne
et l’Iraq, les premières déclarations du vainqueur
espagnol des élections sont intéressantes. Je n’en
dirai pas plus.
J’ai
pris avec satisfaction connaissance du fait qu’il a l’intention
de faire bouger les choses, je me réjouis de le rencontrer
bientôt mais il n’est pas encore l’heure de
commenter ses propos.
LE
PRESIDENT CHIRAC - Je suis tout à fait d’accord,
naturellement, avec le Chancelier sur cette approche.
QUESTION
– Avec toutes les réserves que vous avez exprimées,
est-ce que vous pouvez nous dire si le retrait annoncé,
par le futur Président du Gouvernement espagnol, des troupes
espagnoles de l’Iraq est un changement décisif de
la donne, du point de vue de l’échiquier international
actuel ?
LE
CHANCELIER SCHROEDER – C’est une décision
souveraine que le nouveau gouvernement espagnol aura à
prendre. Il faudra voir sur quelles bases cette décision
sera prise, il faudra voir ses conséquences. Je crois que
les journalistes ont peut-être l’obligation de spéculer
en amont mais cela n’est pas le rôle des politiques
de les suivre.
QUESTION
– Toujours sur cette annonce espagnole de retrait des troupes
d’Iraq : est-ce que c’est là le début
d’une politique d’apaisement et en quelque sorte est-ce
que cela ne correspond pas aux objectifs des terroristes ?
LE
CHANCELIER SCHROEDER - Je vous propose d’adresser
ces questions aux responsables espagnols. Pour ma part, je n’ai
pas l’intention d’y répondre.
QUESTION
– Monsieur le Président, Monsieur le Chancelier,
est-ce que vous seriez d’accord avec l’idée
du Premier Ministre belge de fonder une sorte d’agence centrale
d’information européenne ?
LE
CHANCELIER SCHROEDER – Vous parlez là d’une
agence européenne de renseignement, c’est cela ?
Ou des services secrets européens ? Je crois que notre
tâche première c’est d’améliorer
la coopération entre les services de renseignement existants.
Maintenant, est-ce qu’à l’avenir on peut envisager,
on doit envisager la création d’une nouvelle structure
européenne, je ne saurais l’exclure. Mais enfin pour
le moment, il faut d’abord et avant tout renforcer la coopération
des services existants dans la lutte contre le terrorisme. Tout
le reste relève pour le moment encore d’une lointaine
théorie.
LE
PRESIDENT CHIRAC – Je voudrais simplement ajouter
que la coopération entre ce que l’on appelle «
les services » des différents pays européens
s’est considérablement renforcée, je dirais
depuis un an, un an et demi, considérablement renforcée.
Les réserves que l’on avait l’habitude historiquement
de connaître entre les grands services ont tout à
fait disparu. Il y a maintenant une vraie collaboration, une vraie
coopération. C’est notamment tout à fait le
cas entre l’Allemagne, la France mais aussi entre l’Allemagne
et la France et les autres pays concernés qu’il s’agisse
des pays européens ou des autres bien entendu, américains
ou d’ailleurs.
Donc
on peut imaginer en permanence d’améliorer le système
d’information et de renseignement, naturellement, mais sachez
qu’il y a tout de même eu une très profonde
réforme des mentalités, des méthodes et de
la coopération entre les services depuis quelque temps.
Je
vous remercie.
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