29/01/2002

LA LETTRE DIPLOMATIQUE N°56
Economie et intégration européenne,
priorités des priorités pour la Croatie

S.E.M. Bozidar Gagro, Ambassadeur de Croatie en France, rappelle les impératifs politiques et économiques de la Croatie dans son cheminement communautaire, le rôle régional de son pays et souligne l'intérêt de la France dans les évolutions futures de la Croatie.
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LA LETTRE DIPLOMATIQUE : Monsieur l'Ambassadeur, au regard de la position de la Croatie en Europe et au sein de l'Europe du Sud-Est, quels sont les objectifs principaux de la politique extérieure croate ? Quel rôle la Croatie entend-elle jouer sur la scène régionale ?

CROATIE
Démocratie parlementaire
Capitale : Zagreb
Superficie : 56 538 km²
Population : 4,6 millions d'habitants
Langue : Croate
Chef de l’État :
M. Stjepan Mesic
Chef du Gouvernement : M. Ivica Racan
Ministre des Affaires étrangères :
M. Tonino Picula
Ministre de la Défense :
M. Jozo Rados
Ministre de l’économie :
M. Goranko Fizulic
Ministre des Finances :
M. Mato Crkvenac
Fête nationale : 25 juin
PIB : 20,7 milliards de dollars
Taux de croissance : 3%
Forces armées : 56 000 hommes
Importations : 9,1 milliards de $
Exportations : 4,4 milliards de $
Monnaie : Kuna
Site Internet :
www.amb-croatie.fr

SON EXCELLENCE MONSIEUR BOZIDAR GAGRO : Notre premier objectif est de rejoindre le plus vite possible l'Union européenne, avant tout parce que nous nous sentons intimement appartenir à cette Europe, aussi bien du point de vue géographique, historique que culturel. Nous nous sommes également engagés dans cette direction parce que nous voyons dans l'intégration européenne la meilleure des voies pour accélérer notre propre développement. Par ailleurs, nous mesurons les formidables progrès réalisés par certains pays aussi bien au cours du processus préparatoire que depuis leur adhésion à l'Union ; je pense à l'Espagne, au Portugal, à la Grèce et à l'Irlande. Et cela tient non seulement à l'aide fournie par les fonds communautaires, mais avant tout à la restructuration et la mise à niveau de leurs économies respectives, ainsi qu'à l'harmonisation de leurs législations. Parallèlement à ce rapprochement avec les Quinze, la Croatie, soucieuse de sa sécurité, a d'ores et déjà entamé un rapprochement avec l'Alliance atlantique en vue de la rejoindre.

Ayant à l'esprit cet objectif primordial, la Croatie reste néanmoins active au sein de plusieurs associations ou organisations régionales, dont la vocation est principalement économique ou politique. C'est le cas notamment de l'Initiative centre-européenne (ICE) et du Pacte de Stabilité parmi d'autres.

Enfin, les bonnes relations avec les pays voisins demeurent naturellement un préalable à toute forme d'intégration plus large. Il y a dix ans, la Croatie eut, on le sait, à gérer une pénible situation de crise, conséquence directe de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie et de la guerre. Fort heureusement, comme on le note avec justesse dans les milieux politiques, la Croatie fait désormais non plus partie du problème régional, mais de sa solution. Pour autant, elle ne prétend à aucun leadership et assume simplement ses responsabilités. Il subsiste, certes, quelques problèmes frontaliers mineurs qui restent encore à régler avec la Slovénie et surtout avec la République fédérale de Yougoslavie, s'y ajoute également l'épineuse question liée au retour des réfugiés, et enfin et surtout la situation complexe qui prévaut toujours en Bosnie-Herzégovine. En tout état de cause, ces questions ne sont plus en mesure de venir troubler la sérénité avec laquelle nous envisageons le développement ultérieur de nos relations avec nos partenaires régionaux.

L'INTÉGRATION EUROPÉENNE ET ATLANTIQUE AU CŒUR DU RÔLE RÉGIONAL DE LA CROATIE

Pays charnière entre Méditerranée, Europe centrale et Europe du Sud-Est, la Croatie tient un rôle clé dans la stabilité régionale. Consciente de sa situation, la Croatie fait de sa politique étrangère une priorité dont l'objectif est l'intégration européenne et atlantique.

Force est de constater que tout juste une décennie après son indépendance, proclamée le 25 juin 1991, et en dépit des difficultés rencontrées - conséquences d'une guerre destructrice de cinq ans (1990-1995), la Croatie affiche un dynamisme économique, certes encore fragile et relatif, mais encourageant, qui lui assure une place privilégiée parmi ses voisins centre-européens et qui lui ouvre davantage chaque jour le chemin d'une intégration à l'Union européenne.

De ce point de vue, de par son niveau de développement, la Croatie peut avantageusement se comparer aux anciens pays communistes de l'Europe de l'Est. Or, au-delà des conséquences économiques du conflit, la Croatie a dû relever un double défi : celui de fonder un Etat d'une part, et d'autre part celui de réorienter sur Zagreb, sa capitale, une économie qui en avait été détournée pendant près de 70 ans.

La place de l'opéra national à Zagreb
Aujourd'hui, la Croatie effectue près de 60% de ses échanges commerciaux avec l'Union européenne. La signature le 14 mai 2001 de l'Accord de stabilisation et d'association entre la Croatie et l'Union européenne (ASA) devrait encore permettre de faire progresser ce flux dans les prochaines années. Plus qu'un renforcement des liens croato-européens, cet ASA, qui constitue le premier accord institutionnalisant les relations entre la Croatie et l'Union européenne, s'inscrit dans la perspective d'un projet plus ambitieux de reforme étendu à tous les domaines du pays.

La France, dont le soutien est reconnu et recherché par les Croates dans leur cheminement vers l'intégration politique, économique et militaire de leur pays aux structures européennes, devrait pouvoir bénéficier pleinement des nouvelles opportunités qu'offre le marché croate, notamment dans le cadre de son vaste programme de privatisation. Profitant de la visite à Paris, en mai 2001, du Premier ministre croate, M. Ivica Racan, et du Ministre croate de l'économie, M. Fizulic, un certain nombre d'entreprises françaises, parmi lesquelles Airbus, Accor, Hachette, BNP Paribas, Bouygues, Golfs de France, PSA-Peugeot/Citroën, SPIE Batignoles ou encore Dreyfus, ont manifesté leur intérêt pour la Croatie au vu des attentes exprimées par le gouvernement croate. Ce dernier a d'ailleurs précisé qu'il était davantage favorable aux investissements qui associaient l'industrie croate au développement des produits et apportaient un transfert de technologie.

Ainsi, les résultats concluants obtenus par le gouvernement de coalition dès sa première année de pouvoir, aussi bien sur le plan intérieur que dans le domaine international ont amplement favorisé la situation extérieure de la Croatie, qui se dit favorable à une "coopération régionale multiple" pour reprendre l'expression de son Premier ministre, M. Ivan Racan, lors d'une conférence à l'IFRI en mai dernier.

I.C.

Dix ans après l'indépendance de la Croatie, quelle est votre analyse de l'éclatement de la Fédération yougoslave ? Quel jugement portez-vous sur l'évolution de la situation dans les Balkans ? Quels sont, selon vous, les conditions essentielles à un retour durable de la stabilité dans la région ?

L'hypothèse, parfois avancée, d'une éventuelle, voire d'une souhaitable survie de l'ancienne Yougoslavie relève assurément davantage de la pure spéculation que d'une analyse politique sérieuse. La Yougoslavie, pas plus que l'URSS ou la Tchécoslovaquie, n'avait de chance de survivre à l'aube du grand élargissement européen qui s'est amorcé et qui ne réunira à terme que des peuples souverains. En outre, je n'ai pour ma part jamais cru au bien-fondé de la thèse selon laquelle de prétendues "haines ancestrales" attisèrent le ferment de la crise et précipitèrent en définitive l'éclatement de l'ancienne Fédération yougoslave. A l'inverse, je suis convaincu que les intérêts particuliers des composantes de la fédération étaient devenus par trop contradictoires : les plus petits aspiraient à davantage d'autonomie, le plus grand, à toujours plus d'hégémonie. De surcroît, il ne faut pas négliger le caractère rigide, conservateur et franchement rétrograde de la bureaucratie fédérale, hostile à tout changement et je pense ici, avant tout, à l'armée.

Après qu'à grand peine la communauté internationale eut finalement réussi à endiguer la crise en Bosnie-Herzégovine et, de manière autrement plus musclée, au Kosovo, ces turbulences, conséquences indirectes de l'incendie allumé par Milosevic, affectent désormais et en dernier lieu la Macédoine. Un des leaders des Albanais de Macédoine ne déclarait-il pas d'ailleurs cet été qu'il fallait voir en leur rébellion le dernier acte de la décomposition de l'ex-Yougoslavie ? Pourtant, on pourrait croire que cela n'en finit pas ! Il reste encore toutefois l'éventualité de voir Podgorica se prononcer au référendum en faveur de l'indépendance, avec pour conséquence le divorce, sans doute à l'amiable, de la Serbie et du petit Monténégro. Les questions que cela soulève aujourd'hui paraissent cependant bien moins dramatiques qu'en 1991 et, à vrai dire, elles semblent davantage préoccuper la communauté internationale que Belgrade elle-même.

Pour autant, la stabilité des Balkans n'est sans doute pas pour demain. Le foyer de crise s'est nettement déplacé vers le sud et touche essentiellement la zone de peuplement albanais. Et tandis que la Slovénie, une des anciennes républiques yougoslaves, se considère depuis longtemps et à juste titre absolument à l'abri des soubresauts balkaniques et que la Croatie n'est à son tour plus concernée par des problèmes majeurs, les autres pays de la région demeurent, peu ou prou, impliqués dans cette zone de troubles.

M. Stjepan Mesic avait prédit à Milosevic, il y a dix ans, qu’il finirait pendu. Aujourd'hui, il se dit prêt à témoigner contre lui. Pensez-vous que ce soit, en tant que président croate, sa place et son rôle ? Une telle initiative n'est-elle pas de nature à fragiliser des relations de bon voisinage déjà si difficiles à établir ?

Le président croate Stjepan Mesic s'est par le passé effectivement dit prêt à témoigner contre Milosevic à La Haye, et il convient à cet égard de souligner que trois chefs d'inculpations, d'une extrême gravité chacun, sont aujourd'hui retenus contre lui par le Tribunal pénal international (TPI) : l'ancien président yougoslave est, faut-il le rappeler, accusé de crimes contre l'humanité en Croatie et au Kosovo, et de génocide en Bosnie-Herzégovine. D'autre part, il y aura aussi très certainement des Serbes qui viendront déposer contre lui, car, comme le président croate l'a rappelé à plusieurs reprises, il est également responsable devant le peuple serbe lui-même. Il n'y a donc aucune raison pour que cela fragilise nos relations. Par ailleurs, M. Mesic s'est déjà rendu au TPI en qualité de témoin, et cela bien avant de devenir, en janvier 2000, président de la Croatie. A l'époque, cela avait déchaîné l'ire de certains milieux politiques en Croatie, en premier lieu parce qu'il dénonça la politique de Franjo Tudjman en Bosnie. Bien que ce soit un homme intègre que caractérise un franc-parler peu commun, je ne crois pas personnellement qu'il aille une nouvelle fois à La Haye. Il reste tant d'autres témoins qui ont aussi beaucoup à dire.

PARIS - ZAGREB : UNE COOPÉRATION PROMETTEUSE

Milan Bandic et Bertrand Delanoë le 6 novembre 2001 à Paris Première rencontre officielle entre les maires de Paris et de Zagreb, la visite dans la capitale française du 6 au 9 novembre 2001 de M. Milan Bandic, le maire de Zagreb, marque une première étape importante dans le renforcement des liens politiques, culturels et économiques souhaités par les représentants des deux capitales. M. Bandic a d'ailleurs profité de l'occasion qui lui était donnée pour proposer la signature d'un accord de coopération et d'amitié au niveau municipal.
Cette visite fut également l'occasion pour M. Bandic de faire acte de candidature à l'organisation Metropolis qui rassemble 75 grandes villes du monde entier. L’adhésion de Zaghreb a finalement été officialisée à Paris le 18 décembre, à l’Hôtel régional d’Ile-de-France.
Sur le plan commercial, le maire de la capitale croate a rencontré les représentants de grandes entreprises françaises, dont Eiffage, RATP, Alstom, Vivendi Environnement, Europtima, intéressées par des projets de modernisation des infrastructures municipales (réseau des transports en commun, distribution et retraitement des eaux, transport d'énergie, etc.)

Qu'en est-il de vos relations avec vos voisins, la Serbie et la Bosnie ?

Nos relations avec la Bosnie-Herzégovine et la Serbie sont à nos yeux de la plus haute importance. Mis à part deux questions de démarcation frontalière, l'une sur le Danube, l'autre à l'entrée des bouches de Kotor, face au Monténégro, la Croatie n'a avec l'actuelle Yougoslavie aucun litige territorial. En outre, le gouvernement autant que l'opinion publique croates ont salué le changement démocratique qui s'est produit en Serbie après les élections du 24 septembre 2000 et l'éviction de Milosevic. Si les séquelles de la guerre et de l'agression dont la Croatie fut victime en 1991 n'étaient pas toujours aussi palpables, notamment dans certaines régions, le rétablissement de rapports normaux avec une Serbie démocratique aurait sans aucun doute été encore plus rapide. Il y a un réel potentiel à mettre en valeur en développant les relations entre les deux pays. Les hommes d'affaires, qui le savent mieux que d'autres, ont d'ailleurs entrepris les premiers, de part et d'autre, des avancées concrètes dans cette voie.

A propos de la Bosnie-Herzégovine, il convient de rappeler que son indépendance et son intégrité territoriale constituent un préalable aussi bien à une solution politique interne, qu'à la stabilité de la région tout entière. C'est également le point de départ de la politique croate à son égard. Les accords de Dayton, quoique très imparfaits, ont néanmoins établi cette condition première qui ne paraît plus être sérieusement mise en doute. Pour autant le processus d'intégration intérieure demeure des plus fragiles et reste ardu. Ce qui est sûr, c'est que les représentants de la communauté internationale ne se rendent désormais plus à Zagreb pour venir y chercher quelque solution susceptible d'accommoder les Croates de Bosnie-Herzégovine. En tant que cosignataire des Accords de Dayton, la Croatie n'est, certes, pas indifférente à ce qui se passe dans le pays voisin, mais nous pensons que seules les institutions démocratiques locales sont en mesure d'engendrer des solutions consensuelles.

Malgré la fin du règne de Milosevic, son arrestation et son transfert récent devant le TPI, les tensions persistent. Après les menaces de Grande Serbie, craignez-vous celles d'une Grande Albanie qui se profilent dans la crise en Macédoine ?

Stjepan Mesic et Jacques Chirac le 11 mai 2000 à l'Elysée
Après la visite du Président croate Stjepan Mesic en France en mai 2000, la visite du Ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine, en Croatie le 9 novembre 2000, et le Sommet de Zagreb le 24 novembre 2000, la visite du Premier ministre croate, Ivica Racan, à Paris le 14 mai dernier témoigne de la qualité des relations bilatérales et de la volonté des deux pays de les développer.
Ivica Racan et Lionel Jospin, le 14 mai 2001 à Paris Cette visite est intervenue le même jour que le paraphe de l'Accord de stabilisation et d'association entre la Croatie et l'Union européenne. La toute récente visite du Président Chirac à Zagreb, en décembre dernier, a encore accéléré cette dynamique franco-croate prometteuse.

Nul ne sait à ce jour quel sera l'avenir du Kosovo, voire de la partie occidentale de la Macédoine. Une chose est sûre, si les Albanais reproduisaient les erreurs des nationalistes serbes, qui caressaient le rêve de la Grande Serbie, cela aurait pour conséquence de provoquer de nouveaux dégâts matériels et d'engendrer toujours plus de souffrances humaines et, en définitive, ils ne parviendraient pas à éviter un échec tout aussi retentissant. D'une part, la preuve est faite que ce genre de projet politique anachronique n'a pas d'avenir. De l'autre, la communauté internationale a malgré tout acquis une certaine expérience depuis ses balbutiements initiaux en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Elle ne laisserait plus faire, d'autant qu'il y a désormais une présence internationale sur le terrain.

Pour autant le scénario d'une évolution positive reste lui aussi parfaitement envisageable et les élections du 17 novembre au Kosovo apportent une lueur d'espoir. Pourquoi ne pourrait-on pas imaginer que les groupes ethniques albanais du Kosovo, de la Macédoine et d'Albanie elle-même, rassurés sur leurs droits au sein des entités où ils vivent, ne finissent par s'entraîner les uns les autres dans une sorte d'émulation positive que je qualifierais d' "ethnie plurielle", respectueuse autant des similitudes que des nuances propres à chacune des branches de la nation albanaise ? Cela pourrait à l'avenir se traduire par des aménagements institutionnels différents de part et d'autre des frontières fédérales ou nationales actuelles, du moins si elles perdurent, mais il importe avant tout qu'elles ne soient pas modifiées de manière unilatérale, qui plus est de force.

Sur le plan de la sécurité internationale, le Premier ministre croate, Ivica Racan, a rappelé, lors d'une conférence à l'IFRI, que l'objectif fondamental de son pays était de rejoindre l'OTAN. Etes-vous de ceux qui pensent que l'Alliance atlantique est le principal garant de la paix en Europe ? Quel est dans ce cas, selon vous, la place de la politique européenne de sécurité et de défense commune ?

Le port de Rijeka
La côte adriatique de la Croatie est d'une importance vitale pour le tourisme et la navigation maritime, comme l’illustre le port de Rijeka (ci-dessus), en face de la presqu’île d’Istrie. Les stations balnéaires de cette région sont les premières à enregistrer une légère reprise de l'industrie touristique.

L'avantage incontestable de l'Alliance atlantique est qu'elle existe déjà ; à l'inverse, la Politique de sécurité et de défense commune demeure encore largement virtuelle. Compte tenu des développements inopinés de l'actualité internationale, on discute beaucoup ces derniers temps du changement profond du rôle futur de l'OTAN, de sa transformation. Mais cela concerne avant tout la nouvelle donne globale qui semble se mettre aujourd'hui en place, notamment avec le ralliement inattendu de pays comme la Russie, la Chine, voire de l'Iran, à la coalition antiterroriste internationale. En revanche cela ne semble avoir aucune incidence sur le projet qui viserait à établir un partenariat renforcé avec les membres européens de l'Alliance, notamment dans la perspective de l'élargissement à l'Est. Ce n'est donc pas un hasard si quasiment tout le monde en Europe centrale et orientale souhaite rejoindre l'OTAN. Dix pays européens frappent d'ores et déjà à sa porte, et la Croatie ne peut se payer le luxe de rester à l'écart, isolée. Quitte par la suite à prendre la place qui lui revient dans un système défensif européen une fois celui-ci mis en place. Pour l'heure, la Croatie n'en est qu'au stade du "dialogue intensif" avec l'Alliance. La prochaine étape est celle dite du "MAP", pour Membership action plan, lequel constitue le dernier seuil à franchir avant l'adhésion. Elle se trouve néanmoins déjà en partie sous le parapluie otanien, et cela se manifeste notamment par la confiance accrue qu'investisseurs étrangers témoignent depuis au marché croate.

Le passage à l'économie de marché n'a pas été aussi rapide que prévu. Quels sont aujourd'hui encore les freins ? Quelles sont les priorités du gouvernement pour les années à venir ?

Personne n'imaginait que ce passage se révèlerait aussi difficile et qu'il s'accompagnerait au début des années 90 de tant de dérapages. De fait, il a fallu simultanément privatiser et restructurer. Or beaucoup de privatisations avaient alors été menées de manière pour le moins contestable. L'imprécision de la législation et diverses collusions entre acquéreurs peu scrupuleux et décideurs politiques, expliquent que certaines entreprises, grandes et petites, furent parfois par le passé victimes d'escroqueries ou poussées à la faillite. C'est la raison pour laquelle une des principales revendications très largement partagée par l'opinion publique à la veille des élections parlementaires, début janvier 2000, fut précisément la révision systématique de la régularité des privatisations jusque-là accomplies. Les raisons majeures qui, au cours de cette période aujourd'hui révolue, ont conduit à privilégier une forte désindustrialisation du pays, restent encore à identifier. Probablement était-ce la conjonction de la volonté délibérée d'abandonner des programmes qui n'étaient pas rentables, d'une part, et de l'autre, la conséquence d'une attitude que je qualifierais d'"irresponsable", car elle a engendré les effets pervers bien connus du "libéralisme sauvage". Dans ces conditions, les organismes qui gèrent désormais les fonds publics spécialisés font preuve d'une extrême vigilance : ils ne cèdent plus rien avant de s'assurer, avec toutes les garanties que cela suppose, autant de la qualité de la restructuration que de la consolidation mises en œuvre par la société ou le secteur en question. En d'autres termes, ils contrôlent leur aptitude à procéder à une privatisation dans de bonnes conditions.

Lord Robertson, Secrétaire général de l'OTAN, et M. Ivica Racan, Premier ministre croate, le 9 mai 2000
Concernant l’adhésion à l'OTAN, un des objectifs du programme gouvernemental croate pour la période 2000-2004 a déjà été réalisé puisque depuis le 25 mai 2000, la Croatie est membre du Partenariat pour la Paix. Le Secrétaire général de l'OTAN, George Robertson, a exprimé à cette occasion sa satisfaction quant à la politique menée par le nouveau gouvernement, encourageant la Croatie à devenir un exemple pour les autres pays de la région. Cinq jours plus tard, la Croatie a été admise en qualité de membre associé au sein de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, le plus haut degré prévu pour les pays participant au Partenariat pour la Paix. (Photo : Lord Robertson, Secrétaire général de l'OTAN, et M. Ivica Racan, Premier ministre croate).

La Croatie étant un pays à forte vocation touristique, privatiser l'infrastructure touristique apparaît aujourd'hui comme une nécessité à tout le moins pressante. D'autres secteurs conservent en l'état les monopoles : c'est le cas de l'électricité, de la distribution du gaz, des compagnies de transport. Mais là le "mûrissement" s'annonce un peu plus long. Après avoir cédé la majorité des parts de la très prisée compagnie nationale des télécommunications, le gouvernement croate s'apprête aujourd'hui à poursuivre dans cette voie en mettant bientôt sur le marché la plus grande société d'assurance, une partie du principal groupe pétrolier INA, deux ou peut-être trois banques, et, dans la foulée, un certain nombre de sociétés de moindre envergure.

Tandis que 2/3 des investissements étrangers en Croatie proviennent de l'Union européenne, seuls 2 % de ceux-ci sont français. Quelles opportunités commerciales la Croatie offre-t-elle aux industriels français ? Quelle place l'accord de coopération entre PME croates et françaises, mis en chantier lors de la visite en France de Zeljko Pecek, ministre croate chargé des PME, donnera-t-il aux entreprises de l'Hexagone ?

Bien qu'elle ne manque pas de capitaux, la Croatie a, comme la plupart des pays en transition, avant tout besoin d'investissements étrangers. Aussi les réformes législatives, en mettant l'accent sur la transparence des procédures, leur ouvrent-elles désormais une voie plus large. Néanmoins les cadres juridiques de base sont déjà en place : l'accord sur l'encouragement aux investissements a été conclu en 1996, la convention franco-croate tendant à éviter la double imposition entrera en vigueur sous peu, pour ne citer que ceux-là.

Les échanges commerciaux franco-croates, qui représentaient quelque 560 millions de dollars en 2000, sont en constante progression ces dernières années. Au cours des huit premiers mois de 2001, les exportations croates vers la France ont augmenté de 35%, tandis que les exportations françaises enregistraient une baisse de 15%. Pour autant, la France conserve un excédent commercial annuel de l'ordre de 200 millions de dollars vis-à-vis de la Croatie. Néanmoins, bien que la position de la France comme partenaire commercial de la Croatie demeure nettement en retrait par rapport à l'Allemagne ou à l'Italie, premier fournisseur et premier client de la Croatie, elle est en 2000, malgré tout, 6e fournisseur et 7e client, ce qui témoigne d'un accroissement constant et encourageant de nos échanges. La part de marché française, qui est actuellement à 7,1%, pourrait s'améliorer notamment dans les biens de consommation et dans l'agroalimentaire, secteurs où la pénétration est faible. En outre, un des objectifs stratégiques de la Croatie est le développement de ses infrastructures touristiques. Les entreprises françaises spécialisées dans ce secteur, dont le savoir-faire est reconnu, seront soutenues par notre gouvernement, pour peu qu'elles améliorent la qualité de l'offre et contribuent à la lutte contre le chômage.

BIOGRAPHIE

S.E. M. Bozidar GAGRO
Né en 1938 à Hodbina, en Bosnie-Herzégovine, S.E.M. Bozidar Gagro est diplômé de la Faculté des Lettres de l'Université de Zagreb en 1960. Enseignant à la même Faculté de 1960 à 1982, il a publié un certain nombre d'écrits au cours de cette période dans les domaines de l'histoire et de la critique d'art, ainsi que différentes traductions du français et de l'italien. Il a ensuite assumé de nombreuses fonctions au sein des organisations internationales dont l'UNESCO en qualité de consultant avec plusieurs missions en Afrique. Ministre de l'Education et de la Culture, membre du Gouvernement de la République socialiste de Croatie de 1982 à 1987, il fut ensuite successivement Ambassadeur de l'ex-Yougoslavie à Paris de 1988 à 1991 (il démissionnera de ce poste au mois de septembre de 1991), Vice-Ministre des Affaires étrangères de la République de Croatie indépendante de 1991 à 1992, Ambassadeur, représentant plénipotentiaire de la République de Croatie auprès du Conseil de l'Europe et du Parlement européen à Strasbourg de 1993 à 1996, puis Ambassadeur de la République de Croatie au Maroc de 1996 à 2000, avant d'assumer ses fonctions en France depuis le 6 novembre 2001.

 

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