NOTE :
pour des raisons techniques il est impossible de faire apparaître
simultanément sur une même page web (hors images)
les lettres propres au français (ç, à,
ù, , etc.) et celles propres au croate (cf.
tableau plus bas). En conséquence, nous adopterons
sur cette page les conventions suivantes :
= cx,
= cz, = dx,
=
dj, = sx,
= zx.
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La langue croate
LES LANGUES PARLÉES EN CROATIE |
La
plupart des Croates parlent au moins une langue
étrangère. Si l'anglais est la
plus répandue, l'italien est également
fréquemment parlée sur la côte
dalmate et en Istrie, tandis que l'allemand est
privilégié au nord, dans la région
de Zagreb ou en Slavonie. Le français,
quant lui, a hélas enregistré un
recul ces dernières années, et
demeure surtout parlé par l'élite
intellectuelle.
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Langue
officielle de la Croatie, le croate fait partie des
langues slaves. Plus précisément, le
croate appartient à la famille des langues sud-slaves
(qui comprend également le bosniaque, le bulgare le
macédonien, le serbe et le slovène).
La
langue croate regroupe trois dialectes (sxtokavien occidental,
kajkavien et cxakavien) ainsi dénommés par référence
à la forme prise par le pronom interrogatif quoi :
kaj, cxa et sxto.
Le
kajkavien est parlé au nord de Zagreb,
le cxakavien à l’ouest (Istrie
et îles au nord de Korcula), tandis que le stokavien occidental
est parlé partout ailleurs (Slavonie, Centre,
Lika, Dalmatie). Le sxtokavien occidental (ou sxtokavien
croate) est lui-même divisé en deux sous-groupes (ikavien
et ijékavien) selon la prononciation de la voyelle « jat »
du slave commun. Il s'étend au-delà des frontières
de la Croatie et est notamment parlé par les Croates de Bosnie-Herzégovine.
C’est
la variante du stokavien-ijékavien qui sert
de base à la langue littéraire croate, codifiée
dès 1604 par le jésuite Bartol Kasic
[1575-1650] dans sa Grammaire et son Dictionnaire
croate-italien (1599), et employée dans
sa Bible (1636) et son Rituel romain
(1640) - qui resta en usage jusqu'en 1924. L'orthographe
croate fut quant à elle définitivement
fixée et standardisée au milieu du XIXe
siècle, sous l’impulsion notamment de Ljudevit Gaj,
figure éminente du renouveau national croate, dit « mouvement
illyrien ».
« Croate » ou « serbo-croate » ?
Le
terme « serbo-croate » est parfois employé, par mégarde
ou par erreur, pour désigner indistinctement le croate et le serbe,
qui demeurent des langues proches mais néanmoins différentes.
Cette distinction ancienne, antérieure à l'instauration
de la Yougoslavie (1918-1991), a perduré avec plus ou moins
de succès sous le régime communiste yougoslave (1945-1991)
puisque quatre langues officielles étaient malgré tout
reconnues comme telles : d’une part, le slovène et le croate,
qui s’écrivent en caractères latins, et d’autre part, le macédonien
et le serbe, qui s’écrivent en caractères cyrilliques. Ainsi ces
quatre langues apparaissaient en effet simultanément sur
les billets de banques yougoslaves en cours jusqu'en 1991.
Pour
des raisons moins linguistiques que politiques et idéologiques
que l'on peut comprendre, la direction communiste yougoslave avait
entrepris d’exploiter la proximité du serbe et du croate pour
tenter de les fusionner en une langue unique au mépris de leurs
traditions littéraires respectives. Ce projet resta néanmoins
sans lendemain : Croates et Serbes continuèrent à
employer chacun leur langue, si ce n’est que l'on observa une
recrudescence de barbarismes et d'emprunts de part et d’autre.
Le régime tenta toutefois d'imposer, avec un certain succès,
l'appellation hybride de serbo-croate (en Serbie) et de croato-serbe
(en Croatie).
Depuis
la transition démocratique en 1990, le croate est redevenu
l'appellation de la langue officielle en Croatie. Par le passé,
après des siècles d'usage du latin au Sabor
(Parlement croate), le croate était une première
fois devenu langue officielle en Croatie dès 1847.
Langue,
diasystème et norme. Il n'en reste pas moins que le
croate et le serbe demeurent deux langues très proches,
permettant aux locuteurs des deux langues de communiquer sans
grandes difficultés. Pour caractériser cette intercompréhension
qui existe entre les sxtokaviens croates et les locuteurs
serbes et souligner en même temps les différences notables qui
existent sur le plan grammatical, les linguistes préfèrent
le terme de diasystème au terme langue, jugé
trop vague. De ce point de vue, tout en demeurant disctincts,
le croate et le serbe appartiennent au même diasystème.
D'autre couples de langues européennes appartiennent à
un même diasystème : c'est le cas du danois et du
norvégien, ou du bulgare et du macédonien, parmi d'autres.
Néanmoins,
lorsque par le terme langue ils font référence à une langue
écrite standardisée et codifiée par une grammaire propre, les
linguistes préfèrent le terme consacré de
norme. Le croate et le serbe possèdent chacun leur propre
grammaire, une orthographe et un alphabet distincts, autrement
dit, deux normes différentes. En outre, leur vocabulaire,
s’il demeure très proche n’en diffère pas moins de plusieurs dizaines
de milliers de termes.
En
résumé , le croate et le serbe forment bien deux
langues distinctes, codifiées par deux grammaires propres.
Elles appartiennent néanmoins au même diasystème, à
l'intérieur du groupe des langues sud-slaves.
Dans
une interview publiée dans les Cahiers croates (Paris,
1998), Claude Hagège, qui occupe la chaire de linguistique
au Collège de France, déclarait ainsi : « la
différence entre le serbe et le croate n’est pas une
plaisanterie (...) la désignation ’serbo-croate’ de
la tradition française reposait sur un malentendu.
(...) et pas en seulement en France, il y avait de
solides traditions reflétées par le terme ’serbo-croate’ :
pour les remettre en cause, il fallait un esprit qui
accepte de s’ouvrir ».
Selon
le recensement de mars 2001 en Croatie, le croate constitue
la langue maternelle de 96,12 % de la population, et le serbe,
celle de 1,01 % des habitants. En outre, 0,11 % des
personnes recensées ont inscrit le "serbo-croate"
pour langue maternelle et 0,05 %, le "croato-serbe".
Pour en
savoir plus :
Le croate et le serbe : illusions et falsifications
M. Kacic, éd. Honoré Champion, Bibliothèque de grammaire et de linguistique,
Paris, 2000.
L’alphabet croate
Du IXe
à la fin du XVe siècle, et pour certaines régions côtières jusqu’au début du XIXe
siècle, le croate s’écrivait en caractères glagolitiques. Le croate moderne s’écrit
quant à lui en caractères latins et utilise 30 lettres.
Comme on
le voit, huit lettres diffèrent de celles employées dans l’alphabet
français (cinq lettres « simples » : cx, cz,
dj, sx, zx (cf.
note en début de page) et trois lettres « doubles »
ou digrammes : dzx, lj, nj).
Par ailleurs, quatre lettres figurant dans l’alphabet français
(q, x, y et w) ne sont pas employées par l’alphabet
croate, sauf pour l’orthographe des mots étrangers.
La convention
adoptée est celle de l’orthographe phonétique, ce qui signifie
qu’à la différence des orthographes étymologiques, chaque lettre
se prononce, c’est-à-dire qu’aucune n’est muette, et chacun des
signes employés correspond à un seul son (phonème). Les
digrammes dzx, lj et nj n’échappent
pas à cette règle et représentent chacun une seule lettre et un
seul phonème.
VOYELLES
– Le croate n’a que cinq voyelles : a, e, i, o, u. Leur prononciation
est neutre du point de vue du degré d’aperture. La voyelle notée e se prononce
d’une manière intermédiaire entre les voyelles françaises des mots féé
et fait, et la voyelle notée o se situe entre les voyelles que les
Français réalisent dans pot d’une part et dans pote de l’autre.
De même, la voyelle croate a se situe quelque part entre les voyelles françaises
des mots tels que patte et pâte.
CONSONNES
– La prononciation des consonnes croates est ferme et nette. Les
consonnes qui sont communes à la phonologie et à l’alphabet français
et croate (b, d, f, g, k, l, m, n, p, s, t, v, z)
sont prononcées exactement de la même manière dans les deux langues.
Aucun problème non plus quant à la prononciation des consonnes
que les Français notent par les graphies ch, gn et j
(ou g suivi de e, i ou y). Les Croates les
notent par les signes, respectivement, sx (*),
nj et zx (*).
En revanche
et à la différence du français, le h croate se prononce et se situe entre
le h de half en anglais et le j espagnol dans mejor.
Ensuite, le r croate n’est pas comme en français guttural, mais apical
ou « roulé ». Considéré comme une semi-voyelle, il permet la prononciation
du groupe des trois, quatre, cinq voire six ! consonnes qui l’encadrent :
sa prononciation s’approche alors du son français « eur », comme c’est
la cas dans crv « tseurv », prst « peurst »
ou cxvrst « tchveurst ». Enfin, le lj croate est intermédiaire
entre les sons français « l » et « lië ».
Prononciation
Majuscule
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Minuscule
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Valeur phonique
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Majuscule
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Minuscule
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Valeur phonique
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a
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l
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b
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l mouillé (> banlieue)
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ts (> tsar)
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m
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tch dur (> tchao)
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n
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tch mouillé
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gn
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d
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o
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dj dur (> djellaba)
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p
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dj mouillé
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r, ’eur’ entre
2 consonnes
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è
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s
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f
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ch
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g (jamais j)
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t
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j de l’espagnol
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ou
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i
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v
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y consonantique (> yoga)
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z
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k
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|
j
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L'ALPHABET
GLAGOLITIQUE |
Il
a été inventé au IXe siècle,
probablement par saint Cyrille et son frère saint
Méthode, afin de traduire du grec les Evangiles en
slavon, ou vieux slave écclésiastique. Jamais
utilisée dans les autres pays slaves, ou bien cessant
de l'être au XIIe siècle, cette écriture
demeura prédominante dans les contrées croates
jusqu'à la fin du XVe siècle et son usage
perdura dans certaines communautés religieuses de
Dalmatie et d'Istrie jusqu'au XIXe siècle.
Les
plus vieux textes glagolitiques croates conservés
datent du XIe siècle. La plupart sont gravés
dans la pierre, comme celui de la stèle de Baska.
Elle est remarquable par ses dimensions et par l'importance
du texte qui, pour la première fois, mentionne la
nation croate. Plus étonnant, le Texte
du Sacre sur lequel les rois de France prêtaient
serment à Reims était également partiellement
rédigé en glagolitique croate.
Dès leur christianisation, les Croates
utilisèrent le slavon et l'écriture
glagolitique dans leur liturgie - tandis que
les slaves orthodoxes écrivaient en cyrillique.
Seuls catholiques européens autorisés
par Rome à ne pas se servir du latin ni
de l'alphabet romain dans la liturgie, les Croates
imprimèrent le premier missel
en caractères glagolitiques en 1483.
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