Le
Parisien, 19/05/2001
ENTRETIEN
« Je témoignerai contre Milosevic
»
Stipe MESIC, président de
la Croatie
Zagreb (envoyé spécial)
Dernier président de la Fédération yougoslave (avant son éclatement en
1991) et président de la Croatie depuis février 2000, Stipe Mesic, a bien connu
Slobodan Milosevic. Aujourd'hui, alors que l’ancien leader serbe est emprisonné
à Belgrade depuis le 1er avril et est poursuivi par le Tribunal pénal international
(TPI) de La Haye pour « crimes de guerre », Stipe Mesic estime que « Milosevic
doit répondre de ses crimes ».
Vous aviez dit à Milosevic, il y a dix ans, qu’il finirait pendu. Aujourd'hui,
il est en prison, mais doit-il être jugé à Belgrade ou à La Haye ?
Stipe Mesic. – C’est son propre peuple qui le pendra, avais-je dit. Aujourd'hui,
je pense que Milosevic doit être traduit en justice et à Belgrade et à La Haye.
A Belgrade, il doit répondre pour ce qu’il a fait à son peuple : pillé le pays,
triché aux élections et entraîné la Serbie dans quatre guerres qu’il a toutes
perdues. Mais, il faut aussi le juger à La Haye pour les crimes qu’il a commis
en Croatie, en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo. Il doit répondre de tous les crimes
de guerre commis par son armée et du génocide perpétré au Kosovo.
Seriez-vous prêt à témoigner contre lui devant le TPI ?
Certainement. La chute de Milosevic n’était qu’un premier pas que la Serbie se
devait de faire. Le deuxième sera d’identifier et de traduire en justice tous
ceux qui ont commis des crimes. Ce qui a été fait par le Tribunal de Nuremberg
au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, doit être fait aussi dans les Balkans.
Ce n’est qu’à ce prix que la haine entre nos peuples disparaîtra. C’est pour cela
qu’il doit finir et qu’il finira devant le Tribunal pénal international.
Que lui reprochez-vous ?
Il n’avait qu’un but : réaliser une Grande
Serbie ethniquement pure ! Il a essayé de tromper tout le monde,
en affirmant qu’il luttait alors pour la survie de la Yougoslavie.
Or, pour en avoir été le témoin, Milosevic a tout fait pour que
la Yougoslavie disparaisse au plus vite afin de créer à sa place
la Grande Serbie.
Mais les Croates – certains sont recherchés par le TPI – n’ont-ils pas aussi
commis des crimes de guerre ?
Tous ceux qui ont commis des crimes doivent en répondre. Même les Croates. Car
il n’y a pas d’intérêts nationaux qui puissent les justifier. Je suis prêt, quant
à moi, à demander pardon pour le moindre crime commis par un Croate.
Propos recueillis par Bruno Fanucchi |