La
Croatie dans la fédération yougoslave communiste
1986
La
croisade grand-serbe de Milosevic
1991
La
guerre et lindépendance de la Croatie
1995
La
victoire militaire croate et le retour de la paix
2000
« Laprès-Tudjman »
Établissement
des Croates et premiers royaumes
Du
néolithique à la Haute Antiquité
Au
néolithique, trois civilisations sont présentes
sur le territoire bordé par la Drave, le Danube,
la Drina et l'Adriatique : celle de Vucedol (Slavonie
actuelle), celle de Butmir (Bosnie actuelle) et celle
de Hvar (Dalmatie).
Illyres, Celtes, Grecs et Romains. Après
l'installation des Illyres (XIIe s. av. JC) le territoire
connaîtra celle des Celtes (Ve siècle).
Parallèlement, les Grecs colonisent la côte
adriatique et y fondent les premières cités
: Corcyra Negra (Korcula), Epidaure (Cavtat), Issa
(Vis), Pharos (Hvar), Tragurion (Trogir)... Après
deux siècles de résistance farouche des
tribus illyriennes (victoire des Delmates sur César
en 50), les Romains pacifient l'Illyrie en 27 ap. JC.
395
Partage
de lEmpire Romain par l'empereur Théodose.
Ve-VIe s.
Invasions
barbares (Ostrogoths, Avars)
VIIe-VIIIe s.
Installation
sur les rives de l'Adriatique. Quittant l'éphémère
"Croatie blanche" établie autour de
l'actuelle Cracovie, dans le sud de la Pologne, les
Croates se déplacent vers le sud, à la
faveur des grandes migrations slaves. Ils sinstallent
sur les terres de lancien Illyricum romain (Illyrie)
à louest de la ligne de Théodose, dans les contrées
croates et bosniaques actuelles, entre Drave et Adriatique,
d'où ils repoussent les Avars (799) et où
ils s'imposent aux Illyriens et autres populations
autochtones romanisées. Intégrés
dans la sphère culturelle romaine, ils sont
les premiers slaves à se convertir au christianisme.
IXe s.
Duchés
croates. Sur les marches sud-est de l'empire carolingien,
ils fondent trois banats (duchés) : la Croatie
blanche, la Croatie rouge et la Croatie pannonienne,
à la tête desquels se trouvent des bans, notamment
Vojnomir, Ljudevit, Borna, Trpimir [845-864] (Dux Croatorum),
Domagoj (864-876) et Branimir [879-892], reconnu prince
de Croatie en 879 par le Pape Jean VIII.
Xe-XIe s.
Premier
royaume. Réunifiant ces territoires, Tomislav se
proclame roi et fonde en 925 un puissant royaume,
qui atteindra son apogée au siècle suivant,
sous Pierre Kresimir IV [1058-1074]. La mort de son
successeur, Zvonimir [1075-1089], couronné "roi
de Croatie et de Dalmatie" par un légat
du pape, annonce le déclin de la dynastie nationale
croate des Trpimirovici. A cette même époque, Rome
accorde aux Croates le privilège unique demployer
dans la liturgie, aux côtés du latin,
leur langue, qui s'écrit alors en caractères glagolitiques.
1054
Schisme
chrétien. Le schisme d'Orient brise l'unité
de la communion entre l'Eglise de Rome, à laquelle
la Croatie demeure attachée, et l'Eglise byzantine,
dépendant de Constantinople. Désormais
la frontière entre chrétiens catholiques
et orthodoxes passe entre la Croatie, à l'ouest,
et la Bulgarie et les duchés serbes, à
l'est.
1094
Fondation
de l'évêché de Zagreb, actuelle
capitale croate.
Unis
à la couronne hongroise
1102
Union
personnelle avec la Hongrie. Soumis partiellement
par la Hongrie, les nobles croates obtiennent de celle-ci
la signature dun traité (Pacta Conventa) qui
associe le royaume de Croatie à la couronne de saint
Etienne par une « union personnelle ». En
vertu de cet accord, le royaume croate sera gouverné
par un ban (vice-roi), tout en conservant son Sabor
(diète) et son armée. Malgré des relations parfois
tendues entre les deux royaumes, leur union ne prendra
fin qu'en 1918.
1137
Emancipation
de la Bosnie. Les seigneurs de Bosnie (Rama) sassocient
à leur tour au royaume de Hongrie-Croatie dont le souverain
porte désormais aussi le titre de « Rex Ramae ».
1202
Rivalité
vénitienne. Détournant à leur profit la
IVe croisade, les Vénitiens, qui la convoitent depuis
longtemps, semparent de Zadar, la plus importante
ville côtière de Dalmatie
supérieure. En 1205, la ville libre de Dubrovnik,
plus au sud, reconnaît la suzeraineté
de Venise.
1222
André
II est contraint d'adopter la fameuse « Bulle
dor » réduisant son absolutisme en autorisant
la noblesse croate et hongroise à se soulever
contre lui s'il enfreint la loi. Elle servira de charte
de couronnement des souverains hungaro-croate jusqu'au
XVIIe siècle.
1242
Après
avoir dévasté la Hongrie, les Tatars
sont repoussés à Grobnik, non loin de
Rijeka. Bela IV, roi de Hongrie et de Croatie, accorde
à Zagreb le statut de « ville royale libre ».
1301
Les
Anjou sur le trône hungaro-croate. Alors
que la dynastie hongroise des Arpad est en pleine décadence,
les influents princes croates de Bribir, détenteurs
du titre héréditaire de ban de Croatie
et de Dalmatie, parviennent à imposer leurs
vues en faisant accéder Charles Robert dAnjou
au trône de Hongrie-Croatie. Les Anjou favorisent en
Croatie l'essor des villes, y introduisent la chevalerie,
codifient l'héraldique, renforcent le rôle
de la petite noblesse et réunifient toute la
Dalmatie aux terres croates.
1358
Scellant la défaite des Vénitiens face au roi de Hongrie-Croatie,
Louis d'Anjou, la paix de Zadar marque la réunification
de la Dalmatie à la couronne croate au sein du royaume
commun. La République de Raguse (Dubrovnik)
reconnaît la suzeraineté hungaro-croate.
1377
La province de Bosnie sémancipe définitivement
de la tutelle hungaro-croate et devient un royaume
indépendant sous la dynastie des Kotromanic, lequel
s'étend même pendant quelques décennies
sur la Dalmatie.
1397
« Sabor
sanglant de Krizevci » : Après que
le roi Sigismond eut été donné
pour mort à la bataille de Nicopolis face aux
Turcs, plusieurs seigneurs croates qui lui étaient
hostiles saisirent l'occasion pour faire monter, en
hâte, Ladislas de Naples sur le trône de
Hongrie-Croatie. Après son retour inopiné,
Sigismond punit leur « trahison » d'une manière
particulièrement sanglante.
1409
La
Dalmatie cédée à Venise. Affaibli
par des luttes dynastiques, Ladislas le Magnanime de
Hongrie cède Zadar et toute la Dalmatie
croate à la République de Venise pour 100 000 sequins.
Dès lors le centre de gravité de la Croatie,
jusqu'alors en Dalmatie, se déplace vers le
nord, à Zagreb. A partir de 1420, la Cité
des Doges assoira durablement sa tutelle sur cette
contrée croate : la "Sérénissime"
ne s'en retirera qu'en 1797, lorsque Napoléon
mettra un terme au rayonnement du Lion de St-Marc.
1463
Invasion
de la Bosnie et de l'Herzégovine par les Turcs.
Les Ottomans semparent de la Bosnie voisine,
presque sans livrer bataille, puis, en 1482, cest
au tour de lHerzégovine de succomber. Débute
alors dans les terres conquises l'islamisation progressive
de la population locale, jusqu'alors constituée
en grande majorité de catholiques ou de krstjani,
ces adeptes d'un culte manichéiste schismatique
(l'Eglise de Bosnie), proche de l'hérésie
cathare. Les armées turques se retrouvent dès
lors aux frontières orientales de la Croatie,
plaçant celle-ci aux avant-postes de l'Europe
chrétienne.
1483
La
haute Renaissance en Dalmatie. Moins de trente
ans après la Bible de Gutenberg, le premier missel
en caractères glagolitiques croates est imprimé
à Senj, au sud de Rijeka. Face à la pression
ottomane, les élites humanistes de la côte
adriatique soulignent leur attachement à la
sphère culturelle occidentale en développant
des échanges artistiques avec les grands foyers
de création voisins. C'est ainsi qu'elles sont
les premières à importer le style Renaissance
hors d'Italie, notamment à Dubrovnik et en Dalmatie,
dès la seconde moitié du XVe siècle.
1493
Bataille
de Krbava. Après la Bosnie et lHerzégovine
voisines, les Turcs attaquent et peu à peu conquièrent
de vastes territoires croates (Slavonie, Lika, arrière-pays
dalmate). La bataille de Krbava (Corbavie), véritable
« Azincourt croate » où périt la fleur de
la noblesse croate, marque le début de lamputation
par les Ottomans de près de la moitié
de la Croatie, suivie de lislamisation de la
population locale (tout particulièrement dans
la région alors dite de la « Croatie turque »,
c'est-à-dire le territoire situé entre
les rivières Una et Vrbas - entre Banja Luka
et Bihac, dans la Bosnie actuelle).
1510
Le
pape Léon X attribue le titre de rempart de
la chrétienté (antemurale christianitatis)
au royaume de Croatie.
1526
Bataille
de Mohàcs. La victoire des Turcs à
Mohàcs leur permet de s'emparer de la majeure partie
de la Hongrie, de sa capitale, Buda, et de toute la
Slavonie croate.
Habsbourg,
Vénitiens et Ottomans
1527
L'empereur
d'Autriche suzerain croate. Cherchant au lendemain
de la défaite de Mohàcs, qui décapita
la dynastie magyare, à se mettre sous l'aile
d'un suzerain de taille à résister aux
Ottomans, le Sabor (diète croate),
réuni à Cetin, désigne Ferdinand de Habsbourg pour
roi de Croatie, mais ne révoque pas les Pacta
Conventa qui l'unissent à la Hongrie. Débute
alors lère habsbourgeoise des pays de la Croatie
continentale, tandis que la Dalmatie demeure vénitienne.
Pendant ce temps, les armées turques poursuivent leur
progression vers le nord-ouest et prennent, en 1537,
la forteresse de Klis, porte continentale juchée
sur les hauteurs de Split.
1541
Après
Buda, prise en 1526, Pest tombe à son tour aux
mains des Turcs. La capitale hongroise ne sera libérée
qu'en 1686. Zagreb, quant à elle, restera menacée
pendant trois siècles, mais ne sera jamais prise.
1559
Confins
militaires croates. Les Confins militaires de Croatie,
organisés en plusieurs capitaineries, sont placés
sous l'autorité directe du monarque autrichien.
1566
Résistance
aux Ottomans. Lhéroïque défense de la place
forte de Siget (Szeged) par Nikola Subic Zrinski, assiégée
par les Turcs, retentit d'ans toute l'Europe chrétienne.
Avec seulement 1200 hommes Zrinski parvient à détourner
de Vienne une armada ottomane forte de 300 000
hommes, commandée par Soliman le Magnifique,
qui trouva la mort pendant le siège. Deux jours
plus tard, Zrinski périt à son tour lors
d'une sortie désespérée, sabre
au clair, menée après 35 jours de siège
à la tête des 217 survivants.
1573
Les
jacqueries paysannes du nord
de la Croatie sont étouffées dans le sang et le
meneur de la révolte, Matija Gubec, est brûlé vif.
1593
Victoire
de Sisak. Victoire à Sisak contre les Turcs. À
cette époque la Croatie est réduite aux « Reliquiæ
reliquiarum » (les restes des restes du jadis
glorieux royaume croate), cest-à-dire au tiers
de sa superficie actuelle, à louest dune
ligne Karlobag-Karlovac-Virovitica.
1615
Guerre
des Uskoks. Guerre austro-vénitienne dite « guerre
des Uskoks », du nom des guerriers croates protégés
par Vienne qui, fuyant les avancées des armées
turques, ont trouvé refuge dans la région
de Senj en 1537. Les raids de représailles quils
lançaient, dabord contre les Ottomans puis, sept
décennies durant, contre la flotte commerçante vénitienne,
furent la principale cause du conflit. Après
la « paix des Uskoks », conclue en 1617,
les Habsbourg les dispersèrent à lintérieur
des terres.
1618-1648
Guerre
de Trente Ans. Lors de la guerre de Trente Ans,
des régiments de cavaliers croates servent dans larmée
royale de Louis XIII et de Louis XIV. Ils participèrent
notamment aux victoires de Rocroi (1643) et de Nördlingen
(1645), sous le commandement du duc d'Enghien. Ils
seront par la même occasion à lorigine de lengouement
de la Cour de Versailles pour la cravate, cet accessoire
original de leur uniforme, qui connaîtra par la suite
un succès inespéré, en s'imposant à la mode
masculine occidentale.
1630
Statuta
Valachorum. Vienne codifie les droits et devoirs
(Statuta Valachorum) des habitants, Valaques orthodoxes
pour la plupart, des Confins militaires (ou Croatie
militaire). Etablie à partir de 1559 sur le
territoire croate le long de la ligne de front avec
l'armée turque, cette étroite bande de territoire
à vocation défensive, est placée sous lautorité
directe de lEmpereur dAutriche. Aux côté
des Croates dont le nombre s'amenuise, des populations
nomades balkaniques y sont peu à peu installées.
Au fil des siècles, celles-ci seront pour une large
part serbisées sous laction énergique de lÉglise
orthodoxe serbe. Les Confins Militaires ne seront abolis
quen 1881.
1647
Nikola
Zrinski. La Croatie civile et la Croatie militaire
(Confins militaires) sont placées sous l'autorité
de Nikola Zrinski, à la fois ban de Croatie
et colonel-général de la frontière.
Les victoires de champion de la lutte contre les Turcs
lui valent une réputation européenne
("le fléau de l'empire ottoman"),
notamment en France où ses exploits sont connus
de Louis XIV.
1664-1669
Conspiration avec la France. Correspondance secrète
entre le ban de Croatie (Nikola Zrinski puis son frère
Petar [Pierre] Zrinski) et les diplomates français en
poste à Venise et à Vienne. Projet d'insurrection anti-Habsbourg
en Croatie et en Hongrie. Demandes d'un soutien militaire
français.
1671
Exécution
de Zrinski et Frankopan. Exécution près de Vienne
des deux magnats croates, le comte Petar Zrinski et
le marquis Fran Krsto Frankopan, instigateurs infortunés
dune insurrection avortée visant à soustraire
les terres croates à labsolutisme impérial. La
restriction de la juridiction du Sabor, limitée
désormais à la Croatie civile (ce qui exclut
les Confins militaires), est à lorigine de cette
conspiration anti-autrichienne. La noblesse croate
y verra, après la paix désastreuse de Vasvár
(1664) conclue avec les Turcs, un nouvel abus de l'allégeance
librement consentie en 1527 par
les Croates à la Maison d'Autriche.
1699
Reflux
des Ottomans. Après léchec du siège de Vienne
en 1683, les grandes victoires des armées impériales
sur les Turcs permettent à la Croatie de recouvrer
ses terres orientales (Slavonie)
jusquà Zemun (Sirmie), au confluent de la Save
dans le Danube (traité de Karlowitz, 1699). De cette
époque date la majeure partie du tracé frontalier
actuel entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine.
Il a été confirmé en 1739 (traité
de Belgrade).
1706
Le
baron Joseph Vojnovic, agent du prince hongrois Rakoczy,
tente en vain de soulever la Croatie contre les Habsbourg
et sollicite un appui militaire français.
1712
Pragmatique
sanction. Réaffirmant son autonomie à
l'égard de la Hongrie, le Sabor adopte la Pragmatique
sanction autorisant, en l'absence dhéritier
masculin, la descendance féminine de la maison royale
des Habsbourg à accéder au trône croate.
1718
Paix
de Passarowitz (1718). Cherchant à ménager
la puissance turque et à l'interposer entre
les territoires vénitiens et les leurs, les
patriciens ragusains cèdent à lEmpire
ottoman les territoires d'Herceg Novi et de Neum (ce
dernier constitue encore aujourdhui laccès
de la Bosnie-Herzégovine à la mer :
vestige historique, il interrompt aujourd'hui sur 5 km
la route côtière entre Split et Dubrovnik).
1797
Venise
restitue la Dalmatie. Après la disparition de la
Sérénissime République, le traité de Campoformio octroie
la Dalmatie et lIstrie, vénitiennes depuis 1409,
à lempire dAutriche, ouvrant la voie à
une réunification du royaume Triunitaire de
Croatie-Slavonie-Dalmatie.
Napoléon
et le réveil national croate
1806
Dans
l'empire français. Néanmoins, au
cours de la première période de l'administration
française (1806-1809), la Dalmatie fut annexée
au Royaume d'Italie. Afin de calmer le mécontentement
de la population croate, le commandant militaire de
la province nommé par Napoléon, le général
Auguste Marmont, prendra toute une série de
mesures en faveur du développement économique
et social de la Dalmatie. Ainsi ouvre-t-il de nombreuses
écoles, relie les villes entre elles par la
construction d'un réseau routier terrestre et
côtier, modernise de l'agriculture, l'élevage
et la pêche, introduit la garde forestière,
fonde des ateliers industriels, crée un service
des postes régulier, rénove le théâtre
de Dubrovnik, finance la publication de la grammaire
croate d'Appendini, publie le premier journal officiel
bilingue (Kraglski Dalmatin) et rassemble
les intellectuels. En contrepartie, il prend des mesure
moins populaires en instaurant impôts, taxes
et réquisition pour les besoins de l'Armée
de Dalmatie (16 000 hommes en 1809 pour une population
de 255 750 habitants).
1809
Les
Provinces Illyriennes. Après la victoire
de Wagram et le traité de Schönbrunn (14
octobre), l'Autriche doit céder à la
France les territoires au sud de la Save, soit la moitié
méridionale de la Croatie, qui sont intégrés
dans les « Provinces Illyriennes » de Napoléon
[1809-1813]. Leur établissement marque aussi
la fin de la République de Raguse (Dubrovnik), dont
le gouvernement est dissous le 31 janvier 1808. Imprégnés
des idéaux de la Révolution, les Français
introduisent en Croatie le Code Civil et l'égalité
devant la justice, instaurent les principes du Concordat
et le mariage civil, abolissent les privilèges,
les corporations et la dîme, dénationalisent
les terres au profit de la paysannerie, construisent
les routes Knin-Dubrovnik, Sibenik-Split, Karlovac-Rijeka,
et fondent une Ecole supérieure (Zadar) et de
nombreux lycées, écoles secondaires (gymnases)
et écoles primaires. Ils introduisent l'enseignement
en croate à l'école et encouragent la
standardisation de la langue croate,
que le maréchal Marmont, gouverneur des Provinces
Illyriennes, souhaitait voir devenir langue officielle.
Le premier dictionnaire français-croate est
publié en 1812.
Dans
le même temps, plusieurs régiments
croates se distinguent par leurs faits darmes
en participant aux campagnes militaires de la Grande
armée. En 1812, les régiments du général
Sljivaric défendent ainsi la retraite lors du
passage de la Berezina.
Dans
le nord de la Croatie, restée en dehors de l'empire
français, la politique de magyarisation, tendant
notamment à imposer le hongrois comme langue
officielle, se heurte à l'hostilité du
Sabor.
1815
Division
de la Croatie. La fin de l'ère napoléonienne,
dont l'empire est dépecé au Congrès de
Vienne, n'aboutit pas à la réunification
tant espérée des terres croates :
la Dalmatie, l'Istrie et les autres territoires « illyriens »
retournent à l'empire austro-hongrois. Néanmoins,
le Royaume de Croatie, dont l'existence est virtuellement
reconnue, est de facto scindé en deux,
puisque la Dalmatie et la Croatie militaire sont rattachées
à la maison d'Autriche, la Croatie-Slavonie
à la Hongrie. S'engage alors un siècle
de lutte politique pour la réunification du
territoire national.
1830
Le
Renouveau croate. A la politique de magyarisation
répond le mouvement du renouveau culturel et
politique croate [1830-1848], sous l'impulsion de Ljudevit
Gaj, père de l'orthographe croate moderne et
de l' "Illyrisme". Prônant une
union des Slaves du Sud (que l'on tenait alors pour
les héritiers des Illyriens de l'Antiquité),
ce mouvement culturel trouvait son inspiration à
la fois dans le romantisme allemand qui exaltait le
principe des nationalités et de l'unité
linguistique, dans les idées révolutionnaires
françaises ainsi que dans le panslavisme.
1832
Langue croate. Le comte Janko Draskovic réclame
dans sa Dissertation la réunification de tous
les territoires croates, la constitution dun
gouvernement autonome et ladoption de la langue
croate comme langue officielle. Ce premier programme
politique, rédigé dans le dialecte stokavien de la
langue croate, servira par la suite de base lors de
la standardisation de la langue littéraire croate.
1835
Hymne
croate. Le poème Horvatska domovina
(La Patrie croate) de Antun Mihanovic, dont les vers
deviendront en 1891 ceux de l'hymne
croate, est publié par Lj. Gaj dans
le premier journal en croate, Novine Horvatske.
Ferdinand
IV succède à François Ier de Habsbourg
à la tête de la Maison d'Autriche.
1839
Création
de Matica ilirska, la plus ancienne société
culturelle croate, qui deviendra en 1874 Matica hrvatska.
1841
Création
du parti hungaro-croate, rassemblant les partisans du
centralisme hongrois, dits "magyarins".
1842
Le
parti des Illyriens remporte les élections régionales
dans le nord de la Croatie, mais l'empereur interdit
le parti (et jusqu'en 1845 toute référence à l' "illyrisme"),
lequel est rebaptisé Parti populaire.
1844
Projet
expansionniste. Ilija Garasanin, ministre de l'Intérieur
de la principauté de Serbie, rédige un
programme confidentiel (Nacertanije) d'action
politique et d'expansion territorial ayant pour objectif
l'établissement d'une Grande Serbie. Compte tenu
de l'influence qu'il exercera sur les orientations politiques
de Belgrade, ce plan aura longtemps des répercussions
majeures sur l'ensemble de la région.
1845
La
répression brutale d'une manifestation anti-magyarins
menée par l'armée contre des sympathisants
du parti populaire fait 16 morts : les "victimes
de Juillet".
1847
Le
latin supplanté. Le croate devient la langue
officielle au Sabor, après des
siècles dusage du latin, choisi notamment pour
mieux résister aux tentatives d'y instaurer l'usage
du hongrois ou de l'allemand.
Du
printemps des peuples à la Grande Guerre
1848
Le
printemps des peuples. Le principe des nationalités
et les idées libérales issues de la Révolution
française gagnent l'Europe centrale, où
comme à Paris, des révolutions éclatent,
de Berlin à Naples, de Prague à Pest :
c'est le "printemps des peuples", fatal à
l'autoritaire chancelier Metternich à Vienne.
Le
Sabor modernisé. A Zagreb, une Assemblée
populaire réclame la réunification et
l'autonomie des terres croates, et l'enseignement en
croate. A peine nommé ban de Croatie par l'empereur,
Josip Jelacic transforme en assemblée moderne
le Sabor, qui était jusqu'alors réservé
aux nobles, et abolit la corvée et le servage.
Il fonde un gouvernement autonome, récuse la
tutelle hongroise sur la Croatie et rallie la cause
de l'austroslavisme, prônant la transformation
de la Double Monarchie en fédération
de peuples égaux en droits. Le gouvernement
hongrois, à Pest, s'y oppose.
Le
ban Jelacic et la révolution hongroise. Les
tensions hungaro-croates étant à leur
comble, Jelacic pénètre en Hongrie, à
la tête de 40 000 hommes. Mais tandis que
Vienne est en proie à une insurrection, l'empereur
le nomme commandant militaire suprême de Hongrie :
ainsi, du porte-drapeau du combat politique croate,
il devient subitement le bras prolongé de l'empereur,
rétablissant le calme à Vienne et mettant
en déroute l'armée hongroise. Cependant,
malgré la loyauté de Jelacic, l'empereur
n'accédera pas aux revendications politiques
croates.
1851
Absolutisme
impérial. Afin de modérer les aspirations
révolutionnaires encore vivaces, lempereur François-Joseph
Ier (1848-1916) de Habsbourg suspend lordre constitutionnel
et instaure une administration absolutiste quil
confie au chancelier Bach. Celui-ci met en place une
représentation impériale qui se substitue en Croatie
à lautorité du ban, supprime les privilèges de
la noblesse et abolit les provinces historiques. Le
tricolore croate est interdit,
la censure rétablie, l'allemand imposé
dans l'administration et l'enseignement secondaire.
En
1860, les défaites autrichiennes face aux troupes
franco-piémontaises ont finalement raison de
« labsolutisme de Bach » et conduisent
lempereur à revenir à lordre
ancien et à restaurer la Constitution. Le ban
Josip Sokcevic rétablit le croate comme langue
officielle. S'ouvrent alors deux décennies de
libéralisme politique.
1861
Le
Sabor confirme la décision de 1848 abrogeant
les liens unissant la Croatie à la Hongrie,
excepté ceux subsistant par la personne du roi,
et proclame la souveraineté du royaume de Croatie.
Il est dissous par Vienne, qui entérine néanmoins
la scission hungaro-croate.
Création
du Parti
du droit dAnte Starcevic qui prône la réunification
de tous les « pays croates », Bosnie comprise,
et la création d'un Etat indépendant.
1863
Création
en Croatie du Parti populaire indépendant d'Ivan
Mazuranic, partisan d'un rapprochement avec Vienne
et d'une réorganisation fédérale
de la Monarchie, où la Croatie jouirait d'une
autonomie similaire à celle de la Hongrie.
1866
Strossmayer,
le visionnaire. Lévêque croate de Djakovo,
Josip J. Strossmayer, élabore le premier programme
dunification des Slaves du Sud de la Monarchie
sous lappellation, alors inédite, de « yougo-slave »
(sud-slave) et fonde à Zagreb lAcadémie
croate quil baptise Académie yougoslave des
sciences et des arts.
1867
Naissance
de l'Autriche-Hongrie. L'accord austro-hongrois
rééquilibre le rôle de la Hongrie (Transleithanie)
au sein de lempire dAutriche (Cisleithanie)
en donnant naissance à la Double Monarchie dAutriche-Hongrie.
Ainsi l'empereur cherche-t-il à consolider son
pouvoir, affaibli par plusieurs revers militaires.
L'instauration du dualisme met un coup d'arrêt
aux projets fédéralistes ou "trialistes",
ces derniers prônant l'instauration d'une troisième
entité pour les Slaves du Sud. La Croatie est
abandonnée à la Hongrie, mais pas la
Dalmatie, façade méditerranéenne
de l'empire, qui demeure autrichienne, Vienne redoutant
de voir se renforcer la partie hongroise de la Monarchie...
1868
Compromis
hungaro-croate. Dès lannée
suivante, craignant pour son autonomie, la Croatie
parvient à son tour à conclure un accord
séparé avec la Hongrie (Nagodba) par
lequel est réaffirmé son statut particulier
vis-à-vis de Budapest, dans le cadre du royaume de
Hongrie-Croatie. Néanmoins, la Croatie voit
son autonomie financière réduite ce qui
suscite une forte contestation.
1871
Échec
de linsurrection de Rakovica, non loin de Plitvice,
menée par le patriote Eugen Kvaternik dans lintention
de provoquer un soulèvement populaire dans les
Confins militaires, avec l'espoir d'instaurer une Croatie
indépendante. Celui-ci est tué au cours
de la répression par les troupes impériales.
1873
Ivan
Mazuranic devient le premier roturier à accéder
à la dignité de ban de Croatie. Homme de
lettres, il s'attelle à moderniser la Croatie,
notamment en instaurant l'école laïque obligatoire
et en fondant, en 1874, l'Université croate moderne.
Zagreb compte alors 40 000 habitants, tandis qu'est inaugurée
la voie ferrée Vienne-Budapest-Zagreb-Rijeka,
débouchant sur l'Adriatique.
1878
Congrès
de Berlin. Le Congrès de Berlin entérine
le retrait turc des Balkans ainsi que la défaite
russe. Trois nouveaux royaumes indépendants
voient le jour : la Roumanie, la Serbie et le
Monténégro. La Bosnie-Herzégovine est,
quant à elle, occupée par lAutriche-Hongrie
après l'insurrection croate en Herzégovine.
1881
Conséquence
du reflux ottoman, les Confins militaires sont abolis.
Après deux siècles et demi d'administration
séparée, Croatie militaire et Croatie
civile sont de nouveau réunifiées.
1883
Magyarisation.
La nomination du Hongrois Khuen Hedervary pour ban
de Croatie (1883-1903) marque la fin de deux décennies
de "libéralisme doré" et le
début d'une implacable politique de magyarisation.
A celle-ci s'ajoute une politique d'antagonisation
délibérée des Croates et des Serbes
de Croatie, qui constituent alors près d'un
quart de la population. En quelques décennies,
500 000 Croates sont poussés à l'exil,
notamment vers le Nouveau monde.
1894
Création
du parti socialiste croate.
1895
Violentes
manifestations anti-hongroises à Zagreb en réaction
à la répression de Herdervary.
1903
Trumbic
et Supilo. Tandis que la crise du dualisme secoue
lAutriche-Hongrie, les hommes politiques croates
Ante Trumbic et Frano Supilo lancent la politique du « Nouveau
cap ». : au lieu de continuer à s'appuyer
sur lAutriche face à la Hongrie, lopposition
croate engage des consultations avec lopposition
magyare et les partis serbes en Croatie.
1904
Le
parti paysan des frères Radic. Les frères
Radic créent le Parti populaire paysan croate. Il sera
plus tard, en 1918, rebaptisé Parti paysan républicain
croate, avant de simplement devenir, en 1925, le Parti
paysan croate (HSS).
A l'époque, 80 % de la population vit dans
les campagnes.
1905
La
coalition croato-serbe (HSK) réunissant plusieurs partis
politiques croates et serbes de Croatie milite pour
lunion et lautonomie de tous les Slaves
du Sud de la Monarchie (Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine
et Voïvodine). Elle remportera les élections de
1906.
1908
Annexion
de la Bosnie. LAuriche-Hongrie annexe la
Bosnie-Herzégovine, ce qui contrarie les visées expansionnistes
du royaume de Serbie à l'égard de cette
province. Néanmoins, cela a pour effet de réunir
tous les Croates au sein de l'empire et d'encourager
à Zagreb le projet "trialiste". Celui-ci
vise alors à rééquilibrer le dualisme
austro-hongrois par l'affranchissement de toute tutelle
sur les Slaves du Sud (pays slovènes, Royaume
de Croatie-Dalmatie, Bosnie-Herzégovine et Voïvodine).
1910
A
la veille de la Première Guerre mondiale, l'Autriche-Hongrie
compte 51 millions d'habitants. Les Allemands (23,4%)
et les Hongrois (19,6), représentent moins de
la moitié de la population, tandis que les peuples
slaves (Tchèques, Slovaques, Polonais, Slovènes,
Croates, Serbes) en forment près de 48 %;
quant aux Croates, ils sont quelque 3 millions (5,7 %).
Seul terre héréditaire slave de l'Empire
austro-hongrois reconnue comme royaume, la Croatie jouit
alors d'un statut particulier.
1913
Coalition
croato-serbe. La coalition croato-serbe (HSK) remporte
de nouveau les élections en obtenant 48 sièges
sur 86.
1914
Lattentat
de Sarajevo. Perpétré contre le prince héritier
François-Ferdinand de Habsbourg par le jeune
nationaliste serbe Gavrilo Princip, il déclenche la
Première Guerre mondiale lorsque l'Autriche entre en
guerre contre la Serbie. La Croatie se retrouve du
côté autrichien.
1915
Comité
yougoslave. Une vingtaine dhommes politiques
slovènes, croates et serbes en exil fondent le Comité
yougoslave en vue de la création dun État yougoslave
commun, qui verrait le jour à l'issue de la
guerre. En échange de son ralliement à lEntente,
lItalie se voit promettre tout le littoral croate
(Convention secrète de Londres). Quant aux reste
des territoires sud-slaves, Belgrade les revendique
au titre de son alliance avec les puissances de l'Entente.
1916
Fédération
sud-slave. Lors de la session plénière
du Comité yougoslave réunie à Paris,
F. Supilo expose son projet du futur Etat yougoslave devant
naître sur les décombres de l'Autriche-Hongrie :
une fédération entre les anciens pays
sud-slaves de la Monarchie (pays slovènes, Royaume
de Croatie-Dalmatie, Bosnie-Herzégovine et Voïvodine)
avec pour capitale Zagreb, et le Royaume de Serbie,
avec pour capitale Belgrade. La Serbie dénonce
le projet.
1917
Déclaration
de Corfou. La Déclaration de mai réclame
l'instauration d'un Etat sud-slave dans le cadre de
la Monarchie austro-hongroise.
L'entrée en guerre des Etats-Unis de Wilson
(défenseur du droit à l'autodétermination
des peuples), et l'effondrement sous les coups de la
révolution d'Octobre de la Russie tsariste,
protectrice de Belgrade, pousse le Premier ministre
serbe, Nikola Pasic, à négocier avec
le Comité yougoslave : le 20 juillet,
est adoptée la Déclaration de Corfou
prévoyant la création d'un "Royaume
des Serbes, Croates et Slovènes" établi
comme "monarchie constitutionnelle, démocratique
et parlementaire, sous le sceptre des Karadjordjevic".
Au seuil de la Grande Guerre. Parallèlement
à cela, alors que la défaite de la Triplice
est désormais inévitable, l'empereur
autrichien se résigne à accepter le trialisme.
Mais il est trop tard pour réformer l'empire
et sauver l'Autriche-Hongrie qui perd la guerre et
sera démembrée par les traités
de Versailles.