15/04/2004
SÉNAT
Miomir
Zuzul rencontre le groupe d'amitié France-Croatie
A
l'occasion de la venue à
Paris du chef de la diplomatie croate, Miomir Zuzul, le sénateur
Alain Gérard, président du Groupe d'amitié
France-Croatie au Sénat, a présidé un déjeuner
de travail donné en l'honneur de la délégation
croate. Hormis
plusieurs membres du groupe d'amitié, parmi lesquels les
sénateurs Xavier de Villepin et Robert del Picchia, vice-président
de la Commission des Affaires étrangères, le déjeuner
a réuni plusieurs diplomates et personnalités françaises
ou franco-croates. Il a été l'occasion pour les
membres du groupe d'amitié d'interroger le ministre croate
des affaires étrangères sur de nombreux sujets,
et notamment sur les perspectives croates d'adhésion à
l'Union européenne.
Discours
de M. Alain GÉRARD, sénateur,
président du groupe d'amitié France-Croatie au Sénat
pour ouvrir le déjeuner du 15 avril 2004
donné en l’honneur de
M. Miomir ZUZUL, Ministre des affaires étrangères
de la République de Croatie
-
Paris, le 15 avril 2004 -
Monsieur
le Ministre,
Messieurs les Ambassadeurs,
Messieurs les Députés,
Chers Collègues,
Chers Amis français et croates,
Il me revient l’honneur de vous accueillir dans les Salons
du Président du Sénat et en son nom pour un
déjeuner de travail, mais qui n’en est pas moins
paré d’un caractère exceptionnel puisque c’est
la première fois que nous avons le plaisir de recevoir
au Sénat un membre du gouvernement
croate.
Vous
savez tous ici que le thème de notre réunion est
la future adhésion de la Croatie à l’Union
européenne et nous sommes impatients d’entendre Monsieur
ZUZUL nous dresser le tableau de la Croatie nouvelle se préparant
aux négociations d’entrée. Mais avant toute
chose, je rappellerai le calendrier :
-
le 21 février
2003, la Croatie a fait acte officiel de candidature à
l’Union européenne ;
-
aujourd’hui nous attendons l’avis
de la Commission sur cette candidature. Nous savons que cet
avis est rédigé, qu’il subit encore quelques
retouches mais que sa publication est imminente. Je crois que
nous pouvons parler aujourd’hui de l’atmosphère
qui entoure cet avis et de l’évolution positive des
esprits depuis que sa rédaction a été entamée
;
-
si l’avis est rendu ce printemps et s’il est positif,
ce que nous espérons, il faudra alors compter au minimum
trente mois de négociations, de passage au crible, comme
nous disons en français de Bruxelles. Je vous dis tout
de suite que c’est un moment difficile pour le candidat
et vous pourrez compter sur nous, Monsieur le Ministre, pour vous
réconforter dans les moments de découragement ;
-
enfin, les négociations terminées, nous serons déjà
en 2007 et l’adhésion se profilera pour 2007 ou 2008.
C’est
donc le calendrier idéal si aucune embûche ne se
rencontre en chemin. Le monde est fébrile, l’Europe
des 25 est une aventure délicate et un cap difficile à
passer et enfin les gouvernements des démocraties sont
plus vulnérables que les autres. Mais restons optimistes.
D’ailleurs,
je souhaite placer ce déjeuner sous le signe de l’optimisme
et à cet optimisme (qui n’est pas béat), je
trouve au moins trois raisons :
1°)
La Croatie s’est relevée des affres de la guerre
; elle s’est tournée résolument vers l’Europe
et la situation générale du pays est bonne. Le récent
changement de majorité
politique montre également que la démocratie y est
stable puisqu’elle s’accommode – comme il est
normal – de l’alternance
;
2°)
L’opinion croate aspire à l’intégration
européenne, c’est-à-dire à rejoindre
une Europe historique dont elle n’aurait jamais dû
être détachée. Le pays se définit d’ailleurs,
non sans pertinence, comme « la façade méditerranéenne
de l’Europe centrale » ;
3°)
La Croatie est revenue dans le concert des Nations ; avec habileté,
la Croatie a renoué les liens avec ses voisins et revient
sur la scène européenne. Si l’on regarde simplement
ce qui se passe entre nos deux pays, on ne peut que se réjouir
que le Président de la République croate, M. MESIC,
ait rencontré le Président CHIRAC cinq
fois en quatre ans, que nous, Sénateurs, ayons été
reçus très généreusement en
Croatie l’année même où le groupe
France-Croatie était créé au Sénat.
Enfin, à Paris, la Croatie a un visage familier grâce
à votre remarquable ambassadeur, Son Excellence M. GAGRO,
et à son équipe dynamique.
Je
tiens aussi à saluer le dynamisme déployé
par notre Ambassadeur, Son Excellence M. BELLANGER, aussi bien
à Zagreb qu’à Paris, pour sensibiliser les
milieux politiques, économiques et culturels sur l’intérêt
de renforcer nos partenariats et notre présence sur place.
Vous
me permettrez de les remercier l’un et l’autre publiquement
ici pour leur dévouement à la cause croate et l’efficacité
de leurs interventions.
Cet
ensemble de raisons me permettent d’être optimiste
et de lever mon verre pour célébrer la renaissance
de la Croatie qui, ce printemps, se matérialise à
Paris grâce aux belles affiches annonçant la Renaissance
en Croatie. Encore une fois, nous sommes heureux que l’Histoire
nous ait rendu nos amis croates.
Vive
la Croatie ! Vive l’amitié franco-croate !
Discours
de M. Miomir ZUZUL,
Ministre des Affaires étrangères de la République
de Croatie,
à l'occasion du déjeuner offert au Sénat
par le Sénateur Alain GÉRARD,
président du Groupe interparlementaire France-Croatie
– jeudi 15 avril 2004 –
(seul
le texte prononcé fait foi)
Monsieur le Président du groupe interparlementaire,
Monsieur le Vice-Président de la Commission des Affaires
étrangères,
Messieurs les Sénateurs,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis français et croates,
Permettez-moi tout d’abord de vous exprimer toute ma gratitude
pour votre chaleureux accueil. Je suis très honoré
d'être aujourd'hui votre invité dans ces somptueux
salons de la Présidence du Sénat, chargés
de mémoire et d’histoire. Ceux-là mêmes
qui, grâce à vous, Monsieur le Président,
nous ont fait l’amitié d’accueillir, en juin
dernier, la célébration de la Fête
nationale croate, la première du genre au Sénat,
placée qui plus est sous le haut patronage de son président,
M. Christian Poncelet. Je veux ici vous en remercier.
Vous y aviez vu un symbole : « Le Sénat de la
France entend ainsi saluer le retour de la Croatie à sa
place de nation souveraine dans l’Europe », disiez-vous
alors, et d’ajouter : « Aujourd’hui, nous
vous accueillons au Sénat et demain nous vous accueillerons
dans l’Europe élargie où vous avez naturellement
votre place ». J’y vois pour ma part le signe
d’une amitié grandissante.
S’étant portée candidate à l’adhésion
à l’Union européenne en février 2003,
la Croatie n’a, depuis, pas ménagé ses efforts
visant à lui permettre de la rejoindre d’ici quelques
années. Dans quelques jours, la Commission européenne
rendra son avis qui devrait,
nous le croyons, être positif et aboutir à ce que
le Conseil européen nous accorde bientôt le statut
de candidat officiel, peut-être même avant l’été.
Cela ouvrirait alors la voie au début des négociations
d’adhésion, que nous espérons entamer avant
la fin de cette année. Réalistes, nous estimons
pouvoir les clore en moins de trois ans.
La Croatie s’est en effet profondément transformée
ces dernières années et le rythme des réformes
s’accélère encore. Vous savez néanmoins
qu’au lendemain de sa transition démocratique, la
Croatie a subi, en 1991
et six mois durant une guerre brutale qui s’est soldée
par l’amputation d’un quart de son territoire. Après
quatre années de statu quo, ces territoires ont été
libérés en quatre jours en 1995 par une opération
militaire limitée et victorieuse. Mettant un terme à
la guerre, elle a ouvert la voie à la stabilisation de
la région, à la reconstruction et à la consolidation
de notre jeune démocratie. Cette période a inévitablement
laissé des séquelles, que nous nous efforçons
chaque jour d’estomper, qu’il s’agisse du retour
des réfugiés, de la reconstruction ou du statut
des minorités. Et nos résultats parlent d’eux-mêmes.
Pratiquement tous les réfugiés
qui ont souhaité retourner chez eux sont aujourd’hui
rentrés, soit plus de 320 000 personnes, dont un tiers
sont des Serbes de Croatie. Moins d’un dixième de
ce nombre, autant de Croates que de Serbes, sont encore en instance
de retour. Ce chapitre devrait être clos d’ici la
fin de l’année. Pour parvenir à ce résultat
sans égal dans la région, la Croatie a reconstruit
plus de 125 000 unités d’habitation et engagé
des sommes colossales depuis dix ans : 25 milliards de kunas
depuis 1992, soit plus de 3 milliards d’euros, dont les
neuf dixièmes proviennent des seules caisses de l’État.
Parallèlement, la Croatie n’a cessé de renforcer
ses normes démocratiques. Elle a ainsi complété
son arsenal juridique en faveur des minorités
en adoptant en 2002 une Loi constitutionnelle leur garantissant
notamment une représentation proportionnelle au Parlement
et qui, à certains égards, va au-delà des
standards européens en la matière. Vous vous en
êtes d’ailleurs fait l’écho dans l’excellent
rapport de la mission parlementaire
que vous avez conduite en Croatie, et je vous en félicite.
Le soutien que les représentants des minorités apportent
au gouvernement croate témoigne de la coopération
constructive et du climat de confiance qui s’est désormais
instauré.
Bien que la Croatie ait dû mener une guerre juste car défensive,
elle ne prétend pas que des crimes n’aient pu flétrir
son noble combat pour la défense de sa liberté.
Aussi mon pays est-il d’autant plus résolu à
poursuivre sa bonne coopération avec le Tribunal pénal
international de La Haye qu’il fut le premier, dès
1991, à en réclamer l’instauration.
Si j’ai tenu à évoquer les suites du conflit
c’est aussi pour mieux me tourner vers l’avenir. Car
tout en pansant ses plaies, la Croatie a depuis longtemps le regard
fixé en direction de l’Europe.
Malgré les handicaps qu’il a dû surmonter,
notre pays enregistre notamment sur le plan économique
des résultats prometteurs qui le placent d’ores et
déjà aux côtés de nouveaux membres
de l’Union élargie : un PIB/habitant de 5 500 euros
avec un pouvoir d’achat moyen avoisinant les 40% de la moyenne
des Quinze, une croissance annuelle moyenne de 3,8% sur les huit
dernières années, une inflation maîtrisée
(2,1% en 2003), un déficit budgétaire modéré,
des investissements étrangers cumulés depuis 1996
excédant les 7 milliards d’euros. Enfin, le PIB de
la Croatie équivaut à lui tout seul aux PIB conjugués
de nos quatre voisins méridionaux : Bosnie-Herzégovine,
Serbie-et-Monténégro, Macédoine et Albanie.
L’essor du tourisme, avec près de 8 millions de visiteurs
la saison passée est pour nous un gage de stabilité
et de sécurité, et vient soutenir ce dynamisme économique.
Ces progrès, accompagnés d’une accélération
des réformes démocratiques, ont été
salués par l’Union européenne et en particulier
par la France. Dès 2000, le Sommet
de Zagreb réuni à l’initiative de la présidence
française de l’Union a été pour nous
synonyme d’un rapprochement accéléré
avec l’UE, formalisé par l’Accord de Stabilisation
et d’Association que nous avons signé
l’année suivante. Lors de sa visite
en 2001 à Zagreb, le président Chirac nous a assuré
du soutien de la France, et nous l’a, depuis, renouvelé
à maintes reprises – et encore dernièrement
en se prononçant en
faveur de la candidature de la Croatie. Nous confortant dans
nos efforts, le chef de la diplomatie française a, pour
sa part, clairement redit en juin dernier au Sommet de Thessalonique
que chacun des pays candidats devait « avancer à
son rythme vers l’Europe ».
Aux côtés de la diplomatie traditionnelle, qui reste
l’apanage du pouvoir exécutif, je voudrais ici saluer
le représentant de la diplomatie parlementaire que vous
êtes, Monsieur le Président, à la tête
du groupe d’amitié France-Croatie et vous remercier
de votre engagement, auquel nous sommes très sensibles.
Ce soutien de la France nous réjouit d’autant plus
qu’il s’inscrit dans une Europe, communauté
de destin, que nous sommes en train de construire et à
laquelle la Croatie souhaite apporter sa pierre. Certes, l’histoire
du XXe siècle a un temps freiné les échanges
entre nos deux peuples, en dépit de notre attachement spirituel
ininterrompu à l’Europe et malgré les épisodes
historiques que nous avons partagés : des Anjou
sur le trône croate au XIVe siècle aux Provinces
illyriennes de Napoléon qui ont fait germer en Croatie
les idéaux de liberté portés par la Révolution
française. En dotant nos relations d’un cadre politique,
l’indépendance de la Croatie leur a redonné
un souffle nouveau. Il faut s’en féliciter.
Nous autres Croates, qui avons souffert dans notre chair il n’y
a pas si longtemps, nous souhaitons contribuer à l’édification
d’une Europe de paix et de prospérité. Nous
souhaitons que le nouvel élan que nous y puisons entraîne
à son tour nos voisins méridionaux dans notre sillage,
car nous partageons avec la France les mêmes valeurs et,
je le crois, une même vision de l’Europe, unie dans
sa diversité. Aussi, chers amis Français, je veux
vous dire la joie et l’espoir de la Croatie devant cette
aventure. Celle de la réunification européenne qui
dessine notre horizon depuis tant de siècles et à
laquelle nous nous joignons désormais : dans deux semaines
l’Union arrive à nos portes. Puisse cela nous encourager
à renforcer encore notre coopération, sous toutes
ses formes !
Permettez-moi, Monsieur le Président, et devrais-je dire
cher Ami, de lever mon verre à l’amitié croato-française
et au rapprochement entre nos deux peuples.
Vive la France ! Vive la Croatie ! Vive l’Union européenne
!
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